LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article 706-3, 3°, du code de procédure pénale ;
Attendu, selon ce texte, que le droit à indemnisation d'une victime de nationalité étrangère est, sous réserve des traités et accords internationaux, conditionné par la détention d'un titre de séjour régulier au jour des faits ou de la demande ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué et les productions, que M. Amirouche X..., de nationalité algérienne, ayant été victime le 12 juin 2003 d'une atteinte à sa personne du fait d'un incendie volontaire, a saisi le président de la commission d'indemnisation des victimes d'infractions aux fins d'expertise et d'octroi d'une provision ;
Attendu que pour rejeter la demande, l'arrêt énonce qu'au jour des faits, M. X... ne justifiait pas de sa situation régulière sur le territoire français ; qu'au jour de la demande, le 22 mars 2005, il résultait du dossier que M. X... ne détenait qu'une autorisation provisoire de séjour, plusieurs fois renouvelée valable jusqu'au 25 mars 2006, ne lui permettant pas d'occuper un emploi ; que la condition de séjour régulier exigée par l'article 706-3 du code de procédure pénale s'entendait de l'étranger en possession d'un titre de séjour régulier qui avait fixé son principal établissement en France et justifiait y avoir une attache durable et permanente ; que M. X... qui ne démontrait pas détenir un titre de séjour régulier en France lui permettant d'y vivre et d'y travailler, ne satisfaisait pas à la condition exigée par l'article 706-3 du code de procédure pénale ;
Qu'en retenant que la condition d'un séjour régulier s'entendait de la détention d'un titre de séjour régulier permettant à l'étranger, non seulement de vivre en France, mais aussi d'y travailler, la cour d'appel a ajouté à la loi une condition qu'elle ne prévoit pas et violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 4 octobre 2006, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;
Laisse les dépens à la charge du Trésor public ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, ensemble l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, condamne le Fonds de garantie des victimes d'infractions à payer à la SCP Vier, Barthélemy et Matuchansky la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze mars deux mille neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
.Moyen produit par la SCP Vier, Barthélemy et Matuchansky, avocat aux Conseils pour M. X....
Le moyen reproche à l'arrêt confirmatif attaqué D'AVOIR rejeté les demandes de la victime d'une infraction pénale (monsieur X...) en allocation d'une indemnité réparatrice provisionnelle et en désignation d'un médecin expert ;
AUX MOTIFS PROPRES ET ADOPTES QU'en application des dispositions de l'article 706-6 du code de procédure pénale, le Président de la Commission pouvait accorder une provision en tout état de la procédure ; que la mise en oeuvre de cette disposition supposait que le droit à l'indemnisation de la victime n'apparaisse pas sérieusement contestable ; que tel n'était pas le cas en l'espèce ; que les dispositions de l'article 706-3, troisième alinéa, étaient claires et dépourvues d'ambiguïté ; que le bénéfice d'un recours à la Commission d'Indemnisation des Victimes d'Infractions était exclusivement réservé aux victimes de nationalité française au moment des faits, quel que soit le lieu de réalisation du préjudice ainsi qu'aux personnes étrangères, si, n'étant pas ressortissantes d'un Etat membre de la Communauté européenne, elles étaient en séjour régulier sur le territoire national ; qu'en l'espèce le requérant n'était pas en situation régulière de quelque manière que ce fut au jour des faits, soit le 12 juin 2003, puisqu'il ne produisait aucun document ; qu'au jour de la demande, il détenait une autorisation provisoire de séjour établie le 30 novembre 2004, d'une durée de six mois, ne l'autorisant notamment pas à travailler sur le territoire national ; qu'il ne pouvait être considéré comme ayant fixé son principal établissement en France et y avoir une attache durable et permanente ; qu'il était en outre produit un nouveau document d'autorisation provisoire, dont la durée était cette fois limitée à trois mois (du 27 juin 2005 au 26 septembre 2005) ; qu'enfin, il n'était pas inutile de relever que les deux courriers adressés par le Greffe de la Commission au requérant le 31 mars 2005 et 27 septembre 2005, avaient été retournés avec la mention « N'habite pas à l'adresse indiquée » (ordonnance, p. 2) ; qu'au jour des faits, monsieur X... ne justifiait pas de sa situation régulière sur le territoire français ; qu'au jour de la demande, le 22 mars 2005, il résultait du dossier que monsieur X... ne détenait qu'une autorisation provisoire de séjour, plusieurs fois renouvelée valable jusqu'au 25 mars 2006, ne lui permettant pas d'occuper un emploi ; que la condition de séjour régulier exigée par l'article 706-3 du code de procédure pénale s'entendait de l'étranger en possession d'un titre de séjour régulier qui avait fixé son principal établissement en France et justifiait y avoir une attache durable et permanente ; que tel n'était manifestement pas le cas de monsieur X..., qui attestait le 14 janvier 2005, qu'il n'occupait qu'un emploi précaire en indiquant : « je rends quelques petits services pour lesquels je ne reçois qu'une contribution modeste de 250 par mois, mes amis m'aident » ; que monsieur X... qui ne démontrait pas détenir un titre de séjour régulier en France lui permettant d'y vivre et d'y travailler, ne satisfaisait pas à la condition exigée par l'article 706-3 du code de procédure pénale ; que c'était donc à juste titre que le président de la Commission d'Indemnisation des Victimes d'Infractions avait estimé que le droit à indemnisation de monsieur X... était sérieusement contestable et avait rejeté ses demandes (arrêt, p. 3) ;
ALORS, D'UNE PART, QUE l'étranger victime d'une infraction pénale a droit à l'indemnisation du préjudice que lui a causé l'infraction s'il est en possession d'un titre de séjour régulier au jour des faits ou de la demande ; qu'en retenant que cette condition s'entendait de la détention d'un titre de séjour régulier permettant à l'étranger, non seulement de vivre en France, mais aussi d'y travailler, la cour d'appel a ajouté à la loi une condition qu'elle ne prévoit pas et violé l'article 706-3 du code de procédure pénale ;
ALORS, D'AUTRE PART, QU'en se fondant également sur la circonstance que le requérant n'aurait pas habité à l'adresse par lui indiquée à la commission d'indemnisation des victimes d'infractions pénales, constatation pourtant étrangère à l'appréciation de la condition de séjour régulier en France, la cour d'appel a statué par un motif inopérant et privé sa décision de base légale au regard de l'article 706-3 du code de procédure pénale ;
ALORS, ENFIN, QU'en retenant que le droit à l'indemnisation du préjudice causé par une infraction pénale commise sur le territoire français serait réservé, parmi les victimes de nationalité étrangère et ayant un titre de séjour régulier en France, à celles dont le titre leur permet de surcroît d'y travailler, la cour d'appel a opéré, entre étrangers victimes d'infractions et au regard de la jouissance de leur droit patrimonial à l'indemnisation de leur préjudice, une discrimination que ne justifie pas la différence de situation existant entre eux ; qu'en statuant comme elle a fait, elle a violé les articles 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 1er du premier protocole additionnel à cette convention.