LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen :
Vu l'article 6-1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble l'article 455, alinéa 1er, du code de procédure civile ;
Attendu que l'arrêt attaqué (Besançon, 9 octobre 2007), qui, s'il vise les conclusions des parties avec l'indication de leur date, expose ensuite deux fois les prétentions de la seule société coopérative agricole fromagère de Foncine-le-Haut, sans exposer celles de la société Fruitière du massif jurassien, a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres moyens :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 9 octobre 2007, entre les parties, par la cour d'appel de Besançon ; remet en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit les renvoie devant la cour d'appel d'appel de Dijon ;
Condamne société coopérative agricole fromagère de Foncine-le-Haut aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société coopérative agricole fromagère de Foncine-le-Haut à payer à société fruitière du massif jurassien la somme de 2 500 euros ; rejette la demande de la société coopérative agricole fromagère de Foncine-le-Haut ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf avril deux mille neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Mme Blondel, avocat aux Conseils pour la société Frutière du massif jurasien
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la société Fruitière du Massif Jurassien de ses demandes tendant à l'expulsion, sous astreinte, de la société Coopérative de Foncine-le-Haut de l'immeuble dont elle est locataire et à sa condamnation au paiement d'une somme de 19.470 à titre de provision, ensemble de sa demande d'expertise judiciaire ;
AUX MOTIFS QUE par conclusions récapitulatives déposées le 3 septembre 2007, la société Fruitière du Massif Jurassien demande à la cour de confirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a débouté la société Fruitière du Massif Jurassien, en conséquence, débouter la société Fruitière du Massif Jurassien de l'ensemble de ses demandes, condamner la société Fruitière du Massif Jurassien au paiement de la somme de 2.000 en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens, à titre subsidiaire, dire que la société Fruitière du Massif Jurassien a renoncé par son départ des lieux au bénéfice du contrat de location ; que par conclusions récapitulatives déposées le 5 septembre 2007, la Coopérative agricole Fromagère de Foncine-le-Haut sollicite la confirmation de l'ordonnance, le débouté de l'appelante de l'ensemble de ses demandes et sa condamnation à lui payer une indemnité de 2.000 en application de l'article 700 du code de procédure civile ; que l'ordonnance de clôture est intervenue le 5 septembre 2007 ;
ALORS QUE, D'UNE PART, le juge doit, à peine de nullité, soit exposer succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens, soit viser les dernières écritures de celles-ci, avec l'indication de leur date ; qu'une contradiction entre le visa des dernières écritures et le rappel succinct des prétentions et moyens prétendument énoncé par ces mêmes écritures équivaut à une absence de mention ; qu'il s'ensuit que l'arrêt attaqué, qui certes vise les dernières écritures de la société Fruitière du Massif Jurassien du 3 septembre 2007, mais qui rattache à ces écritures des prétentions et moyens qui ne peuvent en résulter, puisqu'il correspondent aux prétentions et moyens soutenue par la partie adverse, encourt l'annulation pour violation de l'article 455, alinéa 1er, du code de procédure civile, ensemble méconnaissance des exigences de l'article 6-1 de la Convention Européenne des droits de l'homme et des Libertés fondamentales ;
ET ALORS QUE, D'AUTRE PART, en retenant que, par conclusions récapitulatives déposées le 3 septembre 2007, la société Fruitière du Massif Jurassien avait demandé à la cour de confirmer l'ordonnance entreprise et de la débouter de l'ensemble de ses propres demandes, quand au contraire et en sa qualité d'appelante, la société Fruitière du Massif Jurassien avait conclu, dans ces mêmes écritures, à l'infirmation du jugement, à l'expulsion de la société Coopérative de Foncine-le-Haut, à la condamnation de cette dernière au paiement d'une provision, ensemble à l'organisation d'une mesure d'expertise judiciaire, la cour dénature lesdites écritures du 3 septembre 2007, violant l'article 4 du code de procédure civile, ensemble de l'article 6-1 cité au précédent élément de moyen.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la société Fruitière du Massif Jurassien de ses demandes tendant à l'expulsion, sous astreinte, de la société Coopérative Fromagère de Foncine-le-Haut ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE la SA Fruitière du Massif Jurassien, locataire de locaux commerciaux situés à Foncine-le-Haut, a, par déclaration enregistrée le 7 mai 2007, interjeté appel de l'ordonnance rendue le 19 avril 2007 par le président du tribunal de grande instance de Dôle, statuant en référé, qui l'a déboutée de sa demande d'expulsion sous astreinte formée à l'encontre de sa bailleresse qui a, hors de toute procédure, repris possession des lieux le 5 avril 2007 ; que le premier juge a exactement retenu que la contre-lettre signée entre les parties le 31 décembre 1997 qui avait pour effet de vider de toute valeur juridique le contrat de bail commercial de courte durée souscrit le même jour entre la Coopérative de Foncine-le-Haut et la SA Fruitière du Massif Jurassien n'était entachée d'aucune nullité d'ordre public pour cause illicite et devait produire tous ses effets ; qu'aucun contrat soumis au statut des baux commerciaux n'a pu succéder à un contrat de bail de courte durée lui-même inexistant ; qu'il s'ensuit que la société Fruitière du Massif Jurassien ne peut se prévaloir d'aucun contrat de bail pour obtenir l'expulsion de la Coopérative de Foncine-le-Haut qui a repris possession de ses locaux ; que l'ordonnance déférée sera donc confirmée ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QU'aux termes de l'article 1321 du code civile, les contre-lettres ne peuvent avoir leur effet qu'entre les parties contractantes ; qu'elles n'ont point d'effet contre les tiers ; que par acte du 31 décembre 1997, les parties ont signé un protocole d'accord ainsi libellé : « il a été signé ce jour un contrat de bail commercial de courte durée entre la coopérative de Foncine le Haut et la SA Fruitière du Massif Jurassien pour des nécessités de formalismes administratifs. Il est convenu ce jour que ce bail ne sera divulgué à aucun des membres des administrateurs de la coopérative de Foncine le Haut ou de la société Fruitière du Massif Jurassien. Il sera utilisé qu'à des fins d'enregistrements administratifs ou comptables. Il n'aura pas de valeur juridique entre les parties qui seront libres d'engagements. Les parties s'engagent à détruire ledit bail à la demande d'une des parties ou si un événement extérieur exceptionnel devait avoir lieu » ; que la société anonyme Fruitière du Massif Jurassien ne conteste pas l'existence de cette convention ; qu'elle ne soutient pas que cette contre-lettre est entachée de nullité d'ordre public pour cause illicite ; que par conséquent, ce protocole d'accord doit produire tous ses effets entre les parties ; qu'il en résulte que la société anonyme Fruitière du Massif Jurassien ne peut se prévaloir des dispositions du contrat de bail conclu le même jour pour obtenir l'expulsion de la société défenderesse ; qu'elle doit dès lors être déboutée de toutes ses demandes ;
ALORS QUE le juge peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent pour faire cesser un trouble manifestement illicite ; que nul ne peut se faire justice à lui-même ; qu'il résulte des conclusions d'appel de la société Fruitière du Massif Jurassien (cf. ses dernières écritures p.3, § 5), ensemble des constatations de l'arrêt attaqué, que c'est en dehors de toute procédure judiciaire, et donc au prix d'une véritable voie de fait, expressément qualifiée par la société Fruitière du Massif Jurassien de violation de domicile, que la société Coopérative Fromagère de Foncine-le-Haut a repris possession, le 5 avril 2007, des lieux jusqu'alors occupés par la société Fruitière du Massif Jurassien ; que dès lors, en ne se prononçant pas sur le point pertinent sus évoqué et donc en ne recherchant pas si ce trouble manifestement illicite ne justifiait pas, à lui seul, la mesure d'expulsion sollicitée, peu important la contestation née de la présentation d'une contre-lettre susceptible de remettre en cause l'effet normalement attaché au bail dont se prévalait la société locataire, la cour prive son arrêt de base légale au regard de l'article 809 du code de procédure civile, violé.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté la société Fruitière du Massif Jurassien de ses demandes tendant à l'expulsion, sous astreinte, de la société Coopérative Fromagère de Foncine-le-Haut et à la condamnation de cette dernière à lui verser, à titre de provision, une somme de 19.470 à valoir sur son préjudice économique ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE la SA Fruitière du Massif Jurassien, locataire de locaux commerciaux situés à Foncine-le-Haut, a, par déclaration enregistrée le 7 mai 2007, interjeté appel de l'ordonnance rendue le 19 avril 2007 par le président du tribunal de grande instance de Dôle, statuant en référé, qui l'a déboutée de sa demande d'expulsion sous astreinte formée à l'encontre de sa bailleresse qui a, hors de toute procédure, repris possession des lieux le 5 avril 2007 ; que le premier juge a exactement retenu que la contre-lettre signée entre les parties le 31 décembre 1997 qui avait pour effet de vider de toute valeur juridique le contrat de bail commercial de courte durée souscrit le même jour entre la Coopérative de Foncine-le-Haut et la SA Fruitière du Massif Jurassien n'était entachée d'aucune nullité d'ordre public pour cause illicite et devait produire tous ses effets ; qu'aucun contrat soumis au statut des baux commerciaux n'a pu succéder à un contrat de bail de courte durée lui-même inexistant ; qu'il s'ensuit que la société Fruitière du Massif Jurassien ne peut se prévaloir d'aucun contrat de bail pour obtenir l'expulsion de la Coopérative de Foncine-le-Haut qui a repris possession de ses locaux ; que l'ordonnance déférée sera donc confirmée ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QU'aux termes de l'article 1321 du code civile, les contre-lettres ne peuvent avoir leur effet qu'entre les parties contractantes ; qu'elles n'ont point d'effet contre les tiers ; que par acte du 31 décembre 1997, les parties ont signé un protocole d'accord ainsi libellé : « il a été signé ce jour un contrat de bail commercial de courte durée entre la coopérative de Foncine le Haut et la SA Fruitière du Massif Jurassien pour des nécessités de formalismes administratifs. Il est convenu ce jour que ce bail ne sera divulgué à aucun des membres des administrateurs de la coopérative de Foncine le Haut ou de la société Fruitière du Massif Jurassien. Il sera utilisé qu'à des fins d'enregistrements administratifs ou comptables. Il n'aura pas de valeur juridique entre les parties qui seront libres d'engagements. Les parties s'engagent à détruire ledit bail à la demande d'une des parties ou si un événement extérieur exceptionnel devait avoir lieu » ; que la société anonyme Fruitière du Massif Jurassien ne conteste pas l'existence de cette convention ; qu'elle ne soutient pas que cette contre-lettre est entachée de nullité d'ordre public pour cause illicite ; que par conséquent, ce protocole d'accord doit produire tous ses effets entre les parties ; qu'il en résulte que la société anonyme Fruitière du Massif Jurassien ne peut se prévaloir des dispositions du contrat de bail conclu le même jour pour obtenir l'expulsion de la société défenderesse ; qu'elle doit dès lors être déboutée de toutes ses demandes ;
ALORS QUE, D'UNE PART, en déclarant expressément adopter les motifs du premier juge, en tant qu'il aurait retenu que la contre-lettre signée le 31 décembre 1997 n'était entachée d'aucune nullité d'ordre public pour cause illicite, quand en réalité le jugement entrepris n'avait pas pris parti sur ce point mais simplement observé que la société Fruitière du Massif Jurassien n'avait pas soutenu que cette contre-lettre était entachée de nullité et qu'en cause d'appel en revanche, la société Fruitière du Massif Jurassien avait bel et bien soutenu que la contre-lettre était contraire au statut impératif des baux commerciaux qu'elle tendait à éluder (cf. les dernières écritures de la société Fruitière du Massif Jurassien, spéc. p.7 § 11), la cour dénature les termes du litige, violant l'article 4 du code de procédure civile ;
ALORS QUE, D'AUTRE PART, si la simulation ne rend point nul ce qui est valable, elle ne rend point valable ce qui est nul ; que le statut des baux commerciaux étant d'ordre public, sont nulles les conventions, qu'elles soient secrètes ou ostensibles, qui ont pour objet de l'éluder ; qu'aussi bien, en ne recherchant pas, comme elle y était invitée (cf. les dernières écritures de la société Fruitière du Massif Jurassien, p.4 § 11), si le statut des baux commerciaux n'avait pas impérativement vocation à s'appliquer, nonobstant le protocole d'accord qualifié de contre-lettre, aux relations existant entre la Coopérative Fromagère de Foncine-le-Haut et la société Fruitière du Massif Jurassien, dès lors qu'il était constant que la première avait effectivement mis à la disposition de la seconde un local lui appartenant, moyennant paiement d'un loyer et que la locataire, immatriculé au registre du commerce et des sociétés, y exploitait effectivement un fonds de commerce, la cour ne justifie pas légalement sa décision au regard des articles 1321 et 1709 du code civil et des articles L. 145-1, L. 145-4, L. 145-5 et L. 145-15 du code de commerce ;
ET ALORS QUE, ENFIN, le juge doit faire respecter et respecter lui-même le principe de loyauté et de bonne foi qui doit présider aux débats judiciaires ; qu'en ne recherchant pas, comme elle y était invitée, si la Coopérative de Foncine-le-Haut pouvait de bonne foi soutenir que le bail commercial invoqué par la société Fruitière du Massif Jurassien était inexistant à raison d'une contre-lettre datée du même jour, après avoir elle-même poursuivi en justice l'exécution de ce même contrat de bail et s'en être prévalue expressément dans une précédente instance, ayant débouché sur une ordonnance du 2 avril 2007, la cour ne justifie pas légalement sa décision au regard du principe susvisé, ensemble au regard de la règle de l'estoppel, qui interdit à tout justiciable de se contredire au détriment d'autrui.