La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

31/03/2009 | FRANCE | N°08-14180

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 31 mars 2009, 08-14180


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 8 février 2008 n° 06/15800), que la société Jesta Fontainebleau (la société Jesta), adjudicataire d'un ensemble immobilier saisi au préjudice de la société Noga hôtels Cannes (la société Noga) qui y exploitait un hôtel, l'a assignée en paiement d'acomptes sur des réservations effectuées postérieurement à l'adjudication ;

Attendu que la société Noga fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande tendant à

la reconnaissance de sa qualité de propriétaire du fonds de commerce et d'avoir en conséquen...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 8 février 2008 n° 06/15800), que la société Jesta Fontainebleau (la société Jesta), adjudicataire d'un ensemble immobilier saisi au préjudice de la société Noga hôtels Cannes (la société Noga) qui y exploitait un hôtel, l'a assignée en paiement d'acomptes sur des réservations effectuées postérieurement à l'adjudication ;

Attendu que la société Noga fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande tendant à la reconnaissance de sa qualité de propriétaire du fonds de commerce et d'avoir en conséquence accueilli la demande de la société Jesta, alors, selon le moyen :

1°/ que le fonds de commerce est une universalité qui, de par sa nature mobilière, ne peut faire l'objet d'une saisie immobilière ; qu'en affirmant que l'exploitant d'un fonds de commerce en avait perdu la propriété, après avoir seulement constaté que, par l'effet de l'adjudication du bail à construction et de l'immeuble dans lequel ledit fonds était exploité, l'adjudicataire était devenu propriétaire des droits réels immobiliers détenus par le propriétaire du fonds, la cour d'appel a violé les articles 544 et 545 du code civil, L. 141-5 du code de commerce ainsi que 1er du premier Protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;

2°/ que l'immobilisation par destination du mobilier affecté à l'exploitation d'un fonds de commerce ne s'étend pas au fonds lui-même, lequel a la nature d'un meuble incorporel ; qu'en déniant à l'exploitant d'un fonds de commerce la qualité de propriétaire de ce fonds en raison de l'adjudication de l'immeuble dans lequel il était exploité, au prétexte que le mobilier affecté à son exploitation était réputé compris de plein droit dans la saisie de l'immeuble, la cour d'appel a violé les articles 524 du code civil, L. 141-5 du code de commerce ainsi que 1er du premier Protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;

3°/ qu'en outre, la volonté du propriétaire d'affecter les meubles au service de l'immeuble doit être prouvée ; qu'en affirmant que les meubles affectés à l'exploitation commerciale des locaux à usage d'hôtel constituaient des immeubles par destination, quand, en matière de bail à construction, le bailleur devient propriétaire par accession des seuls immeubles, de sorte que aucune intention du preneur d'affecter au service de l'immeuble les biens meubles composant son fonds de commerce ne pouvait être présumée, la cour d'appel a violé l'article 524 du code civil ;

4°/ qu' en toute hypothèse, les créances et les disponibilités, même nées de/ou relatives à l'exploitation du fonds, sont exclues des éléments corporels et incorporels le constituant ; qu'en énonçant que les sommes remises à l'exploitant du fonds de commerce au titre de la réservation de chambres l'avaient été pour le compte de l'adjudicataire de l'immeuble dès lors qu'elles avaient trait à la réservation de chambres dont la prestation avait été supportée par le second, quand le transport du fonds entre les mains du propriétaire de l'immeuble n'emportait pas cession des liquidités appartenant à l'exploitant, la cour d'appel a violé l'article L. 141-5 du code de commerce ;

5°/ qu'enfin, la force de chose jugée attachée à une décision judiciaire dès son prononcé ne peut avoir pour effet de priver une partie d'un droit tant que cette décision ne lui a pas été notifiée ; qu'en retenant que l'adjudicataire avait droit à la jouissance du fonds dès le 9 février 2006, date du jugement d'adjudication de l'immeuble, quand ledit jugement avait été signifié le 23 octobre 2006 au débiteur saisi, la cour d'appel a violé les articles 502 et 503 du code de procédure civile ;

Mais attendu, en premier lieu, qu'après avoir constaté que par le seul effet de l'adjudication, la société Jesta était devenue propriétaire de l'ensemble immobilier édifié en exécution du bail à construire, précédemment détenu par la société Noga, et relevé que les meubles affectés à l'exploitation commerciale de l'hôtel et placés dans cet immeuble par cette dernière lorsqu'elle en était propriétaire pour le service du fonds de commerce, l'arrêt retient exactement qu'ils constituaient des immeubles par destination en application de l'article 524 du code civil dont les conditions se trouvaient ainsi réunies et que la société Noga qui n'était pas locataire mais propriétaire de l'immeuble où était implanté le fonds de commerce, était dépourvue de titre lui permettant de poursuivre son exploitation et de justifier de son maintien dans les locaux acquis par la société Jesta qui n'était pas tenue de lui consentir un bail commercial ;

