LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 18 juin 2008) et les productions, que Jean X... ayant relevé au cours de sa vie professionnelle, au titre de l'assurance vieillesse, notamment du régime des marins et du régime minier, la caisse autonome nationale de sécurité sociale dans les mines (la CANSSM) a procédé, à la demande du dernier employeur de celui-ci, à la liquidation, à effet du 1er février 1985, de ses prestations au titre de chacun des deux régimes selon les règles de coordination prévues par l'article D. 173 6 du code de la sécurité sociale, et servi à l'intéressé la prestation relevant du régime minier; qu'ayant constaté après le décès de Jean X... que celui-ci n'avait pas perçu la pension due au titre du régime des marins, Mme X..., sa veuve, a saisi la juridiction de la sécurité sociale aux fins de régularisation des droits à pension et d'indemnisation ;
Attendu que la CANSSM fait grief à l'arrêt de la condamner au paiement d'une somme à titre de dommages-intérêts, alors, selon le moyen :
1°/ qu'aux termes de l'article D. 173-6 du code de la sécurité sociale, les avantages auxquels un assuré peut prétendre en cas d'affiliation successive ou alternative à plusieurs régimes spéciaux sont liquidés par le régime spécial de retraite auquel l'intéressé était affilié en dernier lieu, mais que chaque régime auquel l'assuré a été affilié supporte la charge de la prestation qui lui incombe sur la base des seules périodes valables au regard dudit régime ; que la caisse minière exposante dont relevait en dernier lieu l'assuré a liquidé le 30 mai 1985 la pension de retraite revenant à l'intéressé au titre d'un précédent emploi dans la marine et a porté cette information auprès des organismes compétents pour régler la fraction la fraction demeurant à leur charge ; qu'en l'état de l'absence de demande de l'assuré auprès de la caisse de retraite des marins, et du silence de cette dernière auprès de l'intéressé, la cour n'a pu légalement retenir la responsabilité de la requérante au titre d'un défaut de coordination des régimes mettant à sa charge, en dépit de ses diligences précitées, une obligation complémentaire de surveillance et de bonne fin du service de la pension de retraite des marins dont le versement ne lui incombait pas ; qu'en ajoutant à la loi une obligation de surveillance étrangère au régime de la coordination prévu par l'article D. 173-6 du code de la sécurité sociale, la cour d'appel a violé le texte précité ;
2°/ qu'aux termes de l'article 1382 du code civil, le fait fautif de l'affilié est opposable à ce dernier ainsi qu'à ses ayants droit; qu'en l'état des informations transmises à M. X... par courriers du 30 mai 1985 pour lui permettre de saisir la caisse de retraite des marins d'une demande de versement de sa pension dont les éléments (28 trimestres) avaient été liquidés par la caisse minière exposante dans le cadre de sa mission de coordination prévue par l'article D. 173-6 du code de la sécurité sociale, la cour n'a pu mettre directement à la charge de la CANSSM l'intégralité de la pension de retraite des marins qui n'avait pas été servie à l'intéressé à raison de faits non imputables à la caisse exposante ; qu'en ne s'expliquant pas mieux qu'elle ne l'a fait sur le fait fautif de M. X... ou de la caisse des marins, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des textes précités ;
3°/ qu'en tout état de cause, c'est à la faveur d'une dénaturation par omission des termes de la lettre adressée le 30 mai 1985 par la CANSSM à la société Pennaroya, dernier employeur de l'affilié, que la cour a cru pouvoir affirmer que l'information alors donnée par la CANSSM eut été ambiguë ; que cette déclaration procède cependant d'une citation partielle de ladite lettre qui distinguait d'une part la pension minière et d'autre part la pension des marins en indiquant pour cette dernière ‘d'autre part, en ce qui concerne les services de M. X... dans la marine marchande, une notification de la pension à servir a été adressée le 30 mai 1985 à au directeur des affaires maritimes quartier de Nice 22 quai Lunel 06037 Nice cedex ; qu'en faisant abstraction de la partie précitée du courrier relatif à la pension des marins, la cour a dénaturé les termes par omission, en violation des dispositions de l'article 1134 du code civil ;
