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16/06/2009 | FRANCE | N°08-41537

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 16 juin 2009, 08-41537


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Reims, 20 février 2008), que Mme X..., engagée en qualité d'éducatrice spécialisée le 1er octobre 1978 par l'Association d'aide aux infirmes moteurs cérébraux de la région Champagne Ardenne (AAIMC) a été licenciée pour faute grave ;
Attendu que l'AAIMC fait grief à l'arrêt de déclarer que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse et de la condamner à verser des indemnités de licenciement, alors, selon le moyen, que la faute grave résu

lte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent u...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Reims, 20 février 2008), que Mme X..., engagée en qualité d'éducatrice spécialisée le 1er octobre 1978 par l'Association d'aide aux infirmes moteurs cérébraux de la région Champagne Ardenne (AAIMC) a été licenciée pour faute grave ;
Attendu que l'AAIMC fait grief à l'arrêt de déclarer que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse et de la condamner à verser des indemnités de licenciement, alors, selon le moyen, que la faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis ; qu'il résulte des constatations auxquelles la juridiction du second degré a procédé que Mme X... a infligé des mauvais traitements et des privations aux mineurs dont elle avait la charge, en tant qu'éducatrice spécialisée, qui ne pouvaient s'inscrire dans le projet éducatif de l'établissement et du groupe ; qu'en décidant cependant que les griefs imputés à Mme X... ne constitueraient pas une faute grave, compte tenu de son ancienneté, de l'absence de remarques qui lui avaient été destinées, des bons témoignages dont elle faisait l'objet, et du départ de deux mineurs qui ne se trouvaient plus dans son service à l'époque du licenciement, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations ; qu'ainsi, elle a violé les articles L. 122-14-3, L. 122-6 et L. 122-9 du code du travail ;
Mais attendu que la cour d'appel qui a retenu que Mme X... avait eu avec deux pensionnaires de l'établissement, et en particulier avec l'un d'eux à l'égard duquel elle avait manifesté des exigences excessives, un comportement incompatible avec le projet éducatif de l'association, a pu décider que ces faits isolés commis par une salariée comptant une ancienneté importante ne constituaient pas une faute grave ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne l'Association d'aide aux infirmes moteurs cérébraux de la région Champagne Ardenne aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne l'Association d'aide aux infirmes moteurs cérébraux de la région Champagne Ardenne à payer à Mme X... la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du seize juin deux mille neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Boullez, avocat aux Conseils pour l'Association d'aide aux infirmes moteurs cérébraux de la région Champagne-Ardenne.
Le pourvoi fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR condamné l'Association d'Aide aux Infirmes Moteurs de la région Champagne-Ardenne à payer à Mme X..., diverses indemnités et des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
AUX MOTIFS QUE la lettre de licenciement est ainsi motivée : " en tant qu'éducatrice spécialisée, nous avons observé de graves négligences d'accompagnement et des attitudes éducatives inadaptées, notamment de la dépendance de certains usagers du groupe " préparation à la vie sociale "
Monsieur Lucas Y...

Vous avez cru devoir le priver de dessert au motif qu'il ne mange pas assez vite. Vous l'avez privé de sortie au motif qu'il ne mange pas correctement ou ne se déplace pas suffisamment vite.
Vous avez refusé de lui mettre des bouchons de protection aux oreilles afin de le protéger des sources sonores importantes conformément aux indications médicales.
Vous avez aggravé son angoisse en ayant avec lui un face à face d'une extrême violence au cours d'un repas pendant lequel vous l'avez forcé à prendre une cuillère.
Vous avez refusé de lui apporter l'aide nécessaire pour aller à la selle, le contraignant à se retenir.
Vous avez interdit à celui-ci d'évoquer avec sa psychomotricienne et sa kinésithérapeute ses difficultés.
Or depuis mars 2004 date de l'arrivée de Lucas dans le groupe que vous animez à la préparation à la vie sociale, l'état de Lucas s'est dégradé.
Mademoiselle Nakila Z...

Vous lui avez volontairement servi de la viande de porc alors que, de religion musulmane, nous avons pris l'engagement de respecter les convictions religieuses des pensionnaires et de leur famille.
Vous vous êtes acharnée sur celle-ci alors qu'elle éprouvait des difficultés à prendre ses repas.
Pourtant, vous n'ignorez pas qu'elle est suivie médicalement en raison, outre son handicap, d'un problème de nutrition insuffisante.
Monsieur Bagdad A...

Là encore et sans son consentement, vous lui avez servi de la viande de porc.
Mademoiselle Laetitia B....
Elle a effectué en juillet 2004 un stage en vue de son admission, comme interne. Or vous ne vous êtes pas cachée de ne pas vouloir recevoir cette personne dans votre groupe. Pour ce faire, vous l'avez critiqué injustement devant les autres usagers afin qu'ils la laissent à l'écart. Vous l'avez contrainte à manger jusqu'à l'excès. Vous vous êtes assise auprès d'elle pendant un repas, dans une attitude provocante entraînant de sa part une réaction d'opposition. De ce fait, vous avez établi un rapport de stage négatif, incitant cette personne et sa mère à différer voire annuler la demande d'admission.
Monsieur Jérémy C...

