LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article L. 225-252 du code de commerce ;
Attendu que l'actionnaire trouve dans les pouvoirs qui lui sont attribués par ce texte en vue de poursuivre la réparation de l'entier préjudice subi par la société, qualité pour demander au juge de l'exécution, pour le compte de la personne morale, d'assortir d'une astreinte une décision exécutoire ayant accueilli l'action sociale en responsabilité exercée ut singuli ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, sur la demande de la société Maaldrift, actionnaire de la société anonyme Comireg, exerçant l'action sociale ut singuli, le tribunal de commerce de Paris a, par un jugement assorti de l'exécution provisoire, condamné M. X..., président du conseil d'administration de la société Comireg, à payer à celle-ci une certaine somme à titre de dommages-intérêts ; que la société Maaldrift a demandé au juge de l'exécution d'assortir cette décision d'une astreinte ;
Attendu que, pour déclarer cette demande irrecevable, l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que l'article L. 225-252 du code de commerce, qui ne prévoit pas la faculté pour les actionnaires de solliciter la fixation ou la liquidation d'une astreinte pour assurer l'exécution de la condamnation à des dommages-intérêts, ne constitue pas une disposition spéciale dérogeant au principe selon lequel l'astreinte ne peut être fixée ou liquidée que pour assurer l'exécution du titre exécutoire au seul bénéfice et à la seule demande du créancier ; qu'il s'en déduit que la société Maaldrift, qui n'est pas directement bénéficiaire de la condamnation à paiement prononcée à l'encontre de M. X..., n'est pas recevable à demander la fixation d'une astreinte pour contraindre le débiteur à s'exécuter ;
Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a déclaré la société Maaldrift irrecevable en sa demande tendant à assortir d'une astreinte le jugement du tribunal de commerce de Paris du 20 juin 2006, l'arrêt rendu le 14 février 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. X... à payer à la société Maaldrift BV la somme de 2 500 euros
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du sept juillet deux mille neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Tiffreau, avocat aux Conseil pour la société Maaldrift BV
Le moyen reproche à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR déclaré irrecevable la demande de la Société MAALDRIFT BV aux fins d'assortir d'une astreinte le jugement du Tribunal de commerce de PARIS du 20 juin 2006, annulé le procès verbal de saisie-attribution du 7 novembre 2006 et le commandement de payer aux fins de saisie-vente du 16 novembre 2006 ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « en vertu de l'article 33 de la loi du 9 juillet 1991, le juge de l'exécution peut assortir d'une astreinte une décision rendue par un autre juge si les circonstances en font apparaître la nécessité ; que le jugement du 20 juin 2006 est exécutoire par provision mais n'est pas définitif ; que l'exécution se ferait aux risques et périls du créancier bénéficiaire de ce titre exécutoire, la société COMIREG ; que celle-ci peut légitimement différer une exécution forcée de cette décision qui peut être infirmée ou réformée en appel, notamment sur le montant des dommages intérêts alloués ; que la société MAALDRIFT BV ne saurait, au motif d'une prétendue connivence entre Monsieur Michel X... et l'actuel dirigeant de la société COMIREG, qu'elle n'établit nullement, obtenir l'exécution de ce jugement par une mesure qui excède de beaucoup les mesures conservatoires et de sauvegarde de la créance, admises de la part d'un actionnaire dans le cadre de l'article L. 225-252 du code de commerce ; que les circonstances ne rendent pas nécessaires d'assortir le jugement du 20 juin 2006 d'une astreinte ; que le jugement entrepris doit être confirmé »
