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29/09/2009 | FRANCE | N°07-43431

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 29 septembre 2009, 07-43431


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu les articles L. 2251-1 du code du travail et 25 1°) de la convention particulière du personnel navigant d'exécution de la SNCM ;

Attendu qu'il résulte du second de ces textes, qui constitue en faveur du salarié une limitation du droit de licencier, que les membres du personnel ne peuvent être licenciés, indépendamment d'un motif disciplinaire, que pour les motifs limitativement énumérés, soit pour raison de santé en cas d'inaptitude définitive à la navigation, soit

pour raison économique, soit en raison de l'évolution de la flotte ;

Attendu, ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu les articles L. 2251-1 du code du travail et 25 1°) de la convention particulière du personnel navigant d'exécution de la SNCM ;

Attendu qu'il résulte du second de ces textes, qui constitue en faveur du salarié une limitation du droit de licencier, que les membres du personnel ne peuvent être licenciés, indépendamment d'un motif disciplinaire, que pour les motifs limitativement énumérés, soit pour raison de santé en cas d'inaptitude définitive à la navigation, soit pour raison économique, soit en raison de l'évolution de la flotte ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé par la SNCM le 11 janvier 1990 et a fait partie du personnel navigant titulaire à compter du 1er janvier 1992 ; qu'il a été incarcéré de juin 1996 à décembre 2002, en exécution d'une peine criminelle ; qu'il a été licencié le 8 avril 2004 au motif qu'il ne remplissait plus les conditions exigées par l'article 4 du décret du 7 août 1967 relatif aux conditions d'exercice de la profession de marin et ne pouvait en conséquence plus être inscrit sur un rôle d'équipage ; qu'invoquant les dispositions de la convention particulière du personnel navigant d'exécution, il a saisi le tribunal d'instance pour voir juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Attendu que pour décider que le licenciement a une cause réelle et sérieuse l'arrêt retient qu'à la date où son contrat de travail a été rompu, M. X... ne remplissait plus, depuis sa condamnation pénale prononcée en 2000, les conditions exigées par l'article 4 du décret du 7 août 1967 ; qu'il importe peu qu'il ait réclamé ou non avant mars 2004 sa réintégration dans le personnel navigant puisque celle-ci était impossible et que la disposition légale prévoyant les conditions d'accès à la profession de marin embarqué s'impose nécessairement face à la disposition conventionnelle limitant les motifs de rupture du contrat d'engagement maritime ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle constatait que le licenciement avait été prononcé pour une cause non disciplinaire non prévue par l'accord collectif, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a dit que le licenciement reposait sur un motif réel et sérieux et débouté M. X... de ses demandes consécutives à une rupture sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt rendu le 3 mai 2007, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;

Condamne la société SNCM aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société SNCM à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf septembre deux mille neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par Me Haas, avocat aux Conseils pour M. X...

Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR déclaré le licenciement de M. X... fondé sur une cause réelle et sérieuse et D'AVOIR débouté ce dernier des demandes qu'il avait formées de ce chef ;

AUX MOTIFS QUE après avoir constaté que M. X... ne remplissait plus les conditions prévues par le décret du 7 août 1967 pour être porté au rôle d'équipage, en raison de sa condamnation criminelle à une peine d'une durée supérieure au seuil fixé par ce décret, le premier juge a cependant jugé que cette raison ne constituait pas un des motifs de licenciement limitativement prévus par la convention particulière du personnel navigant d'exécution applicable aux parties, et qu'en tout état de cause la SCNM était tenue de lui proposer une solution de reclassement avant de le licencier ; que l'employeur critique cette motivation en faisant valoir que la condamnation pénale de M. X... entraînait l'impossibilité de la poursuite de son contrat de travail, par son fait et par application de la loi ; que l'impossibilité de poursuivre le contrat de travail s'imposait à l'employeur ; que ne remplissant plus les conditions légales d'exercice du métier de marin, les dispositions de la convention normalement applicable au personnel navigant ne pouvaient plus s'appliquer à la situation de M. X... ; que la SCNM ajoute qu'elle n'avait de toute façon aucune obligation de reclasser ce dernier dans cette situation, le salarié n'ayant pas fait l'objet d'un licenciement pour motif économique ou inaptitude ; qu'enfin, elle fait valoir que l'exécution provisoire qui avait été ordonnée par le premier juge a été suspendue sur sa demande par le premier président au motif en particulier « d'une erreur de droit manifeste » ; que M. X... demande confirmation du jugement en observant que c'est l'employeur lui-même qui s'est déclaré tenu d'une obligation de reclassement dans la lettre de licenciement dont les termes fixent les limites du litige ; que ce reclassement est prévu par l'article 25, 2° de la convention collective du personnel navigant d'exécution, qui doit, en tout état de cause, s'appliquer ne serait-ce que parce que l'employeur en a fait une application volontaire ; que contrairement à ce qu'il a déclaré, l'employeur n'a fait aucune recherche loyale, sérieuse et effective de reclassement ; que le salarié fait également valoir qu'il a été licencié pour un motif autre qu'un des trois motifs limitativement prévus par l'article 25, 1° de cette même convention, ce qui confirme encore que son licenciement ne repose sur aucune cause réelle et sérieuse ; qu'il est établi et non discuté qu'à la date où son contrat de travail a été rompu, M. X... ne remplissait plus depuis sa condamnation pénale prononcée en 2000, les conditions exigées par l'article 4 du décret du 7 août 1967 relatif aux conditions d'exercice de la profession de marin embarqué ; qu'il importe d'abord donc peu qu'il ait réclamé ou non verbalement avant mars 2004 sa réintégration dans le personnel navigant puisque celle-ci était impossible ; que s'il apparaît par ailleurs indiscutable que la convention collective particulière du personnel navigant d'exécution s'appliquait aux parties (elle est mentionnée dans tous les bulletins de salaire), la disposition légale prévoyant les conditions d'accès à la profession de marin embarqué s'impose nécessairement face à la disposition conventionnelle limitant les motifs de rupture du contrat d'engagement maritime (l'article 10 de la convention rappelle d'ailleurs la présence des dispositions légales) ; que cette disposition doit par ailleurs être prise dans sa globalité pour déterminer les obligations qu'elle impose à l'employeur en cas de rupture du contrat de travail ; qu'en l'espèce, l'article 25 de la convention qui est visé, prévoit dans son paragraphe 1 que « les membres du personnel peuvent être licenciés à toute époque, soit pour raison de santé en cas d'inaptitude définitive à la navigation, soit pour raison économique, soit en raison de l'évolution de la flotte… », et dans son paragraphe 2 « plutôt que d'être licenciés, ils seront, dans toute la mesure du possible, réutilisés par les autres compagnies CGM sans qu'ils puissent prétendre alors au bénéfice des mesures applicables en cas de licenciement. Ils seront réemployés selon le régime et aux conditions propres de leur nouvelle compagnie en conservant le bénéfice de leur ancienneté précédemment acquise et leurs droits en matière de stabilisation. Ils auront priorité pour embarquer à nouveau sur les navires de la SNCM dès que les circonstances le permettront » ; que cette disposition conventionnelle ne crée pour l'employeur aucune obligation de reclassement à terre du marin licencié ; que cette obligation s'impose bien évidemment à lui en application d'autres textes si le licenciement est prononcé pour un motif économique ou pour inaptitude ; qu'elle n'est pas applicable à la situation de M. X... ; que la circonstance que l'employeur ait déclaré avoir fait une recherche infructueuse de reclassement dans la lettre de licenciement est sans incidence et ne crée pas en tout état de cause de droits pour ce dernier ; que le motif du licenciement, non contesté, est que M. X... ne remplit plus les conditions exigées pour être inscrit sur un quelconque rôle d'équipage ; que seul ce motif exprimé dans la lettre de licenciement fixe les limites du litige ; qu'il est réel et sérieux ;

