LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X..., employée par la société Boesner en qualité de conseillère commerciale et caissière selon contrat à durée indéterminée du 21 mai 2001 succédant à un précédent contrat à durée déterminée, a été licenciée pour faute grave le 11 décembre 2003 ;
Sur le moyen unique, pris en ses trois premières branches :
Attendu que la salariée fait grief à l'arrêt d'avoir dit que le licenciement prononcé pour faute grave reposait sur une cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen :
1°/ que les oeuvres graphiques réalisées par un salarié en dehors de la relation de travail demeurent sa propriété ; qu'en l'espèce, la cour, qui a décidé que le licenciement de Mme X... reposait bien sur une faute grave, car l'originalité des travaux graphiques qu'elle avait refusé de restituer n'aurait pas été établie, mais sans aucunement préciser de quelles oeuvres il s'agissait, a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 112-2 du code de la propriété intellectuelle, L. 122-6, L. 122-8 et L. 122-9 du code du travail ;
2°/ que les oeuvres graphiques réalisées par un salarié en dehors de la relation de travail, demeurent sa propriété ; qu'en l'espèce, la cour, qui a estimé que le licenciement de Mme X... reposait bien sur une faute grave, car elle avait refusé de restituer des oeuvres graphiques qui auraient été réalisées dans le cadre de ses fonctions, quand la création d'oeuvres dans le cadre de la relation de travail n'avait pas été caractérisée, la cour ayant d'ailleurs constaté que Mme X... n'avait été engagée que pour des fonctions de conseillère commerciale et caissière, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 112-2 du code de la propriété intellectuelle, L. 122-6, L. 122-8 et L. 122-9 du code du travail ;
3°/ qu'aucune atteinte ne peut être portée au droit d'auteur, même dans le cadre d'un contrat de travail ; qu'en l'espèce, la cour, qui a décidé que le licenciement de Mme X... reposait sur une faute grave car les oeuvres graphiques qu'elle avait refusé de restituer avaient été réalisées dans le cadre de la relation de travail et qu'une clause du contrat de travail, dénuée de la moindre limitation, les cédait à l'employeur, a violé les articles L. 111-1, L. 113-1, L. 131-1 du code de la propriété intellectuelle, L. 122-6, L. 122-8 et L. 122-9 du code du travail ;
Mais attendu que les dispositions des articles L. 111-1 et L. 112-2 du code de la propriété intellectuelle protègent les droits d'auteur sur toutes les oeuvres de l'esprit, à la seule condition que ces oeuvres présentent un caractère original ; qu'ayant retenu par une appréciation souveraine que l'aquarelle figurant sur les papiers à entête ou cartes de visite de l'entreprise dont la salariée invoquait la réalisation n'était que la reproduction d'un dessin préexistant, la cour d'appel devant laquelle la salariée se prévalait des droits d'auteurs sur divers documents commerciaux publicitaires sans autrement préciser en quoi ils portaient l'empreinte de sa personnalité en a justement déduit, abstraction faite des motifs surabondants critiqués par les deuxième et troisième branches, que ces documents n'étaient pas protégeables par les droits d'auteur ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le moyen, pris en sa dernière branche :
Vu les articles L. 122-6, L. 122-8 et L. 122-9 devenus les articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;
Attendu que pour dire le licenciement justifié par une faute grave, l'arrêt retient que la salariée refusait de restituer les documents dont le caractère original n'était pas établi ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le refus par la salariée, de restituer des documents dont elle se croyait propriétaire, n'était pas de nature à rendre impossible son maintien dans l'entreprise, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a dit le licenciement justifié par une faute grave et débouté la salariée de ses demandes à ce titre, l'arrêt rendu le 23 novembre 2006, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Pau ;
Laisse à chaque partie la charge de ses dépens ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trente et un mars deux mille neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
.Moyen produit par Me Odent, avocat aux Conseils pour Mme X....
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir admis que le licenciement prononcé pour faute grave par un employeur (la SARL BOESNER) à l'encontre d'une salariée (Mlle X...) reposait sur une cause réelle et sérieuse ;
AUX MOTIFS QUE Mlle X... n'avait pas pour seules fonctions celles de « conseillère commerciale, caissière », mais s'était vu confier des travaux de réalisation de supports commerciaux publicitaires, effectués à partir de son propre matériel informatique ; que la SARL BOESNER avait réclamé la restitution de « l'ensemble des fichiers de travail graphique que vous avez effectués pour nous (papier à en-tête, cartes de visite, carton de message, bon de commande, passe-partout) », précisant « nous vous rappelons que nous vous avions donné 50 pour l'achat d'un support d'enregistrement adéquat à votre système » ; qu'en revanche, les parties divergeaient quant à la propriété des oeuvres ainsi créées ; que Mlle X... prétendait que les oeuvres graphiques réalisées par elle en dehors des prévisions de son contrat de travail demeuraient sa propriété, en application de la loi du 3 juillet 2005 ; que les travaux graphiques spécifiques correspondant aux éléments graphiques n'étaient pas ceux qui avaient été effectués dans le cadre de ses fonctions de salariée ; que la SARL BOESNER, en payant des frais professionnels, avait seulement loué l'usage d'un logiciel qui avait été utilisé pour réaliser les commandes passées dans le cadre graphique ; que l'article L. 111, alinéa 3 du code de la propriété intellectuelle prohibait toute dérogation au droit d'auteur ; que la clause contractuelle invoquée par l'employeur était frappée de nullité d'ordre public, par application de l'article L. 131-1 du code de la propriété intellectuelle ; qu'il restait que la SARL BOESNER faisait justement valoir : - que, dans ses longues réponses aux avertissements, Mlle X... n'avait jamais prétendu avoir exercé une activité de création intellectuelle en dehors des prévisions contractuelles, alors qu'elle avait émis par ailleurs de nombreuses réclamations ; - qu'elle réclamait « l'ensemble des fichiers de travail » ; - que les bulletins de salaire produits faisaient état de frais professionnels mensuels correspondant aux frais avancés par Mlle X... dans l'utilisation de son ordinateur personnel, dont l'usage avait été contractuellement reconnu, sans distinction entre les différentes productions alléguées par la salariée ; - que les stipulations du contrat de travail précisaient : « tous les documents confiés à la salariée, quelle qu'en soit la forme ou la teneur, ainsi que tous les travaux effectués par elle dans le cadre de ses fonctions, resteront la propriété de l'entreprise ; la salariée devra les restituer, ainsi que toute copie en sa possession, à la première demande ou au jour de la cessation de ses fonctions », sans distinguer selon les productions alléguées ; - que n'était réclamée, en tout état de cause, que la restitution de fichiers commandés par l'entreprise, créés dans l'exercice de ses fonctions par la salariée ; - que Mlle X... ne justifiait pas être l'auteur de l'aquarelle reproduite sur le papier à en-tête de la SARL BOESNER, qui apparaissait être la simple reproduction d'un document préexistant et du caractère original de cette création, ce qui impliquait que les travaux réalisés pour le compte de la SARL BOESNER, par Mlle X..., demeuraient la propriété de la première ; que le refus manifesté par Mlle X... de restituer les fichiers, reproché dans la lettre de licenciement qui fixait les limites du litige, était caractéristique d'une faute grave, en ce sens qu'il ne permettait pas la continuation des relations de travail, même pendant la période limitée du préavis ; que le jugement méritait ainsi confirmation ;
ALORS QUE, de première part, les oeuvres graphiques réalisées par un salarié en dehors de la relation de travail demeurent sa propriété ; qu'en l'espèce, la cour, qui a décidé que le licenciement de Mlle X... reposait bien sur une faute grave, car l'originalité des travaux graphiques qu'elle avait refusé de restituer n'aurait pas été établie, mais sans aucunement préciser de quelles oeuvres il s'agissait, a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 112-2 du code de la propriété intellectuelle, L. 122-6, L. 122-8 et L. 122-9 du code du travail ;
ALORS QUE, de deuxième part, les oeuvres graphiques réalisées par un salarié en dehors de la relation de travail, demeurent sa propriété ; qu'en l'espèce, la cour, qui a estimé que le licenciement de Mlle X... reposait bien sur une faute grave, car elle avait refusé de restituer des oeuvres graphiques qui auraient été réalisées dans le cadre de ses fonctions, quand la création d'oeuvres dans le cadre de la relation de travail n'avait pas été caractérisée, la cour ayant d'ailleurs constaté que Mlle X... n'avait été engagée que pour des fonctions de conseillère commerciale et caissière, a privé sa décision de base légale au regard L. 112-2 du code de la propriété intellectuelle, L. 122-6, L. 122-8 et L. 122-9 du code du travail ;
ALORS QUE, de troisième part, aucune atteinte ne peut être portée au droit d'auteur, même dans le cadre d'un contrat de travail ; qu'en l'espèce, la cour, qui a décidé que le licenciement de Mlle X... reposait sur une faute grave car les oeuvres graphiques qu'elle avait refusé de restituer avaient été réalisées dans le cadre de la relation de travail et qu'une clause du contrat de travail, dénuée de la moindre limitation, les cédait à l'employeur, a violé les articles L. 111-1, L. 113-1, L. 131-1 du code de la propriété intellectuelle, L. 122-6, L. 122-8 et L. 122-9 du code du travail ;
ALORS QU'enfin, la faute grave justifiant le prononcé d'un licenciement pour ce motif doit présenter un caractère de gravité suffisant ; qu'en l'espèce, la cour, qui a estimé que le simple refus de Mlle X..., travailleuse handicapée, de restituer les oeuvres graphiques qu'elle avait réalisées, caractérisait une faute grave justifiant le prononcé de son licenciement, a violé les articles L. 122-6, L. 122-8 et L. 122-9 du code du travail.