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05/05/2009 | FRANCE | N°08-17599

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 05 mai 2009, 08-17599


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 29 mai 2008), rendu sur contredit, que la société Libre et Change ayant fait assigner les sociétés Carat France et Covea devant le tribunal de commerce pour obtenir leur condamnation à lui payer diverses sommes, cette dernière, qui est une société de groupe d'assurance mutuelle, a soulevé l'incompétence de la juridiction en se prévalant de sa nature de société civile ;
Attendu que la société Covea fait grief à l'arrêt d'avoir

dit mal fondée son exception d'incompétence, alors, selon le moyen :
1°/ que la...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 29 mai 2008), rendu sur contredit, que la société Libre et Change ayant fait assigner les sociétés Carat France et Covea devant le tribunal de commerce pour obtenir leur condamnation à lui payer diverses sommes, cette dernière, qui est une société de groupe d'assurance mutuelle, a soulevé l'incompétence de la juridiction en se prévalant de sa nature de société civile ;
Attendu que la société Covea fait grief à l'arrêt d'avoir dit mal fondée son exception d'incompétence, alors, selon le moyen :
1°/ que la prise et la gestion de participations dans des entreprises d'assurance et de réassurance, la représentation de ces entreprises et la coordination de la politique du groupe constituent une activité civile ; qu'en jugeant néanmoins que la société de groupe d'assurance mutuelle Covea était une société commerciale, la cour d'appel a violé les articles 1845 du code civil, L. 110-1, L. 110-2 et L. 121-2 du code de commerce, ainsi que les articles L. 322-1-2 et L. 322-1-3 du code des assurances ;
2°/ que n'est pas commerçant celui qui ne réalise des actes de commerce qu'accessoirement à une activité principale civile ; qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt attaqué que l'objet social de la société de groupe d'assurance mutuelle ne mentionne la possibilité d'effectuer des opérations commerciales ou industrielles que si elles se rattachent, directement ou indirectement, à l'activité principale de cette société qui a un caractère civil ; qu'en jugeant néanmoins que la société de groupe d'assurance mutuelle Covea est une société commerciale, la cour d'appel a violé les articles 1845 du code civil et L. 110-1, L. 110-2 et L. 121-1 du code de commerce ;
3°/ qu'en jugeant que ses statuts donnent la possibilité à la société de groupe d'assurance mutuelle Covea d'effectuer à titre principal des opérations commerciales, alors que ces statuts ne mentionnent une telle possibilité qu'à titre accessoire, la cour d'appel les a dénaturés par omission et a ainsi violé l'article 1134 du code civil ;
Mais attendu, en premier lieu, que l'arrêt retient, comme le soutient la première branche, que l'activité des sociétés de groupe d'assurance mutuelle, telle qu'elle résulte des articles L. 322-1-2 et L. 322-1-3 du code des assurances, étant de nature civile, de telles sociétés sont en principe des sociétés civiles ;
Et attendu, en second lieu, que l'arrêt relève que cependant, l'article 6 des statuts de la société Covea, définissant l'objet de celle-ci, s'achève en prévoyant que cette société a encore, "plus généralement", pour objet d'effectuer "toutes opérations financières, mobilières et immobilières, apports en sociétés, souscriptions, achat de titres ou parts d'intérêt, constitution de sociétés et éventuellement toutes autres opérations civiles, commerciales ou industrielles se rattachant directement ou indirectement aux objets ci-dessus ou susceptibles d'en faciliter la réalisation ou le développement", et retient que la société Covea a ainsi explicitement inséré dans son objet statutaire la possibilité d'effectuer des opérations commerciales non prévues aux articles L. 322-1-2 et L. 322-1-3 du code des assurances ; que de ces constatations et appréciations dont il ne résulte pas que les opérations commerciales visées par les statuts de la société Covea ne pouvaient être effectuées qu'à titre d'accessoire de son activité civile, la cour d'appel a pu déduire, sans dénaturation, que cette société avait été constituée comme société commerciale ;
D'où il suit que le moyen, inopérant en sa première branche, n'es pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Covea aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à la société Libre et Change la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du cinq mai deux mille neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils pour la société Covea.
Il est fait grief à l'arrêt d'AVOIR dit la société COVEA SGAM mal fondée en son exception d'incompétence ;
AUX MOTIFS QUE sur la nature des sociétés de groupe d'assurance mutuelle, celles-ci sont régies par le Code des assurances ; que selon l'article L. 322-1-2, 1° de ce Code, l'expression « société de groupe d'assurance » désigne les entreprises qui ne sont pas des compagnies financières holding mixtes au sens de l'article L. 334-2 et dont l'activité principale consiste à prendre et à gérer des participations au sens du 2° de l'article L. 334-2 dans des entreprises soumises au contrôle de l'Etat en application de l'article L. 310-1 ou de l'article L. 310-1-1, ou dans des entreprises d'assurance ou de réassurance dont le siège social est situé hors de France, ou à nouer et à gérer des liens de solidarité financière importants et durables avec des mutuelles ou unions régies par le livre II du code de la mutualité, des institutions de prévoyance ou unions régies par le titre III du livre IX du code de la sécurité sociale, des sociétés d'assurance mutuelle régies par le code des assurances, ou des entreprises d'assurance ou de réassurance à forme mutuelle ou coopérative ou à gestion paritaire ayant leur siège social dans un Etat membre de la Communauté européenne ou dans un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ; que l'un au moins de ces organismes est une entreprise soumise au contrôle de l'Etat en application de l'article L. 310-1 ayant son siège social en France ; que selon l'alinéa 3 de l'article L. 322-1-3, une société de groupe d'assurance mutuelle peut décider de fonctionner sans capital social à condition de compter au moins deux entreprises affiliées et dont l'une au moins est une société d'assurance mutuelle ; qu'en outre, les entreprises affiliées ne peuvent être que des mutuelles ou unions relevant du livre II du code de la mutualité, des institutions de prévoyances ou unions relevant du titre III du livre IX du code de la sécurité sociale, des sociétés d'assurance mutuelle relevant du code des assurances ou des entreprises d'assurance