Mais attendu qu'ayant exactement rappelé que la mission de coordination confiée par l'article D. 173-6 du code de la sécurité sociale au régime spécial de retraite auquel l'assuré était affilié en dernier lieu, implique nécessairement que ce régime s'assure par tous moyens qu'il a bien rempli sa mission, et constaté qu'il n'était pas établi que la lettre du 30 mai 1985 que la CANSSM indique avoir adressée au régime de retraite des marins est parvenue à celui-ci, la cour a pu, hors toute dénaturation, retenir que la CANSSM n'avait pas satisfait aux obligations découlant du texte susmentionné et la condamner à indemniser Mme X... ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la CANSSM aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes respectives des parties ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix septembre deux mille neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me Bouthors, avocat aux Conseils pour la caisse autonome nationale de sécurité sociale dans les mines.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré la CANSSM responsable à l'égard de Madame X... à raison d'une coordination défectueuse entre régimes auxquels était affilié son défunt mari et d'avoir, en conséquence, alloué cette dernière une somme de 69.722 à titre de dommages et intérêts, correspondant à la pension qui aurait dû être versée à son mari au titre du régime des marins ;
aux motifs propres que « les premiers juges, après avoir procédé à une analyse détaillée et circonstanciée des éléments de fait et de droit versés aux débats, ont développé des moyens pertinents que la Cour adopte ; qu'il convient d'ajouter : qu'il ressort de l'article L. 30 du Code des pensions de retraite des marins que les pensions servies par cette caisse ne sont pas cessibles ; que la mission de coordination prévue à l'article D. 173-6 du Code de la Sécurité Sociale, confiée au régime spécial de retraite auquel l'assuré était affilié en dernier lieu, implique nécessairement que ce régime s'assure par tous moyens qu'il a bien rempli sa mission, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, aucun élément ne permettant de vérifier que la lettre du 30 mai 1985 que la CANSSM indique avoir adressé au régime de la marine, est parvenue à son destinataire ; qu'il convient par suite de confirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré » (arrêt p. 6) ;
et aux motifs adoptés que « sur la responsabilité de la CANSSM, Anne-Marie X... qui entend engager la responsabilité de l'organisme de sécurité sociale pour manquement à son obligation de coordination dans la liquidation des droits à la retraite de Monsieur X... doit démontrer l'existence d'une faute, d'un préjudice et d'un lien de causalité entre les deux ; qu'aux termes de l'article D 173-6 du Code de la Sécurité Sociale, les avantages auxquels un assuré peut prétendre en cas d'affiliation successive ou alternative à plusieurs régimes spéciaux sont liquidés par le régime spécial de retraites auquel l'intéressé était affilié en dernier lieu ; que chaque régime auquel l'assuré était affilié supporte la charge de la prestation qui lui incombe sur la base des seules périodes valables au regard dudit régime, postérieurement au 30 juin 1930 et antérieurement à la date d'entrée en jouissance ; que chaque régime effectue le service de la fraction des avantages dont il a la charge (...) ; qu'il résulte de ce texte que le dernier régime spécial auquel est affilié un assuré est chargé de procéder à la liquidation de l'intégralité de la pension de retraite en coordination avec les autres régimes spéciaux dont il dépend ; que dans le cas d'espèce, Monsieur X... était affilié en dernier au régime à la Caisse Autonome Nationale de la Sécurité Sociale des Mines ; qu'il appartenait donc à cet organisme de liquider la pension de retraite de Monsieur X... en intégrant les années de service au sein de la marine marchande ; qu'il résulte des pièces versées aux débats que dans un premier temps cet organisme n'a liquidé que la pension de retraite des mines (courrier en date du 16 avril 1985) ; que dans un deuxième temps, il indique avoir adressé une notification de la pension à servir au service de retraite de la marine marchande (lettre en date du 30 mai 1985) ; qu'il n'est pas contesté que ce courrier ou son contenu ait été ignoré de Monsieur X... ; qu'outre, que la Caisse Autonome Nationale de la Sécurité Sociale des Mines ne démontre pas par des éléments de preuve versés au dossier de la réception par le service de retraite de la marine marchande de « la notification de la pension à servir», le courrier du même jour qu'elle a adressé à la société Penarroya recèle incontestablement une ambiguïté quant au montant dont pouvait bénéficier Monsieur X... au titre de sa pension totale de retraite puisqu'il indique qu'après révision « afin de substituer à sa rente, la pension de coordination qui lui est due à compter du 1er février 1985. Cette pension