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08/07/2009 | FRANCE | N°08-16364

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 08 juillet 2009, 08-16364


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Donne acte à Mme Maud X... et à M. Christian X... de leur reprise d'instance ;

Attendu que Didier Y... est décédé le 29 décembre 1998, en laissant pour lui succéder son épouse commune en biens, Mme Geneviève Z..., et une fille issue d'une précédente union, Mme Mireille Y..., épouse A... ; que Mme Z..., veuve Y..., a, sur le fondement de l'article 1422 du code civil, demandé la nullité de donations consenties par son époux au profit de sa fille et des enfants de celle-ci (les consorts A...)

effectuées par divers virements sur leurs comptes bancaires au moyen de som...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Donne acte à Mme Maud X... et à M. Christian X... de leur reprise d'instance ;

Attendu que Didier Y... est décédé le 29 décembre 1998, en laissant pour lui succéder son épouse commune en biens, Mme Geneviève Z..., et une fille issue d'une précédente union, Mme Mireille Y..., épouse A... ; que Mme Z..., veuve Y..., a, sur le fondement de l'article 1422 du code civil, demandé la nullité de donations consenties par son époux au profit de sa fille et des enfants de celle-ci (les consorts A...) effectuées par divers virements sur leurs comptes bancaires au moyen de sommes provenant de sa pension militaire de retraite et de sa pension de guerre ;

Sur le moyen unique, pris en ses deux premières branches, et en sa troisième branche en ce qu'elle vise les arrérages de la pension de guerre :

Attendu que Mme Z..., veuve Y..., fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir jugé que Didier Y... avait pu disposer librement, en faveur des consorts A..., des biens demeurés propres constitués par ses avoirs bancaires, issus de la perception d'une pension militaire de retraite et d'une pension de guerre, alors, selon le moyen :

1° / que les pensions ne constituent des revenus propres à leur bénéficiaire, par exception à la présomption de communauté des revenus perçus pendant le mariage, que si elles sont incessibles ; que les pensions de retraite et les rentes viagères d'invalidité des militaires sont cessibles et saisissables ; qu'en retenant néanmoins que les pensions militaires étaient incessibles, la cour d'appel a violé les articles 1401 et 1404 du code civil, ensemble l'article L. 56 du code des pensions civiles et militaires de retraite ;

2° / que l'indemnité perçue par un époux au titre d'une invalidité de travail compense le préjudice professionnel né de la perte de revenus causée par la cessation d'activité et constitue, par conséquent, un revenu commun aux deux époux ; que les pensions de guerre, qui compensent'invalidité intervenue pendant l'exercice des fonctions militaires, visent, de même, à réparer un préjudice professionnel et sont donc des revenus communs ; qu'en décidant néanmoins que les pensions de guerre revêtaient un caractère indemnitaire personnel accru et étaient exclusivement attachées à la personne qui en bénéficiait, la cour d'appel a violé les articles L. 1 et L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ;

3° / que les arrérages perçus au titre des pensions militaires constituent des substituts de salaires communs aux deux époux ; qu'en jugeant néanmoins que les arrérages de la pension militaire étaient eux-mêmes des revenus propres pour n'être qu'un mode de règlement de celle-ci sans influence sur leur nature, la cour d'appel a violé les articles 1401 et 1404 du code civil ;

Mais attendu, d'abord, que les dispositions de l'article L. 56 du code des pensions civiles et militaires de retraite, dans sa rédaction issue de la loi du 21 août 2003, selon lesquelles les pensions militaires sont cessibles et saisissables dans les mêmes conditions et limites que les salaires, n'étaient pas applicables à des pensions versées avant l'entrée en vigueur de cette loi ;

Attendu, ensuite, que l'allocation d'une pension de guerre n'est pas destinée à compenser une perte de revenus, mais à réparer un préjudice résultant d'une atteinte à l'intégrité physique d'une personne, de sorte que cette pension présente un caractère exclusivement personnel et constitue un bien propre par nature ;

Attendu, enfin, que la cour d'appel a exactement retenu que les arrérages d'une pension de guerre, qui ne sont qu'une modalité de règlement de la réparation d'un préjudice résultant d'une atteinte à l'intégrité physique, constituent des biens propres par nature ;

D'où il suit que le moyen, dépourvu de tout fondement en sa première branche, n'est pas fondé en ses deuxième et troisième branches, cette dernière en ce qu'elle vise les arrérages de la pension de guerre ;

Mais sur la troisième branche du moyen, en ce qu'elle vise les arrérages de la pension militaire de retraite :

Vu les articles 1401, 1403 et 1404, alinéa 1er, du code civil ;

