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18/03/2009 | FRANCE | N°08-40154

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 18 mars 2009, 08-40154


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 16 octobre 2007), que Mme X... a été engagée le 1er janvier 1988 par la fondation EPF (la fondation) en qualité d'assistante de direction ; que se prévalant d'un engagement de l'employeur du 6 juillet 1994 instituant à son profit une prime calculée sur le montant de la taxe d'apprentissage collectée, elle a saisi la formation de référé de la juridiction prud'homale d'une demande en paiement d'une provision au titre des années 2000 à

2004 ;

Attendu que la fondation fait grief à l'arrêt infirmatif d'avoir ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 16 octobre 2007), que Mme X... a été engagée le 1er janvier 1988 par la fondation EPF (la fondation) en qualité d'assistante de direction ; que se prévalant d'un engagement de l'employeur du 6 juillet 1994 instituant à son profit une prime calculée sur le montant de la taxe d'apprentissage collectée, elle a saisi la formation de référé de la juridiction prud'homale d'une demande en paiement d'une provision au titre des années 2000 à 2004 ;

Attendu que la fondation fait grief à l'arrêt infirmatif d'avoir fait droit à cette demande, alors, selon le moyen :

1°/ que si le juge des référés peut accorder une provision au créancier, c'est à la condition que, pour ce faire, il ne soit pas conduit à trancher une contestation sérieuse ; que l'appréciation de l'existence du droit invoqué constitue une contestation sérieuse ; qu'en l'espèce où, pour allouer une provision à Mme X..., la cour d'appel, saisie en matière de référé, a pris parti sur l'existence du droit de la salariée au paiement d'une prime sur la collecte de la taxe d'apprentissage tout en ayant fait ressortir, d'une part, qu'elle contestait la réalité de l'existence d'un tel engagement, d'autre part, que le document établi à destination de la comptabilité par la direction n'était pas produit, et, enfin, que cet engagement n'avait jamais été mis en oeuvre, elle a tranché une contestation sérieuse et violé l'article R. 516-31, alinéa 2, du code du travail ;

2°/ qu'en toute hypothèse, en retenant que le fait que la salariée n'ait pas réclamé le bénéfice du versement de cette prime ou que cet engagement n'ait pas reçu application était sans incidence sur la validité de l'engagement, la cour d'appel, qui a statué par un motif alternatif sans rechercher la cause précise de cette absence d'exécution, qui, indépendamment de l'appréciation de l'existence et de la validité de l'engagement, était également de nature à caractériser l'existence d'une contestation sérieuse quant au droit de Mme X... au paiement des primes litigieuses, a privé sa décision de base légale au regard de l'article R. 516-31, alinéa 2, du code du travail ;

3°/ que tout jugement doit être motivé et que le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motifs ; que dans ses conclusions d'appel elle faisait valoir qu'elle avait annuellement versé à Mme X... une prime à caractère variable en fonction de l'appréciation du directeur de l'école sur son activité sans que la salariée n'émette jamais la moindre contestation, circonstance de nature à démontrer qu'elle avait été remplie de ses droits quant aux primes qui lui étaient contractuellement dues ; qu'en retenant que Mme X... s'était vue consentir une prime spécifique sur la collecte de la taxe d'apprentissage sans examiner cet argument opérant, ne serait-ce que pour l'écarter, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

4°/ que le trouble manifestement illicite qui autorise le juge des référés à prescrire des mesures conservatoires même en présence d'une contestation sérieuse ne peut résulter que d'une atteinte brutale à une situation établie ; que le non paiement d'une somme réclamée par un salarié ne constitue un trouble manifestement illicite autorisant le juge des référés à allouer une provision que s'il s'agit d'un élément de salaire dont celui-ci est brutalement privé ; qu'en l'espèce où il résulte des constatations de l'arrêt que l'engagement unilatéral figurant sur la note litigieuse n'avait jamais reçu la moindre application depuis 1994, ce dont il résultait que cette prime ne constituait pas pour la salariée un usage établi, la cour d'appel, qui a considéré que le non-versement de la prime était constitutif d'un trouble manifestement illicite, a violé l'article R. 516-31, alinéa 1er, du code du travail par fausse application ;

5°/ que si le juge peut remédier à un trouble manifestement illicite même en présence d'une contestation sérieuse, il ne peut, pour caractériser ce trouble, trancher une contestation sérieuse ; qu'en l'espèce où, pour retenir que le non-versement de la prime sur la collecte de la taxe d'apprentissage constituait un trouble manifestement illicite, la cour d'appel a tranché une contestation sérieuse, elle a violé l'article R. 516-31, alinéa 1er, du code du travail par fausse application, ensemble l'article R. 516-31, alinéa 2, dudit code ;

Mais attendu que la cour d'appel, qui n'était pas tenue de répondre à des conclusions qui étaient inopérantes, a relevé, par une appréciation souveraine des éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, que la prime litigieuse résultait d'un engagement de l'employeur ; qu'elle a pu décider que le non-paiement de cette prime, qui constituait un élément de rémunération obligatoire, était constitutif d'un trouble manifestement illicite qu'il appartenait à la juridiction des référés de faire cesser, même en présence d'une contestation sérieuse ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la fondation EPF aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à Mme X... la somme de 2 500 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit mars deux mille neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat aux Conseils pour la fondation EPF

