La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

23/06/2009 | FRANCE | N°07-19542

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 23 juin 2009, 07-19542


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant, tant sur le pourvoi principal de la société Julou compagnie que sur le pourvoi incident du département du Finistère ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Bil Toki, titulaire de marques semi-figuratives "29", enregistrées afin de désigner notamment des vêtements et chaussures, a agi en contrefaçon de cette marque à l'encontre de la société Julou compagnie, pour avoir apposé ce signe sur des produits identiques ; que le département du Finistère est volontairement interven

u aux débats ;

Sur le premier moyen du pourvoi incident, pris en sa première...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant, tant sur le pourvoi principal de la société Julou compagnie que sur le pourvoi incident du département du Finistère ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Bil Toki, titulaire de marques semi-figuratives "29", enregistrées afin de désigner notamment des vêtements et chaussures, a agi en contrefaçon de cette marque à l'encontre de la société Julou compagnie, pour avoir apposé ce signe sur des produits identiques ; que le département du Finistère est volontairement intervenu aux débats ;

Sur le premier moyen du pourvoi incident, pris en sa première branche :

Attendu que le département du Finistère fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré valable la marque "29", alors, selon le moyen, que ne peut être adopté comme marque un signe portant atteinte à des droits antérieurs et notamment au nom d'une collectivité territoriale indépendamment de toute atteinte à l'image ou à la renommée de celle-ci ; que le numéro d'un département qui sert à l'identifier fait partie ou est assimilable à son nom ; qu'en se bornant, en l'espèce, à indiquer qu'il ne résulterait d'aucun élément de la cause que la société Bil Toki porterait atteinte au nom du Finistère en "utilisant la marque 29 sur des tee-shirts, des polos ou des chemises qui sont au surplus de qualité très convenable", sans rechercher, comme l'y invitait le département du Finistère, si en déposant le numéro 29 à titre de marque pour désigner des tee-shirts, la société Bil Toki ne lui interdisait pas d'éditer, à l'occasion d'une manifestation sportive, culturelle ou autres, des tee-shirts affichant le numéro servant à l'identifier, ce qui restreignant son droit à l'usage de son nom, y portait atteinte indépendamment de toute atteinte à son image ou à sa renommée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 711-4 h) du code de la propriété intellectuelle ;

Mais attendu que l'article L. 711-4 h) du code de la propriété intellectuelle n'ayant pas pour objet d'interdire aux tiers, de manière générale, de déposer en tant que marque un signe identifiant une collectivité territoriale, mais seulement de réserver cette interdiction au cas où résulte de ce dépôt une atteinte aux intérêts publics, la cour d'appel n'avait pas à répondre à des conclusions inopérantes soutenant qu'une telle atteinte résulterait de ce seul dépôt ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur les deux premières branches du premier moyen du pourvoi principal et sur les deux dernières branches du premier moyen du pourvoi incident, qui sont en mêmes termes :

Attendu que la société Julou compagnie et le département du Finistère font encore le même grief à l'arrêt, alors, selon le moyen :

1°/ que sont dépourvus de caractère distinctif les signes pouvant servir à désigner une caractéristique du produit et notamment la provenance géographique ; que le dépôt de noms géographiques à titre de marque est ainsi interdit non seulement lorsqu'ils désignent des lieux qui peuvent actuellement, aux yeux des milieux intéressés, avoir un lien avec la catégorie des produits concernés, mais également lorsqu'ils sont "susceptibles d'être utilisés dans l'avenir par les entreprises intéressées en tant qu'indication de provenance de la catégorie de produits en cause" ; que l'autorité compétente doit alors apprécier s'il est raisonnable d'envisager qu'un tel nom puisse, aux yeux des milieux intéressés, désigner la provenance géographique de cette catégorie de produits ; que dans cette appréciation, le lien entre le produit concerné et le lieu géographique ne dépend pas nécessairement de la fabrication du produit dans ce lieu ; qu'en retenant en l'espèce que les marques "29" auraient un caractère distinctif parce qu'elles n'avaient pas pour objet de promouvoir des produits spécifiques du Finistère ou d'indiquer la provenance des produits, s'agissant de vêtements banals fabriqués en n'importe quel lieu géographique, sans rechercher, comme elle le devait, si, alors qu'il désigne le Finistère et qu'il peut – ainsi que le tribunal, dont elle a confirmé le jugement, le relève – servir à créer dans l'esprit du consommateur une association entre un produit commercial quelconque et l'identité culturelle de cette collectivité territoriale, il est raisonnable d'envisager que le nombre 29 apposé sur des vêtements puisse, aux yeux des consommateurs, désigner la provenance géographique de ceux-ci, indépendamment de tout lien avec leur fabrication dans ce lieu, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 711-2 du code de la propriété intellectuelle, tel qu'il doit s'interpréter à la lumière de l'article 3 § 1 sous c) de la directive 89/104/CE du Conseil du 21 décembre 1988 dont il est la transposition ;

