LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur les moyens uniques des pourvois principal et incident :
Vu l'article 1147 du code civil ;
Attendu que M. X..., qui avait confié à M. Y..., avocat, la défense de ses intérêts dans un litige l'opposant à la société de crédit Cetelem, a recherché la responsabilité de ce professionnel en lui reprochant de n'avoir pas assigné en garantie la société d'assurance Cardif ;
Attendu qu'après avoir confirmé le manquement fautif de cet avocat à son devoir de diligence, l'arrêt attaqué, pour élever à la somme de 10 000 euros le montant des dommages-intérêts auquel il condamne M. Y..., retient que M. X... ne démontre pas que l'appel en garantie de la société Cardif aurait été couronné d'un succès judiciaire complet, que ses prétentions quant à une garantie intégrale, par la société précitée, sont purement hypothétiques, et qu'en réalité, celui-ci a perdu une chance de voir ses prétentions soumises à un débat judiciaire et à un examen par la juridiction saisie de la demande de remboursement présentée par la société Cetelem ;
Qu'en statuant ainsi, sans rechercher, pour évaluer le préjudice pouvant résulter de la faute de l'avocat, s'il existait une chance sérieuse de succès de l'action en garantie qu'il avait été chargé d'engager contre la société Cardif, en reconstituant fictivement, au vu des conclusions des parties et des pièces produites aux débats, la discussion qui aurait pu s'instaurer devant le juge entre M. X..., la société Cetelem et la société Cardif si cette dernière avait été appelée en garantie, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a jugé que M. Y... avait commis un manquement à son devoir de diligence, l'arrêt rendu le 7 novembre 2007, entre les parties, par la cour d'appel de Besançon ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Dijon ;
Condamne M. Y... et M. X... aux dépens, chacun par moitié ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes de M. Y... et de M. X... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du deux avril deux mille neuf.
MOYENS ANNEXES à la présente décision ;
Moyen produit, au pourvois principal, par la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, Avocat aux Conseils, pour M. X... ;
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR limité à la somme de 10.000 euros l'indemnité allouée à Monsieur X..., en réparation de la faute commise par Me Y... qui s'est abstenu, sans motif légitime, de placer l'assignation destinée à la CARDIF, assureur de Monsieur X... ;
AUX MOTIFS QUE Kamel X... ne démontre pas que l'appel en garantie de la société CARDIF aurait été couronné d'un succès judiciaire complet ; que ses prétentions quant à une garantie intégrale, par la société précitée, sont purement hypothétiques ; qu'en réalité celui-ci a perdu une chance de voir ses prétentions soumises à un débat judiciaire et à un examen par la juridiction saisie de la demande de remboursement présentée par la société CETELEM ; que la réparation de cette perte de chance justifie l'allocation de la somme de 10.000 , à titre de dommages et intérêts ;
ALORS QUE pour fixer à 10.000 euros l'indemnité allouée à Monsieur X... en réparation de la faute commise par Me Y... qui s'est abstenu, sans motif légitime, de placer l'assignation destinée à la CARDIF, assureur de Monsieur X..., l'arrêt attaqué énonce que Monsieur X... ne démontre pas que l'appel en garantie de la CARDIF aurait été couronné d'un succès judiciaire complet, que ses prétentions quant à une garantie intégrale, par la société précitée, sont purement hypothétiques, et qu'en réalité celui-ci a perdu une chance de voir ses prétentions soumises à un débat judiciaire et à un examen par la juridiction saisie de la demande de remboursement présentée par la société CETELEM ; qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, pour évaluer le préjudice résultant de la faute de l'avocat, quelles étaient les chances de succès de l'action en garantie qu'il avait été chargé d'engager contre la CARDIF en reconstituant fictivement la discussion qui aurait pu s'instaurer devant le juge entre Monsieur X..., la société CETELEM et la société CARDIF si elle avait été appelée en garantie, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code Civil.
Moyen produit, au pourvoi incident, par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, Avocat aux Conseils, pour M. Y... ;
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré Monsieur Y... responsable d'un manquement à son devoir de diligence envers Monsieur X..., pour s'être abstenu de placer l'assignation destinée à la CARDIF dans un litige opposant Monsieur X... au CETELEM, et de l'avoir, en conséquence, condamné à payer à Monsieur X... la somme de 10.000 à titre de dommages et intérêts ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE «Kamel X... ne démontre pas que l'appel en garantie de la société CARDIF aurait été couronné d'un succès judiciaire complet ; que ses prétentions quant à une garantie intégrale, par la société précitée, sont purement hypothétiques ; qu'en réalité celui-ci a perdu une chance de voir ses prétentions soumises à un débat judiciaire et à un examen par la juridiction saisie de la demande de remboursement présentée par la société CETELEM ; que la réparation de cette perte de chance justifie l'allocation de la somme de 10.000 , à titre de dommages-intérêts ; que le jugement sera réformé en ce sens » (arrêt attaqué, p.5, §3 à 6) ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « selon les pièces de la procédure versées aux débats la déchéance du terme a été fixée au 11 juin 1997, après environ 16 mois d'échéances impayées : selon les conclusions de CETELEM en date du 15 septembre 1998, CARDIF avait poursuivi la prise en charge des échéances de janvier et février 1998. L'affirmation posée par le Tribunal de MULHOUSE n'avait donc pas affecté la mise en oeuvre de la garantie de CARDIF. Cette décision a été contestée, sans que l'issue de ce recours soit vérifiable, mais il est constant que l'absence de mise en cause de la CARDIF, rendait impossible tout débat sur son éventuelle responsabilité».
ALORS QU' il appartient au client, qui poursuit son avocat en responsabilité, à raison d'une faute professionnelle commise à l'occasion d'une mission judiciaire, de démontrer qu'il avait des chances sérieuses d'obtenir satisfaction en justice ; qu'à tout le moins, il doit établir qu'il disposait d'une chance d'obtenir gain de cause, la seule perte du droit à un procès ne constituant pas un préjudice indemnisable en l'absence de toute perspective de la gagner ; qu'au cas d'espèce, la Cour d'appel a considéré que le succès des prétentions de Monsieur X... quant à une prise en charge par la société CARDIF était purement hypothétique et qu'il ne démontrait pas que l'appel en garantie de la Société CARDIF aurait été couronné de succès ; qu'elle en a néanmoins estimé que l'absence d'assignation de la CARDIF était à l'origine d'une perte de chance de soumettre ses prétentions à un examen par la juridiction saisie de la demande de remboursement présentée par la Société CETELEM ; qu'en statuant ainsi, la Cour d'appel, qui n'a pas constaté que le recours que Monsieur X... envisageait d'introduire contre la société CARDIF présentait des probabilités sérieuses d'aboutir, n'a pas légalement justifié sa décision de regard de l'article 1147 du Code civil.