LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen du pourvoi principal, ci-après annexé :
Attendu que la cour d'appel ayant retenu que le GFA des terres noires (le "GFA"), qui ne disposait pas d'un titre établissant l'existence d'une servitude de passage, ne pouvait être considéré comme un propriétaire ou titulaire de droit réel évincé au sens de l'article L. 123-16 du code rural et que les dispositions de cet article ne pouvaient faire obstacle à l'exercice d'une action tendant à l'instauration d'une servitude de passage fondée en l'état d'enclave telle que régie par les dispositions de l'article 682 du code civil, le moyen manque en fait ;
Sur le second moyen du pourvoi principal, ci-après annexé :
Attendu qu'ayant constaté que le GFA ne pouvait en l'état actuel accéder aux installations nécessaires à un usage et une exploitation normale de l'étang litigieux, la cour d'appel en a exactement déduit qu'il bénéficiait d'une servitude de passage sur la parcelle cadastrée sous le n° 82 section ZH de la commune de Neuvic appartenant aux époux X... dont elle a souverainement déterminé l'assiette ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le premier moyen du pourvoi incident, ci-après annexé :
Attendu que l'existence d'une servitude par destination du père de famille n'ayant pas été revendiquée par le GFA devant les juges du fond et la cour d'appel n'ayant pas retenu l'existence d'une telle servitude, le moyen est nouveau, mélangé de fait et de droit et, partant, irrecevable ;
Sur le deuxième moyen du pourvoi incident, ci-après annexé :
Attendu que le premier moyen étant irrecevable, le deuxième moyen est devenu sans portée ;
Sur le troisième moyen du pourvoi incident, ci-après annexé :
Attendu qu'ayant souverainement retenu que le GFA ne justifiait pas d'un préjudice spécifique, la cour d'appel en a exactement déduit qu'il devait être débouté de sa demande en dommages et intérêts ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois ;
Laisse à chaque demandeur la charge des dépens afférents à son pourvoi ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six mai deux mille neuf.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
.Moyens produits AU POURVOI PRINCIPAL par Me Balat, avocat aux Conseils pour les époux X....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est reproché à l'arrêt attaqué du 9 mai 2006 d'avoir dit que le GFA des Terres Noires bénéficiait d'une servitude de passage sur la parcelle cadastrée sous le n° 82 section ZH de l a commune de NEUVIC (Corrèze) appartenant aux époux X... ;
AUX MOTIFS QUE c'est par une analyse pertinente en droit et en fait que le premier juge a considéré que le GFA des Terres Noires ne justifiait pas d'un titre établissant l'existence d'une servitude de passage permettant l'accès aux installations de vidange et d'exploitation de l'étang litigieux ; que par ailleurs, l'existence d'une servitude de passage par destination du père de famille n'est pas établie ; qu'en cause d'appel, le GFA des Terres Noires invoque le moyen tiré de l'état d'enclave des installations constituant les accessoires nécessaires à l'usage et à l'exploitation de l'étang litigieux ; que le GFA des Terres Noires, ne disposant pas d'un titre établissant l'existence d'une servitude de passage, ne saurait être considéré comme "un propriétaire ou un titulaire de droit réel évincé" au sens des dispositions de l'article L. 123-16 du Code rural ; que les dispositions dudit article ne sauraient faire obstacle à l'exercice d'une action tendant à l'instauration d'une servitude de passage fondée en l'état d'enclave telle que régie par les dispositions de l'article 682 du Code civil ; qu'il ressort des constatations expertales que le GFA des Terres Noires ne peut, en l'état actuel, accéder aux installations nécessaires à un usage et une exploitation normale de l'étang litigieux ; qu'il y a donc lieu de considérer que le fonds appartenant au GFA des Terres Noires se trouve en état d'enclave relatif et que par application des dispositions de l'article 682 du Code civil, ledit groupement est fondé à solliciter "un passage suffisant pour assurer la desserte complète du fonds, à charge d'une indemnité proportionnée au dommage qu'il peut occasionner" ;
