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05/05/2009 | FRANCE | N°08-18165

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 05 mai 2009, 08-18165


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en ses deux premières branches :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 28 mai 2008), que la société anonyme
X...
(la société), constitué en 1984, a notamment pour associés M. Pierre Y... et sa mère, Henriette Y... ; que cette dernière est décédée, laissant pour héritiers MM. Pierre et Bernard Y... et Mme Françoise Y... ; que M. Pierre Y... a assigné ces derniers aux fins de faire juger que certaines actions de la société ne faisaient pas partie de l'indivision

successorale, mais étaient sa propriété, dans la mesure où il les avait acquis ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en ses deux premières branches :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 28 mai 2008), que la société anonyme
X...
(la société), constitué en 1984, a notamment pour associés M. Pierre Y... et sa mère, Henriette Y... ; que cette dernière est décédée, laissant pour héritiers MM. Pierre et Bernard Y... et Mme Françoise Y... ; que M. Pierre Y... a assigné ces derniers aux fins de faire juger que certaines actions de la société ne faisaient pas partie de l'indivision successorale, mais étaient sa propriété, dans la mesure où il les avait acquis de sa mère, en juin 1990 ;
Attendu que M. Bernard Y... et Mme Françoise Y... font grief à l'arrêt d'avoir accueilli la demande, alors, selon le moyen :
1° / qu'en matière de cession d'actions de société anonyme, c'est l'inscription des actions litigieuses sur le registre des transferts de titres de la société qui constitue au bénéfice de la personne mentionnée dans ce registre une présomption de propriété qu'il appartient à celui qui conteste la cession de renverser ; qu'a contrario, en l'absence d'inscription sur le registre des transferts de titres, il n'existe aucune présomption de propriété susceptible de bénéficier au prétendu cessionnaire des actions ; que dès lors, en estimant d'emblée que M. Pierre Y..., dès lors qu'il se prévalait de la possession des deux cent vingt-cinq actions litigieuses, bénéficiait d'une " présomption de possession de bonne foi " qu'il incombait à M. Bernard Y... et à Mme Françoise Y... de renverser, tout en constatant l'absence d'enregistrement de la cession alléguée par M. Pierre Y..., ce dont il résultait que ce dernier ne pouvait être bénéficiaire d'aucune présomption de propriété des titres litigieux, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé les articles 1315 et 2279 (devenu 2276) du code civil ;
2° / que si la possession paisible des actions peut résulter de ce que celui qui s'en prévaut a exercé les droits politiques et économiques attachés à ces titres, encore faut-il que la condition préalable à cet exercice soit remplie, à savoir que l'intéressé soit inscrit sur le registre des mouvements de titres ; qu'en estimant qu'il n'existait " aucune équivoque sur la qualité de la possession " de M. Pierre Y..., de sorte qu'il devait être admis que celui-ci se trouvait propriétaire des actions litigieuses avant le décès de sa mère, et cela au seul motif que l'intéressé avait exercé les droits politiques et économiques attachés à ces titres et qu'il avait perçu et déclaré à l'administration fiscale ces dividendes, tout en relevant que la cession de titre litigieuse n'avait donné lieu à aucune inscription sur un quelconque registre de mouvements de titres, la cour d'appel s'est déterminée par une motivation inopérante et a privé sa décision de base légale au regard des articles 1315 et 2279 (devenu 2276) du code civil ;
Mais attendu qu'après avoir constaté qu'aucun registre des transferts de titres n'avait été tenu au sein de la société lors de la cession des titres litigieux, ce dont il résultait qu'aucune présomption de propriété de titre ne pouvait être retenue en faveur de M. Pierre Y..., c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain des éléments de preuve qui lui étaient soumis que la cour d'appel a retenu que ce dernier avait établi sa possession de bonne foi des actions litigieuses avant le décès ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu que le moyen, pris en ses deux dernières branches, n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. Bernard Y... et Mme Françoise Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette leur demande ; les condamne à payer à M. Pierre Y... la somme globale de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du cinq mai deux mille neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par Me Balat, avocat aux Conseils pour Mme Françoise Y... et M. Bernard Y...