Et attendu, en second lieu, que l'arrêt ne retient pas que la société Jesta avait droit à la jouissance du fonds de commerce dès la date de l'adjudication ni que le fonds de commerce lui a été cédé, mais qu'elle est entrée en jouissance de l'immeuble et pouvait donc l'exploiter à cette date en sorte que les sommes perçues depuis lors au titre des réservations hôtelières par la société Noga qui occupait encore les locaux, lui étaient dues ; qu'ainsi la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen, qui manque en fait en sa cinquième branche, n'est pas fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Noga hôtels Cannes aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Noga hôtels Cannes à payer à la société Jesta Fontainebleau la somme de 2 500 euros et rejette sa demande ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du trente et un mars deux mille neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP MASSE-DESSEN et THOUVENIN, avocat aux Conseils pour la société Noga hôtels Cannes

Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté un débiteur saisi (la société NOGA HOTELS CANNES, l'exposante) de sa demande tendant à la reconnaissance, contre l'adjudicataire d'un immeuble (la société JESTA FONTAINEBLEAU), de sa qualité de propriétaire du fonds y exploité, le condamnant en conséquence à rembourser au nouveau propriétaire des murs la somme de 1.233.265 correspondant à un acompte perçu au titre de la réservation de chambres et de salons antérieurement à sa dépossession du fonds ;

AUX MOTIFS QUE le litige portait sur le sort des sommes perçues par la société NOGA HOTELS CANNES, propriétaire exploitant le complexe hôtelier, au titre de la réservation de chambres et de salons après le 1er mars 2006, l'intéressée soutenant que la société JESTA FONTAINEBLEAU ne pouvait avoir acquis la propriété du fonds de commerce d'hôtel et de ses annexes exploités dans les immeubles adjugées et lui reprochant de «s'être emparée de ce fonds sans bourse délier» ; qu'aux termes du cahier des charges, le commandement immobilier publié le 27 mai 2002 portait saisie par la BNP PARIBAS des biens ainsi désignés : «un bail à construction portant sur un terrain sis à CANNES (06), boulevard de la Croisette, cadastré section BC (...), consenti par la ville de CANNES ... étendant l'assiette du bail au tréfonds de la parcelle cadastrée BX n° 186 pour 727 m², ainsi que les constructions érigées par la société NOGA HOTELS CANNES sur le terrain loué, à savoir : un hôtel de 4 étoiles luxe de 240 chambres et suites environ, services annexes de l'hôtel, une salle de spectacle de 800 places minimum permettant une utilisation pour le cinéma, le théâtre, la musique de chambre, les variétés et les conférences, un parking d'environ 400 places dont la moitié au moins sera ouverte au public sous le régime du stationnement payant, un casino, des commerces, activités annexes, tels au surplus que lesdits biens et droit immobilier existent, se poursuivent et comportent avec toutes leurs aisances, appartenance et dépendances, communautés et mitoyenneté, droits de jour, vue, passage et autres droits actifs quelconques y attachés, sans aucune restriction ni réserve» ; que le cahier des charges précisait en première et dernière page que les biens étaient vendus en un seul lot et concernaient du «48 au 51 bd de la Croisette à 06400 CANNES : un bail à construction de 8 parcelles pour un total de 6.208 m² et les constructions édifiées sur ces parcelles : un hôtel 4 étoiles de luxe avec salles de jeux de casino, salles de spectacles, night-club, parkings public et privé, murs de fonds de commerce, piscine, solarium, centre de fitness, sauna, hammam, accès direct à la plage privée, le tout exploité sous l'enseigne NOGA HILTON CANNES» ; que le jugement d'adjudication sur folle enchère du 9 février 2006 avait adjugé au prix de 84.500.000 l'immeuble mis en vente, entièrement décrit et désigné au cahier des charges, soit «un hôtel 4 étoiles de luxe de 240 chambres et suites environ, services annexes de l'hôtel, une salle de spectacle de 800 places minimum permettant une utilisation pour le cinéma, le théâtre, la musique de chambre, les variétés et les conférences, un parking d'environ 400 places dont la moitié au moins sera ouverte au public sous le régime du stationnement payant, un casino, des commerces, activités annexes» ; qu'en vertu du bail à construction du 7 octobre 1988, la société NOGA HOTELS CANNES, preneur, était titulaire, d'un côté, d'un droit réel immobilier sur le terrain et, de l'autre, d'un droit de propriété sur les constructions y édifiées pendant toute la durée du bail, la ville de CANNES n'en devenant propriétaire qu'à son expiration ; que la société NOGA HOTELS CANNES, propriétaire des immeubles édifiés, exploitait l'hôtel et son restaurant ; qu'en vertu de l'article 524 du Code civil applicable en l'espèce, les objets que le propriétaire d'un fonds y avait placés pour le service et l'exploitation de ce fonds étaient immeubles par destination ; qu'ainsi les meubles affectés à l'exploitation commerciale des locaux à usage d'hôtel et de leurs annexes, placés dans cet immeuble par la société NOGA HOTELS CANNES pour le service de ce fonds, constituaient des immeubles par destination suivant le sort de l'immeuble luimême ; qu'ils étaient réputés compris de plein droit dans la saisie du fonds tel que décrit par le commandement immobilier, dès lors que ce commandement ne les avait pas expressé20 ment exclus ; qu'ils avaient donc été adjugés à la société JESTA FONTAINEBLEAU le 9 février 2006 ; que l'immeuble à usage d'hôtel étant libre de location, en application du cahier des charges la société JESTA FONTAINEBLEAU était entrée en jouissance au jour de l'adjudication définitive, soit en l'espèce le 9 février 2006 ; que, à partir de cette date, toutes sommes perçues par la société NOGA HOTELS CANNES, débiteur saisi et occupante des lieux, l'avaient été pour son compte ; que la société JESTA FONTAINEBLEAU était ainsi fondée à réclamer la restitution des sommes encaissées par la société NOGA HOTELS CANNES à titre de réservation sur des occupations de chambres et de salles de conférence à partir du 1er mars 2006 (arrêt attaqué, pp. 6 à 8) ;

ALORS QUE, d'une part, le fonds de commerce est une universalité qui, de par sa nature mobilière, ne peut faire l'objet d'une saisie immobilière ; qu'en affirmant que l'exploitant d'un fonds de commerce en avait perdu la propriété, après avoir seulement constaté que, par l'effet de l'adjudication du bail à construction et de l'immeuble dans lequel ledit fonds était exploité, l'adjudicataire était devenu propriétaire des droits réels immobiliers détenus par le propriétaire du fonds, la cour d'appel a violé les articles 544 et 545 du Code civil, L. 141-5 du Code de commerce ainsi que 1er du premier protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;

ALORS QUE, d'autre part, l'immobilisation par destination du mobilier affecté à l'exploitation d'un fonds de commerce ne s'étend pas au fonds lui-même, lequel a la nature d'un meuble incorporel ; qu'en déniant à l'exploitant d'un fonds de commerce la qualité de propriétaire de ce fonds en raison de l'adjudication de l'immeuble dans lequel il était exploité, au prétexte que le mobilier affecté à son exploitation était réputé compris de plein droit dans la saisie de l'immeuble, la cour d'appel a violé les articles 524 du Code civil, L. 141-5 du Code de commerce ainsi que 1er du premier protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;

ALORS QUE, en outre, la volonté du propriétaire d'affecter les meubles au service de l'immeuble doit être prouvée ; qu'en affirmant que les meubles affectés à l'exploitation commerciale des locaux à usage d'hôtel constituaient des immeubles par destination, quand, en matière de bail à construction, le bailleur devient propriétaire par accession des seuls immeubles, de sorte que aucune intention du preneur d'affecter au service de l'immeuble les biens meubles composant son fonds de commerce ne pouvait être présumée, la cour d'appel a violé l'article 524 du Code civil ;

ALORS QUE, en toute hypothèse, les créances et les disponibilités, même nées de/ou relatives à l'exploitation du fonds, sont exclues des éléments corporels et incorporels le constituant ; qu'en énonçant que les sommes remises à l'exploitant du fonds de commerce au titre de la réservation de chambres l'avaient été pour le compte de l'adjudicataire de l'immeuble dès lors qu'elles avaient trait à la réservation de chambres dont la prestation avait été supportée par le second, quand le transport du fonds entre les mains du propriétaire de l'immeuble n'emportait pas cession des liquidités appartenant à l'exploitant, la cour d'appel a violé l'article L.141-5 du Code de commerce ;

ALORS QUE, enfin, la force de chose jugée attachée à une décision judiciaire dès son prononcé ne peut avoir pour effet de priver une partie d'un droit tant que cette décision ne lui a pas été notifiée ; qu'en retenant que l'adjudicataire avait droit à la jouissance du fonds dès le 9 février 2006, date du jugement d'adjudication de l'immeuble, quand ledit jugement avait été signifié le 23 octobre 2006 au débiteur saisi, la cour d'appel a violé les articles 502 et 503 du Code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 08-14180
Date de la décision : 31/03/2009
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

SAISIE IMMOBILIERE - Adjudication - Immeuble - Délivrance - Obligation du vendeur - Manquement - Applications diverses - Vendeur exploitant le fonds de commerce

ADJUDICATION - Saisie immobilière - Effets de l'adjudication - Défaut de titre permettant de poursuivre l'exploitation d'un fonds de commece

Justifie légalement sa décision la cour d'appel qui constate que par le seul effet de l'adjudication, l'exploitant d'un fonds de commerce, qui n'était pas locataire mais propriétaire de l'immeuble où était implanté ce fonds, était dépourvu de titre lui permettant de poursuivre son exploitation et de justifier de son maintien dans les locaux acquis par l'adjudicataire, qui n'était pas tenu de lui consentir un bail commercial


Références :

articles 544 et 545 du code civil

article L. 141-5 du code de commerce

article 1er du premier Protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 08 février 2008


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 31 mar. 2009, pourvoi n°08-14180, Bull. civ. 2009, IV, n° 47
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2009, IV, n° 47

Composition du Tribunal
Président : Mme Favre
Avocat général : M. Raysséguier (premier avocat général)
Rapporteur ?: Mme Laporte
Avocat(s) : SCP Baraduc et Duhamel, SCP Masse-Dessen et Thouvenin

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2009:08.14180
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award