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26/05/2009 | FRANCE | N°08-14534

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 26 mai 2009, 08-14534


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'ordonnance attaquée, que par un appel à candidatures publié le 12 juin 2007 au Journal officiel de l'Union européenne, la société La Poste (La Poste) a lancé une consultation relative à la passation d'un accord-cadre ayant pour objet la réalisation de prestations de services de téléphonie fixe et de prestations de services associées pour le compte de la direction des achats du groupe La Poste ; qu'après avoir déposé une offre pour le lot 3 du marché, la société Neuf Cegetel a mené

des négociations avec cette entité adjudicatrice, puis l'a mise en demeu...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'ordonnance attaquée, que par un appel à candidatures publié le 12 juin 2007 au Journal officiel de l'Union européenne, la société La Poste (La Poste) a lancé une consultation relative à la passation d'un accord-cadre ayant pour objet la réalisation de prestations de services de téléphonie fixe et de prestations de services associées pour le compte de la direction des achats du groupe La Poste ; qu'après avoir déposé une offre pour le lot 3 du marché, la société Neuf Cegetel a mené des négociations avec cette entité adjudicatrice, puis l'a mise en demeure de respecter ses obligations de publicité et de mise en concurrence ; que sa demande ayant été rejetée, la société Neuf Cegetel invoquant, notamment, l'irrégularité des critères de choix des offres et la modification de l'un d'eux au cours de la phase d'analyse et de jugement des offres, a saisi le juge des référés sur le fondement de l'article 33 de l'ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005, en demandant que soit ordonnée l'annulation de la procédure de passation et en particulier du lot 3 ; que par la suite, elle a aussi demandé que soit enjoint à La Poste de se conformer à ses obligations de publicité et de mise en concurrence et notamment d'annuler la procédure litigieuse, en particulier du lot 3, et de la reprendre au stade de la publicité ; que le délégué du président du tribunal de grande instance a constaté que l'analyse des offres avait été conduite sur un critère de "cohérence et performance économique" au lieu de celui de "cohérence économique" énoncé dans l'appel à candidature et que la modification de ce critère, pondéré à 50 % pour les lots 1 et 2 et 60 % pour les lots 3 et 4, viciait la procédure ; qu'il a en conséquence prononcé l'annulation de celle-ci en ce qui concerne le lot 3 et enjoint à La Poste de la reprendre en ce qui concerne ce lot au stade de la publication d'un avis de marché publié au JOUE série S dans un délai de trois mois ;

Sur le premier moyen :

Vu les articles 456 et 458 du code de procédure civile ;

Attendu que le jugement authentifié par le greffier qui a assisté à son prononcé, doit comporter l'indication du nom et la signature de celui ci ;

Attendu que l'ordonnance a été signée de manière illisible au dessus de la mention du nom du greffier qui est barrée et précédée de la mention "PO" ;

Attendu qu'en l'état de ces mentions la Cour de cassation n'est pas en mesure de s'assurer de la régularité de la décision attaquée au regard des textes susvisés ;

Et sur le second moyen, pris en sa première branche :

Vu l'article 33 de l'ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005 ;

Attendu qu'aux termes de ce texte en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation des marchés passés par les entités adjudicatrices définies à l'article 4 de l'ordonnance pour leur besoins relatifs aux activités d'opérateur de réseaux énumérées à l'article 26, lorsque ces marchés constituent des contrats de droit privé, toute personne ayant intérêt à conclure le contrat et susceptible d'être lésée par ce manquement peut demander au juge de prendre, avant la conclusion du contrat, des mesures provisoires tendant à ce qu'il soit ordonné à la personne morale responsable du manquement de se conformer à ses obligations ;

Attendu qu'après avoir constaté un manquement de La Poste, entité adjudicatrice, à ses obligations de transparence dans le cadre de la procédure de mise en concurrence contestée, l'ordonnance prononce l'annulation de cette procédure en ce qui concerne le lot 3 ;

Attendu qu'en s'arrogeant ainsi un pouvoir dont il ne disposait pas, le président du tribunal de grande instance statuant en la forme des référés, a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue le 26 mars 2008, entre les parties, par le président du tribunal de grande instance de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ladite ordonnance et, pour être fait droit, les renvoie devant le président du tribunal de grande instance de Créteil ;

Condamne la société Neuf Cegetel aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à La Poste la somme de 2 500 euros et rejette sa demande ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'ordonnance cassée ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six mai deux mille neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP BORE et SALVE DE BRUNETON, avocat aux Conseils pour La Poste

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'ordonnance de ne pas être signée par un greffier identifiable présent au délibéré, d'AVOIR déclaré recevable la demande de la société NEUF CEGETEL tendant à l'annulation de la procédure de passation du marché négocié lancée par LA POSTE et d'AVOIR annulé la procédure en ce qui concerne le lot n° 3 et enjoint LA POSTE de reprendre la procédure en ce qui concerne ce lot au stade de la publication d'un avis de marché publié au JOUE série S dans un délai de trois mois ;

ALORS QUE le jugement est authentifié par la signature du greffier qui a assisté à son prononcé et doit comporter le nom de celui-ci ; que l'ordonnance, qui fait mention du nom du greffier ayant assisté la juridiction, comporte, au-dessus du nom dactylographié du greffier, une signature précédée de la mention « P.O » et affectée de l'annotation « empêchée » de sorte que cette signature ne permet pas l'identification d'un greffier présent au prononcé en violation des articles 454, 456 et 458 du Code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'ordonnance d'AVOIR déclaré recevable la demande de la société NEUF CEGETEL tendant à l'annulation de la procédure de passation du marché négocié initiée par LA POSTE et d'AVOIR annulé la procédure en ce qui concerne le lot n° 3 et enjoint LA POSTE de reprendre la procédure en ce qui concerne ce lot au stade de la publication d'un avis de marché publié au JOUE série S dans un délai de trois mois ;

