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01/07/2009 | FRANCE | N°08-86520

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 01 juillet 2009, 08-86520


Statuant sur le pourvoi formé par :

- Y... André,

contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, 9e chambre, en date du 17 septembre 2008, qui, sur renvoi après cassation, l'a condamné, pour fraude fiscale, à un an d'emprisonnement avec sursis, 10 000 euros d'amende, a ordonné la publication et l'affichage de la décision et a prononcé sur les demandes de l'administration des impôts, partie civile ;

Vu les mémoires en demande, en défense et les observations complémentaires produits ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation du principe de rét

roactivité des lois pénales de fond plus favorables, des articles 7 de la Conventi...

Statuant sur le pourvoi formé par :

- Y... André,

contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, 9e chambre, en date du 17 septembre 2008, qui, sur renvoi après cassation, l'a condamné, pour fraude fiscale, à un an d'emprisonnement avec sursis, 10 000 euros d'amende, a ordonné la publication et l'affichage de la décision et a prononcé sur les demandes de l'administration des impôts, partie civile ;

Vu les mémoires en demande, en défense et les observations complémentaires produits ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation du principe de rétroactivité des lois pénales de fond plus favorables, des articles 7 de la Convention européenne des droits de l'homme, 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, 72 de la Constitution, LO 6214-1 et suivants du code général des collectivités territoriales, 170 à 175A et 1741 et suivants du code général des impôts, 1 à 5 du code des contributions de la collectivité de Saint-Barthélémy, 112-1 du code pénal et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré André Y... coupable de fraude fiscale par soustraction à l'établissement et au paiement de l'impôt pour les années 1995 et 1996 et l'a en conséquence condamné à la peine de un an d'emprisonnement avec sursis et dix mille euros d'amende, a fait droit à l'action de l'administration fiscale et a ordonné la publication ;
" aux motifs que la compétence fiscale de la collectivité de Saint-Barthélémy est régie par les articles L. O. 6214-4 et 6214-3 dans les dispositions suivantes :- au 1° des deux articles, est fixée une condition de durée de résidence d'au moins cinq ans pour qu'une personne, physique ou morale, soit considérée comme ayant son domicile fiscal dans la collectivité ;- au 3°, est posée la règle selon laquelle les collectivités exercent leur compétence fiscale sans préjudice des règles fixées par l'Etat en matière de cotisations sociales et des autres prélèvements destinés au financement de la protection sociale et à l'amortissement de la dette sociale ; 2° par les dispositions du 2° des deux articles, obligation est faite à la collectivité de Saint-Barthélémy de transmettre à l'Etat toute information utile pour l'application de leur réglementation fiscale ou pour l'exécution des clauses d'échanges de renseignements figurant dans les conventions fiscales conclues par la France ; 3° enfin, est posé, dans le premier alinéa du I des articles LO 6214-4 et LO 6314-4, le principe que les modalités d'application de cette partie des articles seront, en tant que de besoin, précisées par des conventions conclues entre l'Etat et les collectivités, en vue de prévenir l'évasion fiscale et les doubles impositions et de définir les obligations de communication d'informations des collectivités ; que, dès lors, il y a lieu de constater qu'aucune disposition de la loi organique ou du code des contributions de Saint-Barthélémy ne prévoit l'abrogation du code général des impôts et notamment de l'article 1741 ou encore une loi pénale moins sévère que les dispositions antérieures et ce, quel que soit le statut fiscal privilégié dont pourrait éventuellement bénéficier André Y... à compter de l'année 2009 ;
" alors que, sauf dispositions expresses contraires, une loi nouvelle qui modifie une incrimination par des dispositions plus favorables, s'applique aux faits commis avant son entrée en vigueur et non définitivement jugés ; qu'il en va ainsi lorsque des dispositions fiscales nationales du code général des impôts imposant certaines obligations déclaratives dont l'omission est pénalement sanctionnée, cessent d'être applicables dans une partie du territoire ayant accédé au statut d'une collectivité d'outre-mer qui, en vertu de la dévolution de compétence en matière fiscale opérée par la loi, a décidé par une délibération exécutoire de son conseil territorial, d'abroger lesdites dispositions et d'adopter à la place un code des contributions exonérant des obligations déclaratives les personnes ayant dans la collectivité leur domicile fiscal au sens de ce code ; que le 1° de l'alinéa 1er de l'article L0 6214-3. – I du code général des collectivités territoriales issu de la loi organique n° 2007-223 du 21 février 2007 érigeant la commune de Saint-Barthélémy en collectivité d'outre-mer, a dévolu à cette collectivité