2°/ qu'en s'abstenant de rechercher, comme l'y invitaient les conclusions de la société Julou compagnie, si le chiffre 29 ne constituait pas un emblème étatique du département du Finistère dont l'enregistrement à titre de marque était en tant que tel exclu par l'article 6 ter de la Convention d'union de Paris et l'article L. 711-3 du code de la propriété intellectuelle, la cour d'appel a entaché sa décision de défaut de motifs, en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu, d'une part, que la cour d'appel, qui n'était pas tenue de se livrer à une recherche qui ne lui était pas demandée, a justifié sa décision, en retenant, pour rejeter les conclusions prétendument délaissées, que les marques en cause n'avaient pas pour objet d'indiquer la provenance des produits ;

Et attendu, d'autre part, que, n'étant pas soutenu que le signe litigieux aurait été notifié au Bureau de l'office mondial de la propriété intellectuelle, dans les formes prévues à la Convention d'Union de Paris, la cour d'appel n'était pas tenue de répondre à de simples allégations ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses deux branches ;

Mais sur le deuxième moyen du pourvoi principal et le second moyen du pourvoi incident, pris en leur première branche, rédigés en termes identiques :

Vu l'article L. 711-1 du code de la propriété intellectuelle ;

Attendu que pour écarter le moyen pris du caractère frauduleux du dépôt de la marque "29", l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que le but frauduleux poursuivi par la société Bil Toki lors de ce dépôt est une pétition de principe qui ne s'accompagne d'aucun élément de preuve, que devant la réussite de la méthode qui a consisté à utiliser un nombre a priori banal pour l'associer à une identité culturelle, il ne peut être reproché à la société Bil Toki d'avoir cherché par avance à utiliser le protectionnisme économique permis par le code de la propriété intellectuelle pour se réserver l'accès privilégié aux marchés potentiels que sont les départements à forte identité culturelle, et que le dépôt de la marque "29", loin de présenter le caractère frauduleux qui lui est prêté, relève en fait d'une bonne gestion d'une entreprise qui préserve ses meilleures chances de croissance en assurant les conditions juridiques d'une réitération du succès initial sur d'autres segments de marché ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'elle constatait que le droit de marque n'était pas constitué et utilisé pour distinguer des produits et services en identifiant leur origine, mais se trouvait détourné de sa fonction dans le but de se réserver, par l'appropriation d'un signe identifiant un département, un accès privilégié et monopolistique à un marché local au détriment des autres opérateurs, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a déclaré le département du Finistère recevable en son intervention, l'arrêt rendu le 28 juin 2007, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse, autrement composée ;

Condamne la société Bil Toki aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois juin deux mille neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits au pourvoi principal par la SCP Thomas-Raquin et Bénabent, avocat aux Conseils pour la société Julou compagnie.

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré valables les marques semi-figuratives « 29 » inscrites sous le n° 98 747 296 et 3 316 898 dont la SARL BIL TOKI est titulaire ;

