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17/03/2009 | FRANCE | N°06-10423

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 17 mars 2009, 06-10423


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen relevé d'office, après avertissement délivré aux parties :
Vu la loi des 16-24 août 1790, le principe de la séparation des pouvoirs et le décret du 16 fructidor an III ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'à la suite de l'annulation par le juge administratif de la délibération du conseil municipal de la commune de Saint-Barthélémy en date du 29 octobre 1998, par laquelle avait été instituée une "redevance" sur les passagers des navires débarquant dans le port de Gustavia, la socié

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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen relevé d'office, après avertissement délivré aux parties :
Vu la loi des 16-24 août 1790, le principe de la séparation des pouvoirs et le décret du 16 fructidor an III ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'à la suite de l'annulation par le juge administratif de la délibération du conseil municipal de la commune de Saint-Barthélémy en date du 29 octobre 1998, par laquelle avait été instituée une "redevance" sur les passagers des navires débarquant dans le port de Gustavia, la société Manutention transports et agences (la SMTA) a fait assigner cette commune, devant le tribunal d'instance, en restitution des sommes qu'elle avait indûment versées à ce titre ; qu'estimant que le prélèvement litigieux empruntait les caractères d'un droit de port et constituait par nature un droit de douane, dès lors que l'administration des douanes est chargée en vertu des articles 285, alinéa 4, et 285 ter du code des douanes, de la perception, du recouvrement et du contrôle du droit de port ou de la taxe qui y est assimilée, le tribunal d'instance a rejeté l'exception d'incompétence soulevée par la commune et, sur le fond, a accueilli la demande en restitution des sommes indûment versées à ce titre ;
Attendu que, pour infirmer le jugement entrepris et renvoyer les parties à mieux se pourvoir, l'arrêt relève que le prélèvement litigieux constitue une imposition directe, recouvrée par la commune, et concerne une prestation de service public dans le cadre d'une concession dévolue par le département; qu'il en déduit que les créances en découlant sont de nature administrative et échappent donc à la compétence du juge judiciaire ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que, par décision du 27 novembre 2008, le Tribunal des conflits, après avoir relevé que la redevance illégalement perçue par la commune de Saint-Barthélémy était assise sur des opérations déterminées, constituées par les embarquements, débarquements et transits des passagers des navires empruntant le port de Gustavia, en a déduit que cette redevance présente le caractère d'une contribution indirecte et que, par suite, le litige relève de la compétence de la juridiction de l'ordre judiciaire, la cour d'appel a violé les textes et le principe susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les griefs du pourvoi :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a infirmé le jugement entrepris et, statuant à nouveau, a renvoyé les parties à mieux se pourvoir, l'arrêt rendu le 23 août 2005, entre les parties, par la cour d'appel de Basse-Terre ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Basse-Terre, autrement composée ;
Condamne la commune de Saint-Barthélémy aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à la société Manutention transports et agences la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept mars deux mille neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Roger et Sevaux, avocat aux Conseils pour la société Manutention transports et agences (SMTA)

