La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

07/04/2009 | FRANCE | N°07-18907

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 07 avril 2009, 07-18907


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen, après avertissement délivré aux parties :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 29 juin 2007), que la banque Worms devenue société Licorne gestion (la banque) a consenti à la société Coenson international devenue Summersun un prêt destiné à l'acquisition de deux immeubles ; qu'un groupement de banques ayant été ultérieurement constitué, la banque Stern a pris une participation à concurrence d'un certain pourcentage du prêt ; que le 18 mars 1999, la société MAAF ass

urances (la société MAAF) a acquis les créances détenues par la banque Stern sur ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen, après avertissement délivré aux parties :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 29 juin 2007), que la banque Worms devenue société Licorne gestion (la banque) a consenti à la société Coenson international devenue Summersun un prêt destiné à l'acquisition de deux immeubles ; qu'un groupement de banques ayant été ultérieurement constitué, la banque Stern a pris une participation à concurrence d'un certain pourcentage du prêt ; que le 18 mars 1999, la société MAAF assurances (la société MAAF) a acquis les créances détenues par la banque Stern sur soixante-dix débiteurs dont la société Summersun ; que cette dernière ayant été mise en redressement puis liquidation judiciaires, la banque a déclaré sa créance puis l'a cédée à la société Immo Vauban qui l'a, elle-même, cédée à la société Pierre et vacances ; que les immeubles acquis avec le prêt ont été vendus sur adjudication à cette société ; qu'ultérieurement, la société MAAF a assigné la banque en résolution de la convention de sous-participation ainsi qu'en restitution de ses avances et, subsidiairement, en paiement de sa quote-part du prix de vente de l'immeuble ; que la banque lui a opposé l'irrecevabilité de son action en invoquant la nullité de la cession consentie à son profit ;

Attendu que la banque fait grief à l'arrêt d'avoir reconnu que la société MAAF avait qualité à agir et de l'avoir condamnée à lui payer une certaine somme, alors, selon le moyen :

1°/ que l'article L. 322-2-2 du code des assurances prohibant pour les entreprises d'assurance les opérations autres que d'assurance, telles que les opérations bancaires sauf si elles demeurent limitées par rapport à l'ensemble des activités de l'entreprise, il incombe à la compagnie d'assurance d'établir qu'une opération contestée relève de cette exception ; qu'ainsi la cour d'appel en considérant qu'il appartenait à la banque d'apporter les éléments permettant d'apprécier l'importance des cessions de créance litigieuses par rapport à l'ensemble des activités de la société MAAF, a violé le texte précité et les articles 1315 du code civil et 9 du code de procédure civile ;

2°/ qu'il résulte de l'article 1591 du code civil que le prix de la cession de créances doit être déterminable au jour de la cession sur la base d'éléments ne dépendant pas de la volonté du cessionnaire ; qu'en jugeant que n'était pas entachée de nullité la cession des créances de la banque Stern à la société MAAF à un prix égal à 80 % du montant des créances recouvrées, la cour d'appel a violé le texte précité ;

Mais attendu, en premier lieu, que s'il résulte de l'article 1591 du code civil que le prix de la vente doit être déterminé et désigné par les parties, ces dispositions n'imposent pas que l'acte porte lui-même indication du prix, mais seulement que ce prix soit déterminable ; que tel est le cas lorsqu'il est lié à la survenance d'un événement futur ne dépendant pas de la seule volonté de l'une des parties ni d'accords ultérieurs entre elles ; que l'arrêt qui relève que le prix de cession des créances cédées est subordonné au montant des créances recouvrées, et qu'un acompte de 210 millions de francs était payable à la signature de l'acte, retient exactement que le prix est déterminable, pour partie au moment de la cession, et pour partie au fur et à mesure du recouvrement des créances ;

Attendu, en second lieu, qu'à la supposer établie, la seule méconnaissance par une société d'assurances de la règle de spécialité, au respect de laquelle l'article L. 322-2-2 du code des assurances dans sa rédaction alors en vigueur subordonne son activité, n'est pas de nature à entraîner la nullité des contrats qu'elle a conclus ; que par ce motif de pur droit substitué à ceux critiqués, l'arrêt se trouve justifié en ce qu'il a dit recevable l'action de la société MAAF en sa qualité de cessionnaire de la créance ;

D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;

Et attendu que les autres moyens ne seraient pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Licorne gestion aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Licorne gestion à payer à la société MAAF assurances la somme de 2 500 euros et rejette sa demande ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du sept avril deux mille neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

.

Moyens produits par la SCP Bachellier et Potier de La Varde, avocat aux Conseils pour la société Licorne gestion.