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir dit que les 225 actions litigieuses ne faisaient pas partie de la succession de Madame Henriette Y... et donc de l'indivision successorale née de son décès, et d'avoir dit que Madame Françoise Y... et Monsieur Bernard Y... ne pouvaient se présenter comme propriétaires indivis desdites actions ;

AUX MOTIFS QUE Monsieur Pierre Y... se prévaut de la possession de 225 actions détenues initialement par Madame Henriette Y... pour les avoir achetées en juin 1990 ; qu'il bénéficie à ce titre d'une présomption de bonne foi et qu'il appartient aux appelants de rapporter la preuve contraire ; que des propres écritures des appelants, il ressort que les réunions des associés de la Société X... se tenaient de manière informelle et que ce n'est qu'en 1992 qu'un registre des mouvements a été établi en répertoriant le nombre des actions au moment de la constitution de la société à l'aide du certificat de dépôt de fonds déposé au greffe du tribunal de commerce, soit en ignorant les éventuelles cessions qui ont pu s'établir avant 1992, au nombre desquelles celle revendiquée par Monsieur Pierre Y... en 1990 et qu'il ne peut pas être opposé à ce dernier, faute de registre, un défaut d'ordre de mouvement ; que la cession invoquée est parfaite entre cédant et cessionnaire dès 1990, donc Françoise et Bernard Y... ne peuvent donc pas fonder le renversement de la présomption de bonne foi sur une absence de régularisation ; que les appelants soutiennent que Madame Henriette Y... se faisait systématiquement représenter aux réunions de la société par son fils Pierre qui signait les feuilles de présence sur lesquels lui étaient attribuées les 225 actions litigieuses et que les autres associés, ses cousins, n'avaient aucune raison de mettre en doute ses affirmations sur la propriété des actions ; que sur la copie de la feuille de présence de l'assemblée générale du 29 juin 1991 versée aux débats, seules les signatures de Philippe et Paul X... apparaissent ; que Monsieur Pierre Y... y figure pour 250 actions et Madame Henriette Y... pour 125 actions sans avoir apposé leur signature ; que le procès-verbal de cette assemblée mentionne la présence de Madame Y... qui exerçait les fonctions de secrétaire de séance et de son fils Pierre ; que ce dernier a pris les fonctions de scrutateur comme représentant avec Philippe X... le plus grand nombre de voix ; que tel n'aurait pas été le cas si Madame Henriette Y... ne lui avait pas cédé d'actions ; que présente à la réunion, Madame Y... a donné son aval à cette cession en reconnaissant implicitement mais sans équivoque que son fils détenait plus d'actions qu'elle, ce qui n'était pas le cas avant 1990 ; qu'il est également versé aux débats par Monsieur Pierre Y... les copies des courriers adressés à la fin des années 1996, 1997 et 1998 par Philippe X... à Madame Françoise A... (devenue associée après la cession des actions litigieuses par Monsieur Pierre Y... à son épouse) qui mentionnent le nombre d'actions détenues par l'intéressée dans la société ainsi que le montant des dividendes perçus : " vous détenez 250 actions dans la société qui vous ouvrent droit à 12. 000 F dividendes 1995 … ; 250 actions qui vous ouvrent droit à 15. 000 F dividendes 1996 … ; 250 actions qui vous ouvrent droit à 22. 500 F dividendes 1997 " ; que contrairement aux allégations de Monsieur Bernard Y..., ces sommes ne sont pas symboliques et n'auraient pas pu échapper à Madame Y... ; que Monsieur Pierre Y... produit également les déclarations fiscales de la SA X... sur lesquelles sont mentionnées le nombre d'actions des actionnaires et les justificatifs à adresser aux services fiscaux ; que Madame Françoise Y... et Monsieur Bernard Y... ne démontrent pas soit que leur mère aurait reçu postérieurement à 1990 une information de la SA X... portant à son crédit de la propriété de 225 actions, soit qu'elle aurait émis une quelconque protestation à la réception de courriers et de justificatifs à l'appui de déclarations qui auraient omis de reprendre le nombre exact d'actions détenues par elle dans la société si la cession n'avait pas eu lieu ; que la présomption de bonne foi de Monsieur Pierre Y... repose donc sur le fait que sa mère à la réception