LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article 1134 du code civil ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Papeete, 30 mars 2006) que M. X... et Mme Y... sont propriétaires depuis 1979 de deux lots contigus d'un lotissement dont le cahier des charges a été établi en 1974 ; que la ligne divisoire de leurs lots diffère selon qu'elle est déterminée en fonction des actes de propriété des parties ou du cahier des charges du lotissement auquel ces actes se réfèrent ; que, reprochant à Mme Y... d'avoir entrepris des travaux au-delà de la ligne divisoire telle que résultant de leurs actes de vente respectifs, M. X... a saisi la juridiction civile d'une demande de fixation de cette limite conformément aux actes de propriété ;
Attendu que, pour accueillir cette demande, l'arrêt retient que les titres de propriété des parties et les plans qui y sont annexés, en ce qu'ils sont le reflet de la volonté des parties, ont une valeur supérieure au cahier des charges dont celles-ci ne font que prendre connaissance et s'imposent à elles ;
Qu'en statuant ainsi, alors que les clauses du cahier des charges d'un lotissement engageant les colotis entre eux pour toutes les stipulations qui y sont contenues, prévalent sur les stipulations contraires des actes individuels de vente, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 30 mars 2006, entre les parties, par la cour d'appel de Papeete ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Papeete, autrement composée ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. X... à payer à Mme Y... la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept juin deux mille neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
.Moyen produit par la SCP Monod et Colin, avocat aux Conseils pour Mme Y....
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que la ligne divisoire séparant les fonds respectifs de Mme Y...et M. X... sera fixée conformément aux énonciations de leurs titres de propriété ;
AUX MOTIFS QUE le cahier des charges d'un lotissement définit les règles internes du lotissement en ce qui concerne notamment l'implantation des constructions, leur destination ou les règles d'urbanisme concernant les clôtures ; que c'est un document de droit privé et de nature contractuelle qui fait la loi entre les parties, lesquelles peuvent s'en prévaloir ; que le titre de propriété est un acte juridique qui consacre la manifestation de la volonté des parties destinée à produire des effets de droit ; que les parties ne font que prendre connaissance du cahier des charges d'un lotissement, tandis que l'acte par lequel elles acquièrent la propriété d'un bien est la résultante d'un choix et de négociations portant sur chacun des éléments du contrat, notamment sur la chose et le prix ; que lorsqu'il y a une difficulté d'interprétation, il convient de rechercher le sens qui convient le plus à la matière du contrat ; que les titres de propriété des parties et les plans qui y sont annexés, en ce qu'ils sont le reflet de la volonté des parties, ont une valeur probante supérieure au cahier des charges ; que Mme Y...ne peut pas réclamer une parcelle d'une superficie de 2. 246 m2 en se fondant sur le cahier des charges alors qu'il résulte de son titre qu'elle n'en a acheté que 2. 088, et qu'en réclamant l'application des titres, M. X... ne réclame pas plus qu'il n'a acheté ;
ALORS d'une part QUE les titres de propriété des acquéreurs de lots spécifiaient que la vente était faite sous les charges et conditions stipulées dans le cahier des charges établi par le lotisseur ; que les stipulations du cahier des charges faisaient donc partie du champ contractuel entre le vendeur et l'acquéreur, au même titre que les mentions intrinsèques de l'acte de vente ; que dès lors, les éventuelles contradictions existant entre ces différentes stipulations, celles de l'acte de vente et celles du cahier des charges, devaient être résolues par l'interprétation du contrat ; qu'en tranchant la contradiction relative à la superficie des parcelles en fonction d'une supposée valeur probante supérieure des titres de propriété sur le cahier des charges, au lieu de se fonder sur les règles d'interprétation prévues aux articles 1156 et suivants du Code civil, la cour d'appel a violé l'article 1134 du même Code ;
ALORS d'autre part QUE l'intimée faisait valoir que l'acte de vente de M. X... stipulait que la vente était faite sous les charges et conditions stipulées dans le cahier des charges établi par le lotisseur, que l'acquéreur déclarait avoir connaissance de ce cahier des charges et s'engager à en respecter les prescriptions ; que ce document contractuel stipulait que toute modification devra être préalablement soumise à l'agrément des services administratifs ; qu'en ne recherchant pas, comme elle y était invitée, si les parties n'avaient pas ainsi manifesté la volonté de n'admettre aucune modification d'un élément du cahier des charges qui n'eût été préalablement autorisée par l'Administration, en sorte qu'à défaut d'un tel agrément, la non-conformité de l'acte de vente à une mention du cahier des charges se résoudrait par la primauté de ce dernier, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du Code civil.