LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
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LA FÉDÉRATION DÉPARTEMENTALE DE LA PÊCHE
DES HAUTES-ALPES, partie civile
contre l'arrêt de la cour d'appel de GRENOBLE, chambre correctionnelle ,en date du 23 juin 2008, qui l'a déboutée de ses demandes après relaxe de l'ASSOCIATION SYNDICALE AUTORISÉE DU CANAL DE GAP du chef d'installation d'ouvrage dans le lit d'un cours d'eau sans dispositif garantissant un débit minimal assurant la vie, la circulation et la reproduction des espèces vivantes ;
Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles L. 432-5, L. 432-8 du code de l'environnement, 122-2, 122-4 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a renvoyé l'ASA du canal de Gap des fins de la poursuite et a débouté la Fédération départementale de la pêche des Hautes-Alpes de ses demandes ;
"aux motifs qu'aux termes de l'article L. 432-5 du code de l'environnement : « tout ouvrage à construire dans le lit d'un cours d'eau doit comporter des dispositifs maintenant dans ce lit un débit minimum garantissant en permanence la vie, la circulation et la reproduction des espèces qui peuplent les eaux au moment de l'installation de l'ouvrage ainsi, le cas échéant, des dispositifs empêchant la pénétration du poisson dans les canaux d'amenée et de fuite ; l'exploitant de l'ouvrage est tenu d'assurer le fonctionnement et l'entretien des dispositifs garantissant dans le lit du cours d'eau le débit minimal défini aux deux alinéas précédents » ; que, suite à la sécheresse exceptionnelle, récurrente depuis trois années consécutives, il a été décidé, au cours d'une réunion tenue le 8 février 2005 en mairie de Saint-Bonnet, de construire sur le Drac une prise volante en amont de la prise d'eau des Ricoux et ce, afin de détourner les eaux du Drac et de permettre à l'ASA du canal de Gap de continuer à alimenter en eau potable la ville de Gap ; qu'il résulte du procès-verbal à l'origine des poursuites que l'assèchement des eaux du Drac était due à la construction de cette prise volante en amont de la prise d'eau des Ricoux et non à la prise d'eau des Ricoux dont l'ASA est gestionnaire ; qu'au cours de la réunion tenue le 17 mars 2005, en présence de la DDAF, du chargé de mission du Sage Drac et du représentant du maire de Saint-Jean Saint-Nicolas, il a été constaté un débit réservé insuffisant au droit de la prise volante, cette situation exceptionnelle ayant été reconnue en ces termes : « Sachant que tout le monde a conscience de l'état d'étiage très exceptionnel du cours d'eau ainsi que du cas de force majeure en matière d'alimentation d'eau potable » ; que l'absence de pluviométrie, le déficit d'enneigement et le cumul de trois années consécutives de sécheresses ont conduit à constater une année 2004-2005 caractérisée par un déficit gravissime en eau ; que le comité de sécheresse a relevé le 23 mars 2005 que : « le débit du Drac a été très faible cet hiver et atteint un niveau critique pendant la semaine du 15 mars, alors que le redoux et la fonte des neiges avaient pourtant débuté ; le niveau de la réserve de Jaussauds était de – 4,5 mètres, ce qui correspondait à moins de 15 jours d'autonomie pour la ville de Gap » ; que suite à la réunion du 17 mars 2005, l'ASA du canal de Gap avait alerté la DDAF de cette situation critique due à la sécheresse de l'hiver 2004-2005 et de son obligation d'alimenter en eau la ville de Gap en sa qualité d'établissement public chargé d'une mission de service public et avait alors proposé une solution de pompage des nappes des Ricoux, solution qui ne fut pas retenue par le comité de gestion des étiages, lequel a autorisé la construction de la prise volante à l'origine du non-maintien du débit réservé dans le lit du Drac ; qu'il résulte de ces éléments que l'ASA du canal de Gap avait proposé une autre solution que celle qui a, en définitive, été imposée ; que cette solution, à savoir la construction d'une prise volante lui a été imposée alors qu'elle n'avait pas approuvé ce choix technique ; qu'elle n'a ni financé ni installé cette construction, l'entreprise Festa ayant procédé aux travaux de construction de la prise volante sous la direction de la ville de Gap et qu'elle n'a, dès lors, pas procédé au démontage de cette installation, à défaut d'une autorisation de l'administration responsable de la police de l'eau ; que, de surcroît, au vu des conditions météorologiques non contestées, il n'apparaît pas établi que l'installation de la prise volante à laquelle l'ASA du canal de Gap, qui avait proposé une autre solution de pompages des nappes des Ricoux, s'était opposée aurait permis de maintenir un débit réservé de 140 litres par seconde ; qu'il convient, au vu de ces éléments, de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a renvoyé l'ASA du canal de Gap des fins de la poursuite, les éléments tant matériels qu'intentionnel de l'infraction n'étant pas réunis ; que l'ASA du canal de Gap ayant été renvoyée des fins de la poursuite, il convient d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a déclaré irrecevable la constitution de partie civile de la Fédération départementale de la pêche et de la débouter de ses demandes ;
"alors, en premier lieu, que seul celui qui accomplit un acte commandé par l'autorité légitime peut se voir exonérer de sa responsabilité pénale ; qu'en l'espèce, la cour d'appel ne pouvait se borner à constater, pour renvoyer l'ASA du canal de Gap des fins de la poursuite, que la mise en place de la prise volante lui avait été imposée par le comité de gestion des étiages, sans rechercher, comme il lui était demandé, si ce comité était une autorité publique et disposait de la compétence nécessaire pour imposer à l'ASA du canal de Gap la mise en place d'un dispositif incompatible avec le débit minimal réglementaire que l'ASA, en sa qualité d'exploitante du barrage et de tous les ouvrages assurant l'usage de la dotation d'eau dudit canal, devait garantir ;
"alors, en second lieu, que seul un événement indépendant de la volonté humaine que celle-ci n'a pu ni prévoir ni conjurer caractérise l'état de nécessité exonérant l'auteur d'une infraction de sa responsabilité pénale ; qu'en se fondant encore, pour relaxer l'ASA du canal de Gap sur la sécheresse exceptionnelle qu'avait connu la région, sans rechercher, comme elle y avait été invitée, si cette circonstance, qu'elle a elle-même qualifiée de «récurrente» était imprévisible et irrésistible pour un établissement public chargé de l'apprivoisement de la région en eau potable, la cour d'appel a, de nouveau, privé sa décision de base légale" ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, et en répondant aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie, exposé les motifs pour lesquels elle a estimé que la preuve de l'infraction reprochée n'était pas rapportée à la charge de la prévenue, en l'état des éléments soumis à son examen, et a ainsi justifié sa décision déboutant la partie civile de ses prétentions ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
DIT n'y avoir lieu à application, au profit de la fédération départementale de la pêche des Hautes-Alpes, de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Farge conseiller le plus ancien faisant fonction de président en remplacement du président empêché, M. Le Corroller conseiller rapporteur, M. Blondet conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : M. Souchon ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;