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04/11/2009 | FRANCE | N°08-18401

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 04 novembre 2009, 08-18401


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 16 novembre 2007) que la société Pitch promotion a signé avec la société Bagot un marché à forfait pour la réalisation de plusieurs lots relatifs au gros oeuvre de la construction d'un groupe d' immeubles d'habitation ; que l'inspection du travail ayant, en cours de chantier, imposé la mise en place d'échafaudages complémentaires qu'elle a réalisés, la société Bagot a sollicité le paiement de ces éléments et la prise en compte d'un délai supplémentair

e pour leur réalisation ainsi que celle de jours d'intempéries ;
Sur le secon...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 16 novembre 2007) que la société Pitch promotion a signé avec la société Bagot un marché à forfait pour la réalisation de plusieurs lots relatifs au gros oeuvre de la construction d'un groupe d' immeubles d'habitation ; que l'inspection du travail ayant, en cours de chantier, imposé la mise en place d'échafaudages complémentaires qu'elle a réalisés, la société Bagot a sollicité le paiement de ces éléments et la prise en compte d'un délai supplémentaire pour leur réalisation ainsi que celle de jours d'intempéries ;
Sur le second moyen du pourvoi principal :
Attendu que la société Bagot fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande de condamnation de la société Pitch Promotion à lui payer la somme de 47 218,08 euros TTC au titre des échafaudages complémentaires alors, selon le moyen, que lorsqu'un entrepreneur s'est chargé de la construction à forfait d'un bâtiment, il ne peut demander aucune augmentation de prix, ni sous prétexte de l'augmentation de la main d'oeuvre ou des matériaux, ni sous celui de changements ou d'augmentations, si ces changements ou augmentations n'ont pas été autorisés par écrit et le prix convenu avec le propriétaire ; que toutefois, lorsque les modifications apportées au marché initial bouleversent l'économie du contrat, celui ci perd son caractère forfaitaire, de sorte que l'entrepreneur est en droit de prétendre au paiement de ces travaux ; qu'en décidant néanmoins que la société Bagot ne pouvait prétendre au paiement d'une somme correspondant à la mise en place de l'échafaudage, au motif inopérant tiré de ce qu'elle avait l'obligation de mettre cet échafaudage en place afin de respecter les règles de sécurité, sans rechercher si ces modifications apportées au marché initial avaient entraîné un bouleversement de l'économie du contrat, de sorte que le marché avait perdu son caractère forfaitaire et que la société Bagot était en droit de prétendre au paiement des prestations supplémentaires qu'elle avait réalisées, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1793 du code civil ;
Mais attendu que la société Bagot n'ayant pas invoqué devant elle un bouleversement de l'économie du marché, la cour d'appel, qui a, par motifs propres et adoptés, relevé que les parties étaient liées par un marché à forfait, que les modifications en cause n'avaient pas été demandées par la société Pitch et qui n'était pas tenue de procéder d'office à une recherche qui ne lui était pas demandée, a légalement justifié sa décision de ce chef ;
Mais sur le premier moyen du pourvoi principal :
Vu l'article 1134 du code civil ;
Attendu que pour rejeter la demande de la société Bagot tendant à la prise en compte de jours d'intempéries dans le calcul des pénalités de retard, l'arrêt retient qu'elle ne justifie ni de demandes écrites adressées en temps utile à l'architecte ni d'une feuille d'intempéries présentée à sa signature et que ce non respect des prescriptions contractuelles lui interdit de réclamer une prolongation des délais, les intempéries n'ayant nullement été "dûment constatées" par l'architecte dans les conditions prévues à la convention ;
Qu'en statuant ainsi alors que l'absence de demande et de présentation d'une feuille d'intempéries en cours de travaux n'interdisait pas à la société Bagot de se prévaloir des jours d'intempéries constatés, en fin de chantier, lors de la liquidation des pénalités de retard, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et sur le moyen unique du pourvoi incident :
Vu l'article 1er du décret du 8 janvier 1965, alors applicable ;

Attendu que pour dire que la société Bagot peut prétendre à un crédit de vingt et un jours calendaires au titre des retards du chantier, l'arrêt retient que les prescriptions de l'inspection du travail ne constituent nullement un cas de force majeure, mais que rien n'interdit de les prendre en compte au titre des délais d'exécution comme fait externe au chantier, conformément aux dispositions de l'article 0.432 du CCAP ;
Qu'en statuant ainsi, alors que les conséquences de la méconnaissance par la société Bagot des règles de sécurité ayant provoqué l'intervention de l'inspection du travail ne constituaient pas un fait extérieur au chantier, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a dit que la société Bagot ne peut opposer à la société Pitch promotion les jours d'intempéries qu'elle invoque, et que la société Bagot peut prétendre à un crédit de vingt et un jours calendaires au titre des retards de chantier, l'arrêt rendu le 16 novembre 2007, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Laisse à chaque demandeur la charge des dépens afférents à son pourvoi ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre novembre deux mille neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits au pourvoi principal par la SCP Richard, avocat aux Conseils pour la société Bagot
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir dit que la Société BAGOT ne peut prétendre qu'à un crédit de 21 jours calendaires au titre des retards du chantier et qu'elle ne peut opposer à la Société PITCH PROMOTION les jours d'intempéries qu'elle invoque, puis d'avoir ordonné une mesure d'expertise avant dire-droit sur les comptes entre les parties ;
AUX MOTIFS QUE la contestation porte ensuite sur le nombre des jours d'intempéries à prendre en compte ; que le Tribunal a exactement considéré que "fa fiabilité des relevés officiels de la météorologie nationale ne saurait être mise en cause, pas plus que le caractère représentatif des relevés faits à l'aéroport de Melun où se trouve la station météorologique la plus proche du chantier ; que cependant, le Tribunal a pris en compte ces relevés produits par la Société BAGOT sans tenir compte des prescriptions contractuelles liant les parties à savoir l'article 0.431 du CCAP intitulé "prolongation des délais" "intempéries", invoqué par la société PITCH PROMOTION pour conclure au "rejet de toutes demandes au titre des retards pour intempéries" ; que cet article est ainsi rédigé : « En cas d'intempéries dûment constatées l'architecte aura qualité pour accorder, sur demande écrite des Entrepreneurs, des délais supplémentaires correspondant au retard du planning contractuel. Les critères d'intempéries seront les suivants :
- Pluie 10mm entre 8 et 18 heures - Vent 60 km/h - Gel Température prise sous abri ne dépassant pas 0° à l'heure de l'embauche du matin - Neige ou présence suffisante de verglas pouvant mettre en cause la sécurité du travail Une feuille d'intempéries devra être présentée à la signature de l'architecte » ; que si la Société BAGOT se prévaut des conditions météorologiques ainsi indiquées au contrat pour les confronter aux relevés qu'elle produit, elle ne justifie aucunement ni de demandes écrites adressées en temps utiles à l'architecte, ni d'une feuille d'intempéries présentée à sa signature ; que ce non-respect des prescriptions contractuelles, qui est directement à l'origine du litige, interdit à la société BAGOT de réclamer une prolongation des délais, les intempéries alléguées n'ayant nullement été "dûment constatées" par l'architecte dans les conditions prévues à la convention des parties ;
ALORS QU'aux termes de l'article 0.431 du Cahier des Clause Administratives Particulières, auquel renvoie le contrat de marché de travaux du 16 mars 2001, « en cas d'intempéries dûment constatées, l'Architecte aura qualité pour accorder, sur demande écrite des Entrepreneurs, des délais supplémentaires correspondant au retard du planning contractuel » ; qu'il en résulte que l'entrepreneur est en droit de se prévaloir d'un délai supplémentaire, dès lors que l'architecte a admis que les intempéries faisaient obstacle à l'exécution des travaux au cours de la journée considérée ; que si ce même article ajoute qu'« une feuille d'intempéries devra être présentée à la signature de l'Architecte », il n'en résulte pas pour autant que le défaut de signature de cette feuille ferait obstacle à la reconnaissance des jours d'intempéries expressément admis par l'architecte ; qu'en décidant néanmoins qu'à défaut de justifier de demande écrite adressée en temps utile à l'architecte, ni d'une feuille d'intempéries présentée à la signature de celui-ci, la Société BAGOT ne pouvait se prévaloir de jours d'intempéries, considérant ainsi implicitement que le décompte établi par l'architecte postérieurement à la fin du chantier et faisant état des journées d'intempéries ne pouvait être opposé à la Société PITCH PROMOTION, la Cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la Société BAGOT de sa demande tendant à voir condamner la Société PITCH PROMOTION à lui payer la somme de 47.218,08 euros TTC ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE le marché est forfaitaire ; que c'est à raison que le Tribunal a pris en compte les répercussions de la décision de l'inspection du travail, sous deux aspects :- Le premier pour juger que la société BAGOT n'était pas fondée à réclamer la somme de 47.218,08 euros TTC correspondant, à l'obligation de la mise en place d'un échafaudage.- Le second pour prendre en compte au titre des retards pris par le chantier une période de 21 jours calendaires et inscrire au crédit «le la société RAGOT ;que ces deux décisions ne sont nullement contradictoires, les prescriptions de l'inspection du travail ne constituent nullement un cas de force majeure ainsi que l'a jugé le Tribunal. niais rien dans les conventions des parties n'interdit de les prendre en compte au titre des délais d'exécution comme fait externe au chantier, ainsi que l'a fait l'architecte, conformément aux dispositions de l'article 0.432 du (CCAP) ;
ET AUX MOTIFS ADOPTÉS QUE tout intervenant est responsable de la sécurité du chantier qu'il conduit et que les prescriptions, et avals, à ce sujet du maître du d'ouvrage ou de toute personne qu'il peut avoir désignée à cet effet, ne saurait délier l'entreprise de sa responsabilité en matière de sécurité ;
ALORS QUE lorsqu'un entrepreneur s'est chargé de la construction à forfait d'un bâtiment, il ne peut demander aucune augmentation de prix, ni sous prétexte de l'augmentation de la main d'oeuvre ou des matériaux, ni sous celui de changements ou d'augmentations, si ces changements ou augmentations n'ont pas été autorisés par écrit et le prix convenu avec le propriétaire ; que toutefois, lorsque les modifications apportées au marché initial bouleversent l'économie du contrat, celui-ci perd son caractère forfaitaire, de sorte que l'entrepreneur est en droit de prétendre au paiement de ces travaux ; qu'en décidant néanmoins que la Société BAGOT ne pouvait prétendre au paiement d'une somme correspondant à la mise en place de l'échafaudage, au motif inopérant tiré de ce qu'elle avait l'obligation de mettre cet échafaudage en place afin de respecter les règles de sécurité, sans rechercher si ces modifications apportées au marché initial avaient entraîné un bouleversement de l'économie du contrat, de sorte que le marché avait perdu son caractère forfaitaire et que la Société BAGOT était en droit de prétendre au paiement des prestations supplémentaires qu'elle avait réalisées, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1793 du Code civil.