des courriers de la SA X... a acquiescé à la cession qu'il revendique ; que Paul X..., président du directoire de la société de 1984 à septembre 2004, a, par une attestation du 30 janvier 2005, certifié que Madame Y... avait déposé en 1990 au bureau de la société le document justifiant de la cession d'actions à son fils Pierre Y... et qu'à aucun moment la moindre contestation sur cette cession n'était intervenue à l'initiative de l'un quelconque des associés ou de l'un des membres de la famille Y... ; que dans une précédente attestation non contradictoire du 11 septembre 2004 avait déjà retracée l'existence de cette cession d'actions de Madame Y... à son fils Pierre ; que Monsieur Pierre Y... produit la copie d'un virement d'une somme de 22. 500 F figurant le 1er juin 1990 au débit de son compte bancaire ouvert à la Société Générale qu'il déclare avoir effectué pour réaliser le paiement des actions ; que les appelants soutiennent que ce virement n'a pas profité à leur mère ; qu'ils produisent les relevés de comptes bancaires de leur mère ouverts à la Société Générale, qui ne portent aucun mouvement à compter du 22 mai 1990 ; qu'il n'est pas établi que Madame Y... n'avait de compte ouvert dans une autre banque et qu'au contraire, il est produit par Bernard Y... la photocopie d'une enveloppe à l'entête du Crédit Mutuel à laquelle est agrafée la photocopie de ce qui paraît être un relevé très parcellaire de compte au nom de Henriette Y... mais qui est inexploitable faute de faire figurer l'année ; que la sommation interpellative délivrée à l'agence de la Société Générale à SAINTES à la diligence de Madame Françoise Y... reste imprécise dans ses réponses pour permettre de considérer que le virement litigieux serait un virement interne, en effet, les relevés de compte produits par Monsieur Pierre Y... démontrent qu'au contraire des affirmations de la personne non identifiée précisément dans la sommation (société générale prise en la personne de son directeur sans plus de précision) le virement litigieux n'est pas nécessairement un virement interne ; que les relevés de comptes bancaires de Monsieur Pierre Y... ouverts dans la même banque ne font pas apparaître le crédit du virement de 22. 500 F ; que les appelants ne se livrent qu'à des supputations sur l'existence d'un compte bancaire que Monsieur Pierre Y... aurait dissimulé et sur ses possibilités financières pour régler le prix des actions dont il faut préciser qu'il représentait 1, 3 mois de salaire et que l'intéressé avait 43 ans, ce qui laisse supposer que depuis le début de son activité il avait pu économiser une telle somme, au demeurant une somme de 12. 000 F provenait de son compte épargne ; qu'il ne peut être fait grief à Monsieur Pierre Y... d'avoir dissimulé les archives de sa mère ; qu'en effet, il n'était pas le seul à détenir les clés de sa maison (cf. pièce n° 21 de Bernard Y...) ; que se prévalant d'une cession intervenue en 1990, Monsieur Pierre Y... s'est toujours présenté aux réunions de la Société X... en qualité de propriétaire des 225 actions litigieuses, il a émargé les feuilles de présence en cette qualité, sa mère n'ayant jamais contesté l'existence d'une cession qu'elle a ellemême reconnue par sa présence et ses fonctions de secrétaire à l'assemblée générale du 29 juin 1991 ; qu'il n'existe donc aucune équivoque sur la qualité de sa possession ; que l'ensemble des éléments ci-dessus permettent de retenir que Monsieur Pierre Y... était propriétaire des actions litigieuses avant le décès de sa mère pour les avoir acquises au prix de 22. 500 F ;
ALORS, EN PREMIER LIEU, QU'en matière de cession d'actions de société anonyme, c'est l'inscription des actions litigieuses sur le registre des transferts de titres de la société qui constitue au bénéfice de la personne mentionnée dans ce registre une présomption de propriété qu'il appartient à celui qui conteste la cession de renverser ; qu'a contrario, en l'absence d'inscription sur le registre des transferts de titres, il n'existe aucune présomption de propriété susceptible de bénéficier au prétendu cessionnaire des actions ; que dès lors, en estimant d'emblée que Monsieur Pierre Y..., dès lors qu'il se prévalait de la possession des 225 actions litigieuses, bénéficiait d'une " présomption de possession de bonne foi " qu'il incombait à Monsieur Bernard Y... et à Madame Françoise Y... de renverser (arrêt attaqué, p. 3 § 7 et 8), tout en constatant l'absence d'enregistrement de la cession alléguée par Monsieur Pierre Y... (arrêt attaqué, p. 3 § 9), ce dont il résultait que ce dernier ne pouvait être bénéficiaire d'aucune présomption de propriété des titres litigieux, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé les articles 1315 et 2279 (devenu 2276) du Code civil ;