Attendu que si le titre d'une pension militaire de retraite, exclusivement personnel, constitue un bien propre par nature, les arrérages de cette pension, qui sont des substituts de salaires, entrent en communauté ;

Attendu que, pour débouter Mme Z..., veuve Y..., de ses demandes, l'arrêt retient, par motifs adoptés, que les pensions militaires de retraite et les pensions de guerre, incessibles, constituent des propres par nature en vertu de l'article 1404 du code civil, dès lors que ces pensions sont destinées à indemniser un préjudice personnel et que les arrérages ne sauraient faire exception à cette règle puisqu'ils sont eux-mêmes incessibles et qu'ils ne constituent pas des fruits de biens propres puisqu'ils sont eux-mêmes des biens propres ; que, par motifs propres, l'arrêt énonce que, qu'elles soient allouées à titre de retraite ou, a fortiori, de pension de guerre revêtant un caractère indemnitaire personnel accru pour être exclusivement attachées à la personne qui en bénéficie, les pensions militaires sont incessibles et que, par conséquent, l'article 1404 les exclut de la masse commune, que ce serait aller contre la volonté du législateur clairement exprimée, nonobstant le caractère de substitut de salaires s'attachant aux pensions de retraite, que de considérer que si le titre de pension demeure propre, les arrérages versés, dès lors qu'ils ne sont pas consommés par les époux, tombent en communauté comme les fruits des propres en vertu de l'article 1403, alinéa 2, sauf, en admettant une telle analyse, à vider la nature propre du principe de la pension versée de toute signification ; que l'arrêt retient, encore, que les arrérages de la pension sont eux-mêmes des propres, pour n'être qu'un mode de règlement de celle-ci sans influence sur leur nature et que, cumulés, ils demeurent propres sans pouvoir être assimilés aux fruits de l'article précité, ni à ceux de l'article 584 du code civil qui ne vise que les produits d'une rente et non la rente elle-même, laquelle se trouve consommée au fur et à mesure des versements successifs ;

Qu'en statuant ainsi, alors que les arrérages de la pension militaire de retraite étaient entrés en communauté, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a décidé que les arrérages de la pension militaire de retraite dont Didier Y... était titulaire constituent des biens propres, l'arrêt rendu le 30 janvier 2007, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier ;

Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ;

Vu les articles 700 du code de procédure civile et 37 de la loi du 10 juillet 1991, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit juillet deux mille neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Vier, Barthélemy et Matuchansky, avocat de Mme Z... veuve Y....

Le moyen reproche à l'arrêt confirmatif attaqué D'AVOIR jugé qu'un de cujus (monsieur Didier Y...) avait pu disposer librement en faveur de sa fille et de ses petits-enfants (les consorts A...) des biens demeurés propres constitués par ses avoirs bancaires, issus de la perception d'une pension militaire de retraite et d'une pension de guerre ;

AUX MOTIFS QU'il était constant que la communauté n'avait jamais bénéficié que des seuls revenus du mari décédé, déjà en cessation d'activité lors de sa nouvelle union avec madame Geneviève Z..., veuve Y... et, en sa qualité d'ancienne militaire de carrière, bénéficiaire d'une pension de retraite de 9. 000 F environ et d'une pension de guerre de 1. 400 F perçues jusqu'à son décès et depuis 1965 ; qu'en vertu des article 1401 et 1402 du code civil, sont biens communs les acquêts provenant de l'industrie personnelle des époux ainsi que les économies faites sur les fruits et revenus de leurs biens propres et sont réputés comme tels si l'on ne prouve qu'ils sont propres à l'un des époux par application d'une disposition de la loi ou par écrit ; que la communauté n'a droit qu'aux fruits des propres perçus et non consommés ; qu'enfin, nonobstant le principe sus exposé, forment, selon l'article 1404 du code civil, des propres par nature, quand bien même ils auraient été acquis pendant le mariage, les pensions incessibles et, plus généralement, tous les biens qui ont un caractère personnel et tous les droits attachés exclusivement à la personne ; qu'or, comme l'avait exactement motivé le tribunal, qu'elles soient allouées à titre de retraite ou, a fortiori, à titre de pension de guerre, revêtant alors un caractère indemnitaire personnel accru pour être exclusivement attachées à la personne qui en bénéficiait, les pensions étaient incessibles ; que de ce fait, l'article 1404 les excluait expressément de la composition de la masse commune pour être des propres par nature ; que ce serait, par conséquent, aller contre la volonté du législateur clairement exprimée, nonobstant le caractère de substitut de salaires s'attachant aux premières, que de considérer que si le titre de la pension demeure propre, les arrérages versés, dès lorsqu'ils n'étaient pas consommés par les époux, tombaient en communauté comme les fruits de propres en vertu de l'article 1403, alinéa 2, sauf, en admettant une telle analyse, à vider la nature propre du principe de la pension versée de toute signification ; que qu'ainsi les arrérages de la pension étaient eux-mêmes des propres, pour n'être qu'u mode de règlement de celle-ci et donc sans influence sur leur nature ; que cumulés, ils demeuraient propres sans pouvoir être assimilés aux fruits de l'article précité ni à ceux de l'article 584 du code civil qui vise les produits d'une rente et non la rente elle-même, laquelle se trouve consommée au fur et à mesure des versements successifs (arrêt, p. 8-9) ; que les pensions d'invalidité et les pensions militaires étaient aux termes de l'article 1404 du code civil des propres par nature puisqu'elles constituaient des pensions 4 incessibles dès lorsque ces pensions destinées à indemniser un préjudice personnel étaient des droits personnels et que les arrérages, contrairement à ce que avait été soutenu par madame Geneviève Y..., ne sauraient faire exception à cette règle puisqu'ils étaient eux-mêmes incessibles, ce qui était le critère retenu par le législateur dans la rédaction de l'article 1404 du code civil, et qu'ils ne constituaient pas eux-mêmes des fruits de biens propres puisqu'ils étaient eux-mêmes des biens propres (jugement, p. 3) ;

