LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rouen, 26 mars 2008), que, par un marché du 27 mars 1998, la société MRM, aux droits de laquelle se trouve la société Senalia Union, a confié à la société Torrione, assurée auprès de la société SMABTP, des travaux de renforcement des structures et de réfection des façades de ses silos ; qu'une mission de maîtrise d'oeuvre a été confiée à la société GAMM ingénierie, assurée auprès de la société CRAMA ; que la société Torrione a sous-traité les travaux d'enduit à la société CAP enduit plus, assurée auprès de la société Generali France ; que la société Vicat, assurée auprès de la société Axa Corporate Solutions, a fabriqué le produit utilisé ; que l'étude des structures béton armé des silos a été réalisée par la société Auclair, assurée auprès de la société Axa courtage et de la société Acte ; que la société Socotec est intervenue en qualité de bureau de contrôle ; que les travaux ont été réceptionnés le 23 avril 1999, avec effet au 29 mars 1999 ; que des fissurations et décollements d'enduits étant apparus, une expertise a été ordonnée ; que la société Senalia union a assigné les intervenants à l'acte de construire et leurs assureurs en indemnisation de ses préjudices ;
Sur le moyen unique :
Attendu que la société Senalia union fait grief à l'arrêt de dire que les désordres ne relèvent pas de l'article 1792 du code civil et de la débouter de ses demandes, alors, selon le moyen, que constitue un désordre actuel rendant l'ouvrage impropre à sa destination l'impossibilité d'utiliser ce dernier sans risques pour la sécurité des personnes et des biens, peu important l'incertitude concernant la date à laquelle ces risques surviendront, dès lors que leur réalisation est certaine ; qu'au cas d'espèce, la société Senalia union faisait valoir que selon les conclusions expertales, les fissurations et décollements d'enduits recouvrant les silos exposent le maître d'ouvrage à un risque certain de chutes de plaques d'enduit et d'épaufrures sur les voiles des cellules des silos, ce qui compromettait l'utilisation de l'ouvrage dans des conditions normales de sécurité pour le personnel et les tiers ; qu'en jugeant que le maître d'ouvrage ne pouvait solliciter réparation sur le fondement de la garantie décennale, au motif inopérant qu'on ne pouvait affirmer que les conséquences futures des désordres annoncées par l'expert surviendraient avec certitude dans le délai décennal, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1792 du code civil ;
Mais attendu qu'ayant relevé que les désordres étaient constitués par des fissurations accompagnées de décollements d'enduit, qu'au regard des constatations de l'expert, formulées pour les dernières en 2002, le tribunal statuant le 4 avril 2005, avait pu être amené à estimer qu'à bref délai l'ouvrage serait atteint dans sa solidité, mais que la société SMABTP faisait observer que l'on se situait près de neuf ans après la réception et qu'il n'était invoqué la survenance d'aucune dégradation annoncée par l'expert, que cet assureur versait aux débats des photographies des silos du 18 septembre 2007 desquelles il résultait qu'aucune mesure particulière n'avait été prise pour protéger les biens ou les personnes et que la société Senalia union ne fournissait aucun élément en sens contraire, la cour d'appel, qui a souverainement retenu, qu'à la date où elle statuait et compte tenu des éléments dont elle disposait, elle ne pouvait pas affirmer que les dommages visés par l'article 1792 du code civil surviendraient avec certitude dans le délai décennal, a légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Senalia union aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un octobre deux mille neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils pour la société Senalia union
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué, après avoir dit que les désordres ne relevaient pas de l'article 1792 du Code civil, D'AVOIR débouté la société SENALIA UNION de l'ensemble de ses demandes,
AUX MOTIFS QUE « nul ne conteste que les désordres sont constitués ainsi qu'il a déjà été dit, par des fissurations accompagnées de décollements d'enduit : ceci résulte aussi bien de l'avis de SARETEC, technicien consulté par le maître d'ouvrage, que du rapport de l'expert judiciaire qui a indiqué (p.31) être d'accord avec l'analyse de ce technicien ; que ce dernier, dans un courrier du 22 février 2000, avait indiqué que deux conséquences étaient à envisager : un risque de chute de plaques d'enduit dans un couloir de circulation et une altération voire une suppression de la protection au niveau des fissures de retrait des cellules ainsi que des aciers subaffleurants, ce qui compromettrait la solidité de l'ouvrage ; que l'expert judiciaire, après avoir, quant à lui, indiqué p.22 de son rapport, qu' « il est apparu rapidement que l'enduit actuel des cellules renforcées ne pouvait que se détériorer rapidement sous les effets combinés de l'humidité et du gel », conclut en ces termes (p.32) : « Le problème rencontré est à ce jour esthétique, mais il va se détériorer dans le temps entraînant alors des risques certains pour le personnel évoluant autour des silos. La solidité de l'ouvrage n'est pas dans un premier temps atteinte, mais dans un second temps, à long terme, une fois des plaques d'enduit effondrées, des risques d'épaufrures apparaîtront à nouveau sur les voiles des cellules ». ; qu'au regard de ces considérations formulées, pour les dernières en 2002, le Tribunal, statuant le 4 avril 2005, a pu être amené à estimer qu'à « bref délai », l'ouvrage serait atteint dans sa solidité ; mais que la SMABTP fait observer que l'on se situe désormais près de neuf ans après la réception et qu'il n'est invoqué la survenance d'aucune dégradation annoncée par l'expert judiciaire ; que la société SENALIA répond que les « dommages ne sont pas hypothétiques, mais actuels pour partie et futurs et certains pour une autre partie » et que le vice a été dénoncé judiciairement pendant la période de garantie ; que cependant cette dernière considération ne suffit pas ; qu'il est nécessaire que la juridiction puisse constater que l'atteinte à la destination de l'ouvrage ou à sa solidité interviendra dans le délai décennal ; or, qu'ainsi que le relève la SMABTP, le maître d'ouvrage ne prétend pas et encore moins ne démontre que les conséquences futures annoncées par l'expert se seraient, même partiellement, réalisées ; que cet assureur verse aux débats des photographies des silos du 18 septembre 2007 desquelles il résulte qu'aucune mesure particulière n'a été prise pour protéger les biens ou les personnes et la société SENALIA ne fournit aucun élément en sens contraire ;qu'il s'ensuit qu'à ce jour, compte tenu des éléments dont elle dispose, la Cour ne peut pas affirmer que les dommages visés par l'article 1792 du Code Civil surviendront avec certitude dans le délai décennal ; que le maître d'ouvrage ne peut en conséquence solliciter réparation sur le fondement de la garantie décennale » ;
ALORS QUE constitue un désordre actuel rendant l'ouvrage impropre à sa destination l'impossibilité d'utiliser ce dernier sans risques pour la sécurité des personnes et des biens, peu important l'incertitude concernant la date à laquelle ces risques surviendront, dès lors que leur réalisation est certaine ; qu'au cas d'espèce, la société SENALIA UNION faisait valoir que selon les conclusions expertales, les fissurations et décollements d'enduits recouvrant les silos exposent le maître d'ouvrage à un risque certain de chutes de plaques d'enduit et d'épaufrures sur les voiles des cellules des silos, ce qui compromettait l'utilisation de l'ouvrage dans des conditions normales de sécurité pour le personnel et les tiers ; qu'en jugeant que le maître d'ouvrage ne pouvait solliciter réparation sur le fondement de la garantie décennale, au motif inopérant qu'on ne pouvait affirmer que les conséquences futures des désordres annoncées par l'expert surviendraient avec certitude dans le délai décennal, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1792 du Code civil.