ALORS QUE si que le propriétaire d'un étang est présumé propriétaire des organes essentiels de cet étang, et s'il est dès lors en mesure de se prévaloir d'un droit de passage si ces organes sont enclavés, c'est sous la réserve que la propriété de ces équipements ne soit pas reconnue à un tiers ; que dans leurs conclusions signifiées le 14 mars 2006 (notamment p. 3 § 5 à 9), Monsieur et Madame X... faisaient valoir que la question de l'existence de la servitude de passage revendiquée par la GFA des Terres Noires en vue de l'accès aux installations de vidange de son étang, ne pouvait être envisagée avant que soit tranchée le point de savoir si les ouvrages en cause, situés sur le fonds de Monsieur et Madame X..., étaient bien la propriété du GFA des Terres Noires ; qu'en laissant sans réponse ces conclusions, la cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)Il est reproché à l'arrêt attaqué du 25 septembre 2007 d'avoir dit que la servitude reconnue au profit du GFA des Terres Noires sur le fonds appartenant aux époux X... s'exercerait sur une assiette d'une largeur de six mètres et ce, au pied de la digue ;
AUX MOTIFS QUE la servitude imposée aux époux X... est destinée à permettre l'accès aux installations de vidange ainsi qu'à un bâtiment à usage de pêcherie ; qu'il y a lieu de fixer une assiette permettant non seulement un accès aux piétons mais aussi à tout engin mécanique permettant une exploitation normale et moderne de l'étang ainsi que l'entretien des installations de vidange ; qu'au regard de ces nécessités, il paraît justifié d'accorder une servitude de passage d'une largeur de six mètres, servitude qui s'exercera au pied de la digue ; que par contre, il n'apparaît pas justifié de limiter la servitude ainsi accordée aux périodes de vidange de l'étang ;
ALORS QUE seuls les organes essentiels à l'exploitation de l'étang peuvent, le cas échéant, justifier la reconnaissance d'une servitude de passage au profit du fonds servant d'assiette à l'étang ; qu'en décidant que la servitude de passage imposée au fonds de Monsieur et Madame X... s'exercerait sur une assiette d'une largeur de six mètres, au motif que cette servitude "est destinée à permettre l'accès aux installations de vidange ainsi qu'à un bâtiment à usage de pêcherie" (arrêt attaqué, p. 4 § 3), cependant que ce bâtiment, qui ne peut être considéré comme constituant un organe essentiel à l'exploitation de l'étang, ne pouvait être pris en considération pour décider de l'assiette de la servitude, la cour d'appel a violé l'article 682 du Code civil.Moyens produits AU POURVOI INCIDENT par la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat aux Conseils pour le Groupement forestier agricole des Terres Noires.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué du 9 mai 2006 d'avoir dit que la servitude au profit du fonds du GFA était fondée sur l'article 682 du Code civil ;
AUX MOTIFS QUE par ailleurs, l'existence d'une servitude de passage par destination du père de famille n'est pas établie ;
ALORS, d'une part, QU' il appartient aux juges d'observer eux-mêmes le principe de la contradiction ; que la Cour d'appel qui a soulevé d'office la question de l'existence d'une éventuelle servitude par destination du père de famille pour finalement écarter une telle éventualité au motif qu'une telle existence ne serait pas établie, alors qu'il lui appartenait préalablement de rouvrir les débats sur la question pour permettre aux parties de rapporter les preuves requises en la matière, a violé les articles 12 et 16 du Code de procédure civile ;