AUX MOTIFS QUE, sur la recevabilité de la demande, l'article 33 de l'ordonnance du 6 juin 2005 relative aux marchés passés par certaines personnes publiques ou privées non soumises au Code des marchés publics dispose qu' « en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation des marchés (des entités adjudicatrices) lorsque ces marchés constituent des contrats de droit privé, toute personne ayant intérêt à conclure le contrat et susceptible d'être lésée par ce manquement peut demander au juge de prendre avant la conclusion du contrat, des mesures tendant à ce qu'il soit ordonné à la personne morale responsable du manquement de se conformer à ses obligations. Le juge détermine les délais dans lesquels l'auteur du manquement doit s'exécuter (...) » il peut prononcer une astreinte ; que ce texte ne prévoit pas, contrairement à l'article 24 de l'ordonnance définissant les recours précontractuels ouverts à l'occasion de la passation des marchés des pouvoirs adjudicateurs, des mesures de suspension de la procédure de passation du contrat, d'exécution de toute décision qui s'y rapporte ou leur annulation ; que l'interprétation littérale de la définition des pouvoirs du juge, prenant « des mesures tendant à ce qu'il soit ordonné à la personne morale de se conformer à ses obligations », n'en exclut pas la possibilité, alors qu'elle lui impartit un objectif : la mise en conformité de la procédure aux obligations de publicité et de mise en concurrence et lui donne le pouvoir de prendre des mesures à cette fin ; que cette interprétation, qui ne contrarie pas les développements propres à l'article 24, est confirmée par la forme de la procédure ; que le juge statue en la forme des référés ; que le juge des référés prend les mesures nécessaires ;

ET AUX MOTIFS QUE l'irrégularité affectant la consultation ne peut être corrigée sans une reprise de la procédure à son départ ; que LA POSTE est tenue de relancer la procédure alors que les supports marchés des prestations en cause ont expiré le 1er janvier 2008 et sont prolongés en raison du dépassement des délais prévus par la procédure d'appel d'offre destinée à les renouveler et la présente instance ; qu'il sera accordé un délai maximum de trois mois pour publier un nouvel avis d'appel à la concurrence pour le lot 3, l'appel d'offre initié par l'avis de marché publié dans la parution n° 110/2007 du JOUE série S étant, en ce qui le concerne, annulé ;

1°) ALORS QUE le juge, saisi d'un recours précontractuel sur le fondement de l'article 33 de l'ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005, n'a pas le pouvoir de prononcer l'annulation d'une procédure de passation d'un marché lancée par une entité adjudicatrice ; que, pour déclarer recevable la demande de la société NEUF CEGETEL tendant à l'annulation de la procédure de marché négocié lancée par LA POSTE quand il ressortait de ses propres constatations que LA POSTE était, en l'espèce, une entité adjudicatrice, ce dont il résultait que les procédures de passation des marchés, qu'elle pouvait initier, ne sauraient être annulées par le juge judiciaire, le Président du Tribunal de grande instance de PARIS a violé l'article 33 de l'ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005 ;

2°) ALORS QUE le juge des référés précontractuels ne peut déroger à la liberté de ne pas contracter en ordonnant au pouvoir adjudicateur ou à l'entité adjudicatrice de reprendre la procédure ; qu'en enjoignant à LA POSTE de reprendre la procédure en ce qui concerne le lot n° 3 au stade de la publication d'un avis de marché publié au JOUE série S dans un délai de trois mois, le Président du Tribunal de grande instance de PARIS a violé ensemble l'article 1134 du Code civil et l'article premier du protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l'Homme et des libertés fondamentales.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 08-14534
Date de la décision : 26/05/2009
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

REFERE - Compétence - Applications diverses - Marché par une entité adjudicatrice non soumise au code des marchés publics - Recours précontractuel

Viole l'article 33 de l'ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005, aux termes duquel en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation des marchés passés par les entités adjudicatrices définies à l'article 4 de l'ordonnance, toute personne ayant intérêt à conclure le contrat peut demander au juge de prendre, avant la conclusion du contrat, des mesures tendant à ce qu'il soit ordonné à la personne responsable du manquement de se conformer à ses obligations, le juge des référés qui ayant relevé un manquement de l'entité adjudicatrice à ses obligations de mise en concurrence, prononce l'annulation de la procédure en ce qui concerne le lot affecté par la violation relevée


Références :

article 33 de l'ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Paris, 26 mars 2008

A rapprocher :CJCE, 19 mai 1999, aff. C-225/97, Commission des Communautés européennes c/ République française ;Com., 24 juin 2008, pourvoi n° 08-12325, Bull. 2008, IV, n° 130 (3) (cassation sans renvoi)


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 26 mai. 2009, pourvoi n°08-14534, Bull. civ. 2009, IV, n° 69
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2009, IV, n° 69

Composition du Tribunal
Président : Mme Favre
Avocat général : Mme Bonhomme
Rapporteur ?: Mme Michel-Amsellem
Avocat(s) : SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Tiffreau

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2009:08.14534
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