AUX MOTIFS QU' « au fond, l'article L. 711-1 du Code de la propriété intellectuelle autorise l'emploi de chiffres pour constituer une marque ; que contrairement aux prétentions du Département du Finistère, l'utilisation du chiffre 29 comme marque est a priori licite ; que l'article L. 711-4 du même Code pose une restriction au principe en interdisant le signe qui porte atteinte « notamment … au nom, à l'image ou à la renommée d'une collectivité territoriale » ; qu'il ne résulte d'aucun élément de la cause que la Société BIL TOKI porte atteinte au nom, à l'image ou à la renommée du Finistère en utilisant la marque 29 sur des tee-shirts, des polos ou des chemises qui sont au surplus de qualité très convenable ; qu'en conséquence, en l'état actuel de la législation, l'annulation de la marque 29 pour indisponibilité n'est pas fondée ; que les demandes en ce sens de la Société JULOU COMPAGNIE et du Département du Finistère seront rejetées ; que la Société JULOU COMPAGNIE reproche à la marque 29 d'être non distinctive et déceptive ; que ce grief serait fondé si la marque 29 avait pour objet de promouvoir des produits spécifiques du Finistère ou d'indiquer la provenance des produits ; que tel n'est pas le cas s'agissant de vêtements banals fabriqués en n'importe quel lieu géographique français ou étranger ; qu'ainsi, un chiffre, et en l'occurrence le chiffre 29, est parfaitement distinctif pour ce type de produit » (cf. arrêt p. 4 et 5) ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « l'article L. 711-4 du Code de la propriété intellectuelle, invoqué par la Société JULOU, qui doit rester d'interprétation stricte en ce qu'il limite la liberté du commerce, s'il interdit l'appropriation du nom, de l'image ou de la renommée d'une collectivité territoriale, ne s'interprète pas comme faisant obstacle à ce que le chiffre ou le nombre désignant un département soit utilisé comme marque par un commerçant pour conférer un caractère distinctif à une ligne de produits totalement étrangers à la mise en valeur du territoire de cette collectivité, en l'espèce des vêtements ; que ce texte ne prohibe pas l'utilisation des numéros de départements, soit seuls accompagnés d'un graphisme minimum, soit en association avec d'autres symboles culturels dudit département, pour créer chez le consommateur une association entre un produit commercial quelconque, sans rapport avec la promotion de la collectivité territoriale et l'identité culturelle de cette collectivité territoriale, en se fondant sur l'aspect gratifiant pour ledit consommateur de sa relation personnelle à cette entité territoriale et culturelle ; que l'appui apporté à la Société JULOU par un membre du Conseil Général du Finistère dans une lettre datée du 10 avril 2006, qui conteste la possibilité pour une société privée d'utiliser le nombre 29 identifiant le département, ne méconnaît nullement l'efficacité de l'utilisation de ce nombre en association à l'identité culturelle du département mais semble contester à une personne privée située hors de la région ou hors du département le droit de réussir commercialement en usant de cette association entre le nombre et l'identité culturelle dont elle ne fait pas partie ; que cette prise de position n'est que l'expression d'un localisme sans portée juridique que seule une loi pourrait imposer, sous réserve au demeurant qu'elle soit considérée comme conforme à la législation européenne ; qu'aucun texte n'interdit à un non breton de promouvoir la Bretagne ; qu'en faisant une marque d'un code départemental entouré d'un cercle, la Société BIL TOKI a réussi à promouvoir ses produits en déclenchant chez le consommateur un processus de gratification par le lien ainsi créé entre la localisation géographique, évoquée par le numéro du département, et l'identité culturelle du même secteur géographique ; que la marque 64 fait ainsi référence à un département touristique avantagé par la mer, par la montagne, comme par l'identité basque et son isolat linguistique ; que la Société BIL TOKI a donc cherché à renouveler ce succès et à préserver d'autres opérations commerciales analogues en déposant d'autres marques composées des codes départementaux de régions à forte identité culturelle constituant autant de marchés potentiels générateurs de profits ; que cette démarche l'a amenée à choisir de déposer la marque 29, aujourd'hui contestée, qui évoque la Bretagne et plus particulièrement le département du Finistère, connus pour la spécificité de leur culture locale et par la survivance d'une langue régionale reflet d'une culture propre ; que la marque déposée n'est donc ni descriptive ni déceptive ; que le succès commercial de la méthode utilisée le démontre d'ailleurs » (cf. jugement p. 3 et 4) ;

ALORS, D'UNE PART, QUE sont dépourvus de caractère distinctif les signes pouvant servir à désigner une caractéristique du produit et notamment la provenance géographique ; que le dépôt de noms géographiques à titre de marque est ainsi interdit non seulement lorsqu'ils désignent des lieux qui peuvent actuellement, aux yeux des milieux intéressés, avoir un lien avec la catégorie des produits concernés, mais également lorsqu'ils sont « susceptibles d'être utilisés dans l'avenir par les entreprises intéressées en tant qu'indication de provenance de la catégorie de produits en cause » ; que l'autorité compétente doit alors apprécier s'il est raisonnable d'envisager qu'un tel nom puisse, aux yeux des milieux intéressés, désigner la provenance géographique de cette catégorie de produits ; que dans cette appréciation, le lien entre le produit concerné et le lieu géographique ne dépend pas nécessairement de la fabrication du produit dans ce lieu ; qu'en retenant en l'espèce que les marques « 29 » auraient un caractère distinctif parce qu'elles n'avaient pas pour objet de promouvoir des produits spécifiques du Finistère ou d'indiquer la provenance des produits, s'agissant de vêtements banals fabriqués en n'importe quel lieu géographique, sans rechercher, comme elle le devait, si, alors qu'il désigne le Finistère et qu'il peut – ainsi que le Tribunal, dont elle a confirmé le jugement, le relève – servir à créer dans l'esprit du consommateur une association entre un produit commercial quelconque et l'identité culturelle de cette collectivité territoriale, il est raisonnable d'envisager que le nombre « 29 » apposé sur des vêtements puisse, aux yeux des consommateurs, désigner la provenance géographique de ceux-ci, indépendamment de tout lien avec leur fabrication dans ce lieu, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 711-2 du Code de la propriété intellectuelle, tel qu'il doit s'interpréter à la lumière de l'article 3 § 1 sous c) de la direction 89/104/CE du Conseil du 21 décembre 1988 dont il est la transposition ;