Durant votre mise à pied conservatoire, nous avons découvert que vous avez initié et facilité une correspondance non licite en 2004 entre Jérémy et une de ses tantes. Vous avez agi à l'insu de la tutrice de Jérémy qui était opposée à l'époque à cette relation et sans en référer à quiconque...
Vous prenez à témoin les jeunes du groupe sur votre désaccord avec Madame Gaelle D... auxiliaire, qui ne cautionne plus vos actes.
Votre ancienneté dans l'entreprise ne peut excuser vos agissements fautifs... cette conduite met en cause la bonne marche du service " ;

QUE cette lettre reprend en grande partie les termes de deux attestations, établies dans des termes quasiment identiques, par deux salariés, Gaelle D..., aide medico-psychologue, et Caroline E..., aide-soignante ; QUE, s'agissant des jeunes Z... et A..., que contrairement aux dires de l'employeur, Françoise X... n'a jamais reconnu les faits reprochés ; qu'il ressort du rapport de mission des Conseillers enquêteurs et de l'attestation établie par le cuisinier de l'époque, Jean-Marc G..., qu'un laxisme certain régnait dans l'organisation des cuisines et qu'en l'absence d'indication sur les composants des plats servis, des erreurs étaient possibles ; qu'il n'est ainsi nullement certain que Françoise X... ait sciemment, comme l'indique la lettre de licenciement, imposé à ces deux résidents, de confession musulmane, de consommer de la viande de porc ;
QU'en revanche, s'agissant des autres mineurs, rien ne permet de mettre en doute les témoignages concordants de Mmes D... et E..., qui ont par ailleurs maintenu leurs déclarations devant les conseillers enquêteurs ; que ces déclarations sont corroborées en ce qui concerne le jeune Lucas Y..., par le rapport de Madame H..., psychomotricienne, qui a constaté une brutale dégradation de l'état émotionnel et tonique de ce jeune adulte et qui, avec beaucoup de difficulté, a recueilli ses confidences sur la manière dont il était traité par Françoise X... ; que d'après ce jeune, celle-ci criait fréquemment après lui, lui interdisait de mettre ses bouchons d'oreille pour se protéger du bruit et d'aller à la selle le temps de l'externat et refusait de l'aider à manger ; que le témoin précise que l'état de Lucas Y... est redevenu normal à partir du moment où il a été retiré du service de Françoise X... ; que de tels traitements et privations ne peuvent s'inscrire dans le projet éducatif de l'établissement et du groupe ; que, s'agissant de la correspondance entre le jeune C... et sa tante, les propos de Gaelle D... et Caroline E... sont confirmés par les remerciements que la tante adresse dans l'un de ces courriers à son " éducatrice Françoise " ; que Françoise X... se prévaut vainement des nombreux témoignages favorables qu'elle verse aux débats, ces témoignages n'excluant nullement qu'elle ait pu avoir un comportement inadapté à l'égard de certains résidents ; que tel est d'ailleurs l'analyse, que la cour partage, de Véronique I..., médecin rééducateur chef, qui conclut, dans une attestation très détaillée, que " si je n'ai jamais personnellement objectivé de maltraitance verbale ou physique concernant les jeunes du groupe, si devant moi Françoise X... semblait particulièrement attentive et bienveillante, en même temps il était évident dans ses propos au quotidien qu'elle appréciait beaucoup certains jeunes et trouvait d'autres trop lourds à gérer et ne correspondant pas au projet du groupe qu'elle avait établi... " ; que toutefois Françoise X... avait 26 ans d'ancienneté dans l'association ; qu'elle n'avait jamais fait l'objet de remarques et encore moins de poursuites disciplinaires ; que de nombreux intervenants et parents témoignent de ses qualités professionnelles ; que les deux mineurs victimes des agissements précités ne se trouvaient plus dans son service à l'époque du licenciement ; que des lors, la cour considère que le comportement de la salariée ne rendait pas impossible la poursuite de la relation de travail et ne pouvait justifier un licenciement pour faute grave ; qu'aux termes de l'article 33 de la convention collective applicable, sauf en cas de faute grave, il ne peut y avoir de mesures de licenciement si le salarié n'a pas fait l'objet précédemment d'au moins deux sanctions de manière écrite dans le cadre d'une procédure légale ; que tel n'est pas le cas en l'espèce ; que dès lors, le licenciement est nécessairement sans cause réelle et sérieuse ; qu'au regard de l'ancienneté de la salariée, de son salaire (2. 715) mais également de sa situation de retraitée cinq mois après la rupture, la somme de 99. 500 sollicitée à titre d'indemnisation est très excessive ; qu'en revanche, l'indemnité allouée par le Conseil de prud'hommes, correspondant au minimum légal, est insuffisante ; que le préjudice sera justement réparé par une somme de 22. 000 ;
ALORS QUE la faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis ; qu'il résulte des constatations auxquelles la juridiction du second degré a procédé que Mme X... a infligé des mauvais traitements et des privations aux mineurs dont elle avait la charge, en tant qu'éducatrice spécialisée, qui ne pouvaient s'inscrire dans le projet éducatif de l'établissement et du groupe ; qu'en décidant cependant que les griefs imputés à Mme X... ne constitueraient pas une faute grave, compte tenu de son ancienneté, de l'absence de remarques qui lui avaient été destinés, des bons témoignages dont elle faisait l'objet, et du départ de deux mineurs qui ne se trouvaient plus dans son service à l'époque du licenciement, la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations ; qu'ainsi, elle a violé les articles L 122-14-3, L 122-6 et L 122-9 du Code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 08-41537
Date de la décision : 16/06/2009
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Reims, 20 février 2008


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 16 jui. 2009, pourvoi n°08-41537


Composition du Tribunal
Président : M. Chauviré (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Boullez, SCP Didier et Pinet

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2009:08.41537
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