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28/04/2009 | FRANCE | N°08-83843

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 28 avril 2009, 08-83843


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur les pourvois formés par :

- LA SOCIÉTÉ METALINOV,
- X... Michel,

contre l'arrêt de la cour d'appel de REIMS, en date du 3 avril 2008 qui, a condamné, la première, pour homicide involontaire et infraction à la réglementation sur la sécurité du travail, à 18 000 euros d'amende, le second, pour infraction à la réglementation sur la sécurité des travailleurs à 1 800 euros d'amende et prononcé sur les intérêts civils ;

Joignant les pourvois en raison de la connexitÃ

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Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur le premier moyen de cassation, ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur les pourvois formés par :

- LA SOCIÉTÉ METALINOV,
- X... Michel,

contre l'arrêt de la cour d'appel de REIMS, en date du 3 avril 2008 qui, a condamné, la première, pour homicide involontaire et infraction à la réglementation sur la sécurité du travail, à 18 000 euros d'amende, le second, pour infraction à la réglementation sur la sécurité des travailleurs à 1 800 euros d'amende et prononcé sur les intérêts civils ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 231-1, L. 263-2, L. 233-5-1, R. 233-6 codifiés L. 4111-1, L. 4741-1, L. 4321-1, R. 4323-7 et suivants du code du travail, 121-2, 121-3, 221-6, 221-7 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré la SAS Métalinov et monsieur Michel X... coupable d'omission de prendre les mesures nécessaires et d'aménager les lieux de travail de manière à garantir la sécurité des travailleurs, et la SAS Métalinov coupable d'homicide involontaire, et a prononcé sur la répression et les intérêts civils ;

" aux motifs qu'il résulte du croquis de M. Y... et des déclarations de ce témoin que Sylvain Z... devait lever des « charpentes en paquet de 6 mètres sur 10 cm de large », soit « environ une quarantaine de pièces » en les « passant au-dessus d'un tas de pannes » de « 6 mètres sur 60 cm de large », tas qui « représentait quatre paquets empilés » et, qu'ensuite, « il devait remettre les paquets de 60 cm de large à la place de ceux de 10 cm », afin de « faire de la place pour lacer des grandes charpentes de 14 mètres » ; que le croquis établi par M. Y... montre clairement que Sylvain Z... ne voyait pas la charge qu'il devait lever à l'aide d'un pont électrique puisqu'il se trouvait face au « mur » de quatre paquets de pannes métalliques, empilées et longues de 6 mètres sur 60 cm de large, derrière lequel se trouvait ladite charge ; que le gendarmes, relevant que cette dernière, d'un poids de 300 kg environ, se trouvait, en effet, « cachée par un paquet de fer qui mesurait 6 mètres de long et avait une hauteur de 1, 45 mètre », ont ajouté que, « de ce fait, l'ouvrier n'avait pas de visibilité » ; que, bien que mesurant 1, 85 mètre selon l'indication donnée par le médecin-légiste, Sylvain Z... n'avait donc d'autre solution que de se déplacer pour se mettre à un bout de cette charge afin de voir s'il pouvait lever et déplacer celle-ci sans rien accrocher, ce qu'ont d'ailleurs confirmé M. Y..., qui a déclaré qu'il se serait « placé à l'extrémité du paquet de façon à bien voir la manoeuvre », ainsi que le témoin Furlan, qui a précisé que « les paquets sont très longs » et qu'« on doit se positionner au bout » ; que la cour forme sa conviction que Sylvain Z... s'est bien déplacé, avec, en main, la commande filaire du pont roulant électrique, le déplacement de l'intéressé étant d'ailleurs corroboré, ainsi que l'ont relevé les enquêteurs, par l'indice suivant : la jambe droite de la victime était « écrasée du fait qu'elle posait sur le fer central de stockage des charges » ; que les quatre paquets de fers empilés gênant Sylvain Z... reposaient sur trois traverses métalliques fixées au sol et que M. A... (secouriste qualifié) ayant dégagé le blessé, a remarqué lui aussi « que la jambe sectionnée s'était retrouvée entre une traverse sur le sol et des IPE », dont la chute avait causé l'accident ; qu'il s'agissait bien de la traverse centrale, car celle-ci est tachée de sang et a subi des déformations, causées par la chute des fers IPE, comme l'établissent les photographies en couleur prises par les gendarmes et les constatations de ces derniers ; que la cour forme également sa conviction qu'en se déplaçant, Sylvain Z... a heurté ce fer central de stockage des charges et a, lors de sa chute, appuyé involontairement sur un bouton de la télécommande filaire du pont électrique, ce qui a fait déplacer la charge arrimée à celui-ci à grande vitesse, provoquant ainsi la chute des fers IPE stockés en hauteur, étant précisé que cette télécommande comporte, selon M. Y..., « deux vitesses (lente et rapide) qui sont sur le même bouton », chaque bouton (devant, derrière, gauche, droite, haut et bas) ayant « deux vitesses selon que vous appuyez plus ou moins fort » ; qu'en effet, les gendarmes ont, eux aussi, estimé que l'accident s'était ainsi produit, de même que M. A..., pour qui, Sylvain Z... avait « dû s'accrocher les pieds dans une traverse se trouvant sur le sol et utilisé comme support pour le stockage des poutrelles » et « accidentellement, le paquet de ferraille » (que voulait déplacer le blessé) avait « dû accrocher des poutrelles IPE stockées à cet endroit et en hauteur », lesquelles étaient « tombées ensuite sur les jambes de Sylvain » ; qu'enfin, outre le danger qui était constitué par ces traverses de stockage se trouvant sur le chemin de l'opérateur du pont roulant électrique, il faut aussi relever que le témoin Furlan, chef d'atelier, a expliqué que Sylvain Z... était du côté où les quatre paquets de fers IPE empilés les uns sur les autres lui masquaient la vue de la charge qu'il devait lever parce que « s'il se mettait de l'autre côté, il avait moins de place » ; qu'en effet, le croquis de M. Y... montre qu'entre ces quatre paquets de fer IPE empilés et un paquet de grosses poutrelles, contre lesquelles Sylvain Z... a été retrouvé adossé après la réalisation de l'accident, il y avait un espace libre en largeur suffisant, tandis que de l'autre côté de ce « mur » de fers IPE, la charge à déplacer se trouvait entre celui-ci et d'autres poutrelles également stockées en hauteur avec peu d'espace de libre entre ces trois stockages ; qu'au vu des éléments qui précèdent, la SAS Métalinov et Michel X... doivent, sur le fondement de la citation complémentaire à eux délivrée à l'initiative des parties civiles, être déclarés coupables d'omission de prendre les mesures nécessaires et d'aménager les lieux de travail de manière à garantir la sécurité des travailleurs ; que ce manquement aux prescriptions des articles L. 233-5-1 et R. 233-6 du code du travail doit également conduire la cour à déclarer, sur le fondement de la citation complémentaire, la SAS Métalinov coupable d'homicide involontaire ;

" 1) alors que les équipements de travail et les moyens de protection doivent être utilisés, réglés et maintenus de manière à préserver la sécurité et la santé des travailleurs ; qu'en reprochant à l'employeur de ne pas avoir pris les mesures d'aménagement des lieux de travail requises, tout en constatant que son représentant, Michel X..., n'avait pas été informé du risque auquel pouvaient être exposés les utilisateurs de ponts roulants électriques dans des circonstances telles que celles qui ont amené la chute de fers IPE sur la victime, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, en violation des textes susvisés ;

" 2) alors, encore, qu'en reprochant à l'employeur de ne pas avoir pris les mesures d'aménagement des lieux de travail requises, sans constater que, dûment informé de la présence de traverses de stockage sur le chemin de l'opérateur du pont roulant électrique et du stockage, à proximité et en hauteur, d'autres poutrelles avec peu d'espace libre entre les stockages, son représentant, Michel X..., avait donné son accord sur le principe et les modalités de cet aménagement, la cour d'appel n'a pas justifié légalement sa décision " ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure qu'un salarié de la société Metalinov a été victime d'un accident mortel du travail alors qu'il déplaçait des poutrelles métalliques à l'aide d'un pont roulant ; que la personne morale et Michel X..., son gérant ont été cités directement devant le tribunal correctionnel, par le procureur de la République pour homicide involontaire, par manquement aux dispositions de
l'article R. 213-13. 19 du code du travail relative à la formation à la sécurité ;
qu'ils ont été également cités par les parties civiles des chefs d'homicide involontaire, infraction aux règles relatives à la stabilité des équipements de travail, infraction aux règles de sécurité relatives à l'environnement de travail ;

Attendu que, pour déclarer la société Métalinov et Michel X... coupables d'omission de prendre les mesures nécessaires et d'aménager les lieux de travail de manière à assurer la sécurité des travailleurs, et la société Métalinov coupable, en outre, d'homicide involontaire, après avoir confirmé le jugement ayant relaxé Michel X... de ce chef, l'arrêt retient notamment que l'accident a eu lieu en raison du danger constitué par les traverses de stockage se trouvant sur le chemin de l'opérateur du pont roulant électrique et que les paquets de fer empilés les uns sur les autres lui masquaient la vue de la charge ;