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir ordonné à la Fondation EPF de verser à Madame X... une provision de 29.000 sur le montant de la prime due au titre de la collecte de la taxe d'apprentissage et de 2.900 au titre des congés payés y afférents ; dit que ces sommes produiront intérêts au taux légal à compter du 6 juin 2006 ; ordonné à la Fondation EPF de délivrer un bulletin de salaire afférent au rappel de primes et d'indemnités compensatrices de congés payés ;

AUX MOTIFS QUE la salariée poursuit la condamnation provisionnelle de son employeur sur le fondement de l'article R 516-31 du Code du travail, à lui payer les primes sur collecte d'apprentissage pour les années 2000 à 2004 ; qu'elle fonde sa demande sur un engagement unilatéral qui aurait été pris par la représentante qualifiée de l'employeur, Madame Y..., directrice, en date du 6 juillet 1994 ; que l'employeur conteste la réalité de l'existence d'un tel engagement ; que Madame X... verse régulièrement aux débats : - une lettre de Madame Y... Colette, ancienne directrice à l'EPF, en date du 9 juin 2005 adressée à Madame X... lui transmettant copie de la note concernant celle-ci relative à la rémunération de la collecte de la taxe d'apprentissage dont elle était chargée et dont elle précise en avoir transmis personnellement un exemplaire à la comptabilité, copie qu'elle a retrouvée dans ses archives personnelles ; - la note manuscrite datée et signée en date du 6. 07. 1994 rédigée comme suit : «CK–F X... : Comme suite à notre conversation relative à la taxe, j'ai remis la feuille dont vous trouverez copie à la comptabilité. A titre d'exemple, si vous obtenez un montant de taxe de 1.500.000 francs votre prime sera - de 1.000.000 à 1.100.000 2% 2000F – de 1.100.000 à 1.200.000 3% 3000 F – de 1.200.000 à 1.400.000 4% 8000 F – de 1.400.000 à 1.500.000 5% 5000 F – total : 18.000 F» ; - la copie de la lettre adressée par Madame Y... à Monsieur Z..., directeur actuel de la Fondation, le 13 juin 2005 avec copie de la note sus rappelée ; -la lettre de mise en demeure de payer la somme de 21.186 euros adressée le 6 juin 2006 par son conseil à l'employeur ; -ses bulletins de paie depuis janvier 2000 ; - la lettre adressée par l'EPF le 21 juin 1999 lui notifiant une augmentation de salaire (12000 francs à 14000 francs sur 13 mois) lui rappelant ses fonctions responsable de l'accueil et en charge de la taxe d'apprentissage et de la gestion des logements des élèves ; - une attestation de Madame A..., régulière en la forme au sens de l'article 202 du nouveau Code de procédure civile, établie en sa qualité de responsable de gestion du personnel et de la paie qui rappelle que la salariée a réclamé pendant plusieurs années auprès de Monsieur Z... ou d'elle-même le document relatif aux primes d'intéressement « qu'aurait émis Madame Colette Y..., directrice et remis en 1994 au service comptabilité » et précise que ce document ne figure pas au dossier de la salariée ; que préliminairement, l'urgence n'est pas une condition d'application de l'article R 516-31 du Code du travail ; que d'une part, il n'est nullement contesté que la salariée avait comme activité au sein de l'EPF la prise en charge du dossier de la collecte de la taxe d'apprentissage ; qu'il résulte des documents versés aux débats comportant soit le paraphe soit la signature intégrale de l'ancienne directrice de la Fondation, dont l'authenticité n'est pas contestée, que la salariée s'est vue consentir, sans réserves de conditions d'application, par son employeur une prime spécifique sur collecte de la taxe d'apprentissage ; que si le document établi à destination du service de comptabilité par la direction n'est pas produit, toutefois la simulation réalisée par la directrice permet d'appréhender la réalité d'une prime consentie avec application d'un taux progressif dès que le montant de la taxe collectée est supérieur à 1.000.000 francs soit en euros 152.449,02 ; qu'il ne peut être tirée aucune conséquence du mode conditionnel adopté par Madame A... dans son attestation quant à l'existence de ce document ; qu'il ne peut être demandé à un témoin de donner plus d'information que celle en sa possession ; que Madame A... atteste de l'absence de ce document au dossier administratif de Madame X... et des multiples demandes faites par la salariée, seuls éléments dont elle peut effectivement personnellement témoigner ; que cet engagement unilatéral pris par l'employeur, dont il n'est justifié d'aucune dénonciation, présente un caractère obligatoire ; que le fait que le salarié n'ait pas réclamé le bénéfice du versement de cette prime ou que cet engagement n'ait pas reçu application est sans incidence sur la validité de cet engagement ; que d'autre part, cette prime constitue un élément de salaire dont le versement est obligatoire pour l'employeur ; que le non-versement est constitutif d'un trouble manifestement illicite qu'il appartient au juge de faire cesser ; que la prescription quinquennale édictée par l'article L 143-14 du Code du travail doit recevoir application ; que les demandes antérieures au 6 juin 2001 ne peuvent être accueillies, en l'état de la lettre de mise en demeure de payer le 6 juin 2006 par le conseil de la salariée ; que les montants annuels de taxe collectée donnés par la salariée ne sont pas contestés en tant que tel par l'employeur ; que Madame X... affirme que le montant de la taxe collectée s'est élevé en 2001 à 1.868.524 francs, 2002 à 2.242.830 francs, 2003 à 2.281.767 francs et 2004 à 2.429.179 francs ; que la cour dispose d'éléments pour allouer à Madame X... une provision de 29 000 euros sur le montant de la prime due au titre de la collecte de la taxe d'apprentissage et de 2900 euros au titre des congés payés y afférents ; que ces sommes seront productrices, conformément à la demande de la salariée, d'intérêts à compter du 6 juin 2006 ; que l'employeur devra remettre à la salariée un bulletin de salaire afférent au rappel de la prime due au titre de la collecte de la taxe d'apprentissage et d'indemnité compensatrice de congés payés, sans que le recours au prononcé d'une astreinte ne se justifie ; que l'ordonnance sera infirmée en toutes ses dispositions ;