la compétence pour fixer les règles en matière d'impôts, l'alinéa 2 du même texte ne réservant la compétence de l'Etat pour fixer dans cette matière notamment, que les règles relatives à la recherche, à la constatation et à la répression des infractions pénales ; que, dans les limites de la compétence ainsi dévolue, le code général des impôts et notamment ses articles 170 à 175A imposant les déclarations fiscales annuelles a été abrogé à compter du 1er janvier 2008 par la délibération n° 2007-018 CT du conseil territorial de Saint-Barthélémy du 30 octobre 2007, en tant qu'il s'appliquait au territoire de la collectivité de Saint-Barthélémy, les articles 1741 et suivants du même code, qui prévoient et sanctionnent pénalement le défaut de déclaration, restant applicables en tant que de besoin ; que, dans la limite fixée par l'article LO 6214-4. – I. 1° du code général des collectivités territoriales, le code des contributions de la collectivité de Saint-Bathélémy, entré en vigueur le 1er janvier 2008 en vertu de l'article 3 de la délibération n° 2007-018 CT du 30 octobre 2007 précitée, ne prévoit plus d'obligations déclaratives des revenus pour les personnes physiques justifiant avoir à Saint-Barthélémy, depuis cinq années au moins au 1er janvier de l'année d'imposition, leur foyer ou le lieu de leur séjour principal, ou celles qui, depuis le même temps, exercent à Saint-Barthélémy, à titre principal, une activité professionnelle, salariée ou non, ou celles qui ont à Saint-Barthélémy, depuis le même temps, le centre de leurs intérêts économiques, matériels et moraux ; qu'il en va de même à l'égard des personnes morales ayant établi à Saint-Barthélémy leur siège de direction effective depuis le même temps ; qu'ainsi, ce texte, qui ne prévoit plus l'exigence de déclaration de revenus pour les personnes physiques ou morales ayant leur domicile fiscal à Saint-Barthélémy selon les distinctions qu'il opère, modifie à leur égard l'incrimination de défaut de déclaration fiscale par des dispositions plus favorables et s'applique nécessairement aux faits commis avant son entrée en vigueur et non définitivement jugés ; qu'en refusant cependant de faire application à André Y... pour des faits commis en 1995 et 1996, avant son entrée en vigueur et non définitivement jugés, des dispositions de la loi plus favorables pour les personnes qui justifiaient d'un domicile fiscal dispensant de l'obligation déclarative de revenus au sens des dispositions nouvelles et en lui appliquant au contraire l'article 1741 du code général des impôts, dès lors qu'aucune disposition de la loi organique ou du code des contributions de Saint-Barthélémy ne prévoit l'abrogation du code général des impôts et notamment de l'article 1741 ou encore une loi pénale moins sévère que les dispositions antérieures et ce, quel que soit le statut fiscal privilégié dont pourrait éventuellement bénéficier André Y... à compter de l'année 2009, la cour d'appel a violé les principes et textes susvisés " ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 121-3, 122-3 du code pénal, LO 6214-3 et suivants du code général des collectivités territoriales, 1741 et suivants du code général des impôts, 593 du code de procédure pénale, du principe de sécurité juridique, défaut de motifs, défaut de réponse aux conclusions et manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré André Y... coupable de fraude fiscale par soustraction à l'établissement et au paiement de l'impôt pour les années 1995 et 1996, et l'a en conséquence condamné à la peine de un an d'emprisonnement avec sursis et dix mille euros d'amende, a fait droit à l'action de l'administration fiscale et a ordonné sa publication ;
" aux motifs qu ‘ à l'appui des conclusions tendant à voir constater l'absence d'élément intentionnel de l'infraction, il est principalement exposé qu'en raison d'un débat ayant existé dans les années précédentes sur l'assujettissement à l'impôt des résidents de l'île, le prévenu n'avait pas une connaissance précise de ses obligations fiscales ; que, sur ce point, les premiers juges ont exactement relaté l'évolution de la loi fiscale depuis la rétrocession de l'île à la France par le Royaume de Suède, le 10 août 1877 jusqu'au décret du 30 mars 1948 ; que, de plus, André Y... a été l'objet d'une mise en demeure du 6 octobre 1997 (accusé de réception du 13 octobre) ; que celle-ci est demeurée sans effet, se bornant pour toute réponse à : " revenu : 0 – résident Saint-Barthélémy " ; qu'André Y..., en toute connaissance de ses obligations fiscales, a omis d'établir ses déclarations de revenus et a persisté postérieurement à la mise en demeure ; que le moyen sera rejeté ; que s'agissant du principe de « sécurité juridique », il est principalement fait état d'une situation de fait sur la rareté des poursuites pour fraude fiscale par omission déclarative à l'égard des résidents de l'île (6 800 résidents) et qu'en conséquence le contribuable local pouvait croire à une tolérance administrative à l'égard des pratiques contraires à la loi ; que, sur ce point, il ne peut être contesté l'existence de crimes ou délits demeurant impunis en raison de l'habilité des auteurs de fraude à la loi ou de l'insuffisance des organes de contrôle et de répression ; que ce fait social étudié dans la doctrine de criminologie sous l'appellation « chiffre noir de la délinquance » ne saurait constituer une excuse absolutoire ou une cause d'extinction de l'action publique au profit des auteurs de délits identifiés ; que ce moyen sera rejeté ; que les premiers juges ont exactement relevé à l'encontre d'André Y... les éléments constitutifs du délit de fraude fiscale par des motifs particulièrement circonstanciés et pertinents que la cour adopte et sont à bon droit entrés en voie de condamnation ; que la cour confirmera sur la déclaration de culpabilité ; qu'en l'absence d'antécédents judiciaires du prévenu lors des faits, la peine d'emprisonnement encourue sera assortie du sursis ; qu'au vu des motifs qui précèdent, l'administration, partie civile, sera déclarée recevable et bien fondée en son action ;
" alors que, lorsqu'une obligation pénalement sanctionnée n'est pas définie avec clarté par l'autorité compétente en méconnaissance du principe de sécurité juridique, sa méconnaissance ne saurait entraîner l'application de la loi pénale ; que, par ses conclusions régulièrement déposées, André Y..., reprenant en cela les motifs de l'arrêt de la cour d'appel de Fort-de-France du 21 octobre 2004, faisait valoir que les élus locaux n'hésitaient pas à authentifier des déclarations sur l'honneur de non-imposition signés par des Saint-Barths ; que le ministre délégué à l'outre-mer déclarait au Sénat, le 19 décembre 1996, « Personne n'ira à Saint-Barthélémy contrôler la perception de l'impôt ; que le même jour, l'inspecteur général des finances de l'outre-mer déclarait « A Saint-Barthélémy, il n'y a pas d'impôt ; que le préfet de Guadeloupe disait que « le gouvernement n'entend en aucune manière remettre en cause de quelque façon que ce soit, les franchises douanières et les particularités fiscales dont bénéficie Saint-Barthélémy ; que le Président Jacques Chirac avait évoqué « le maintien du statu quo dont l'existence de fait est indéniable » ; qu'après l'arrêt du Conseil d'Etat de mars 1985, le ministre des Dom-Tom obtint du gouvernement que des instructions soient données aux services fiscaux pour ne pas poursuivre les contribuables résidant à Saint-Barthélémy qui ne rempliraient pas la déclaration sur l'impôt sur le revenu des personnes physiques ; qu'en se bornant à énoncer que ce fait social était étudié dans la doctrine de criminologie sous l'appellation « chiffre noir de la délinquance » qui ne saurait constituer une excuse absolutoire ou une cause d'extinction de l'action publique au profit des auteurs de délits identifiés, la cour d'appel n'a pas répondu au moyen pris de la méconnaissance du principe de sécurité juridique dont elle était saisie, privant ainsi sa décision de toute base légale au regard des textes susvisés " ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure qu'André Y..., qui réside à Saint-Barthélémy, est poursuivi du chef de fraude fiscale pour s'être soustrait à l'établissement et au paiement de l'impôt sur le revenu dû au titre des années 1995 et 1996 en ayant omis de souscrire les déclarations qui lui incombaient ;
Attendu que, pour déclarer le prévenu coupable de fraude fiscale, après avoir écarté son argumentation selon laquelle, en application de la loi organique du 21 février 2007 érigeant Saint-Barthélémy en collectivité d'outre-mer, celle-ci a reçu compétence pour fixer les règles applicables sur son territoire en matière d'impôts, droits et taxes et, le 13 novembre 2007, a été adopté par le conseil territorial de cette collectivité un code des contributions qui institue à partir du 1er janvier 2008, pour les personnes y résidant depuis au moins cinq ans, un nouveau régime fiscal ne comportant plus d'imposition des revenus, l'arrêt énonce que, d'une part, aucune disposition de la loi organique ou du code des contributions n'ayant abrogé l'article 1741 du code général des impôts, qui reste applicable à Saint-Barthélémy, le nouveau statut fiscal qui y est institué ne saurait avoir un effet rétroactif sur la constitution du délit, d'autre part, le prévenu, qui ne conteste pas la matérialité des faits reprochés, a agi en pleine connaissance de ses obligations fiscales et a persisté à ne pas déclarer ses revenus postérieurement à la mise en demeure qu'il a reçue le 13 octobre 1997 ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, la cour d'appel, qui a répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie, a justifié sa décision ;
D'où il suit que les moyens ne sauraient être accueillis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Pelletier président, Mme Nocquet conseiller rapporteur, M. Dulin, Mme Desgrange, M. Rognon, Mme Ract-Madoux, M. Bayet, Mme Canivet-Beuzit, M. Bloch conseillers de la chambre, Mmes Slove, Labrousse conseillers référendaires ;
Avocat général : M. Salvat ;
Greffier de chambre : Mme Krawiec ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 08-86520
Date de la décision : 01/07/2009
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

