LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu qu'Hippolyte X... est décédé le 10 octobre 2001 en laissant pour lui succéder ses six enfants Colette, Mireille, Joëlle Yves, Guy et Alain ; que par acte notarié du 28 janvier 1998, il avait vendu à la société civile immobilière CMPB (la SCI) une maison avec terrain située à Aix en Provence, moyennant le prix de 1 600 000 francs payé comptant à hauteur de 500 000 francs et pour le surplus à charge d'une rente viagère annuelle de 120 000 francs ; qu'estimant que la vente avait en réalité été consentie à M. Alain X..., lequel possédait 20 % du capital de la SCI, le reste étant possédé par une société AFP dont il avait aussi des parts, Mme Colette X..., épouse Z... et M. Guy X... l'ont fait assigner, ainsi que la SCI et leurs autres frères et soeurs, pour obtenir, sur le fondement de l'ancien article 918 du code civil, le rapport à la succession de la valeur réelle du bien ;
Sur le moyen unique pris en sa 2e branche, ci-après annexé :
Attendu que Mme Z... et M. Yves X... font grief à l'arrêt attaqué (Aix en Provence, 2 avril 2008) d'avoir rejeté leur demande ;
Attendu que la présomption de gratuité édictée par l'article 918 du code civil dans sa version antérieure à la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006 ne s'applique qu'aux aliénations consenties à l'un des successibles en ligne directe ; qu'il s'ensuit que la cour d'appel a refusé à bon droit d'appliquer ce texte à la vente pour partie en viager d'un bien immobilier régulièrement consentie à une société civile immobilière, peu important que cette société ait pour associé un successible en ligne directe du vendeur décédé, dès lors que celle-ci ayant une personnalité juridique distincte, ladite opération n'avait pu avoir pour effet de rendre ce dernier propriétaire du bien ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le moyen unique pris en sa première et troisième branche :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ces griefs qui ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme Colette X... et M. Yves X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne Mme Colette X... et M. Yves X... à payer à M. Alain X... la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente septembre deux mille neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Peignot et Garreau, avocat aux Conseils, pour Mme X..., de M. X...
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir réformé le jugement rendu le 19 juin 2006 par le Tribunal d'AIX EN PROVENCE qui avait dit qu'en application de l'article 918 du Code civil, la vente consentie le 28 juin 1998 à Alain X... constituait une donation déguisée et que la valeur du bien devait être imputée sur la quotité disponible, et l'excédent rapporté à la masse et débouté Madame Colette X... épouse Z... et Monsieur X...,
AUX MOTIFS QUE selon l'article 918 du Code civil, la valeur en pleine propriété des biens aliénés à charge de rente viagère à l'un des successibles en ligne directe sera imputée sur la portion disponible et l'excédent, s'il y en a, sera rapporté à la masse ; qu'en l'espèce, le bien litigieux n'a pas été vendu par Hippolyte X... à l'un de ses successibles, mais à la SCI CMPB ; que si Monsieur Alain X... possède 20% du capital de cette société, elle n'en a pas moins une personnalité distincte ; que l'associé majoritaire en est la société AFP, au sein de laquelle Monsieur Alain X... qui n'a actuellement qu'une part sociale, avait à l'époque de la vente 50 parts sur 250 ; que l'on ne peut dans ces conditions considérer, alors qu'il apparaît clairement que l'acquisition de l'immeuble litigieux par la SCI CMPB n'a pu avoir pour effet de permettre à Monsieur X... de recevoir ce bien à titre gratuit, qu'il y a eu une interposition de personne pouvant rendre applicable l'article 918 du Code civil ; qu'en conséquence, la demande des intimés en rapport de la valeur de l'immeuble à la succession de Hippolyte X... par Monsieur Alain X... ne peut prospérer, sur le fondement de ce texte, et qu'il n'apparaît pas non plus, pour les mêmes motifs, que Monsieur Alain X... ait pu, en raison du montant prétendument dérisoire du prix, bénéficier personnellement d'une donation indirecte portant sur le bien litigieux et soumise au rapport, étant au surplus observé qu'il n'est nullement démontré que le prix convenu ne correspondait pas à la valeur du bien au moment de la vente,
ALORS, D'UNE PART, QUE les juges du fond doivent analyser, au mois sommairement les éléments de preuve sur lesquels ils se fondent de sorte qu'en considérant, pour exclure que la vente avait été consentie à Monsieur Alain X... par interposition de personne, qu'il ne détenait que 20% du capital de la SCI CMPB, les 80 % restant étant détenus par une société AFP au sein de laquelle il ne détenait que 50 parts sur 250 à l'époque de la vente, sans s'expliquer sur les éléments pris en considération pour retenir cette détention de seulement 50 parts de la société AFP, et ce quand bien même celui-ci s'était borné à soutenir qu'il n'en détenait plus qu'une depuis le 29 septembre 2006 (Concl. d'appel p. 13, § 4), et que Madame Colette X... épouse Z... et Monsieur Yves X... indiquaient, statuts à l'appui, qu'ils en détenait en réalité 233, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile,
ALORS, D'AUTRE PART, QUE l'article 918 du Code civil, qui institue une présomption irréfragable de gratuité et prévoit le rapport de la valeur en pleine propriété des biens objets d'une aliénation au profit d'un successible à charge de rente viagère, n'est pas écarté dans l'hypothèse ou l'acquéreur successible n'acquiert qu'une partie d'un bien par le biais d'une SCI si bien qu'en refusant toutefois d'en faire application, au motif que l'acquisition de l'immeuble par la SCI CMPB n'a pu permettre de recevoir ce bien à titre gratuit, après avoir constaté que par le biais de cette SCI CMPB, Monsieur Alain X... avait acquis 40% du bien litigieux (20% au titre des parts de la SCI et 20% au titre des 50 parts sur 250 détenues dans le capital de la société AFP), la Cour d'appel a méconnu, en violation de l'article 918 du Code civil, la présomption irréfragable qu'il institue ;
ALORS, ENFIN, QUE l'appréciation de la justesse du prix d'un bien vendu en viager implique de vérifier que la rente servie par l'acquéreur n'est pas dérisoire au regard des revenus tirés de ce bien de sorte qu'en retenant qu'il n'était pas démontré que le prix convenu ne correspondait pas à la valeur du bien au moment de la vente, sans répondre aux conclusions des exposants par lesquelles ils faisaient valoir qu'en raison des loyers procurés par le bien, la rente supportée par l'acquéreur était de seulement 1.500 francs par mois, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile.