LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., qui avait été engagé le 1er décembre 1996 en qualité de directeur d'établissement par la société GF Garçonnet, devenue Precision components industries, a été licencié le 2 mai 2002 pour faute grave ;
Sur le premier moyen :
Vu l'article L. 125-3, alinéa 1, du code du travail, devenu L. 8241-1, ensemble les articles L. 122-6, devenu L. 1234-1, et L. 122-8, alinéa 1, devenu L. 1234-5, du même code ;
Attendu que pour décider que le licenciement ne reposait pas sur une faute grave, l'arrêt retient que si la mise à la disposition de l'établissement dirigé par M. X... de salariés par deux fournisseurs pouvaient constituer des opérations de prêt de main-d'oeuvre à but lucratif illicite, il n'avait pas conclu ces conventions pour nuire à la société GF Garçonnet mais dans le but de répondre au mieux aux impératifs de production ;
Qu'en se déterminant ainsi, par un motif inopérant, alors que le prêt de main-d'oeuvre illicite est caractérisé si la convention a pour objet exclusif la fourniture de main-d'oeuvre moyennant rémunération, la cour d'appel, qui n'a pas recherché quel était l'objet réel des conventions passées par M. X... avec les sociétés SMP et JL Laurent et si celles-ci avaient un but lucratif, n'a pas donné de base légale à sa décision ;
Et sur le second moyen :
Vu les articles 1134 et 1147 du code civil ;
Attendu que l'arrêt condamne la société GF Garçonnet à verser à M. X... des dommages-intérêts pour rupture vexatoire du contrat de travail ;
Qu'en statuant ainsi, sans caractériser aucune faute de l'employeur ayant causé au salarié un préjudice distinct de celui résultant de son licenciement, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 24 juillet 2007, entre les parties, par la cour d'appel de Nancy ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Metz ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du cinq mai deux mille neuf.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils pour la société Precision components industries, anciennement dénommée GF Garçonnet.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société GF Garçonnet à verser à Monsieur X... les sommes de 1.185,70 euros à titre de paiement de la mise à pied conservatoire, de 38.112,30 euros à titre d'indemnité de préavis, de 3.811,23 euros au titre des congés payés afférents, de 9.146,88 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement, de 75.000 euros à titre de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de 6.500 euros à titre de dommages intérêts pour rupture vexatoire du contrat de travail ;
AUX MOTIFS QUE la lettre de licenciement énonce comme motif un agissement constitutif d'une faute grave ; que l'employeur qui invoque une faute grave doit en rapporter la preuve ; qu'elle est définie comme un manquement aux obligations contractuelles de nature à rendre impossible la poursuite du contrat de travail pendant la durée limitée du préavis ; que la motivation de la lettre de licenciement est la suivante : « Le 19 février 2002, Monsieur Pierre Z..., votre Directeur Général, vous demandait des précisions concernant la présence de personnel extérieur dans l'établissement de Saint-Dié. Le 25 février vous lui expliquiez que ces personnes sont employées dans le cadre de la sous-traitance. Le 19 avril, Madame A..., notre Directeur des ressources humaines, demandait des informations complémentaires auprès de votre Responsable Administratif, puis auprès de vous-même le 22 avril. A l'examen des documents remis, elle concluait à des accords de fausse sous-traitance entre vous-même au nom de la société GF Garçonnet et les sociétés SMP et JL Laurent » … ; que si la relation engagée par Monsieur X... avec les sociétés SMP et Laurent peut constituer un prêt de main d'oeuvre illicite, lorsque ce prêt est à but lucratif, il ne s'évince pas toutefois que Monsieur X... a sciemment conclu ces prestations pour nuire à la société mais pour répondre au mieux à des impératifs de production et d'exploitation dont il avait la charge ; que l'employeur interroge Monsieur X... sur les pratiques de l'établissement des Vosges ; que celui-ci fournit immédiatement des éléments de réponse ; que la qualification retenue de prêt de main d'oeuvre illicite résulte de la seule appréciation de l'employeur et notamment du nouveau responsable des ressources humaines ; qu'il n'apparaît pas des pièces de la procédure que Monsieur X... ait contourné délibérément les consignes reçues ou n'ait pas respecté les modifications de procédure ; que l'employeur n'apporte pas la preuve d'observations ou de sanctions antérieures à son encontre ; que dans ces conditions les faits reprochés ne caractérisent pas une faute grave, ni même une cause réelle et sérieuse de licenciement ;