ALORS, D'AUTRE PART, QU'en s'abstenant de rechercher, comme l'y invitaient les conclusions de la Société JULOU COMPAGNIE, si le chiffre « 29 » ne constituait pas un emblème étatique du département du Finistère dont l'enregistrement à titre de marque était en tant que tel exclu par l'article 6 ter de la Convention d'Union de PARIS et l'article L. 711-3 du Code de la propriété intellectuelle, la Cour d'appel a entaché sa décision de défaut de motifs, en violation de l'article 455 du Code de procédure civile.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré valables les marques figuratives « 29 » n° 98 747 296 et 04 3 316 898 dont la Société BIL TOKI est titulaire et débouté en conséquence la Société JULOU COMPAGNIE de sa demande tendant à voir prononcer l'annulation de ces marques à raison de leur caractère frauduleux ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE « sur le caractère frauduleux du dépôt de la marque 29, la Société JULOU COMPAGNIE fait valoir que le dépôt effectué le 25 août 1998 par la Société 64 auteur de la Société BIL TOKI a été réitéré par celle-ci le 4 octobre 2004 après qu'elle-même, Société JULOU COMPAGNIE, ait effectué son dépôt ; qu'elle en déduit que la Société BIL TOKI n'était pas assurée de ses droits antérieurs, notamment parce qu'elle n'exploitait pas sérieusement la marque, et elle ajoute que le deuxième dépôt aurait eu pour but de gêner les activités d'autres professionnels ; que le dépôt n° 04 3 316 898 du 4 octobre 2004 n'a aucune valeur probatoire quant à la croyance de la Société BIL TOKI dans l'étendue de ses droits antérieurs ; qu'il en résulte encore moins que la Société BIL TOKI serait sans droit ; que le but frauduleux poursuivi par la Société BIL TOKI lors de ce dépôt est une pétition de principe de la Société JULOU COMPAGNIE qui ne s'accompagne d'aucun élément de preuve » (cf. arrêt p. 5) ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QU' « en faisant une marque d'un code départemental entouré d'un cercle, la Société BIL TOKI a réussi à promouvoir ses produits en déclenchant chez le consommateur un processus de gratification par le lien ainsi créé entre la localisation géographique, évoquée par le numéro du département, et l'identité culturelle du même secteur géographique ; que la marque 64 fait ainsi référence à un département touristique avantagé par la mer, par la montagne, comme par l'identité basque et son isolat linguistique ; que la Société BIL TOKI a donc cherché à renouveler ce succès et à préserver d'autres opérations commerciales analogues en déposant d'autres marques composées des codes départementaux de régions à forte identité culturelle constituant autant de marchés potentiels générateurs de profits ; que cette démarche l'a amenée à choisir de déposer la marque 29, aujourd'hui contestée, qui évoque la Bretagne et plus particulièrement le département du Finistère, connus pour la spécificité de leur culture locale et par la survivance d'une langue régionale reflet d'une culture propre ; que la marque déposée n'est donc ni descriptive ni déceptive ; que le succès commercial de la méthode utilisée le démontre d'ailleurs ; (..) que devant la réussite de la méthode qui a consisté à utiliser un nombre a priori banal pour l'associer à une identité culturelle, il ne peut être reproché à la Société BIL TOKI d'avoir cherché par avance à utiliser le protectionnisme économique permis par le Code de la propriété intellectuelle et industrielle pour se réserver l'accès privilégié aux marchés potentiels que sont les départements à forte identité culturelle ; que le dépôt de la marque 29, loin de présenter le caractère frauduleux qui lui est prêté, relève en fait d'une bonne gestion d'une entreprise qui préserve ses meilleures chances de croissance en assurant les conditions juridiques d'une réitération du succès initial sur d'autres segments de marché » (cf. jugement, p. 4) ;

ALORS QU'en application de l'adage fraus omnia corrumpit, doit être annulé le dépôt ou l'acquisition frauduleuse d'une marque ; que constitue un détournement frauduleux du droit des marques le fait de déposer ou d'acquérir une marque non pas, conformément à sa finalité, pour identifier l'origine de ses produits et services et les distinguer de ceux de ses concurrents, mais pour s'approprier un signe identifiant un département et se réserver ainsi, au détriment des autres opérateurs, un accès privilégié et monopolistique au marché régional que représente celui-ci ; qu'en retenant en l'espèce que le but frauduleux poursuivi par la Société BIL TOKI serait une pétition de principe, tout en constatant par motifs adoptés des premiers juges dont elle a confirmé le jugement, qu' « en faisant une marque » du code départemental 29, cette société, qui avait antérieurement réussi à promouvoir ses produits sous la marque 64 « en déclenchant chez le consommateur un processus de gratification par le lien ainsi créé entre la localisation géographique, évoquée par le numéro du département, et l'identité culturelle du même secteur géographique », a cherché « à renouveler ce succès et à présenter d'autres opérations commerciales analogues en déposant d'autres marques composées des codes départementaux à forte identité culturelle constituant autant de marchés potentiels générateurs de profits » et qu'il ne peut lui être reproché « d'avoir cherché par avance à utiliser le protectionnisme économique permis par le Code de la propriété intellectuelle pour se réserver l'accès privilégié aux marchés potentiels que sont les départements à forte identité culturelle », la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, en violation de l'adage fraus omnia corrumpit et de l'article L. 711-1 du Code de la propriété intellectuelle ;

ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QU'à supposer qu'il puisse être considéré que la Cour d'appel n'a pas adopté les motifs du Tribunal, en se bornant alors, par motifs propres, à affirmer que « le but frauduleux poursuivi par la Société BIL TOKI lors de ce dépôt est une pétition de principe de la Société JULOU COMPAGNIE qui ne s'accompagne d'aucun élément de preuve », sans rechercher, comme l'y invitaient les conclusions de cette société, si, en procédant à la multiplication de dépôts de marques portant sur les numéros des départements français, la Société BIL TOKI n'avait pas cherché à s'approprier un monopole indu sur ceux-ci en privant ses concurrents du droit de les utiliser et de s'y référer, et n'avait pas ainsi frauduleusement détourné le droit des marques, la Cour d'appel a entaché sa décision de défaut de motifs, en violation de l'article 455 du Code de procédure civile.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir fait droit à l'action en contrefaçon de sa marque, portant sur le chiffre « 29 entouré d'un cercle, formée par la Société BIL TOKI à l'encontre de la Société JULOU COMPAGNIE et d'avoir en conséquence condamné celle-ci à verser à la Société BIL TOKI la somme de 30.000 à titre de dommages-intérêts et ordonné des mesures de destruction, d'interdiction et de publication ;

AUX MOTIFS QUE « sur la contrefaçon, la Société JULOU COMPAGNIE reproduit les chiffre 29 qui sont le signe distinctif et dominant de la marque dont la Société BIL TOKI est titulaire ; qu'elle crée ainsi un risque de confusion quand bien même les graphismes seraient différents ; que la contrefaçon est caractérisée » (cf. arrêt p. 6) ;

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « en apposant le même graphisme (un cercle entourant le code départemental du Nord et du Pas-de-Calais) ou en utilisant le nombre 29 avec divers autres signes se référant à la culture du Finistère ou de la Bretagne (MOMO LE HOMARD, etc.), la Société JULOU marque sa volonté d'exploiter la même idée (ce qui en soit n'est pas répréhensible puisqu'une idée n'est pas protégeable en elle-même) au moyen de la même méthode, ce qui est précisément ce qui lui est reproché ; que la consultation du site de la Société JULOU, l'examen des produits qu'elle vend démontrent d'ailleurs que, dans un but commercial destiné à promouvoir ses produits, elle associe le nombre 29 à l'identité culturelle bretonne et que la référence à cette identité culturelle sert de support à la ligne de produits qu'elle propose à la vente » (cf. jugement p. 5) ;

ALORS QUE le droit pour le titulaire d'une marque de s'opposer à ce que des tiers emploient un signe similaire ou identique pour désigner des produits similaires ou identiques est réservé aux cas dans lesquels l'usage du signe par un tiers porte atteinte ou est susceptible de porter atteinte aux fonctions de la marque, et notamment à sa fonction essentielle qui est de garantir l'origine des produits ; qu'il ne lui permet pas, en revanche, de s'opposer à l'utilisation par des tiers d'un signe identique ou similaire, lorsque ce signe est utilisé à des fins autres que celles de distinguer l'entreprise de provenance des produits concernés et qu'il n'y a donc pas de risque que les consommateurs le prennent pour une marque ; que lorsque le public concerné perçoit le signe exclusivement comme une décoration et non comme une marque, il n'établit, par hypothèse, aucun lien avec une marque enregistrée ; qu'en l'espèce, la Société JULOU COMPAGNIE faisait valoir qu'elle n'utilisait le chiffre 29 qu'en tant que « motif » pour souligner l'identité culturelle bretonne de sa marque MOMO LE HOMARD apposée sur tous ses produits et que, n'employant pas ainsi le chiffre 29 à titre de marque, le consommateur n'établissait aucun lien avec la marque enregistrée de la Société BIL TOKI ; qu'en se bornant à affirmer qu' « en reproduisant les chiffres 29 », la Société JULOU COMPAGNIE « créerait un risque de confusion, quand bien même les graphismes seraient différents » et que la contrefaçon serait ainsi caractérisée, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la Société JULOU COMPAGNIE ne faisait pas usage des chiffres 29 à des fins autres que celles de distinguer l'origine de ses produits, usage auquel le droit de la Société BIL TOKI sur sa marque ne permettait pas à celle-ci de s'opposer, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 713-1, L. 713-2 et L. 713-3 du Code de la propriété intellectuelle tels qu'ils doivent s'interpréter à la lumière de la directive 89/104/CE du Conseil du 21 décembre 1988.

Moyens produits au pourvoi incident par la SCP Thomas-Raquin et Bénabent, avocat aux Conseils pour le Département du Finistère.