Attendu qu'en prononçant ainsi, la cour d'appel a justifié sa décision au regard des articles 121-2 et 121-3 du code pénal selon lesquelles les personnes morales sont responsables pénalement de toute faute non intentionnelle de leurs organes ou représentants ayant entraîné une atteinte à l'intégrité physique, même en l'absence de faute délibérée ou caractérisée de la personne physique ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 451-1 du code de la sécurité sociale, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré la SAS Métalinov responsable du préjudice subi par les ayants droit de la victime, et l'a condamnée à payer diverses indemnités en réparation de leur préjudice moral ;

" aux motifs que le décès de Sylvain Z... a pour cause infractionnelle directe le délit d'homicide involontaire et non le délit d'omission de prendre les mesures nécessaires et d'aménager les lieux de travail de manière à garantir la sécurité des travailleurs ; que seule la SAS Métalinov doit, par suite, être déclarée responsable des préjudices moraux subis par Sandrine Z..., divorcée D...
E..., par Thierry Z..., par Nadège Z..., épouse B..., et par René-Jean Z... ;

" alors qu'aucune action en réparation du préjudice causé par un accident du travail ne peut, en dehors des cas prévus par l'article L. 451-1 du code de la sécurité sociale, être exercée conformément au droit commun, par la victime ou ses ayants droit ; qu'en statuant sur le principe même de la responsabilité civile de la SAS Métalinov, cependant que Sylvain Z... ayant été victime d'un accident du travail résultant d'une infraction involontaire imputée à son employeur, la réglementation d'ordre public sur la réparation des accidents du travail était seule applicable, la cour d'appel a violé les textes susvisés " ;

Attendu qu'il ne résulte d'aucunes conclusions déposées que la société Métalinov ait soutenu que les frères, soeurs et père de la victime avaient la qualité d'ayants droit au sens de l'article L. 451-1 du code de la sécurité sociale ; que, dès lors, le moyen est nouveau et, comme tel irrecevable ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE les pourvois ;

FIXE à 2 000 euros la somme que Michel X... et la société SAS Métalinov devront payer à Sandrine Z..., Thierry Z..., Nadège Z..., épouse B..., et Pierrette C..., épouse Z..., au titre de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Joly conseiller doyen faisant fonction de président en remplacement du président empêché, Mme Anzani conseiller rapporteur, Mme Palisse conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Daudé ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 08-83843
Date de la décision : 28/04/2009
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

RESPONSABILITE PENALE - Personne morale - Homicide et blessures involontaires - Faute - Faute délibérée ou caractérisée d'un organe ou d'un représentant - Nécessité (non)

HOMICIDE ET BLESSURES INVOLONTAIRES - Responsabilité pénale - Personne morale - Faute - Faute délibérée ou caractérisée d'un organe ou d'un représentant - Nécessité (non) TRAVAIL - Hygiène et sécurité des travailleurs - Responsabilité pénale - Personne morale - Faute - Faute délibérée ou caractérisée d'un organe ou d'un représentant - Nécessité (non)

Il résulte des articles 121-2 et 121-3 du code pénal que les personnes morales sont responsables pénalement de toute faute non intentionnelle de leurs organes ou représentants ayant entraîné une atteinte à l'intégrité physique, alors même qu'en l'absence de faute délibérée ou caractérisée au sens de l'article 121-3, alinéa 4, dudit code, la responsabilité pénale de ces derniers, en tant que personnes physiques, ne pourrait être recherchée. Justifie, dès lors sa décision, la cour d'appel qui pour déclarer une société coupable d'homicide involontaire, après avoir relaxé son dirigeant, relève, notamment, que l'accident a eu lieu en raison d'un manquement aux règles de sécurité relatives à l'environnement de travail


Références :

articles 121-2 et 121-3 du code pénal

Décision attaquée : Cour d'appel de Reims, 03 avril 2008

Sur une application du même principe en matière de blessures involontaires, à rapprocher :Crim., 24 octobre 2000, pourvoi n° 00-80378, Bull. crim. 2000, n° 308 (cassation)


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 28 avr. 2009, pourvoi n°08-83843, Bull. crim. criminel 2009, n° 80
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2009, n° 80

Composition du Tribunal
Président : M. Joly (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat général : M. Mathon
Rapporteur ?: Mme Anzani
Avocat(s) : SCP Didier et Pinet, SCP Vuitton et Ortscheidt

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2009:08.83843
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