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15/09/2009 | FRANCE | N°08-18013

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 15 septembre 2009, 08-18013


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant tant sur le pourvoi principal formé par le directeur général des impôts que sur le pourvoi incident éventuel relevé par M. X... :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a, dans le cadre de son activité de marchand de biens, fait l'objet, du 20 février 2002 au 22 octobre 2002, d'une vérification de comptabilité au titre des exercices 1999, 2000 et 2001 ; que l'administration ayant constaté des anomalies dans la tenue du répertoire prévu par l'article 852 du code général des impÃ

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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant tant sur le pourvoi principal formé par le directeur général des impôts que sur le pourvoi incident éventuel relevé par M. X... :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a, dans le cadre de son activité de marchand de biens, fait l'objet, du 20 février 2002 au 22 octobre 2002, d'une vérification de comptabilité au titre des exercices 1999, 2000 et 2001 ; que l'administration ayant constaté des anomalies dans la tenue du répertoire prévu par l'article 852 du code général des impôts a, le 18 décembre 2002, remis en cause le régime de faveur prévu par l'article 1115 du code général des impôts, sous lequel M. X... s'était placé ; qu'après rejet de sa demande, ce dernier a assigné le directeur des services fiscaux aux fins d'obtenir le dégrèvement des droits et pénalités mis en recouvrement ;

Sur le moyen unique du pourvoi incident éventuel, dont l'examen est préalable :

Vu l'article 455 du code de procédure civile ;

Attendu que pour déclarer régulière la procédure de redressement à l'encontre de M. X..., l'arrêt retient que c'est en toute légalité que le vérificateur a agi en se faisant accompagner d'un contrôleur dont le nom et la qualité n'avaient pas été portés au préalable à la connaissance du contribuable ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi, sans répondre aux conclusions de M. X... qui faisait valoir que le contrôle des droits d'enregistrement avait été opéré par un vérificateur territorialement incompétent et que, dans la mesure où l'avis de vérification avait précisé que le contrôle porterait sur l'ensemble des déclarations fiscales ou opérations susceptibles d'être examinées relatives à la période du 1er juin 1998 au 31 mai 2000, les redressements portant sur une période postérieure étaient irréguliers, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;

Et, sur le moyen unique du pourvoi principal :

Vu l'article 112 1, alinéa 3, du code pénal et l'article 20 de l'ordonnance du 7 décembre 2005 relative à des mesures de simplification en matière fiscale et à l'aménagement du régime des pénalités ;

Attendu que le principe de rétroactivité de la loi pénale plus douce, qui s'applique à la matière fiscale, est circonscrit aux seules pénalités fiscales constituant des sanctions qui présentent le caractère d'une punition ; que ce principe n'est pas applicable lorsqu'un texte substitue un dispositif d'amendes fiscales à une mesure qui n'a pas le caractère d'une peine, telle que la déchéance d'un régime de faveur ;

Attendu que pour prononcer la décharge des impositions mises en recouvrement, l'arrêt, après avoir relevé que la déchéance du régime de faveur des marchands de biens a la nature juridique d'une sanction, retient que l'ordonnance du 7 décembre 2005, qui abaisse ou supprime de telles sanctions fiscales, est immédiatement applicable aux affaires en cours non encore définitivement jugées, à l'instar d'une loi pénale plus douce ;

Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 29 mai 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Bourges ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Orléans ;

Laisse à chacune des parties la charge de ses propres dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. X... ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quinze septembre deux mille neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyen produit au pourvoi principal par la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat aux Conseils pour le directeur général des impôts

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'AVOIR annulé les avis de mise en recouvrement et la procédure de déchéance du régime de faveur de l'article 1115 du CGI en raison de la tenue irrégulière du répertoire ;

AUX MOTIFS QUE dans le cadre de ses opérations de contrôle, le vérificateur a constaté de nombreuses anomalies dans la tenue du répertoire prévu par l'article 852 du code général des impôts : non respect de la chronologie ; absence d'identité et adresse du vendeur ou de l'acquéreur pour certains actes ; existence de surcharges ; emploi de correcteurs ; absence de références cadastrales du bien, de l'adresse du notaire et des suites données ;

Que l'administration a estimé que ces manquements étaient suffisamment graves pour entraîner la déchéance du régime particulier prévu à l'article 1115 du code général des impôts et justifier les redressements notifiés à M. X... ;

Or attendu que l'ordonnance du 7 décembre 2005 a modifié l'article 1829 du code général des impôts, ce texte prévoyant désormais que « toute infraction aux dispositions du 2ème de l'article 852 est exclusivement punie : (…) 3° : d'une amende de 15 euros pour toute infraction aux obligations formelles » ;

Que l'administration fait valoir que ladite ordonnance a prévu des modalités d'application dans le temps de ces nouvelles dispositions et plus spécialement, s'agissant de l'article 1829 du code général des impôts, que le dispositif nouveau n'était applicable qu'aux infractions constatées à compter du 1er janvier 2006, la déchéance du régime de l'article 1115 trouvant donc encore selon elle à s'appliquer aux situations constatées antérieurement à cette date ;

Mais attendu que la déchéance du régime de faveur des marchands de biens a la nature juridique d'une sanction, comme le prouve l'intitulé même du chapitre II de l'ordonnance précité faisant référence à des « pénalités », chapitre dans lequel se trouve inséré de surcroît l'article 20 de ladite ordonnance modifiant l'article 1829 du code général des impôts dans les termes sus-rappelés ;

Qu'il semble d'ailleurs que ce soit également l'avis de l'administration puisque dans ces commentaires des dispositions nouvelles de l'ordonnance du 7 décembre 2005 (Bulletin officiel des impôts n° 29 du 19 février 2007 page 84), elle écrit : « Jusqu'à présent, toute infraction relevée dans le tenue du registre des opérations de marchands de biens était susceptible d'entraîner la remise en cause du régime de faveur prévue par l'article 1115 du code général des impôts. La réforme opérée par l'ordonnance du 7 décembre 2005 a permis de mieux proportionner les conséquences financières des infractions à leur gravité ».

Or attendu que la loi nouvelle qui abaisse ou supprime des sanctions fiscales, est immédiatement applicable aux affaires non encore définitivement jugées, comme le serait une loi pénale plus douce ;

Qu'il s'ensuit que M. Philippe X... est fondé à invoquer les dispositions nouvelles résultant de l'ordonnance du 7 décembre 2005, pour contester la remise en cause par l'administration du régime de faveur lié à sa qualité de marchands de biens, et obtenir, après annulation de l'ensemble des avis de mise en recouvrement qui lui ont été délivrés la décharge de la totalité des impositions mises à sa charge, tant en principal, intérêts de retard que pénalités ; Articles 20 de l'ordonnance du 7 décembre 2005 et 112-1 du code pénal violation de la loi

ALORS QUE, le principe de la rétroactivité in mitius de la loi pénale qui s'applique à la matière fiscale est circonscrit aux seules pénalités fiscales constituant des sanctions qui présentent le caractère d'une punition ; qu'il s'ensuit qu'il ne saurait être fait application de ce principe lorsque la loi mettant en place un système d'amendes fiscales, remplace une mesure qui n'a pas le caractère d'une pénalité fiscale ; que, s'agissant de la déchéance du régime de marchands de biens frappant la tenue irrégulière du registre en méconnaissance des dispositions du 2° de l'article 852 du code général des impôts, la Cour de cassation considère que le refus d'appliquer en pareil cas le régime de faveur dès lors que les conditions d'octroi n'en sont pas remplie, ne constitue pas une peine ; que par ailleurs, ni l'ordonnance du 7 décembre 2005 relative à des mesures de simplification en matière fiscale et à l'harmonisation du régime des pénalités, ni son commentaire doctrinal (BOI 13 N-1-07 du 19 février 2007) ne se prononcent sur la nature juridique de la remise en cause du régime de marchands de biens ; qu'en déduisant néanmoins de l'article 20 de l'ordonnance du 7 décembre 2005 modifiant l'article 1829 du code général des impôts, et de son interprétation doctrinale, que la déchéance du régime de faveur des marchands de biens a la nature juridique d'une sanction plus sévère que les dispositions de l'article 1829 du code général des impôts modifié, la cour d'appel a violé l'article 20 de ladite ordonnance par fausse interprétation et le principe de rétroactivité in mitius posé par l'article 112-1 alinéa 3 du code pénal.

Moyen produit au pourvoi incident éventuel par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils pour M. X....

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué infirmatif d'avoir déclaré régulière la procédure d'imposition à laquelle M. X... a été soumis ;

AUX MOTIFS QUE c'est en toute légalité que la vérificatrice a agi en se faisant accompagner d'un contrôleur dont le nom et la qualité n'avaient pas été portés au préalable à la connaissance du contribuable ;

ALORS QUE M. X... avait fait valoir dans ses conclusions que le contrôle des droits d'enregistrement avait été opéré par un vérificateur territorialement incompétent et que l'avis de vérification ayant précisé que le contrôle porterait sur l'ensemble des déclarations fiscales ou opérations susceptibles d'être examinées relatifs à la période du 1er juin 1998 au 31 mai 2000, les redressements portant sur une période postérieure au 31 mai 2000 étaient irréguliers ; qu'en ne répondant pas à ces deux moyens la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 08-18013
Date de la décision : 15/09/2009
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

IMPOTS ET TAXES - Recouvrement (règles communes) - Pénalités et sanctions - Loi plus douce - Rétroactivité - Champ d'application - Détermination

IMPOTS ET TAXES - Enregistrement - Droits de mutation - Mutation à titre onéreux d'immeubles - Exonération - Achat en vue de la revente - Marchands de biens - Conditions - Tenue d'un répertoire - Sanction - Article 20 de l'ordonnance du 7 décembre 2005 - Application dans le temps

Le principe de rétroactivité de la loi pénale plus douce, qui s'applique à la matière fiscale, est circonscrit aux seules pénalités fiscales constituant des sanctions qui présentent le caractère d'une punition. Ce principe n'est pas applicable lorsqu'un texte substitue un dispositif d'amendes fiscales à une mesure qui n'a pas le caractère d'une peine, telle que la déchéance d'un régime de faveur. Viole l'article 112-1, alinéa 3, du code pénal et l'article 20 de l'ordonnance du 7 décembre 2005 relative à des mesures de simplification en matière fiscale et à l'aménagement du régime des pénalités, la cour d'appel qui, après avoir relevé que la déchéance du régime de faveur des marchands de biens a la nature juridique d'une sanction, retient que l'ordonnance du 7 décembre 2005, qui abaisse ou supprime de telles sanctions fiscales, est immédiatement applicable aux affaires en cours non encore définitivement jugées, à l'instar d'une loi pénale plus douce


Références :

ARRET du 29 mai 2008, Cour d'appel de Bourges, 29 mai 2008, 07/01473
article 112-1, alinéa 3, du code pénal

article 20 de l'ordonnance du 7 décembre 2005

article 1829 du code général des impôts

Décision attaquée : Cour d'appel de Bourges, 29 mai 2008

Cf. :CE, 5 avril 1996, n° 176611.


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 15 sep. 2009, pourvoi n°08-18013, Bull. civ. 2009, IV, n° 111
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2009, IV, n° 111

Composition du Tribunal
Président : Mme Favre
Avocat général : M. Bonnet
Rapporteur ?: M. Salomon
Avocat(s) : SCP Piwnica et Molinié, SCP Thouin-Palat et Boucard

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2009:08.18013
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