1°) ALORS QUE si le juge des référés peut accorder une provision au créancier, c'est à la condition que, pour ce faire, il ne soit pas conduit à trancher une contestation sérieuse ; que l'appréciation de l'existence du droit invoqué constitue une contestation sérieuse ; qu'en l'espèce où, pour allouer une provision à Madame X..., la cour, saisie en matière de référé, a pris parti sur l'existence du droit de la salariée au paiement d'une prime sur la collecte de la taxe d'apprentissage tout en ayant fait ressortir, d'une part, que la Fondation EPF contestait la réalité de l'existence d'un tel engagement, d'autre part, que le document établi à destination de la comptabilité par la direction n'était pas produit, et, enfin, que cet engagement n'avait jamais été mis en oeuvre, elle a tranché une contestation sérieuse et violé l'article R. 516-31 alinéa 2 du Code du travail ;

2°) ALORS QUE, en toute hypothèse, en retenant que le fait que le salarié n'ait pas réclamé le bénéfice du versement de cette prime ou que cet engagement n'ait pas reçu application était sans incidence sur la validité de l'engagement, la cour d'appel qui a statué par un motif alternatif sans rechercher la cause précise de cette absence d'exécution, qui, indépendamment de l'appréciation de l'existence et de la validité de l'engagement, était également de nature à caractériser l'existence d'une contestation sérieuse quant au droit de Madame X... au paiement des primes litigieuses, elle a privé sa décision de base légale au regard de l'article R. 516-31 alinéa 2 du Code du travail ;

3°) ALORS QUE tout jugement doit être motivé et que le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motifs ; que dans ses conclusions d'appel la Fondation EPF faisait valoir qu'elle avait annuellement versé à Madame X... une prime à caractère variable en fonction de l'appréciation du directeur de l'école sur son activité sans que la salariée n'émette jamais la moindre contestation, circonstance de nature à démontrer qu'elle avait été remplie de ses droits quant aux primes qui lui étaient contractuellement dues ; qu'en retenant que Madame X... s'était vue consentir une prime spécifique sur la collecte de la taxe d'apprentissage sans examiner cet argument opérant, ne serait-ce que pour l'écarter, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

4°) ALORS QUE le trouble manifestement illicite qui autorise le juge des référés à prescrire des mesures conservatoires même en présence d'une contestation sérieuse ne peut résulter que d'une atteinte brutale à une situation établie ; que le non paiement d'une somme réclamée par un salarié ne constitue un trouble manifestement illicite autorisant le juge des référés à allouer une provision que s'il s'agit d'un élément de salaire dont celui-ci est brutalement privé ; qu'en l'espèce où il résulte des constatations de l'arrêt que l'engagement unilatéral figurant sur la note litigieuse n'avait jamais reçu la moindre application depuis 1994, ce dont il résultait que cette prime ne constituait pas pour la salariée un usage établi, la cour d'appel qui a considéré que le non-versement de la prime était constitutif d'un trouble manifestement illicite a violé l'article R. 516-31 alinéa 1er du Code du travail par fausse application ;

5°) ALORS QUE si le juge peut remédier à un trouble manifestement illicite même en présence d'une contestation sérieuse, il ne peut, pour caractériser ce trouble, trancher une contestation sérieuse ; qu'en l'espèce où, pour retenir que le non-versement de la prime sur la collecte de la taxe d'apprentissage constituait un trouble manifestement illicite, la cour a tranché une contestation sérieuse, elle a violé l'article R. 516-31 alinéa 1er du Code du travail par fausse application, ensemble l'article R. 516-31 alinéa 2 dudit code.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 08-40154
Date de la décision : 18/03/2009
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 16 octobre 2007


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 18 mar. 2009, pourvoi n°08-40154


Composition du Tribunal
Président : M. Chauviré (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, SCP Nicolaý, de Lanouvelle, Hannotin

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2009:08.40154
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