IMPOTS ET TAXES - Impôts directs et taxes assimilées - Fraude fiscale - Personnes assujetties à l'impôt - Habitants de l'île de Saint-Barthélemy (Guadeloupe)

Se rend coupable de fraude fiscale le prévenu, résidant à Saint-Barthélémy, qui s'est soustrait à l'établissement et au paiement de l'impôt sur le revenu dû au titre des années 1995 et 1996, dès lors que le code des contributions, adopté par le conseil territorial de cette collectivité d'Outre-mer et entré en vigueur le 1er janvier 2008, qui a institué un nouveau régime fiscal ne comportant plus d'imposition des revenus pour les personnes y résidant depuis au moins cinq ans, n'a pas abrogé l'article 1741 du code général des impôts et ne saurait avoir un effet rétroactif sur la constitution de ce délit


Références :

article 1741 du code général des impôts

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 17 septembre 2008

Sur l'assujettissement des personnes résidant dans l'île de Saint-Barthélémy (Guadeloupe) à l'impôt sur le revenu, à rapprocher :Crim., 11 février 2004, pourvoi n° 02-84472, Bull. crim. 2004, n° 37 (3) (cassation partielle sans renvoi) ;Crim., 31 mai 2006, pourvoi n° 05-81768, Bull. crim. 2006, n° 155 (cassation)


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 01 jui. 2009, pourvoi n°08-86520, Bull. crim. criminel 2009, n° 142
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2009, n° 142

Composition du Tribunal
Président : M. Pelletier
Avocat général : M. Salvat
Rapporteur ?: Mme Nocquet
Avocat(s) : Me Brouchot, Me Foussard

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2009:08.86520
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