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir infirmé le jugement rejetant l'exception d'incompétence soulevée par la Commune de Saint-Barthélémy et condamnant cette dernière à payer à la société S.M.T.A. la somme de 1.203.395 avec intérêts au taux légal au titre de restitution des droits indûment versés, outre les frais irrépétibles ;
Aux motifs qu'en l'espèce, la Commune de Saint-Barthélémy a par délibération du 29 octobre 1998 institué «une redevance pour le service rendu qui sera mise à la charge des passagers des navires et dont le montant est fixé à 25 francs par personne» ; que la S.M.T.A. agit en restitution de ces sommes indûment perçues par la Commune de Saint Barthélémy en vertu de cette délibération, annulée par le Tribunal administratif de Basse-Terre le 8 févier 2000, jugement confirmé par la Cour Administrative d'Appel de Bordeaux le 19 mai 2005 ; que cette «redevance d'usage» (ainsi qualifiée par la Commune de Saint-Barthélémy) ne saurait s'analyser en un droit de place ou de stationnement au sens des dispositions de l'article R.321-9-10° du code de l'organisation judiciaire qui concerne l'utilisation de la voie publique à des fins privatives ; qu'elle ne peut davantage être qualifiée de droit de douane au sens de l'article R. 321-9-9° du code de l'organisation judiciaire dès lors qu'elle ne s'impute pas sur des marchandises mais sur des personnes (article 4 du code des douanes) ; que s'agissant d'une taxe fixée par la Commune de Saint Barthélémy, elle ne peut s'analyser en un droit de port dont les conditions d'application dans les départements d'Outre-Mer sont fixées en Conseil d'Etat (article L. 231 du code des Ports maritimes) ; qu'au demeurant, le droit de port, même perçu comme en matière douanière, n'est pas assimilable à un droit de douane (Com. 12 novembre 1986) ; que cette redevance a d'ailleurs été qualifiée de «taxe» par le Tribunal administratif de Basse-Terre qui l'a annulée au motifs que «les passagers sont assimilés à l'ensemble des usagers du port et que les dépenses et services ainsi visés ne correspondent pas à des prestations bénéficiant aux seuls passagers», aucune correspondance n'étant par ailleurs établie «entre les charges dont le financement serait pris en compte et le montant de la redevance litigieuse» ; que la redevance était motivée par le fait : que «la Commune de Saint-Barthélémy assure la gestion du Port départemental de Saint-Barthélémy en application du contrat de concession approuvé par arrêté préfectoral du 8 novembre 1982», que «les recettes portuaires existantes ne permettent pas d'assureur l'équilibre financier et comptable du budget relatif au Port de Saint-Barthélémy», qu'«il convient de rémunérer les services rendus aux passagers débarquant dans le port», que «le développement sans précédent tant du tourisme de croisière que des relations commerciales avec l'île de Saint Martin fait du passager des navires un usager du port à part entière auquel le concessionnaire apporte des services sans cesse croissants» ; que cette imposition directe, recouvrée par la Commune de Saint-Barthélémy elle-même, concerne une prestation de service public dans le cadre d'une concession dévolue par le département ; que la nature des créances qui en découlent est donc bien administrative et échappe à la compétence du juge judiciaire (arrêt p.5 et 6) ;
Alors, d'une part, que les tribunaux d'instance connaissent des contestations concernant le paiement ou le remboursement des droits de douane, des oppositions à contraintes et des autres affaires de douane n'entrant pas dans la compétence des juridictions répressives (article 357 bis du code des douanes) ; que les droits, taxes et redevances sont perçus comme en matière de douane (article L. 211-4 du code des ports maritimes et article 285 alinéa 4 du code des douanes) ; que les instances sont instruites et jugées comme en matière de douane (article 285 alinéa 4 du code des douanes) ; que si les droits de port toutefois leur nature juridique spécifique, de sorte que la juridiction administrative est seule compétente pour connaître de leur légalité, les instances liées au remboursement des droits indûment perçus n'en ressortissent pas moins de la compétence du juge judiciaire, la répétition de l'indu étant d'ailleurs une institution commune au droit privé et au droit public internes (Com. 12 novembre 1986) ; qu'en affirmant, pour décliner en l'espèce sa compétence, que la «redevance d'usage» instaurée par la Commune de Saint Barthélémy, dont la juridiction administrative a prononcé l'annulation, a été qualifiée de «taxe» par cette dernière, de sorte qu'elle constitue une «imposition directe» et que «la nature des créances qui en découlent est donc bien administrative et échappe à la compétence du juge judiciaire», la Cour d'appel a violé par refus d'application les dispositions des articles 1235 et 1376 du code civil, ensemble celles précitées du code des douanes et du code des ports maritimes ;
Alors, d'autre part, que lors de leur versement indu, les droits litigieux, dont l'illégalité a été régulièrement constatée par la juridiction administrative, tenaient leur cause de la «redevance d'usage» instituée par la Commune de Saint Barthélémy «pour le service rendu» aux passagers des navires ; que les paiements effectués ayant une cause civile, l'action en répétition de l'indu y afférente relevait de la juridiction civile, nonobstant toute requalification ultérieure, sans emport sur le droit à restitution de la S.M.T.A. ; qu'en décliner sa compétence, la Cour d'appel a violé encore l'article 1131 du code civil, ensemble les articles 1235 et 1376 du même code.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 06-10423
Date de la décision : 17/03/2009
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

SEPARATION DES POUVOIRS - Compétence judiciaire - Domaine d'application - Impôts et taxes - Contributions indirectes - Applications diverses - Redevance perçue par une commune sur les passagers des navires empruntant un port

Il résulte de la décision du Tribunal des conflits du 27 novembre 2008 que la redevance sur les passagers des navires débarquant dans le port de Gustavia, instituée par la délibération du conseil municipal de la commune de Saint-Barthélémy du 29 octobre 1998, présente le caractère d'une contribution indirecte puisqu'elle est assise sur des opérations déterminées, constituées par les embarquements, débarquements et transits des passagers des navires empruntant ce port, de sorte que l'action en restitution des sommes indûment versées à ce titre, qui a été engagée à la suite de l'annulation par le juge administratif de la délibération l'ayant instituée, relève de la compétence du juge judiciaire. Dès lors, encourt la cassation un arrêt d'une cour d'appel qui, ayant retenu que le prélèvement litigieux constituait une imposition directe, recouvrée par la commune, et concernait une prestation de service dans le cadre d'une concession dévolue par le département, en a déduit que les créances en découlant étaient de nature administrative et échappaient par conséquent à compétence du juge judiciaire


Références :

loi des 16-24 août 1790

décret du 16 fructidor an III

Décision attaquée : Cour d'appel de Basse-Terre, 23 août 2005

Cf. :Tribunal des conflits, 27 novembre 2008, n° 3687, Bull. 2008, n° 30


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 17 mar. 2009, pourvoi n°06-10423, Bull. civ. 2009, IV, n° 42
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2009, IV, n° 42

Composition du Tribunal
Président : Mme Favre
Avocat général : Mme Bonhomme
Rapporteur ?: Mme Maitrepierre
Avocat(s) : SCP Delaporte, Briard et Trichet, SCP Roger et Sevaux

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2009:06.10423
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