Moyen produit au pourvoi incident par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils pour la société Pitch promotion
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir dit que la société BAGOT pouvait prétendre à un crédit de 21 jours calendaires au titre des retards de chantiera
AUX MOTIFS QUE c'est à raison que le Tribunal a pris en compte les répercussions de la décision de l'inspection du travail, sous deux aspect : le premier pour juger que la société BAGOT n'était pas fondée à réclamer la somme de 47.218,08 correspondant à l'obligation de la mise en place d'un échafaudage. Le second pour prendre en compte au titre des retards pris par le chantier une période de 21 jours calendaires à inscrire au crédit de la société BAGOT ; que ces deux décisions ne sont nullement contradictoires, les prescriptions de l'inspection du travail ne constituent nullement un cas de force majeure ainsi que l'a jugé le Tribunal, mais rien dans les conventions des parties n'interdit de les prendre en compte au titre des délais d'exécution comme fait externe au chantier, ainsi que l'a fait l'architecte, conformément aux dispositions de l'article 0.432 du CCAP ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE pour ce qui concerne l'impact de la décision de l'inspection du travail, que l'architecte maître d'oeuvre a proposé au maître d'ouvrage d'accorder 3 semaines de délai supplémentaires à la société BAGOT et que faute de réponse du maître d'ouvrage celui-ci est réputé avoir accepté la proposition de son maître d'oeuvre ; que la société PITCH PROMOTION n'est donc pas fondée à imputer à la société BAGOT trois semaines de retard, soit 21 jours calendaires ;
1°) ALORS QUE la société PITCH PROMOTION rappelait que le Cahier des clauses administratives particulières, auquel renvoyait le contrat de marché de travaux, prévoyait que « chaque entrepreneur pour ce qui le concerne est tenu de prendre toutes dispositions afin d'assurer la sécurité du chantier » ; qu'en affirmant que l'injonction de l'inspection du travail de mettre en conformité le chantier aux règles de sécurité, adressée à la société BAGOT, caractérisait un fait externe au chantier, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si une telle décision ne trouvait pas sa cause dans la méconnaissance par l'Entrepreneur des règles de sécurité qu'il était contractuellement tenu de respecter, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du Code civil ;
2°) ALORS QU'il appartient à l'Entrepreneur de travaux publics de respecter les règles légales de sécurité ; qu'en affirmant que l'injonction de l'inspection du travail de mettre en conformité le chantier aux règles de sécurité, adressée à la société BAGOT, caractérisait un fait étranger à l'Entrepreneur quand elle trouvait sa cause dans la méconnaissance des règles légales s'imposant à lui, la Cour d'appel a violé l'article 1er du décret du 8 janvier 1965.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 08-18401
Date de la décision : 04/11/2009
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 16 novembre 2007


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 04 nov. 2009, pourvoi n°08-18401


Composition du Tribunal
Président : M. Lacabarats (président)
Avocat(s) : SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Richard

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2009:08.18401
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