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « Sur la recevabilité de la demande de fixation d'astreinte : aux termes de l'article 33 alinéa 2 de la loi 91-650 du 9 juillet 1991, le juge de l'exécution peut assortir d'une astreinte une décision rendue par un autre juge si les circonstances en font apparaître la nécessité ; qu'il y a lieu de considérer, en premier lieu, que l'astreinte est une mesure de contrainte ayant pour objet de sanctionner le refus d'exécution d'une décision de justice, qui ne peut bénéficier qu'à la partie en faveur de laquelle la décision a été rendue ; que l'article L. 225-252 du code de commerce ouvre aux actionnaires la possibilité de poursuivre contre les administrateurs ou le directeur général la réparation du préjudice subi par la société à laquelle, le cas échéant, des dommages et intérêts seront alloués ; que cette disposition ne prévoit pas, en revanche, la faculté pour lesdits actionnaires de solliciter la liquidation ou la fixation d'une astreinte pour assurer l'exécution de la condamnation à des dommages et intérêts ; qu'elle ne constitue donc pas une disposition spéciale dérogeant au principe selon lequel l'astreinte ne peut être fixée ou liquidée que pour assurer l'exécution du titre exécutoire au seul bénéfice et à la seule demande du créancier ; qu'il s'en déduit que la société MAALDRIFT BV, qui n'est pas directement bénéficiaire de la condamnation de Monsieur X... au paiement de la somme de 4.268.259 euros résultant du jugement du tribunal de commerce du 20 juin 2006, n'est pas recevable à solliciter la fixation d'une astreinte telle que prévue à l'article 33 alinéa 2 de la loi du 9 juillet 1991 pour contraindre le débiteur à s'exécuter ; qu'elle doit donc être déclarée irrecevable en sa demande ; Sur la demande d'annulation des mesures d'exécution forcée : qu'aux termes de l'article 2 de la loi du 9 juillet 1991, le créancier muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut en poursuivre l'exécution forcée sur les biens de son débiteur ;
qu'il résulte de cette disposition que les mesures d'exécution forcée ne peuvent être mise en oeuvre que par le créancier bénéficiant du titre exécutoire ; que l'article L. 225-252 du code de commerce précité, qui ouvre aux actionnaires la possibilité de solliciter une condamnation des administrateurs ou du directeur général au profit de la société, ne leur ouvre pas en revanche la possibilité d'en poursuivre l'exécution forcée ; que cette disposition ne constitue donc pas une dérogation au principe posé par la loi du 9 juillet 1991 selon laquelle l'exécution forcée est réservée au créancier bénéficiaire du titre exécutoire ; qu'aussi, la société MAALDRIFT BV n'étant pas bénéficiaire de la condamnation au paiement de la somme de 4.268.259 euros, elle ne peut en poursuivre l'exécution forcée en lieu et place de la société COMIREG ; que dans ces conditions, il convient d'annuler le procès-verbal de saisie-attribution signifié à la demande de la société MAALDRIFT BV le 7 novembre 2006 à la société CREDIT DU NORD au préjudice de Monsieur X... ; que pour les mêmes motifs, le commandement de payer aux fins de saisie-vente signifié à Monsieur X... le 16 novembre 2006 sera annulé »
ALORS QUE l'action sociale ut singuli engagée par un actionnaire pour le compte de la société a pour objet la poursuite de la réparation de l'entier préjudice subi par la société ; qu'il en résulte dès lors nécessairement que l'actionnaire, ayant obtenu par un jugement exécutoire la condamnation d'un dirigeant à la réparation du préjudice subi par la société, est recevable à en poursuivre en justice l'exécution dès lors qu'une telle poursuite de l'exécution forcée de la décision constitue la conséquence nécessaire et indispensable à la réparation effective du préjudice social ; qu'en disant que la condamnation exécutoire de Monsieur X... obtenue par la Société MAALDRIFT par jugement du Tribunal de commerce de PARIS du 20 juin 2006, par suite de l'exercice de l'action sociale, ne pouvait donner lieu à une demande de condamnation sous astreinte de Monsieur X... afin de le contraindre à exécuter la décision rendue, seule mesure pourtant de nature à obtenir une réparation effective du préjudice subi par la Société COMIREG et que la Société MALLDRIFT devait être déclarée irrecevable à agir, la Cour d'appel a violé l'article L. 225-252 du Code de commerce.