ALORS, EN DEUXIEME LIEU, QUE si la possession paisible des actions peut résulter de ce que celui qui s'en prévaut a exercé les droits politiques et économiques attachés à ces titres, encore faut-il que la condition préalable à cet exercice soit remplie, à savoir que l'intéressé soit inscrit sur le registre des mouvements de titres ; qu'en estimant qu'il n'existait " aucune équivoque sur la qualité de la possession " de Monsieur Pierre Y..., de sorte qu'il devait être admis que celui-ci se trouvait propriétaire des actions litigieuses avant le décès de sa mère (arrêt attaqué, p. 5 § 4 et 5), et cela au seul motif que l'intéressé avait exercé les droits politiques et économiques attachés à ces titres et qu'il avait perçu et déclaré à l'administration fiscale ces dividendes, tout en relevant que la cession de titre litigieuse n'avait donné lieu à aucune inscription sur un quelconque registre de mouvements de titres, la cour d'appel s'est déterminée par une motivation inopérante et a privé sa décision de base légale au regard des articles 1315 et 2279 (devenu 2276) du Code civil ;
ALORS, EN TROISIEME LIEU, QU'en estimant que la cession des titres alléguée par Monsieur Pierre Y... devait être tenue pour avérée, tout en ne relevant à aucun moment que Madame Henriette Y... avait effectivement perçu le prix des actions prétendument cédées à son fils, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1582 du Code civil ;
ET ALORS, EN DERNIER LIEU, QUE le sursis à statuer doit être prononcé lorsque l'issue d'une poursuite pénale engagée est de nature à influer sur le procès civil ; que dans leurs écritures d'appel (signifiées le 4 décembre 2007), Monsieur Bernard Y... et Madame Françoise Y... faisaient valoir que plusieurs plaintes pénales avaient été déposées à l'encontre de Monsieur Pierre Y..., notamment au titre de la production en justice de faux documents et de documents tronqués ; qu'en estimant qu'il n'était pas " nécessaire de surseoir à statuer dans l'attente de la procédure pénale en cours, qui est sans incidence sur la présente procédure compte tenu des éléments apportés à l'appui des prétentions de chacun " (arrêt attaqué, p. 5 § 5), sans analyser précisément les incidences de la procédure pénale en cours sur l'instance civile dont elle avait à connaître, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 312 du Code de procédure civile et 4 du Code de procédure pénale.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 08-18165
Date de la décision : 05/05/2009
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

VALEURS MOBILIERES - Titres nominatifs - Propriété - Preuve - Registre des transferts - Défaut - Portée - Appréciation souveraine des éléments de preuve

La propriété de titres ne pouvant être présumée, en l'absence de tenue d'un registre de transfert au sein de la société lors de la cession litigieuse, c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments de preuve qui lui étaient soumis que la cour d'appel a retenu qu'un des coassociés avait établi sa possession de bonne foi des actions litigieuses


Références :

articles 1315 et 2279 (devenu 2276) du code civil

Décision attaquée : Cour d'appel de Poitiers, 28 mai 2008

A rapprocher :Com., 10 juin 1997, pourvoi n° 95-16235, Bull. 1997, IV, n° 186 (rejet)


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 05 mai. 2009, pourvoi n°08-18165, Bull. civ. 2009, IV, n° 66
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2009, IV, n° 66

Composition du Tribunal
Président : Mme Favre
Avocat général : Mme Batut
Rapporteur ?: M. Salomon
Avocat(s) : Me Balat, SCP Vuitton et Ortscheidt

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2009:08.18165
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