LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, qui est recevable :
Vu l'article L. 225-44 du code de commerce, ensemble l'article 1371 du code civil ;
Attendu que M. X..., qui était administrateur de la société Map's depuis 1993, a conclu avec celle-ci, le 1er septembre 1998, un contrat de travail lui attribuant les fonctions de chef de chantier ; qu'il a été licencié le 3 novembre 2005 pour motif économique, à la suite de la liquidation judiciaire de la société ; qu'il a saisi le juge prud'homal pour être reconnu créancier de salaires et d'indemnités de rupture, le liquidateur judiciaire formant une demande reconventionnelle en restitution des salaires perçus par l'intéressé depuis 1998 ;
Attendu qu'après avoir constaté la nullité du contrat de travail et ordonné la restitution des salaires versés par la société, la cour d'appel a reconnu M. X... créancier d'une indemnité de même montant au titre d'un enrichissement sans cause et ordonné la compensation de ces créances, aux motifs qu'il ressortait des éléments du dossier et notamment d'attestations concordantes que M. X... n'exerçait en réalité aucune fonction liée à son mandat social et consacrait la totalité de son temps de travail à l'exécution, dans un rapport de subordination, des tâches purement techniques attachées à la qualification de chef d'équipe, en contrepartie desquelles il était rémunéré, qu'il doit en conséquence être indemnisé de l'activité profitable ainsi déployée pour le compte de l'entreprise et que, compte tenu de l'exécution à temps complet de cette activité, cette indemnité doit être fixée à un montant équivalent aux salaires qui lui ont été versés ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'un administrateur en fonction ne peut percevoir aucune autre rémunération que celles autorisées par l'article L. 225-44 du code de commerce, en sorte qu'une action pour enrichissement sans cause, qui présente un caractère subsidiaire, se heurte en ce cas à un obstacle de droit, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et attendu qu'en application de l'article 627 du code de procédure civile, la Cour est en mesure, en cassant sans renvoi, de mettre fin au litige par application de la règle de droit appropriée ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a reconnu M. X... créancer d'une indemnité, venant en compensation de la créance de restitution de la société, l'arrêt rendu le 6 mai 2008, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi de ce chef ;
DEBOUTE M. X... de ses demandes ;
Le condamne aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du cinq novembre deux mille neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils pour Mme Christine Y..., ès qualités.
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR fixé la créance indemnitaire de Monsieur X... dans la procédure collective de la société Map's à la somme de 97.761,30 euros qui sera inscrite sur l'état des créances déposé au greffe du tribunal de commerce conformément aux dispositions de l'article L. 621-129 du code du commerce et ordonné la compensation entre les créances respectives des parties ;
AUX MOTIFS QU‘aux termes de l'article L. 225-44 du code du commerce, « sous réserve des dispositions de l'article L. 225-22 et de l'article L. 225-
27, les administrateurs ne peuvent percevoir de la société aucune rémunération, permanente ou non, autre que celles prévues aux articles L. 225-45, L. 225-46, L. 225-47 et L. 225-53 ; toute clause statutaire contraire est réputée non écrite et toute décision contraire est nulle » ; qu'il résulte de ce texte que le contrat de travail consenti à un administrateur en fonction est nul, de nullité absolue, sans qu'il y ait lieu de s'attacher à l'étendue du mandat ou aux conditions dans lesquelles il est exercé ; que si en conséquence de cette nullité les rémunérations versées au titre de l'exécution du contrat doivent donner lieu à restitution, l'administrateur, qui a par ailleurs exercé des fonctions techniques, profitables à l'entreprise, dans un rapport de subordination, peut toutefois prétendre, sur le fondement de la théorie de l'enrichissement sans cause, à une indemnisation au titre des prestations qu'il a fourni ; qu'à la date de souscription du contrat de travail (1er septembre 1998), Monsieur X... était administrateur de la société Map's pour avoir été nommé à ces fonctions le 30 novembre 1993 ; que le contrat de travail est donc nul et, à raison de cette nullité, Monsieur X..., qui ne peut prétendre aux salaires ou indemnités susceptibles d'être dus au titre de l'exécution et de la rupture du contrat, doit restitution des salaires qui lui ont été versés, pour un montant, non contesté, de 97.761,30 euros ; qu'il ressort des éléments du dossier et notamment des attestations produites que Monsieur X... n'exerçait en réalité aucune fonction liée à son mandat social et consacrait la totalité de son temps de travail à l'exécution, dans un rapport de subordination, des tâches purement techniques attachées à sa qualification de chef d'équipe poseur, en contrepartie desquelles il était rémunéré ; qu'il doit par conséquent être indemnisé de l'activité profitable ainsi déployée pour le compte de l'entreprise et, compte tenu de l'exécution à temps complet de cette activité, cette indemnité doit être fixée à un montant équivalent aux salaires qui lui ont été versés en contrepartie des prestations techniques qu'il a fourni ; qu'il convient dans ces conditions de condamner Monsieur X... au remboursement, à hauteur de la somme de 97.761,30 euros, des salaires qui lui ont été versés au titre de l'exécution de son contrat de travail frappé de nullité, de fixer la créance indemnitaire de celui-ci, au titre des prestations effectuées pour Ie compte et dans l'intérêt de l'entreprise, à la même somme de 97.761,30 euros, et d'ordonner la compensation entre les créances respectives des parties ;
1°) ALORS QU'aux termes de l'article L. 225-44 du code de commerce, l'administrateur d'une société anonyme ne peut recevoir de celle-ci aucune rémunération autre que celles prévues par les articles L. 225-45, L. 225-46, L. 225-47 et L. 225-53 ; qu'il ne peut fonder une demande d'indemnité pour le travail accompli au service de la société sur l'enrichissement sans cause de cette dernière, l'action de in rem verso ne pouvant être introduite pour suppléer une autre action qui se heurte à un obstacle de droit ; qu'en accordant à Monsieur X..., sur le fondement de la théorie de l'enrichissement sans cause, une indemnité équivalente aux salaires qui lui ont été versés en contrepartie des prestations techniques qu'il a fournies dans le cadre d'un contrat de travail déclaré nul, la cour d'appel a violé les articles L. 225-44, L. 225-45, L. 225-46, L. 225-47 et L. 225-53 du code de commerce ;
2°) ALORS QUE (subsidiairement) le jugement d'ouverture de la procédure de redressement ou de liquidation judiciaire emporte, de plein droit, interdiction de payer toute créance née antérieurement à ce jugement ; que, sauf créances connexes déclarées avant le jugement d'ouverture, le juge ne peut ordonner la compensation entre les dettes réciproques de la société en liquidation et de l'un de ses créanciers ; qu'en ordonnant la compensation entre les créances respectives de Monsieur X... et de Maître Y..., ès-qualités de mandataire liquidateur de la société Map's, sans constater la connexité de leurs créances respectives et la déclaration par Monsieur X... de sa créance avant le jugement d'ouverture, la cour d'appel a violé l'article L. 622-7 du code de commerce.