LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen :
Vu les articles 990 D, 990 E 2° et 3° du code général des impôts et 73 B du Traité CE ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Temis (la société) ayant son siège social en Belgique, a acquis le 4 mars 1997 l'usufruit d'un immeuble situé en France ; que ces deux pays ayant conclu une convention contenant une clause d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscale, l'administration fiscale a, le 2 décembre 2002, mis en demeure la société de déposer ses déclarations au titre de la taxe annuelle de 3 % sur l'immeuble en cause par l'envoi de deux avis, l'un à l'adresse de l'immeuble en France, l'autre au siège social en Belgique ; que ce dernier avis ayant été retourné avec la mention "absent, avis remis le 6.12.02", l'administration a assujetti la société à la taxe de 3 % au titre des années 1998 à 2002 ;
Attendu que pour annuler la procédure d'imposition, l'arrêt retient que la Cour de justice des Communautés européennes dans son arrêt du 11 octobre 2007 (Société luxembourgeoise Elisa/directeur général des impôts France) n'a pas dit que la taxe de l'article 990 D du code général des impôts était contraire au droit européen mais que le régime d'exonération dépendant de la nationalité lui était contraire de sorte que toute société devait être en mesure de prouver qu'elle ne poursuivait pas un but frauduleux ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que, s'agissant des personnes morales qui ont leur siège social dans un Etat ayant conclu avec la France une convention d'assistance administrative ou un traité de non-discrimination, le dispositif litigieux ne porte pas atteinte à l'article 73 B du traité CE dès lors qu'il permet à ces personnes, en toutes circonstances, d'obtenir le bénéfice de l'exonération en justifiant soit du dépôt des déclarations de taxe de 3 % visées par l'article 990 E 2 du code général des impôts, soit de l'engagement prévu à l'article 990 E 3 du même code, la cour d'appel a violé ensemble les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 31 janvier 2008, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;
Condamne la société Temis aux dépens ;
Vu l'article 37 du code de procédure civile, rejette sa demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf septembre deux mille neuf.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat aux Conseils pour le directeur général des finances publiques
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'AVOIR annulé l'avis de mise en recouvrement et la procédure d'imposition à la taxe de 3% au titre des années 1998 à 2002 ;
AUX MOTIFS QUE la taxe de l'article 990 D du code général des impôts, comme l'indique la Cour de justice des communautés européennes dans son arrêt du 11 octobre 2007 société luxembourgeoise Elisa/ directeur général des impôts France, est une taxe sur la fortune au sens de l'article 1er, paragraphe 2, de la directive 77/79, de sorte que si elle relève de la compétence des Etats membres, ces derniers doivent toutefois l'exercer dans le respect du droit communautaire. Cette taxe fait partie d'un dispositif de lutte contre la fraude fiscale à l'impôt sur la fortune en incitant les personnes morales détenant directement ou indirectement un immeuble en France en les obligeant à déclarer chaque année l'identité de leurs associés et le nombre d'actions détenues par chacun d'eux. Cette déclaration doit être faite spontanément par la personne morale lorsqu'elle a son siège en France ou dans un Etat ayant conclu avec la France une convention d'assistance et sur demande ou sur engagement lorsque la personne morale a son siège en France ou dans un Etat avec lequel, en vertu d'un traité, ne doivent pas être soumises à une imposition plus lourde lorsqu'elles communiquent les renseignements demandés. La Cour de justice des communautés européennes a considéré que cette condition de convention internationale aboutit à faire une discrimination entre les personnes morales concernées selon leur nationalité et forme une discrimination contraire à l'article 73 B du traité CE (devenu article 56 CE) en créant un régime permanent de non-exonération de la taxe litigieuse pour les sociétés dépendant d'Etats n'ayant pas passé de convention. La Cour de justice des communautés européennes n'a pas dit que la taxe de l'article 990 D du code général des impôts était contraire au droit européen mais que le régime de l'exonération dépendant de la nationalité était contraire au droit européen. Il importe que la personne morale concernée se prête à la collecte de renseignements de transparence fiscale prouvant qu'elle ne cherche pas à faire échapper des personnes physiques à l'impôts sur la fortune. …
Il y a lieu d'observer que lorsque la société Témis a réellement reçu en avril 2003 un avis de redressement qu'elle a contesté, elle a immédiatement précisé qu'elle n'avait aucune objection à indiquer l'identité de ses associés et souhaitait que les formulaires concernés lui soient adressés pour régulariser cette situation. Aucune dissimulation n'a été commise par la société Témis. En conséquence, l'avis de mise en recouvrement sera annulé.