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré valable la marque 29 inscrite sous le n° 98 747 296 dont la SARL BIL TOKI est titulaire ;

AUX MOTIFS QU' « au fond, l'article L. 711-1 du Code de la propriété intellectuelle autorise l'emploi de chiffres pour constituer une marque ; que contrairement aux prétentions du Département du Finistère, l'utilisation du chiffre 29 comme marque est a priori licite ; que l'article L. 711-4 du même Code pose une restriction au principe en interdisant le signe qui porte atteinte « notamment … au nom, à l'image ou à la renommée d'une collectivité territoriale » ; qu'il ne résulte d'aucun élément de la cause que la Société BIL TOKI porte atteinte au nom, à l'image ou à la renommée du Finistère en utilisant la marque 29 sur des tee-shirts, des polos ou des chemises qui sont au surplus de qualité très convenable ; qu'en conséquence, en l'état actuel de la législation, l'annulation de la marque 29 pour indisponibilité n'est pas fondée ; que les demandes en ce sens de la Société JULOU COMPAGNIE et du Département du Finistère seront rejetées ; que la Société JULOU COMPAGNIE reproche à la marque 29 d'être non distinctive et déceptive ; que ce grief serait fondé si la marque 29 avait pour objet de promouvoir des produits spécifiques du Finistère ou d'indiquer la provenance des produits ; que tel n'est pas le cas s'agissant de vêtements banals fabriqués en n'importe quel lieu géographique français ou étranger ; qu'ainsi, un chiffre, et en l'occurrence le chiffre 29, est parfaitement distinctif pour ce type de produit » (cf. arrêt p. 4 et 5) ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « l'article L. 711-4 du Code de la propriété intellectuelle, invoqué par la Société JULOU, qui doit rester d'interprétation stricte en ce qu'il limite la liberté du commerce, s'il interdit l'appropriation du nom, de l'image ou de la renommée d'une collectivité territoriale, ne s'interprète pas comme faisant obstacle à ce que le chiffre ou le nombre désignant un département soit utilisé comme marque par un commerçant pour conférer un caractère distinctif à une ligne de produits totalement étrangers à la mise en valeur du territoire de cette collectivité, en l'espèce des vêtements ; que ce texte ne prohibe pas l'utilisation des numéros de départements, soit seuls accompagnés d'un graphisme minimum, soit en association avec d'autres symboles culturels dudit département, pour créer chez le consommateur une association entre un produit commercial quelconque, sans rapport avec la promotion de la collectivité territoriale et l'identité culturelle de cette collectivité territoriale, en se fondant sur l'aspect gratifiant pour ledit consommateur de sa relation personnelle à cette entité territoriale et culturelle ; que l'appui apporté à la Société JULOU par un membre du Conseil Général du Finistère dans une lettre datée du 10 avril 2006, qui conteste la possibilité pour une société privée d'utiliser le nombre 29 identifiant le département, ne méconnaît nullement l'efficacité de l'utilisation de ce nombre en association à l'identité culturelle du département mais semble contester à une personne privée située hors de la région ou hors du département le droit de réussir commercialement en usant de cette association entre le nombre et l'identité culturelle dont elle ne fait pas partie ; que cette prise de position n'est que l'expression d'un localisme sans portée juridique que seule une loi pourrait imposer, sous réserve au demeurant qu'elle soit considérée comme conforme à la législation européenne ; qu'aucun texte n'interdit à un non breton de promouvoir la Bretagne ; qu'en faisant une marque d'un code départemental entouré d'un cercle, la Société BIL TOKI a réussi à promouvoir ses produits en déclenchant chez le consommateur un processus de gratification par le lien ainsi créé entre la localisation géographique, évoquée par le numéro du département, et l'identité culturelle du même secteur géographique ; que la marque 64 fait ainsi référence à un département touristique avantagé par la mer, par la montagne, comme par l'identité basque et son isolat linguistique ; que la Société BIL TOKI a donc cherché à renouveler ce succès et à préserver d'autres opérations commerciales analogues en déposant d'autres marques composées des codes départementaux de régions à forte identité culturelle constituant autant de marchés potentiels générateurs de profits ; que cette démarche l'a amenée à choisir de déposer la marque 29, aujourd'hui contestée, qui évoque la Bretagne et plus particulièrement le département du Finistère, connus pour la spécificité de leur culture locale et par la survivance d'une langue régionale reflet d'une culture propre ; que la marque déposée n'est donc ni descriptive ni déceptive ; que le succès commercial de la méthode utilisée le démontre d'ailleurs » (cf. jugement p. 3 et 4) ;

ALORS, D'UNE PART, QUE ne peut être adopté comme marque un signe portant atteinte à des droits antérieurs et notamment au nom d'une collectivité territoriale indépendamment de toute atteinte à l'image ou à la renommée de celle-ci ; que le numéro d'un département qui sert à l'identifier fait partie ou est assimilable à son nom ; qu'en se bornant, en l'espèce, à indiquer qu'il ne résulterait d'aucun élément de la cause que la société BIL TOKI porterait atteinte au nom du FINISTERE en « utilisant la marque 29 sur des tee-shirts, des polos ou des chemises qui sont au surplus de qualité très convenable », sans rechercher, comme l'y invitait le Département du Finistère, si en déposant le numéro 29 à titre de marque pour désigner des tee-shirts, la société BIL TOKI ne lui interdisait pas d'éditer, à l'occasion d'une manifestation sportive, culturelle ou autres, des tee-shirts affichant le numéro servant à l'identifier, ce qui restreignant son droit à l'usage de son nom, y portait atteinte indépendamment de toute atteinte à son image ou à sa renommée, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L 711-4 h) du Code de la propriété intellectuelle.

ALORS, D'AUTRE PART, QUE sont dépourvus de caractère distinctif les signes pouvant servir à désigner une caractéristique du produit et notamment la provenance géographique ; que le dépôt de noms géographiques à titre de marque est ainsi interdit non seulement lorsqu'ils désignent des lieux qui peuvent actuellement, aux yeux des milieux intéressés, avoir un lien avec la catégorie des produits concernés, mais également lorsqu'ils sont « susceptibles d'être utilisés dans l'avenir par les entreprises intéressées en tant qu'indication de provenance de la catégorie de produits en cause » ; que l'autorité compétente doit alors apprécier s'il est raisonnable d'envisager qu'un tel nom puisse, aux yeux des milieux intéressés, désigner la provenance géographique de cette catégorie de produits ; que dans cette appréciation, le lien entre le produit concerné et le lieu géographique ne dépend pas nécessairement de la fabrication du produit dans ce lieu ; qu'en retenant en l'espèce que les marques « 29 » auraient un caractère distinctif parce qu'elles n'avaient pas pour objet de promouvoir des produits spécifiques du Finistère ou d'indiquer la provenance des produits, s'agissant de vêtements banals fabriqués en n'importe quel lieu géographique, sans rechercher, comme elle le devait, si, alors qu'il désigne le Finistère et qu'il peut – ainsi que le Tribunal, dont elle a confirmé le jugement, le relève – servir à créer dans l'esprit du consommateur une association entre un produit commercial quelconque et l'identité culturelle de cette collectivité territoriale, il est raisonnable d'envisager que le nombre « 29 » apposé sur des vêtements puisse, aux yeux des consommateurs, désigner la provenance géographique de ceux-ci, indépendamment de tout lien avec leur fabrication dans ce lieu, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 711-2 du Code de la propriété intellectuelle, tel qu'il doit s'interpréter à la lumière de l'article 3 § 1 sous c) de la direction 89/104/CE du Conseil du 21 décembre 1988 dont il est la transposition ;

ALORS, ENFIN, QU'en s'abstenant de rechercher, comme elle l'y était invité, si le chiffre « 29 » ne constituait pas un emblème étatique du département du Finistère dont l'enregistrement à titre de marque était en tant que tel exclu par l'article 6 ter de la Convention d'Union de PARIS et l'article L. 711-3 du Code de la propriété intellectuelle, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard desdits articles.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré valable la marque 29 inscrite sous le n° 98 747 296 dont la société BIL TOKI est titulaire ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE « sur le caractère frauduleux du dépôt de la marque 29, la Société JULOU COMPAGNIE fait valoir que le dépôt effectué le 25 août 1998 par la Société 64 auteur de la Société BIL TOKI a été réitéré par celle-ci le 4 octobre 2004 après qu'elle-même, Société JULOU COMPAGNIE, ait effectué son dépôt ; qu'elle en déduit que la Société BIL TOKI n'était pas assurée de ses droits antérieurs, notamment parce qu'elle n'exploitait pas sérieusement la marque, et elle ajoute que le deuxième dépôt aurait eu pour but de gêner les activités d'autres professionnels ; que le dépôt n° 04 3 316 898 du 4 octobre 2004 n'a aucune valeur probatoire quant à la croyance de la Société BIL TOKI dans l'étendue de ses droits antérieurs ; qu'il en résulte encore moins que la Société BIL TOKI serait sans droit ; que le but frauduleux poursuivi par la Société BIL TOKI lors de ce dépôt est une pétition de principe de la Société JULOU COMPAGNIE qui ne s'accompagne d'aucun élément de preuve » (cf. arrêt p. 5) ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QU' « en faisant une marque d'un code départemental entouré d'un cercle, la Société BIL TOKI a réussi à promouvoir ses produits en déclenchant chez le consommateur un processus de gratification par le lien ainsi créé entre la localisation géographique, évoquée par le numéro du département, et l'identité culturelle du même secteur géographique ; que la marque 64 fait ainsi référence à un département touristique avantagé par la mer, par la montagne, comme par l'identité basque et son isolat linguistique ; que la Société BIL TOKI a donc cherché à renouveler ce succès et à préserver d'autres opérations commerciales analogues en déposant d'autres marques composées des codes départementaux de régions à forte identité culturelle constituant autant de marchés potentiels générateurs de profits ; que cette démarche l'a amenée à choisir de déposer la marque 29, aujourd'hui contestée, qui évoque la Bretagne et plus particulièrement le département du Finistère, connus pour la spécificité de leur culture locale et par la survivance d'une langue régionale reflet d'une culture propre ; que la marque déposée n'est donc ni descriptive ni déceptive ; que le succès commercial de la méthode utilisée le démontre d'ailleurs ; (..) que devant la réussite de la méthode qui a consisté à utiliser un nombre a priori banal pour l'associer à une identité culturelle, il ne peut être reproché à la Société BIL TOKI d'avoir cherché par avance à utiliser le protectionnisme économique permis par le Code de la propriété intellectuelle et industrielle pour se réserver l'accès privilégié aux marchés potentiels que sont les départements à forte identité culturelle ; que le dépôt de la marque 29, loin de présenter le caractère frauduleux qui lui est prêté, relève en fait d'une bonne gestion d'une entreprise qui préserve ses meilleures chances de croissance en assurant les conditions juridiques d'une réitération du succès initial sur d'autres segments de marché » (cf. jugement, p. 4) ;