ET ALORS, d'autre part, QUE la Cour d'appel qui, par ces motifs et pour les mêmes raisons, n'a pas mis en mesure les parties de se constituer et de produire aux débats les éléments de preuves nécessaires au succès de leur prétention, a violé les articles 6 et 9 du Code de procédure civile.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué du 25 septembre 2007 d'avoir condamné le GFA à verser à titre d'indemnité aux époux X... la somme de 5 000 euros au titre de la servitude légale consacrée ;
AU MOTIF QUE eu égard à la destination de la servitude ainsi accordée, la Cour dispose des éléments d'appréciation pour fixer à 5 000 euros le montant de l'indemnité due par le GFA aux époux X... au titre de l'article 682 du Code civil ;
ALORS QUE sur les points qu'elle atteint, la cassation replace les parties dans l'état où elles se trouvaient avant le jugement cassé ; elle entraîne, sans qu'il y ait lieu à une nouvelle décision, l'annulation par voie de conséquence de toute décision qui est la suite, l'application ou l'exécution du jugement cassé ou qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire ; que l'arrêt de la Cour d'appel qui a fixé à 5 000 euros une indemnité due sur le fondement de l'existence d'une servitude légale pour enclavement, en application de l'arrêt partiellement avant dire droit rendu par elle le 9 mai 2006, sera annulé par application des dispositions de l'article 625 du Code de procédure civile.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué du 25 septembre 2007 d'avoir rejeté la demande de dommages et intérêts invoquée par le GFA du fait de la privation de jouissance de la pêcherie par l'enclavement créé par les époux X... ;
AUX MOTIFS QUE le GFA ne justifie pas d'un préjudice spécifique à l'appui de sa demande de dommages et intérêts ;
ALORS, d'une part, à titre principal, QUE la Cour d'appel, alors que le GFA, de ce chef, avait soutenu que « depuis 1998, le GFA n'a pas pu recueillir le poisson ; or, une pêche annuelle représente environ 400 kgs de poisson-soit un préjudice annuel d'environ 2 000 euros, soit depuis neuf ans : 18 000 euros. Par ailleurs, l'entretien des ouvrages n'a pas pu être effectué ; le tuyau d'évacuation central a souffert. Des joncs, roseaux et autres végétations anarchiques se sont développés ; des travaux d'entretien devront être effectués dont le coût sera supérieur à un entretien régulier. Dans ces conditions, le GFA est bien fondé à solliciter une indemnité d'un montant de 25. 000 euros à titre de dommages et intérêts » (p. 6) et alors que dans son arrêt avant dire droit, la Cour d'appel avait elle-même admis qu'« il ressort des constatations de l'expert judiciaire, Monsieur Claude Z... que « depuis la cession de la parcelle ZH 82 par la Maison de retraite aux époux X... (cession datant du 20 novembre 1998), ces derniers interdisent l'accès aux installations situées sur leur propriété » » (p. 3), qu'elle avait encore relevé « qu'il ressort des constatations expertales que le GFA ne peut, en l'état actuel, accéder aux installations nécessaires à un usage et une exploitation normale de l'étang litigieux » (p. 4), admettant par ces motifs l'usage effectif par le GFA des structures litigieuses jusqu'à leur enclavement volontaires par les époux X..., comme ces derniers le reconnaissaient, et caractérisant ce faisant la réalité d'un préjudice de jouissance des lieux, à charge pour elle d'en évaluer le montant, n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, en violation de l'article 1382 du Code civil ;
ET ALORS, d'autre part, à titre subsidiaire, QUE la Cour d'appel, en se contentant de juger que le GFA ne rapporterait pas l'existence d'un préjudice spécifique, sans plus de motivation, alors qu'il ressortait du rapport d'expertise que l'activité de pêcherie et l'entretien de la vidange de l'étang n'avaient pu se faire depuis l'état d'enclavement, lequel avait été volontairement opéré par les époux X... qui en revendiquaient le droit, et alors que le GFA produisait une attestation de réserve piscicole établie par l'administration, n'a pas mise en mesure la Cour de cassation d'exercer son contrôle en la matière, et a entaché son arrêt d'un défaut de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil.