Statuant sur le pourvoi formé par :
- LE CONSEIL NATIONAL DE L'ORDRE DES PHARMACIENS, partie civile,
contre l'arrêt de la cour d'appel de BOURGES, chambre correctionnelle, en date du 24 avril 2008, qui, dans la procédure suivie contre Christian X... des chefs, notamment, d'exercice illégal de la pharmacie en récidive et d'infraction au code de la consommation, a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 4211-1, L. 5111-1, D. 4211-11 et D. 4211-12 du code de la santé publique, du décret n 2006-352 du 20 mars 2006 relatif aux compléments alimentaires et des articles 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a confirmé le jugement disant que les éléments constitutifs de l'infraction d'exercice illégal de la pharmacie n'étaient pas réunis et en conséquence, a rejeté les demandes indemnitaires du Conseil national de l'ordre des pharmaciens ;
" aux motifs qu'il convient de constater que postérieurement aux faits, objet de la prévention, est intervenu le décret n 2 006-352 du 20 mars 2006 relatif aux compléments alimentaires, qui a donné à ces produits un statut légal en les distinguant des médicaments ; que, s'agissant d'une réglementation qui lui est plus favorable, Christian X... est bien fondé à s'en prévaloir ; qu'aux termes de ce décret, toute personne peut commercialiser des produits alimentaires contenant des plantes " possédant des propriétés nutritionnelles ou physiologiques, à l'exclusion des plantes ou des préparations des plantes ou des préparation de plantes possédant des propriétés pharmacologiques et destinées à un usage exclusivement thérapeutique " ; qu'ainsi, la simple allégation de santé ou de propriétés pharmacologiques, n'est plus suffisante pour qualifier un produit de médicament ; que les gélules commercialisées par Christian X... ne sauraient, dès lors, être assimilées à des médicaments par présentation ;
" 1) alors qu'aux termes de l'article 8 du décret du 20 mars 2006 relatif aux compléments alimentaires, l'étiquetage des compléments alimentaires, leur présentation et la publicité qui en est faite n'attribuent pas à ces produits des propriétés de prévention, de traitement ou de guérison d'une maladie humaine, ni n'évoquent ces propriétés ; que la cour d'appel, qui tout en constatant que les produits litigieux font état d'allégations ou de propriétés pharmaceutiques, se fonde sur les dispositions du décret du 20 mars 2006 pour refuser de qualifier lesdits produits de médicaments par présentation, a méconnu le texte précité, ensemble les articles visés au moyen ;
" 2) alors que constitue un médicament par présentation le produit qui est présenté, par quelque moyen que ce soit, comme ayant une action préventive ou curative des maladies humaines ; que la cour d'appel, qui confirme le jugement en ce qu'il avait déclaré Christian X... coupable de publicité trompeuse des produits Imunostim et Maitake en raison des allégations thérapeutiques figurant sur une brochure, ne pouvait sans contradiction refuser à ces produits la qualification de médicament par présentation " ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 4211-1, L. 5111-1, D. 4211-11 et D. 4211-12 du code de la santé publique, du décret n° 2006-352 du 20 mars 2006 relatif aux compléments alimentaires et des articles 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a confirmé le jugement disant que les éléments constitutifs de l'infraction d'exercice illégal de la pharmacie n'étaient pas réunis et en conséquence, a rejeté les demandes indemnitaires du Conseil national de l'ordre des pharmaciens ;
" aux motifs qu'il convient de constater que postérieurement aux faits, objet de la prévention, est intervenu le décret n° 2006-352 du 20 mars 2006 relatif aux compléments alimentaires, qui a donné à ces produits un statut légal en les distinguant des médicaments ; que, s'agissant d'une réglementation qui lui est plus favorable, Christian X... est bien fondé à s'en prévaloir ; qu'aux termes de ce décret, toute personne peut commercialiser des produits alimentaires contenant des plantes " possédant des propriétés nutritionnelles ou physiologiques, à l'exclusion des plantes ou des préparations des plantes ou des préparation de plantes possédant des propriétés pharmacologiques et destinées à un usage exclusivement thérapeutique " ; qu'ainsi, la simple allégation de santé ou de propriétés pharmacologiques, n'est plus suffisante pour qualifier un produit de médicament ; que les gélules commercialisées par Christian X... ne sauraient, dès lors, être assimilées à des médicaments par présentation ; que, pour prétendre à la qualification de médicaments par fonction, le CNOP doit donc démontrer que les produits incriminés contiennent des substances qui ont des propriétés pharmacologiques et qui sont, en outre, exclusivement destinées à un usage thérapeutique ; que la plupart de ces produits contiennent des substances faisant partie de l'alimentation courante, qui n'ont, par conséquent, aucun usage exclusivement thérapeutique, rien ne permettant de caractériser pour les autres produits l'existence certaine d'un tel usage ; qu'en particulier, la circonstance qu'une plante soit inscrite à la pharmacopée n'implique pas nécessairement qu'elle est destinée à un usage exclusivement thérapeutique ; que, de même, les risques d'interactions médicamenteuses que pourraient présenter les produits incriminés, ne démontrent rien quant à la qualification de médicament, beaucoup d'autres substances, qui ne sont pas des plantes médicinales, pouvant également entraîner de telles interactions ; que, d'autre part, le décret du 20 mars 2006 a prévu en son article 16 la possibilité d'obtenir des autorisations administratives préalables à la commercialisation de compléments alimentaires ; que Christian X... justifie, pour preuve de sa bonne foi, avoir présenté l'ensemble des produits visés à la prévention à l'appréciation de la DGCCRF, laquelle les a autorisés en tant que compléments alimentaires, reconnaissant ainsi nécessairement qu'ils n'avaient pas un usage exclusivement thérapeutique ; que d'ailleurs, les pharmaciens eux-mêmes vendent ces produits sans les délivrer et sans qu'ils bénéficient d'une AMM ; qu'il s'ensuit que l'infraction d'exercice illégal de la pharmacie n'est caractérisée dans aucun de ses éléments ;
" 1° / alors qu'aux termes de l'article 1er du décret du 20 mars 2006 relatif aux compléments alimentaires, les dispositions de ce texte ne s'appliquent pas aux médicaments et aux spécialités pharmaceutiques ; que constitue par nature un médicament par fonction tout produit contenant des plantes médicinales inscrites à la pharmacopée pouvant être administré à l'homme en vue de restaurer, corriger ou modifier ses fonctions organiques ; que la cour d'appel qui, pour exclure que les produits litigieux composés de plantes médicinales comportant des propriétés pharmacologiques avérées puissent être qualifiés de médicament par fonction, considère qu'ils devraient être exclusivement destinés à un usage thérapeutique, a violé les articles visés au moyen ;
" 2° / alors qu'aux termes de l'article 7 du décret du 20 mars 2006, seules les plantes et parties de plantes traditionnellement considérées comme alimentaires, à l'exclusion de leurs préparations non traditionnelles en alimentation humaine peuvent être employées dans la fabrication des compléments alimentaires ; que la cour d'appel, qui se borne à énoncer que la plupart des produits litigieux contiennent des substances faisant partie de l'alimentation courante sans rechercher précisément si la plante ou la partie de la plante utilisée pour confectionner les produits de la société X... avait un usage dans l'alimentation courante, a privé sa décision de base légale, violant les articles visés au moyen ;
" 3° / alors que le demandeur faisait précisément valoir que le millepertuis était une plante médicinale qui n'était pas employée à des fins alimentaires et que l'ensemble de la littérature scientifique ne lui attribuait que des fonctions thérapeutiques ; que la cour d'appel qui, pour refuser aux produits litigieux commercialisés par Christian X... la qualité de médicament par fonction, s'est bornée à énoncer que la plupart des produits contenaient des substances faisant partie de l'alimentation courante sans rechercher, produit par produit, et notamment pour le millepertuis, l'usage alimentaire qui aurait pu en être fait, n'a pas légalement justifié sa décision, violant les articles visés au moyen ;
" 4° / alors que la reconnaissance du statut de complément alimentaire par la DGCCRF-laquelle n'a aucune compétence en matière de santé publique-ne saurait lier le juge sur la qualification de médicament qu'il convient de donner à un produit ; que la cour d'appel, qui se fonde sur la reconnaissance par la DGCCRF du statut de complément alimentaire aux produits litigieux, pour affirmer qu'était ainsi reconnu leur usage non exclusivement thérapeutique, a violé les articles visés au moyen " ;
Les moyens étant réunis ;
Vu les articles L. 4211-1, L. 5111-1, D. 4211-11 et D. 4211-12 du code de la santé publique, le décret du 20 mars 2006, ensemble l'article 593 du code de procédure pénale ;
Attendu que, d'une part, il résulte de l'article L. 5111-1 du code de la santé publique que constitue un médicament par présentation toute substance ou composition présentée comme possédant des propriétés curatives ou préventives à l'égard des maladies humaines ; que constitue un médicament par fonction toute substance ou composition pouvant être utilisée chez l'homme ou pouvant lui être administrée, en vue d'établir un diagnostic médical ou de restaurer, corriger ou modifier ses fonctions physiologiques de manière significative en exerçant une action pharmacologique, immunologique ou métabolique ; que, pour décider si un produit doit être qualifié de médicament par fonction, il convient de procéder au cas par cas, en tenant compte de l'ensemble des caractéristiques de chaque produit, notamment sa composition, ses propriétés pharmacologiques, immunologiques ou métaboliques, établies en l'état actuel de la connaissance scientifique, ses modalités d'emploi, l'ampleur de sa diffusion, la connaissance qu'en ont les consommateurs et les risques que peut entraîner son utilisation sur la santé ; qu'enfin, lorsque, eu égard à l'ensemble de ses caractéristiques, un produit est susceptible de répondre à la fois à la définition du médicament et à celle de complément alimentaire résultant du décret du 20 mars 2006, il est, en cas de doute, considéré comme un médicament ;
Attendu que, d'autre part, selon l'article L. 4211-1 du même code, la vente en gros ou au détail et toute dispensation au public des médicaments ainsi que la vente des plantes médicinales inscrites à la pharmacopée sont réservées aux pharmaciens sous réserve des dérogations établies par décret ;
Attendu que, enfin, tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties ; que l'insuffisance et la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que le président de la société Laboratoire X... Pharm, Christian X..., qui n'a pas la qualité de pharmacien, a été renvoyé devant le tribunal correctionnel pour avoir, courant 2002 et 2003, notamment, d'une part, vendu, après transformation, des plantes médicinales inscrites à la pharmacopée en violation du monopole des pharmaciens, d'autre part, commercialisé des médicaments sans autorisation de mise sur le marché ; qu'il a été relaxé du premier de ces chefs et condamné pour le second ;
Attendu que, pour débouter la partie civile, seule appelante, de sa'demande de réparation des conséquences dommageables de l'exercice illégal de la pharmacie, l'arrêt confirmatif énonce qu'en application du décret du 20 mars 2006 relatif aux compléments alimentaires, " toute personne peut commercialiser des produits alimentaires contenant des plantes possédant des propriétés nutritionnelles ou physiologiques, à l'exclusion des plantes ou préparations de plantes possédant des propriétés pharmacologiques et destinées à un usage exclusivement thérapeutique " ; que les juges en déduisent que " la simple allégation de santé ou de propriétés pharmacologiques n'est plus suffisante pour qualifier un produit de médicament " et qu'ainsi, les gélules commercialisées par le prévenu ne peuvent pas être assimilées à des médicaments par présentation ; qu'ils ajoutent que seuls peuvent constituer des médicaments par fonction les produits contenant " des substances ayant des propriétés pharmacologiques et qui sont en outre exclusivement destinés à un usage thérapeutique ", usage exclusif qui n'est pas établi pour les produits litigieux ; que les juges retiennent enfin que Christian X... justifie, pour preuve de sa bonne foi, avoir " présenté l'ensemble des produits visés à la prévention à l'appréciation de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, laquelle les a autorisés en tant que compléments alimentaires " ;
Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, sans préciser quelles étaient les plantes médicinales inscrites à la pharmacopée qui, en vertu des articles D. 4211-1 et D. 4212-12 du code de la santé publique, échappaient au monopole des pharmaciens, et en retenant par des motifs généraux qu'aucun des quarante-quatre produits, objet de la poursuite, ne répondait à la définition de médicament, alors au surplus que le prévenu avait été définitivement condamné pour avoir commercialisé des médicaments sans autorisation de mise sur Ie marché, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Bourges, en date du 24 avril 2008, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel d'Orléans, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
DÉCLARE IRRECEVABLE la demande présentée par le Conseil national de l'ordre des pharmaciens au titre de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Bourges et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Pelletier président, M. Blondet conseiller rapporteur, MM. Farge, Palisse, Le Corroller, Mme Radenne conseillers de la chambre, Mme Agostini, MM. Chaumont, Delbano, Mme Harel-Dutirou conseillers référendaires ;
Avocat général : M. Charpenel ;
Greffier de chambre : Mme Randouin ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;