LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Joint les pourvois n° A 08 10. 865 et M 08 10. 875 qui sont connexes ;
Sur le premier moyen du pourvoi M 08 10. 875, pris en sa première branche, qui est recevable :
Vu l'article 31 de la loi n° 91 650 du 9 juillet 1991 ;
Attendu que l'exécution d'une décision de justice exécutoire à titre provisoire n'a lieu qu'aux risques de celui qui la poursuit, à charge pour lui, si le titre est ultérieurement modifié, de restituer le débiteur dans ses droits et d'en réparer les conséquences dommageables ;
Attendu qu'un arrêt du 27 mars 1996 confirmant un jugement du 24 mai 1985 a homologué l'état liquidatif des successions de Léopold X... et Amélie Y... et ordonné, avec exécution provisoire, le versement par M. Z... d'une provision sur soulte à certains de ses co héritiers en raison des biens immobiliers qui lui ont été attribués par adjudication dans le cadre des opérations de licitation ; que la Cour de cassation (Civ, 1ère, 13 octobre 1998 Bull n° 302) a cassé cet arrêt au motif qu'il résultait du cahier des charges établi par les colicitants qu'aucune somme ne serait exigible tant que le partage ne serait pas intervenu ; que par arrêt du 11 septembre 2001, la cour d'appel de Grenoble, statuant sur renvoi, a ordonné la restitution par M. Z... des sommes reçues en vertu de l'exécution de la décision réformée, tant en principal qu'en intérêts moratoires, le tout avec intérêts au taux légal à compter de la signification de sa décision ; que la Cour de cassation (Civ, 1ère, 18 octobre 2005 pourvois n° 02 10. 608 et 02 10. 126) a cassé cet arrêt en ce qu'il a condamné M. Michel X... à restituer à M. Z... le montant des intérêts moratoires alloués sur les sommes versées en exécution du jugement de première instance pour violation de l'article 1153 du code civil au motif que les intérêts ainsi alloués à M. X... étaient destinés à compenser la privation de la jouissance de la somme d'argent à laquelle la décision de première instance, fût-ce de façon temporaire, lui donnait droit ;
Attendu que, pour condamner M. Z... à restituer à M. X... les intérêts alloués à celui ci sur les sommes versées en exécution du jugement de première instance, l'arrêt énonce que ces intérêts sont des intérêts moratoires et doivent rester acquis à M. X..., à titre de dommages intérêts, sanction de la non exécution du jugement ;
Qu'en statuant ainsi alors que l'infirmation du jugement emportait l'obligation de restituer l'ensemble des sommes versées en exécution de cette décision, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Attendu que cette cassation rend sans objet l'examen du second moyen et du pourvoi A 08 10. 865 ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné M. Z... à restituer à M. X... la somme de 136 053, 21 euros avec intérêts légaux à compter de la notification de la décision et ordonné la capitalisation des intérêts, l'arrêt rendu le 12 novembre 2007, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente septembre deux mille neuf.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyen produit au pourvoi n° A 08 10. 865 par la SCP Laugier et Caston, avocat aux Conseils pour M. X...
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné Monsieur Jean Z... à restituer à Monsieur X... la somme de 136. 053, 21, avec intérêts légaux à compter de sa notification ;
AUX MOTIFS QUE selon l'article 1153 du Code civil : « dans les obligations qui se bornent au paiement d'une certaine somme, les dommages-intérêts résultant du retard dans l'exécution ne consistent jamais que dans la condamnation aux intérêts au taux légal … Ils ne sont dus que du jour de la sommation de payer ou d'un autre acte équivalent …, excepté dans le cas où la loi les fait courir de plein droit » ; que le jugement, qui était assorti de l'exécution provisoire, a été exécuté le 8 avril 1994 en ce qui concerne le versement de la provision sur soulte et postérieurement, à différentes dates, en ce qui concerne les intérêts moratoires et calculés depuis la signification du jugement ; que, contrairement à ce qu'indique Monsieur Z..., la Cour d'appel de GRENOBLE a bien estimé que « la demande en restitution des intérêts moratoires versés au titre du retard apporté à l'exécution d'une décision de justice qui est infirmée est justifiée, ceux-ci étant privés du fondement de la condamnation prononcés à titre principal » (p. 14 de l'arrêt) et a bien ordonné, notamment à Monsieur X... de restituer à Monsieur Z..., les sommes qu'il a reçues de lui en exécution de la décision réformée, y compris les intérêts moratoires ; que Monsieur X... a exécuté la décision de la Cour d'appel ; que le retard à exécuter une décision de justice doit être réparé par le paiement d'intérêts légaux conformément aux dispositions de l'article 1153 du Code civil, indépendamment de la réformation par la Cour d'appel de la décision concernant la provision sur soulte ; que les intérêts courus sont des intérêts moratoires ; qu'ils devaient rester acquis à Monsieur X..., à titre de dommages-intérêts, sanction de la non exécution du jugement ; que Monsieur Z... doit donc restituer à Monsieur X... les intérêts moratoires, soit la somme de 136. 053, 21, avec intérêts légaux à compter de la notification de la présente décision ; que la Cour d'appel est saisie dans la limite de l'arrêt de cassation qui ne porte que sur la restitution du montant des intérêts moratoires ; qu'il ne lui appartient pas de statuer sur les autres demandes dont a été saisie la Cour d'appel de GRENOBLE en 2001 ;
ALORS QUE la partie, qui doit restituer une somme détenue en vertu d'une décision de justice exécutoire, n'en doit les intérêts au taux légal qu'à compter de la notification, valant mise en demeure, de la décision ouvrant droit à restitution ; que, dès lors, en relevant que l'arrêt de cassation, à la suite duquel elle avait été saisie, avait statué sur la restitution du montant des intérêts moratoires et en considérant néanmoins que les intérêts légaux sur ce montant étaient dus par Monsieur Z... à Monsieur X..., à compter de la notification de son arrêt de renvoi du 12 novembre 2007, et non à compter de la notification, valant mise en demeure, de l'arrêt rendu par la Cour de cassation le 18 octobre 2005, ayant ouvert droit à restitution, la Cour d'appel a violé l'article 1153, alinéa 3, du Code civil.
Moyens produits au pourvoi n° M 08 10. 875 par la SCP de Chaisemartin et Courjon, avocat aux Conseils pour M. Z....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné Monsieur Jean Z... à restituer à Monsieur Michel X... la somme de 136. 053, 21 euros, outre intérêts au taux légal,
AUX MOTIFS QUE le jugement, qui était assorti de l'exécution provisoire, a été exécuté le 8 avril 1994 en ce qui concerne le versement de la provision sur soulte et postérieurement, à différentes dates, en ce qui concerne les intérêts moratoires calculés depuis la signification du jugement ; que, contrairement à ce qu'indique Monsieur Z..., la Cour d'appel de Grenoble a bien estimé que « la demande en restitution des intérêts moratoires versés au titre du retard apporté à l'exécution d'une décision de justice qui est infirmée est justifiée, ceux-ci étant privés du fondement de la condamnation prononcée à titre principal » (p. 14 de l'arrêt) et a bien ordonné, notamment à Monsieur X... de restituer, à Monsieur Z..., les sommes qu'il a reçues de lui en exécution de la décision réformée, y compris les intérêts moratoires ; que Monsieur X... a exécuté la décision de la Cour d'appel ; que le retard à exécuter une décision de justice doit être réparé par le paiement d'intérêts légaux conformément aux dispositions de l'article 1153 du Code civil, indépendamment de la réformation par la Cour d'appel de la décision concernant la provision sur soulte ; que les intérêts courus sont des intérêts moratoires ; qu'ils devaient rester acquis à Monsieur X..., à titre de dommagesintérêts, sanction de la non-exécution du jugement ; que Monsieur Z... doit donc restituer à Monsieur X... les intérêts moratoires, soit la somme de 136. 053, 21 avec intérêts légaux à compter de la notification de la présente décision.