ALORS QU'en application de l'adage fraus omnia corrumpit, doit être annulé le dépôt ou l'acquisition frauduleuse d'une marque ; que constitue un détournement frauduleux du droit des marques le fait de déposer ou d'acquérir une marque non pas, conformément à sa finalité, pour identifier l'origine de ses produits et services et les distinguer de ceux de ses concurrents, mais pour s'approprier un signe identifiant un département et se réserver ainsi, au détriment des autres opérateurs, un accès privilégié et monopolistique au marché régional que représente celui-ci ; qu'en retenant en l'espèce que le but frauduleux poursuivi par la Société BIL TOKI serait une pétition de principe, tout en constatant par motifs adoptés des premiers juges dont elle a confirmé le jugement, qu' « en faisant une marque » du code départemental 29, cette société, qui avait antérieurement réussi à promouvoir ses produits sous la marque 64 « en déclenchant chez le consommateur un processus de gratification par le lien ainsi créé entre la localisation géographique, évoquée par le numéro du département, et l'identité culturelle du même secteur géographique », a cherché « à renouveler ce succès et à présenter d'autres opérations commerciales analogues en déposant d'autres marques composées des codes départementaux à forte identité culturelle constituant autant de marchés potentiels générateurs de profits » et qu'il ne peut lui être reproché « d'avoir cherché par avance à utiliser le protectionnisme économique permis par le Code de la propriété intellectuelle pour se réserver l'accès privilégié aux marchés potentiels que sont les départements à forte identité culturelle », la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, en violation de l'adage fraus omnia corrumpit et de l'article L. 711-1 du Code de la propriété intellectuelle ;

ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QU'à supposer qu'il puisse être considéré que la Cour d'appel n'a pas adopté les motifs du Tribunal, en se bornant alors, par motifs propres, à affirmer que « le but frauduleux poursuivi par la Société BIL TOKI lors de ce dépôt est une pétition de principe de la Société JULOU COMPAGNIE qui ne s'accompagne d'aucun élément de preuve », sans rechercher, comme elle l'y était invité, si, en procédant à la multiplication de dépôts de marques portant sur les numéros des départements français, la Société BIL TOKI n'avait pas cherché à s'approprier un monopole indu sur ceux-ci en privant ses concurrents du droit de les utiliser et de s'y référer, et n'avait pas ainsi frauduleusement détourné le droit des marques, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L 711-1 du Code de la propriété intellectuelle.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 07-19542
Date de la décision : 23/06/2009
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

MARQUE DE FABRIQUE - Eléments constitutifs - Exclusion - Signe portant atteinte à des droits antérieurs - Atteinte aux droits des collectivités territoriales - Définition

L'article L. 711-4 h du code de la propriété intellectuelle n'a pas pour objet d'interdire aux tiers, de manière générale, de déposer en tant que marque un signe identifiant une collectivité territoriale, mais seulement de réserver cette interdiction au cas où résulte de ce dépôt une atteinte aux intérêts publics


Références :

article L. 711-4 h du code de la propriété intellectuelle

Décision attaquée : Cour d'appel de Toulouse, 28 juin 2007


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 23 jui. 2009, pourvoi n°07-19542, Bull. civ. 2009, IV, n° 87
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2009, IV, n° 87

Composition du Tribunal
Président : Mme Favre
Avocat général : M. Raysséguier (premier avocat général)
Rapporteur ?: M. Sémériva
Avocat(s) : Me Spinosi, SCP Thomas-Raquin et Bénabent

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2009:07.19542
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award