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir reconnu que MAAF Assurances avait qualité à agir et d'avoir condamné la société Licorne Gestion à payer à MAAF Assurances la somme de 6 400 001 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 31 mars 2003 ;

1)
AUX MOTIFS QUE d'une part l'article L 322-2-2 du code des assurances autorise les opérations autres que celles qui sont mentionnées aux articles L 310-1 et L 310-1-1 du code des assurances si elles demeurent d'importance limitée par rapport à l'ensemble des activités de l'entreprise ;
que les statuts de la société MAAF Assurances l'autorisent à effectuer toutes opérations financières, dans le respect des dispositions de l'article L 322-2-2 précité ; que la part des opérations devant être calculée par rapport à l'ensemble des activités de la société, il convient de comparer le montant des créances cédées au capital social de la société MAAF Assurances ; que la société Licorne Gestion, qui soulève l'irrecevabilité de l'action, ne produit aucune pièce permettant à la cour d'apprécier l'importance des opérations contestées ;

ALORS QUE l'article L 322-2-2 du code des assurances prohibant pour les entreprises d'assurances les opérations autres que d'assurance, telles que les opérations bancaires sauf si elles demeurent limitées par rapport à l'ensemble des activités de l'entreprise, il incombe à la compagnie d'assurance d'établir qu'une opération contestée relève de cette exception ;
qu'ainsi la cour d'appel en considérant qu'il appartenait à Licorne Gestion d‘apporter les éléments permettant d'apprécier l'importance des cessions de créances litigieuses par rapport à l'ensemble des activités de la MAAF, a violé le texte précité et les articles 1315 du code civil et 9 du code civil.

2)
AUX MOTIFS QUE d'autre part le prix total est parfaitement déterminable, pour partie au moment de la cession, et pour partie au fur et à mesure du recouvrement des créances ;

ALORS QU' il résulte de l'article 1591 du code civil que le prix de la cession de créances doit être déterminable au jour de la cession sur la base d'éléments ne dépendant pas de la volonté du cessionnaire ; qu'en jugeant que n'était pas entachée de nullité la cession des créances de la Banque Pallas Stern à la MAAF à un prix égal à 80 % du montant des créances recouvrées, par nature indéterminable au jour de la cession, la cour d'appel a violé le texte précité.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné la société Licorne Gestion à payer à MAAF Assurances la somme de 6 400 001 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 31 mars 2003 ;

AUX MOTIFS QUE le 15 novembre 2002, la SNC Immo Vauban a proposé à la Banque Worms de racheter les créances qu'elle détenait sur la société Summersun pour le prix de 10 M ; que le 19 novembre 2002, la Banque Worms a informé la société MAAF Assurances de cette proposition en lui indiquant : « la validité de cette proposition étant fixée au 15 décembre 2002, nous vous proposons de nous réunir le vendredi 29 novembre prochain à 10 h 30 en nos bureaux pour en discuter » ; qu'à la suite de cette réunion, la société MAAF Assurances a, par courrier du 9 novembre 2002, demandé « des informations complémentaires sur l'état actuel de l'immeuble et notamment l'évaluation des travaux de rénovation que vous estimez à 30 millions de francs. En effet, MAAF Assurances, cessionnaire de la créance que la Banque Pallas Stern détenait à l'encontre de la société Coenson, ne peut rétrocéder cette créance qu'avec l'accord du juge commissaire de la liquidation judiciaire de la Banque Pallas Stern. Nous devons apporter des éléments sur la perte de valeur de l'immeuble pour justifier qu'aujourd'hui la société Immo Vauban propose la somme de 10 M soit une différence de 5 244 901,72 euros » ; que le 11 décembre 2002, la Banque Worms a répondu à la société MAAF Assurances en quelques lignes pour lui dire que « la tour est mitée par l'existence de la SCI Flatotel Appartement 22 », et qu'il existe une « multiplicité de baux et de sous baux » ; et pour indiquer « l'importance des travaux de remise aux normes de sécurité, estimés en juillet 1997 à 1 200 000 HT et le coût de réfection de la façade en très mauvais état, était estimé à la même époque à 4 573 000 HT » ; qu'elle conclut que « faute de réponse de votre part avant le 16 décembre 2002, nous considèrerons que vous avez agréé les termes de la proposition adressée par la SNC Immo Vauban » ; que le 12 décembre elle a adressé à la société MAAF Assurances la copie d'un rapport d'estimation des travaux à effectuer dans l'immeuble ; que le 13 décembre 2002, la société MAAF Assurances a répondu qu'il n'avait jamais été décidé lors de la réunion du 29 novembre qu'à défaut de réponse avant le 16 décembre, les banques acceptaient les termes de la proposition de la société Immo Vauban, ce à quoi la Banque Worms lui a adressé le 23 décembre la copie de l'acte de cession de créances signé le 17 décembre 2002 ; que si l'article 7 de la convention prévoit que la responsabilité du chef de file ne peut être engagé, sauf faute lourde, cette disposition concerne les sommes que la Banque Worms doit recevoir au titre du contrat de prêt ; que l'accord du sous participant n'ayant pas été donné, la Banque Worms a commis une faute à son égard en signant l'acte de cession de créance au profit de la société Immo Vauban ; que le silence de la société MAAF Assurances à la réception des courriers en réponse des 11 et 12 décembre 2002 ne vaut pas acquiescement, que la société MAAF Assurances a d'ailleurs immédiatement contesté l'opération et informé la Banque Worms qu'elle allait l'assigner en justice ;

ALORS QUE d'une part l'article 6 du contrat de sous-participation en ce qu'il n'imposait aucune forme particulière pour l'expression de l'accord d'un sous participant à un projet de cession de créance permettait au chef de file du pool de prévoir, après en avoir informé son co-contractant, que son absence d'opposition au projet notifié vaudrait acceptation ; qu'ainsi la cour d'appel en considérant que le silence de la MAAF à la réception des courriers des 11 et 12 décembre 2002 ne vaut pas acquiescement, a violé l'article 1134 du code civil.

ALORS QUE d'autre part le silence peut valoir acceptation si l'usage le prévoit dans un milieu professionnel ; qu'ainsi la cour d'appel, en se bornant à affirmer que le silence de la société MAAF Assurances à la réception des courriers en réponse des 11 et 12 décembre 2002 ne vaut pas acquiescement, sans rechercher si l'article 6 de la convention de sous participation n'imposant aucune forme particulière pour l'accord d'un sous participant à une cession de créance, les usages bancaires ne permettaient pas au chef de file du pool, après avoir informé les participants du projet de cession, de lui imposer de manifester expressément leur opposition, a privé son arrêt de base légale au regard des articles 1101, 1108 et 1134 du code civil.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné la société Licorne Gestion à payer à MAAF Assurances la somme de 6 400 001 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 31 mars 2003 ;

AUX MOTIFS QUE l'accord du sous participant n'ayant pas été donné, la Banque Worms a commis une faute à son égard en signant l'acte de cession de créance au profit de la société Immo Vauban ; que le silence de la société MAAF Assurances à la réception des courriers en réponse des 11 et 12 décembre 2002 ne vaut pas acquiescement, que la société MAAF Assurances a d'ailleurs immédiatement contesté l'opération et informé la Banque Worms qu'elle allait l'assigner en justice ;

ALORS QU'en déclarant la Banque Worms responsable de la résiliation de la convention de sous-participation sans répondre aux conclusions de celle-ci qui soutenait (p. 30 à 32) que la MAAF avait manqué à son obligation d'exécuter la convention de bonne foi en ne s'opposant pas volontairement à la cession de créance projetée qu'elle estimait désavantageuse car elle avait le dessein d'engager une procédure contre le chef de file dans l'espoir d'en retirer un plus grand profit, a violé l'article 455 du code civil.

QUATRIEME MOYEN DE CASSATION :

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir reconnu que MAAF Assurances avait qualité à agir d'avoir condamné la société Licorne Gestion à payer à MAAF Assurances la somme de 6 400 001 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 31 mars 2003 ;

AUX MOTIFS QUE la cession ayant été faite pour la somme de 10 000 000 et l'immeuble ayant ensuite été revendu pour la somme de 50 000 010 tel que cela résulte de l'acte d'adjudication intervenue au profit de la société Pierre et Vacances, le préjudice de la société MAAF Assurances est certain, puisqu'elle aurait pu faire vendre l'immeuble à ce prix, si la cession n'était pas intervenue ; que son préjudice s'élève donc à 16,66 % de la somme perdue de 40 000 010 soit 6 400 001 ;

ALORS QUE la réparation de la perte d'une chance ne peut être égale à l'avantage qu'aurait procuré la chance si elle s'était réalisée ; qu'ainsi la cour d'appel, en allouant à la MAAF une indemnité représentant la différence entre le prix d'adjudication de l'immeuble garanti par une hypothèque et le prix de la cession de la créance en réparation du préjudice résultant de la perte de chance pour la MAAF d'obtenir un prix de cession supérieur ou de conserver la créance et de faire vendre l'immeuble, a violé l'article 1147 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 07-18907
Date de la décision : 07/04/2009
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

ASSURANCE (règles générales) - Société d'assurance - Règle de spécialité - Méconnaissance - Sanction - Nullité (non)

A la supposer établie, la seule méconnaissance par une société d'assurances de la règle de spécialité, au respect de laquelle l'article L. 322-2-2 du code des assurances dans sa rédaction alors en vigueur subordonne son activité, n'est pas de nature à entraîner la nullité des contrats qu'elle a conclus. Par ce motif de pur droit substitué à ceux critiqués, l'arrêt se trouve justifié en ce qu'il a dit recevable l'action de cette société en sa qualité de cessionnaire de la créance


Références :

article L. 322-2-2 du code des assurances

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 29 juin 2007

A rapprocher :Ass. Plén., 4 mars 2005, pourvoi n° 03-11725, Bull. 2005, Ass. plén., n° 2 (cassation partielle) ;Com., 3 juillet 2007, pourvoi n° 06-17963, Bull. 2007, IV, n° 182 (rejet), et les arrêts cités


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 07 avr. 2009, pourvoi n°07-18907, Bull. civ. 2009, IV, n° 48
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2009, IV, n° 48

Composition du Tribunal
Président : Mme Favre
Avocat général : M. Raysséguier (premier avocat général)
Rapporteur ?: Mme Riffault-Silk
Avocat(s) : SCP Bachellier et Potier de la Varde, SCP Célice, Blancpain et Soltner

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2009:07.18907
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award