ALORS, en premier lieu, QUE les conventions et accords collectifs de travail peuvent limiter les possibilités de licenciement aux causes et conditions qu'ils déterminent pour autant que celles-ci ne rendent pas impossible toute rupture du contrat de travail ; que le paragraphe 1 de l'article 25 de la convention particulière du personnel navigant d'exécution énumère limitativement les cas de licenciement ; qu'en considérant que le licenciement, dont elle constatait qu'il n'était fondé sur aucune des causes énumérées par ce texte, reposait sur une cause réelle et sérieuse tirée de l'application de la loi, la cour d'appel a violé les articles 25 de la convention particulière du personnel navigant d'exécution, 4 du décret du 7 août 1967, L. 132-4 et L. 122-14-3 du code du travail ;

ALORS, en second lieu et subsidiairement, QUE le paragraphe 2 de l'article 25 de la convention particulière du personnel navigant d'exécution fait peser sur l'employeur une obligation de reclassement préalable à tout licenciement ; qu'à supposer même que M. X... ait pu légalement être licencié du fait qu'il ne remplissait plus les conditions légales d'exercice de marin embarqué, cette circonstance ne déliait pas la SNCM de son obligation de rechercher un reclassement au sol ; qu'en considérant, néanmoins, que l'employeur n'était tenu à aucune obligation conventionnelle de reclassement à terre du marin licencié, la cour d'appel a fait violé, par fausse interprétation, l'article 25, paragraphe 2, de la convention particulière du personnel navigant d'exécution ;


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 07-43431
Date de la décision : 29/09/2009
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Analyses

CONTRAT DE TRAVAIL, RUPTURE - Licenciement - Cause - Cause réelle et sérieuse - Défaut - Applications diverses - Licenciement prononcé en violation d'une limitation conventionnelle

STATUTS PROFESSIONNELS PARTICULIERS - Marin - Statut - Décret n° 67-609 du 7 août 1967 - Conditions exigées par l'article 4 pour être porté sur un rôle d'équipage - Absence de condamnation pénale - Défaut - Cause non prévue par un accord collectif limitant les possibilités de licenciement d'un marin - Portée

Lorsqu'un accord collectif limite les possibilités de licenciement à des causes qu'il détermine, le licenciement prononcé pour un motif autre que ceux conventionnellement prévu est dépourvu de cause réelle et sérieuse. Dès lors, ayant constaté que l'accord collectif applicable énumère limitativement les causes de licenciement d'un marin pour motif non disciplinaire, une cour d'appel ne peut, sans violer cet accord et l'article L. 2251-1 du code du travail, décider que le licenciement d'un marin au motif que depuis sa condamnation pénale ce dernier ne remplit plus les conditions exigées par l'article 4 du décret du 7 août 1967 relatif aux conditions d'exercice de la profession de marin, a une cause réelle et sérieuse


Références :

article L. 2251-1 du code du travail

article 25 1° de la convention particulière du personnel navigant d'exécution de la SNCM du 20 mars 1978

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 03 mai 2007

Sur l'effet du licenciement prononcé en violation d'une limitation conventionnelle, dans le même sens que :Soc., 14 octobre 1997, pourvoi n° 97-40033, Bull. 1997, V, n° 310 (rejet) ;Soc., 25 octobre 2005, pourvoi n° 02-45158, Bull. 2005, V, n° 301 (cassation partielle partiellement sans renvoi)


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 29 sep. 2009, pourvoi n°07-43431, Bull. civ. 2009, V, n° 208
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2009, V, n° 208

Composition du Tribunal
Président : Mme Collomp
Avocat général : M. Duplat (premier avocat général)
Rapporteur ?: Mme Fossaert
Avocat(s) : Me Haas

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2009:07.43431
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