1) ALORS QUE selon l'article 32, alinéa 2, de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991, l'exécution formée est poursuivie aux risques du créancier qui, si le titre est ultérieurement modifié, devra restituer le débiteur dans ses droits en nature ou par équivalent ; que dès lors, en l'espèce, les intérêts moratoires réglés par Monsieur Jean Z..., en exécution du jugement du 24 mai 1985 du Tribunal de grande instance du Draguignan, devaient lui être restitués par Monsieur X..., le jugement ayant été infirmé par la Cour d'appel de Grenoble dans son arrêt du 11 septembre 2001 ; qu'en considérant pourtant que les intérêts moratoires devaient rester acquis à Monsieur X..., à titre de dommages-intérêts, sanction de la non-exécution du jugement, la Cour d'appel a violé l'article susvisé, ainsi que les articles 1235 et 1376 du Code civil ;
2) ALORS QUE l'inexécution d'une décision assortie de l'exécution provisoire ne peut donner lieu à réparation lorsque cette décision est infirmée ; que dès lors en retenant que, nonobstant l'infirmation du jugement du 24 mai 1985, assorti de l'exécution provisoire, ayant condamné Monsieur Jean Z... à payer une provision sur soulte, les intérêts moratoires, calculés depuis la signification du jugement, devaient rester acquis à Monsieur X... à titre de dommages-intérêts, sanction de la non-exécution dudit jugement, la Cour d'appel a violé les articles 542 et 561 du Code de procédure civile ;
3°) ALORS QU'entout état de cause, pour pouvoir être recouvrés par voie d'exécution, les dommages-intérêts prévus à l'article 1153 du Code civil doivent faire l'objet d'une disposition spéciale du titre en vertu duquel est exercée la poursuite ; qu'en l'espèce, le jugement du 24 mars 1985 du Tribunal de grande instance de Draguignan n'a pas condamné Monsieur Jean Z... à payer les intérêts au taux légal sur la somme de 620. 000 francs allouée à Monsieur X..., à titre de provision sur soulte ; qu'il s'ensuit qu'en considérant que les intérêts moratoires réglés en exécution du jugement du 24 mai 1985 devaient rester acquis à Monsieur Michel X... à titre de dommages-intérêts, sanction de la non-exécution dudit jugement, la Cour d'appel a violé l'article 31, alinéa 1er, de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrecevable la demande de dommages-intérêts formée par Monsieur Jean Z... ;
AUX MOTIFS QUE Monsieur Jean Z... doit donc restituer à Monsieur X... les intérêts moratoires, soit la somme de 136. 053, 21 euros, avec intérêts légaux à compter de la notification de la présente décision ; que la Cour d'appel est saisie dans la limite de l'arrêt de cassation qui ne porte que sur la restitution du montant des intérêts moratoires ; qu'il ne lui appartient pas de statuer sur les autres demandes dont a été saisie la Cour d'appel de Grenoble en 2001 ; que l'arrêt de la Cour d'appel de Grenoble de 2001 a rejeté les demandes de dommages-intérêts des deux parties ; que les dispositions de l'arrêt étant définitives sur ce point, les demandes sont irrecevables ;
ALORS QU'il existait un lien de dépendance nécessaire entre la demande de restitution du montant d'intérêts moratoires versés en exécution de la décision de première instance, formée par Monsieur Z..., et sa demande de dommages-intérêts en réparation du préjudice qui lui a causé l'exécution de cette décision ; que la cassation du chef du dispositif ayant condamné Monsieur X... à restituer le montant des intérêts moratoires entraînait par conséquent celle du chef dispositif ayant débouté Monsieur Z... de sa demande de dommages-intérêts ; que dès lors, en retenant qu'étant saisie dans la limite de l'arrêt de cassation qui ne portait que sur la restitution des intérêts moratoires, il ne lui appartenait pas de statuer sur la demande de dommages-intérêts formée par Monsieur Z... dont avait été saisie la Cour d'appel de Grenoble, la Cour d'appel a violé l'article 624 du Code de procédure civile.