ALORS, D'UNE PART, QUE les pensions ne constituent des revenus propres à leur bénéficiaire, par exception à la présomption de communauté des revenus perçus pendant le mariage, que si elles sont incessibles ; que les pensions de retraite et les rentes viagères d'invalidité des militaires sont cessibles et saisissables ; qu'en retenant néanmoins que les pensions militaires étaient incessibles, la cour d'appel a violé les articles 1401 et 1404 du code civil, ensemble l'article L. 56 du code des pensions civiles et militaires de retraite ;

ALORS, D'AUTRE PART, QUE l'indemnité perçue par un époux au titre d'une invalidité de travail compense le préjudice professionnel né de la perte de revenus causée par la cessation d'activité et constitue, par conséquent, un revenu commun aux deux époux ; que les pensions de guerre, qui compensent l'invalidité intervenue pendant l'exercice des fonctions militaires visent, de même, à réparer un préjudice professionnel et sont donc des revenus communs ; qu'en décidant néanmoins que les pensions de guerre revêtaient un caractère indemnitaire personnel accru et étaient exclusivement attachées à la personne qui en bénéficiait, la cour d'appel a violé les articles L. 1 et L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ;

ALORS, ENFIN ET SUBSIDIAIREMENT, QUE les arrérages perçus au titre des pensions militaires constituent des substituts de salaires communs aux deux époux ; qu'en jugeant néanmoins que les arrérages de la pension militaire étaient eux-mêmes des revenus propres pour n'être qu'un mode de règlement de celle-ci sans influence sur leur nature, la cour d'appel a violé les articles 1401 et 1404 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 08-16364
Date de la décision : 08/07/2009
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Analyses

REGIMES MATRIMONIAUX - Communauté entre époux - Actif - Composition - Biens acquis au cours du mariage - Biens provenant de l'industrie personnelle des époux - Substitut de salaire - Définition - Arrérages d'une pension militaire de retraite

REGIMES MATRIMONIAUX - Communauté entre époux - Propres - Propres par nature - Biens à caractère personnel - Titre d'une pension militaire de retraite SECURITE SOCIALE, REGIMES SPECIAUX - Militaires - Assurances sociales - Vieillesse - Pension - Arrérages - Nature - Détermination SECURITE SOCIALE, ASSURANCES SOCIALES - Vieillesse - Pension - Pension militaire de retraite - Arrérages - Nature - Détermination

Si le titre d'une pension militaire de retraite, versée avant l'entrée en vigueur de la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 ayant modifié l'article L. 56 du code des pensions civiles et militaires de retraite, exclusivement personnel, constitue un bien propre par nature, les arrérages de cette pension, qui sont des substituts de salaires, entrent en communauté


Références :

ARRET du 30 janvier 2007, Cour d'appel de Nîmes, 30 janvier 2007, 04/02038
Sur le numéro 1 : article 1404 du code civil
Sur le numéro 2 : articles 1401, 1403 et 1404, alinéa 1er, du code civil

Décision attaquée : Cour d'appel de Nîmes, 30 janvier 2007


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 08 jui. 2009, pourvoi n°08-16364, Bull. civ. 2009, I, n° 167
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2009, I, n° 167

Composition du Tribunal
Président : M. Bargue
Avocat général : M. Chevalier
Rapporteur ?: Mme Bignon
Avocat(s) : Me Blondel, SCP Vier, Barthélemy et Matuchansky

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2009:08.16364
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