ou de réassurance à forme mutuelle ou coopérative ou à gestion paritaire ayant leur siège social dans un autre Etat membre de la Communauté européenne ou partie à l'accord sur l'Espace économique européen ; que si elle remplit ces conditions, la société de groupe d'assurance peut être dénommée "société de groupe d'assurance mutuelle" ; qu'il résulte de ces textes que les sociétés de groupe d'assurance mutuelle sont une catégorie de sociétés de groupe d'assurance ; que selon l'article 1845, alinéa 2, du Code civil, ont le caractère civil toutes les sociétés auxquelles la loi n'attribue pas un autre caractère à raison de leur forme, de leur nature ou de leur objet ; que selon l'article L. 210-1 du Code de commerce, le caractère commercial d'une société est déterminé par sa forme ou par son objet ; que ni le code des assurances, ni aucun texte, ne détermine la nature, civile ou commerciale, des sociétés de groupe d'assurance mutuelle ; qu'aucun texte ne prévoit, non plus, que ces sociétés seraient commerciales par leur forme ; que dès lors, sauf à ce qu'elles aient un objet commercial, ces sociétés sont civiles ; que si l'article L. 322-26-1 du Code des assurances prévoit que les sociétés d'assurance mutuelles ont un objet non commercial, aucun argument ne peut en être tiré sur le caractère des sociétés de groupe d'assurance mutuelle, dès lors que l'activité principale de celles-ci, telle qu'elle résulte des articles L. 322-1-2 dudit Code, est sans rapport avec celle des sociétés d'assurance mutuelles qui sont constituées pour assurer les risques apportées par leurs sociétaires ; que cependant aucun texte ne prévoit que l'objet des sociétés de groupe d'assurance mutuelle serait commercial ; que l'activité de celle-ci, telle qu'elle résulte des articles L. 322-1-2, 1° et L. 322-1-3 du Code des assurances est de nature civile ; qu'en effet n'est pas, par elle-même, de nature commerciale l'activité tendant à prendre et à gérer des participations dans des entreprises soumises au contrôle de l'Etat en application de l'article L. 310-1 ou de l'article L. 310-1-1, ou dans certaines entreprises d'assurance et de réassurance, ou à nouer et à gérer des liens de solidarité financière importants et durables avec des mutuelles ou unions régies par le livre II du Code de la mutualité, des institutions de prévoyance ou unions régies par le titre III du livre IX du code de la sécurité sociale, des sociétés d'assurance mutuelle régies par le code des assurances, ou des entreprises d'assurance ou de réassurance à forme mutuelle ou coopérative ou à gestion paritaire ayant leur siège social dans un Etat membre de la Communauté européenne ou dans un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ; qu'il résulte de ces éléments que les sociétés de groupe d'assurance mutuelle sont, en principe, des sociétés civiles ;
ET AUX MOTIFS QUE sur la nature civile ou commerciale de COVEA, l'objet de COVEA, tel qu'il résulte de l'article 6 de ses statuts est « de nouer et gérer des liens de solidarité financière importants et durables avec des mutuelles et autres institutions du monde mutualiste visées par le Code des assurance » ; qu'il est en outre prévu qu'elle puisse « prendre et gérer des participations dans des entreprises d'assurance et de réassurance selon les seuils fixés par la législation en vigueur » ; que ce même article prévoit qu' « à ce titre, elle a notamment pour objectifs sur le plan de la gouvernance, d'optimiser le pilotage du groupe constitué, sur le plan financier, d'organiser l'accession, par une approche de groupe, à toutes ressources nécessaires au développement de celui-ci, et sur le plan opérationnel et institutionnel, de définir et coordonner les orientations stratégiques nécessaires au développement du groupe d'assurance mutuel, dans le respect des intérêts communs des entreprises affiliées, de déterminer le cas échéant les moyens, ressources et organisations nécessaires à la mise en oeuvre des stratégies et projets communs, d'élaborer une politique de groupe » ; que ce même article poursuit en précisant qu'elle « assure par ailleurs un rôle de représentation de ses affiliés pour leurs activités communes » pour s'achever en prévoyant qu'elle a encore, « plus généralement », pour objet, d'effectuer « toutes opérations financières, mobilières et immobilières, apports en sociétés, souscriptions, achats de titres ou parts d'intérêts, constitution de sociétés et éventuellement, toutes autres opérations civiles, commerciales ou industrielles se rattachant directement ou indirectement aux objets ci-dessus ou susceptibles d'en faciliter la réalisation ou le développement » ; qu'en insérant explicitement, dans son objet statutaire, la possibilité d'effectuer des opérations commerciales, d'ailleurs non prévue aux articles L 322-1-2, 1° et L 322-1-3 du code des assurances, COVEA a été constituée comme société commerciale ; qu'en conséquence le jugement, en ce qu'il a déclaré le Tribunal de commerce de NANTERRE compétent pour se prononcer sur le litige, doit être confirmé ;
1°) ALORS QUE la prise et la gestion de participations dans des entreprises d'assurance ou de réassurance, la représentation de ces entreprises et la coordination de la politique du groupe constituent une activité civile ; qu'en jugeant néanmoins que la société de groupe d'assurance mutuelle COVEA était une société commerciale, la Cour d'appel a violé les articles 1845 du Code civil, L. 110-1, L. 110-2 et L. 121-1 du Code de commerce, ainsi que les articles L. 322-1-2 et L. 322-1-3 du Code des assurances ;
2°) ALORS QUE n'est pas commerçant celui qui ne réalise des actes de commerce qu'accessoirement à une activité principale civile ; qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt attaqué que l'objet social de la société de groupe d'assurance mutuelle ne mentionne la possibilité d'effectuer des opérations commerciales ou industrielles que si elles se rattachent, directement ou indirectement, à l'activité principale de cette société qui a un caractère civil ; qu'en jugeant néanmoins que la société de groupe d'assurance mutuelle COVEA est une société commerciale, la Cour d'appel a violé les articles 1845 du Code civil et L. 110-1, L. 110-2 et L. 121-1 du Code de commerce ;
3°) ALORS QU'en jugeant que ses statuts donnent la possibilité à la société de groupe d'assurance mutuelle COVEA d'effectuer à titre principal des opérations commerciales alors que ces statuts ne mentionnent une telle possibilité qu'à titre accessoire, la Cour d'appel les a dénaturés par omission et a ainsi violé l'article 1134 du Code civil.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 08-17599
Date de la décision : 05/05/2009
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