s'élève à 10.442,72 F par an.., » ; que Monsieur X... pouvait légitimement penser que le montant total de sa retraite s'élevait à la somme de 10.442,72 F par an et non à 17.752,68 F comme mentionné dans le courrier adressé par la Caisse Autonome Nationale de la Sécurité Sociale des Mines au directeur de la marine marchande ; que cette ambiguïté l'a privé de la possibilité de se rendre compte du non-versement de la part de la pension à servir par le régime de la marine marchande durant 18 ans ; qu'elle caractérise dès lors une faute engageant la responsabilité de l'organisme de sécurité sociale ayant pour mission dans la situation de Monsieur X... de liquider les avantages vieillesses auxquels il pouvait prétendre ; que le préjudice résultant de cette faute pour Madame X... est un préjudice économique s'analysant en une perte de revenus pour le ménage, préjudice direct pour Madame X... qu'il y a lieu d'évaluer à la somme de 69.722 (montant des sommes que le ménage aurait dû percevoir déduction faite de l'autoconsommation de son mari et du partage de la somme restante entre les deux époux) ; que la Caisse Autonome Nationale de la Sécurité Sociale des Mines sera en conséquence condamnée à lui payer à titre de dommages et intérêts cette somme » (jugement p. 5 et p. 6) ;
1°) alors d'une part qu'aux termes de l'article D. 173- 6 du Code de la sécurité sociale les avantages auxquels un assuré peut prétendre en cas d'affiliation successive ou alternative à plusieurs régimes spéciaux sont liquidés par le régime spécial de retraites auquel l'intéressé était affilié en dernier lieu mais que chaque régime auquel l'assuré a été affilié supporte la charge de la prestation qui lui incombe sur la base des seules périodes valables au regard dudit régime ; que la caisse minière exposante dont relevait en dernier lieu l'assuré a liquidé le 30 mai 1985 la pension de retraite revenant à l'intéressé au titre d'un précédent emploi dans la marine et a porté cette information auprès des organismes compétents pour régler la fraction demeurant à leur charge ; qu'en l'état de l'absence de demande de l'assuré auprès de la caisse de retraite des marins, et du silence de cette dernière auprès de l ‘intéressé, la cour n'a pu légalement retenir la responsabilité de la requérante au titre d'un défaut de coordination des régimes en mettant à sa charge, en dépit de ses diligences précitées, une obligation complémentaire de surveillance et de bonne fin du service de la pension de retraite des marins dont le versement ne lui incombait pas ; qu'en ajoutant à la loi une obligation de surveillance étrangère au régime de la coordination prévu par l'article D 173-6 du code de la sécurité sociale, la cour d'appel a violé le texte précité ;
2°) alors d'autre part, qu'aux termes de l‘article 1382 du code civil, le fait fautif de l'affilié est opposable à ce dernier ainsi qu'à ses ayant-droits ; qu'en l'état des informations transmises à M. X... par courriers du 30 mai 1985 pour lui permettre de saisir la caisse de retraite des marins d'une demande de versement de sa pension dont les éléments (28 trimestres) avaient alors été liquidés par la caisse minière exposante dans le cadre de sa mission de coordination prévue par l'article D 173-6 du code de la sécurité sociale, la cour n'a pu mettre directement à la charge de la CANSSM l'intégralité de la pension de retraite des marins qui n'avait pas été servie à l'intéressé à raison de faits non imputables à la caisse exposante ; qu'en ne s'expliquant pas mieux qu'elle ne l'a fait sur le fait fautif de M. X... ou de la caisse des marins la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des textes précités ;
3°) alors que, en tout état de cause, que c'est à la faveur d'une dénaturation par omission des termes de la lettre adressée le 30 mai 1985 par la CANSSM à la société Penarroya, dernier employeur de l'affilié, que la cour a cru pouvoir affirmer que l'information alors donnée par la CANSSM eut été ambiguë ; que cette déclaration procède cependant d'une citation partielle de ladite lettre qui distinguait d'une part la pension minière et d'autre part la pension des marins en indiquant pour cette dernière « d'autre part, en ce qui concerne les services de Monsieur X... dans la marine marchande, une notification de la pension à servir a été adressée le 30 mai 1985 à Monsieur Le Directeur des Affaires Maritimes quartier de Nice 22 quai Lunel 06037 Nice Cedex » ; qu'en faisant abstraction de la partie précitée du courrier relatif à la pension des marins, la cour a dénaturé les termes par omission, en violation des dispositions de l'article 1134 du code civil ;