LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte à M. X..., ès qualités de sa reprise d'instance ;
Attendu selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 15 février 2007), que M. Y... a été engagé le 16 novembre 2000 en qualité de VRP par la société Jativabri ; qu'il a pris acte de la rupture de son contrat de travail par lettre du 28 juillet 2004, au motif du non paiement de commissions et de congés payés ; que le 15 septembre 2004, il a saisi la juridiction prud'homale pour obtenir la condamnation de son employeur au paiement d'indemnités de rupture, de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de commissions impayées et d'indemnités de congés payés ;
Sur les deux moyens, réunis :
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt d'avoir jugé que la rupture du contrat de travail de M. Y... s'analysait en un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et de l'avoir condamné à verser à celui-ci les sommes visées au dispositif de l'arrêt, alors, selon le moyen :
1°/ que lorsque le salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, il lui appartient de prouver les faits qu'il invoque pour justifier la rupture à son initiative si bien que la cour d'appel qui, sans réfuter le fait que le contrat de travail (article 9) prévoyait le paiement des commissions au fur et à mesure de la réception des acomptes et du solde des ventes réalisées par le représentant, a fait peser sur l'employeur, qui ne contestait pas le principe du droit à commissions mais l'exigibilité de celles-ci, la charge de la preuve négative du non règlement de certaines ventes, a renversé la charge de la preuve, violant l'article 1315 du code civil ;
2°/ qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale sur l'existence d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, en violation de l'article L. 121-1 du code du travail ;
3°/ qu'en n'opposant aucune réfutation aux conclusions de la société Jativabri, qui montraient que le taux de base de commissions appliqué par l'employeur n'était pas celui fixé par le contrat de travail à 5,8, mais un taux de 6,5 non mentionné par le contrat, qui ne pouvait trouver justification contractuelle que par l'intégration des congés payés, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 1134 du code civil ;
4°/ qu'en statuant de la sorte, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale sur l'existence d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, en violation de l'article L. 121-1 du code du travail ;
5°/ que la société Jativabri avait fait état dans ses conclusions du comportement négligent et fautif de M. Y... dans les deux années qui avaient précédé sa lettre de rupture, puisque celui-ci avait eu deux accidents avec les véhicules de la société, était parti inopinément en Italie pour suivre une relation amoureuse, laissant pendant cette période sans prospection ni commandes le secteur géographique qui lui avait été confié, avait passé en Italie des contrats sous le nom d'une tierce personne, en violation des clauses de son contrat de travail ; qu'en ne s'expliquant pas sur ce point, et en ne recherchant pas si les griefs allégués par l'employeur n'étaient pas de nature à caractériser l'intention réitérée du salarié de démissionner, et donc la volonté de tenter a posteriori d'imputer cette rupture à la société Jativabri, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de motifs, violant l'article 1134 du code civil ;
6°/ que pour les mêmes raisons, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L. 121-1 du code du travail ;
Mais attendu, que lorsqu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets, soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d'une démission ;
Et attendu que l'arrêt, qui, constatant qu'à la date de la prise d'acte par le salarié de la rupture, le 28 juin 2004, la société Jativabri ne lui avait pas réglé l'intégralité des commissions qui lui étaient dues pour les années 2002, 2003 et 2004, retient qu'un tel manquement de l'employeur à ses obligations est suffisamment grave pour justifier la rupture, laquelle s'analyse, en conséquence en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, se trouve, par ce seul motif, légalement justifié ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X..., ès qualités, aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, le condamne à payer à M. Y... la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq mars deux mille neuf.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Choucroy, Gadiou et Chevallier, avocat aux Conseils pour M. X..., ès qualités
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR jugé que la rupture du contrat de travail de Monsieur Y... s'analysait en un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, et d'AVOIR condamné la Société JATIVABRI à verser à celui-ci les sommes visées au dispositif de l'arrêt ;
AUX MOTIFS QUE le contrat de travail prévoit que Monsieur Y... percevra des commissions sur le montant brut des factures dont la moitié sera versée le 5 du mois suivant la réception de l'acompte sous réserve que celui-ci soit au minimum de 30 %, l'autre moitié étant versée le 5 du mois suivant la réception du solde ; que l'employeur convient qu'il doit à Monsieur Y... des commissions pour les années 2002, 2003 et 2004 et indique qu'elles lui seront payées au fur et à mesure des paiements des clients ; qu'il ne fournit aucun justificatif pour établir que les ventes réalisées voici plusieurs années n'ont toujours pas été réglées ; que la Société JATIVABRI devra donc payer à Monsieur Y... ces commissions ; que ce dernier produit un tableau détaillé des ventes qu'il a réalisées, de leur montant et du pourcentage qui lui est dû pour chacune d'elles ainsi que des feuilles de commandes ; que l'employeur confirme le chiffre de 10 084,83 euros pour l'année 2002 et conteste ceux de 5 481,39 euros et de 1 430,27 euros indiqués par le salarié pour les deux années suivantes et propose sans en justifier les chiffres de 4 707,75 euros et de 1 191,83 euros ; qu'en l'état, la Société JATIVABRI sera condamnée à payer à Monsieur Y... à titre de commissions pour les années 2002, 2003 et 2004 les sommes figurant sur le tableau susmentionné soit un total de 16 996,49 euros ainsi que la somme de 1 699,64 euros pour les congés payés correspondants ;