SOCIETE CIVILE - Société de groupe d'assurance mutuelle - Nature civile - Exception - Objet statutaire - Portée

L'activité des sociétés de groupe d'assurance mutuelle telle qu'elle résulte des articles L. 322-1-2 1° et L. 322-1-3 du code des assurances étant de nature civile, de telles sociétés sont en principe des sociétés civiles. Cependant, lorsque les dispositions statutaires relatives à l'objet d'une telle société prévoient expressément la possibilité d'effectuer des opérations commerciales non prévues aux articles L. 322-1-2 1° et L. 322-1-3 du code des assurances, les juges du fond peuvent retenir, dès lors qu'il ne résulte pas de leurs constatations que ces opérations ne peuvent être effectuées qu'à titre d'accessoire de l'activité civile, que cette société a été constituée comme société commerciale


Références :

article 1845 du code civil

articles L. 322-1-2 1° et L. 322-1-3 du code des assurances

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 29 mai 2008


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 05 mai. 2009, pourvoi n°08-17599, Bull. civ. 2009, IV, n° 64
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2009, IV, n° 64

Composition du Tribunal
Président : Mme Favre
Avocat général : M. Raysséguier (premier avocat général)
Rapporteur ?: M. Petit
Avocat(s) : SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Capron

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2009:08.17599
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