ALORS QUE, conformément à la décision de la Cour de justice des communautés européennes du 11 octobre 2007, l'ancien dispositif de la taxe de 3% prévue aux article 990 D et suivants du CGI, n'est contraire au principe de libre circulation des capitaux prévu à l'article 73 B du traité CE que pour les seuls cas où il aboutit à priver, en toutes circonstances, les personnes morales qui n'entrent pas dans le champ d'application d'une convention d'assistance administrative ou ne relevant pas d'un traité comportant une clause de non-discrimination en matière fiscale, de la faculté de démontrer qu'elles ne poursuivent pas un objectif frauduleux ; qu'il en découle que s'agissant des personnes morales qui ont leur siège social dans un Etat ayant conclu avec la France une convention d'assistance administrative ou un traité de non-discrimination, le dispositif litigieux ne porte pas atteinte à l'article 73 B du traité CE dès lors qu'il permet à ces personnes, en toutes circonstances, d'obtenir le bénéfice de l'exonération en justifiant simplement soit du dépôt des déclarations de taxe de 3% visées par l'article 990 E 2° du CGI, soit de l'engagement prévu à l'article 990 E 3° du même code ; qu'en l'espèce, il est constant que la société Témis, siégeant en Belgique, qui était couverte par une convention d'assistance administrative, n'a pas bénéficié de l'exonération de taxe de 3% faute d'avoir souscrit dans le délai légal lesdites déclarations ; qu'en jugeant néanmoins, que le régime d'exonération dépendant de la nationalité était, sans aucune distinction, contraire au droit européen et qu'il importait que la société prouve, par tous moyens, qu'elle ne poursuivait pas un but frauduleux, la cour d'appel a violé ensemble les dispositions des articles 990 D et 990 E° 2 du CGI et 73 B du Traité CE.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'AVOIR annulé l'avis de mise en recouvrement et la procédure d'imposition à la taxe de 3% au titre des années 1998 à 2002 ;
AUX MOTIFS QUE « la société Témis est soumise à déclaration à l'administration fiscale française quant au nom de ses associés et la répartition des actions entre ceux-ci, de manière à permettre à l'administration fiscale de vérifier qu'aucun d'entre eux ne chercherait à échapper à l'impôt sur la fortune en France. L'administration fiscale a pris une mesure de taxation d'office suite à l'absence de réponse à une mise en demeure de fournir ces renseignements, et par application des articles L. 66 et L. 67 du Livre des procédures fiscales. La mise en demeure a été adressée le 2 décembre 2002 à la société Témis à l'adresse de son siège social en Belgique. Personne n'était présent et aucune indication de remise du pli en attente ne figure sur cette tentative de mise en demeure. Cette tentative de mise en demeure ne vaut pas mise en demeure. Une autre mise en demeure a été adressée le 2 décembre 2002 sur le lieu du bien à Besse sur Issole et une personne dont le nom n'est pas lisible a signé le 4 décembre 2002 un accusé de réception. Cette mise en demeure est sans effet. En conséquence aucune mise en demeure régulière reçue par la société Témis ne permettait la mise en oeuvre de la taxation d'office.
ALORS QU'il résulte des dispositions de l'article 1134 du code civil que les juges du fond ont l'obligation de ne pas dénaturer les sens clair et précis des documents de la cause ; que pour décider que la mise en demeure adressée le 2 décembre 2002 au siège social en Belgique de la société Témis était irrégulière, l'arrêt retient qu'aucune indication de remise de pli en attente ne figure sur cette mise en demeure ; qu'en statuant ainsi, par une dénaturation des termes de l'accusé de réception de ladite mise en demeure sur lequel était portée la mention « bericht gelaten op 6/12/02 » signifiant en français « destinataire avisé le 6/12/02 », la cour d'appel a méconnu les exigences du texte susvisé.