ET AUX MOTIFS QUE par ailleurs l'employeur soutient que les versements qu'il effectuait à Monsieur Y... comprenaient ses commissions et les indemnités de congés payés afférentes ; qu'il indique en ce sens que l'intéressé a perçu des commissions de 6,5 % alors que le taux de base était de 5,8 % ; que jusqu'au mois de juillet 2002 les bulletins de salaires de Monsieur Y... ne mentionnent pas les congés payés ; que le contrat de travail de Monsieur Y... prévoit un taux de base de commissions de 5,8 % mais également 11 autres taux de commissions ; que l'employeur fournit, pour seul justificatif au soutien de ses affirmations un tableau faisant apparaître des commissions de divers taux (6,5 % mais aussi 1,5 - 2,5 - 3 - 6 - 7- 9,5 %, lesquels ne correspondent pas à une majoration de 10 % des taux fixés contractuellement) qui n'emportent pas la conviction de la Cour ; qu'en outre, Monsieur Y... produit des documents annexés à chacun de ses bulletins de salaire à partir du mois d'août 2002 dont il résulte que les sommes figurant sur ses bulletins de salaire à titre de congés payés sont en vérité à inclure dans ses commissions (ainsi à titre d'exemple le bulletin de salaire du mois de décembre 2003 indique : commissions 4 123,84 et congés payés 412,38 et l'annexe comporte une addition de sommes dues à titre de commissions de 4 536,22 et en marge la mention comm 4 123,84 CP 412,38) ; qu'en conséquence les demandes de Monsieur Y... au titre des congés payés (14 019,39 euros au total) sont justifiées ; qu'il est donc établi que la Société JATIVABRI n'a pas payé à Monsieur Y... qui les a réclamées à plusieurs reprises les sommes qu'elle lui doit et a ainsi commis des manquements qui ont pour effet la rupture du contrat de travail à ses torts ;
ALORS QUE, D'UNE PART, lorsque le salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, il lui appartient de prouver les faits qu'il invoque pour justifier la rupture à son initiative si bien que la Cour d'Appel qui, sans réfuter le fait que le contrat de travail (article 9) prévoyait le paiement des commissions au fur et à mesure de la réception des acomptes et du solde des ventes réalisées par le représentant, a fait peser sur l'employeur, qui ne contestait pas le principe du droit à commissions mais l'exigibilité de celles-ci, la charge de la preuve négative du non règlement de certaines ventes, a renversé la charge de la preuve, violant l'article 1315 du Code Civil ;
ALORS, DE DEUXIEME PART, QU'en statuant ainsi, la Cour d'appel a privé sa décision de toute base légale sur l'existence d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, en violation de l'article L. 121-1 du Code du Travail ;
ALORS, DE TROISIEME PART, QU'en n'opposant aucune réfutation aux conclusions de la Société JATIVABRI, qui montraient que le taux de base de commissions appliqué par l'employeur n'était pas celui fixé par le contrat de travail à 5,8, mais un taux de 6,5 non mentionné par le contrat, qui ne pouvait trouver justification contractuelle que par l'intégration des congés payés, la Cour d'Appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 1134 du Code Civil ;
ALORS, DE DERNIERE PART, QU'en statuant de la sorte, la Cour d'appel a privé sa décision de toute base légale sur l'existence d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, en violation de l'article L. 121-1 du Code du Travail.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR jugé que la rupture du contrat de travail de Monsieur Y... s'analysait en un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, et d'AVOIR condamné la Société JATIVABRI à verser à celui-ci les sommes visées au dispositif de l'arrêt ;
AUX MOTIFS QU'il est donc établi que la Société JATIVABRI n'a pas payé à Monsieur Y... qui les a réclamées à plusieurs reprises les sommes qu'elle lui doit et a ainsi commis des manquements qui ont pour effet la rupture du contrat de travail à ses torts ;
ALORS QUE la Société JATIVABRI avait fait état dans ses conclusions du comportement négligent et fautif de Monsieur Y... dans les deux années qui avaient précédé sa lettre de rupture, puisque celui-ci :
- avait eu deux accidents avec les véhicules de la société ;
- était parti inopinément en Italie pour suivre une relation amoureuse, laissant pendant cette période sans prospection ni commandes le secteur géographique qui lui avait été confié ;
- avait passé en Italie des contrats sous le nom d'une tierce personne, en violation des clauses de son contrat de travail ;
qu'en ne s'expliquant pas sur ce point, et en ne recherchant pas si les griefs allégués par l'employeur n'étaient pas de nature à caractériser l'intention réitérée du salarié de démissionner, et donc la volonté de tenter a posteriori d'imputer cette rupture à la Société JATIVABRI, la Cour d'Appel a entaché sa décision d'un défaut de motifs, violant l'article 1134 du Code Civil ;
ET ALORS QUE pour les mêmes raisons, la Cour d'Appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L. 121-1 du Code du Travail.