1/ ALORS QUE la lettre de licenciement fixe les limites du litige et doit faire l'objet d'un examen intégral par les juges du fond ; que la lettre de licenciement notifiée à Monsieur X... précisait que « les accords de sous-traitance que vous avez passés sont en fait des accords de prêt de main d'oeuvre illicite ; il s'agit de fausse sous-traitance et donc de délit de marchandage passible de sanctions pénales » ; qu'en se bornant à écarter l'existence d'un prêt de main d'oeuvre illicite sans s'expliquer sur le délit de marchandage, la cour d'appel a violé l'article L.122-14-2 du code du travail ;
2/ ALORS QUE à titre subsidiaire, l'élément intentionnel d'un délit n'est pas caractérisé par l'intention de nuire ; que la société GF Garçonnet avait fait valoir dans ses conclusions d'appel que Monsieur X... avait pris soin, dans ses relations avec la société Laurent, de passer une succession de commandes à la semaine, alors que les prestations de main d'oeuvre étaient permanentes, en faisant en sorte qu'aucune n'atteigne 15.000 francs afin de se soustraire à la procédure prévue sur le site de Saint-Nicolas qui prévoyait que les demandes de ce montant devaient transiter par le service achats ; que la cour d'appel, qui a écarté l'existence d'un prêt de main d'oeuvre illicite en relevant que Monsieur X... n'avait pas sciemment conclu ces prestations pour nuire à la société, sans vérifier si l'élément intentionnel du délit ne ressortait pas des circonstances susvisées, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L.125-3 du code du travail ;
3/ ALORS QUE à titre subsidiaire, les juges du fond doivent examiner l'intégralité des pièces versées aux débats ; que concernant les relations avec la société SMP, la société GF Garçonnet avait fait valoir, versant au débat les pièces corroborant ses dires, qu'un mail du 12 septembre 2000 avait informé Monsieur X... de la nécessité de communiquer au service achat du siège une copie de toutes les demandes d'achats faits par les différents sites ; qu'un mail du directeur général du 12 février 2001 avait demandé à Monsieur X... que toutes les demandes d'achats de Saint-Dié, y compris la sous-traitance, soient établies par Madame B... embauchée spécialement pour centraliser les commandes du sites ; qu'avaient encore été versées aux débats une commande ouverte de main d'oeuvre du 14 février et les commandes successives passées, dont la lecture démontrait que Monsieur X... n'avait pas fait régulariser les commandes selon la procédure prévue ; que la cour d'appel, qui a retenu qu'il n'apparaissait pas des pièces de la procédure que Monsieur X... ait contourné délibérément les consignes reçues ou n'ait pas respecté les modifications de procédure, a dénaturé par omission les pièces susvisées et violé l'article 1134 du code civil ;
4/ ALORS QUE à titre subsidiaire, une faute grave comme une cause réelle et sérieuse de licenciement peuvent être constatées indépendamment de toute sanction ou observation antérieures ; qu'en relevant que la société GF Garçonnet n'apportait pas la preuve d'observations ou de sanctions antérieures à l'encontre Monsieur X..., pour écarter la bien fondé de la mesure de licenciement prononcée à l'encontre du salarié, la cour d'appel a statué par un motif inopérant et violé l'article L.122-14-3 du code du travail.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société GF Garçonnet à verser à Monsieur X... la somme de 6.500 euros à titre de dommages intérêts pour rupture vexatoire du contrat de travail ;
AUX MOTIFS QUE les conditions brutales de la rupture du contrat de travail et la qualité de directeur d'établissement justifient de condamner la société à verser à Monsieur X... une indemnité de 6.500 euros à titre de dommages intérêts ;
ALORS QUE les circonstances de la rupture d'un contrat de travail justifient une indemnisation spécifique à condition que soit établie l'existence d'un préjudice distinct de celui résultant de la seule rupture du contrat ; qu'en ne s'expliquant pas sur les circonstances lui ayant permis de retenir les conditions brutales de la rupture, la cour d'appel n'a justifié l'indemnisation d'aucun préjudice spécifique résultant des circonstances de la rupture du contrat et a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil.