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10/03/2009 | FRANCE | N°07-42851

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 10 mars 2009, 07-42851


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 18 avril 2007), que MM. X... et Y... ont été engagés en qualité de pilote professionnel par la société Brit'Air dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée conclu, pour le premier, le 5 février 1990 et, pour le second, le 31 août 1989 ; que MM. X... et Y... ayant atteint la limite d'âge fixée par l'article L. 421-9 du code de l'aviation civile, l'employeur leur a notifié la rupture de leur contrat de travail, respectivement par lettres des 9 août et 16 août 200

4 ; que contestant le bien-fondé de la rupture, les salariés ont saisi la...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 18 avril 2007), que MM. X... et Y... ont été engagés en qualité de pilote professionnel par la société Brit'Air dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée conclu, pour le premier, le 5 février 1990 et, pour le second, le 31 août 1989 ; que MM. X... et Y... ayant atteint la limite d'âge fixée par l'article L. 421-9 du code de l'aviation civile, l'employeur leur a notifié la rupture de leur contrat de travail, respectivement par lettres des 9 août et 16 août 2004 ; que contestant le bien-fondé de la rupture, les salariés ont saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes ;
Sur le premier moyen :
Attendu que les salariés font grief à l'arrêt de les avoir déboutés de leurs demandes tendant à ce que la rupture de leur contrat de travail soit déclarée illicite en application de l'article L. 122-45 du code du travail, et au versement de dommages-intérêts pour rupture illicite, et à défaut, à ce que la rupture s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et au versement de dommages-intérêts à ce titre, alors, selon le moyen :
1°/ que les possibilités de reclassement doivent être recherchées dans le cadre du groupe auquel appartient l'entreprise, parmi les entreprises dont les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation leur permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel, même si certaines de ces entreprises sont situées à l'étranger, dès l'instant que la législation applicable localement n'empêche pas l'emploi de salariés étrangers ; que la cour d'appel qui s'est bornée à constater que les recherches de reclassement avaient été effectuées au sein des sociétés Brit'Air à Lyon, Icare, Régionale Cae et Air France, sans vérifier qu'elles avaient été étendues à l'ensemble des entreprises du groupe où la permutation était possible, notamment celles situées à l'étranger, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 421-29, en réalité L. 421-9 du code de l'aviation civile ;
2°/ qu'il résulte de ce texte que la compagnie aérienne est tenue, avant de mettre fin au contrat d'un pilote en raison de son âge, de rechercher toutes les possibilités de reclassement au sol ; que cette recherche implique que l'employeur diligente les mesures de formation et d'adaptation nécessaires afin qu'il puisse acquérir des compétences lui permettant d'occuper un emploi au sol différent de celui de pilote ; que la cour d'appel a déclaré qu'en diffusant les curriculum vitae des pilotes auprès de quelques sociétés du groupe Air France, l'employeur avait établi qu'il était impossible de trouver un emploi au sol correspondant à leurs capacités et rempli son obligation de reclassement ; qu'en se déterminant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé l'article L. 421-9 susvisé du code de l'aviation civile ;
Mais attendu, d'abord, que la cour d'appel a retenu que l'employeur justifiait de recherches de reclassement parmi les sociétés du groupe auquel appartient l'entreprise ;
Attendu, ensuite, que si l'article L. 421-9 du code de l'aviation civile implique que l'employeur soit tenu d'offrir aux pilotes la formation et l'adaptation nécessaires au reclassement d'un emploi au sol qu'il leur propose, il ne lui fait pas obligation de préparer les pilotes à une reconversion professionnelle nécessitant une formation de base qui leur fait défaut ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen :
Attendu que les salariés font encore grief à l'arrêt de les avoir déboutés de leur demande tendant au versement d'un complément d'indemnité conventionnelle ou contractuelle de licenciement, alors, selon le moyen :
1°/ que la rupture qui n'intervient pas conformément aux prévisions de l'article L. 421-9 du code de l'aviation civile est requalifiée en licenciement nul ou, à tout le moins, sans cause réelle et sérieuse et soumise à ce régime au versement d'une indemnité de licenciement ; que dans ces conditions la cassation à intervenir sur le premier moyen s'étendra au chef du dispositif relatif aux dommages-intérêts pour discrimination et harcèlement moral, en application de l'article 624 du code de procédure civile ;
2°/ que les pilotes faisaient valoir que l'article 7 de leurs contrats de travail prévoyait le versement aux salariés de l'indemnité de licenciement pour tous les cas de rupture du contrat de travail survenus à l'initiative de l'employeur, sauf faute lourde ; qu'en ne répondant pas à ce moyen des conclusions de MM. X... et Y..., la cour d'appel a privé sa décision de motifs et violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu, d'abord, que le rejet du premier moyen rend inopérant le second moyen, pris en sa première branche qui invoque la cassation par voie de conséquence ;
Attendu, ensuite, que la cour d'appel, répondant aux conclusions des salariés, a relevé à bon droit que la rupture intervenue en application de l'article L. 421-9 du code de l'aviation civile n'était pas un licenciement et donnait lieu au profit du salarié dont le contrat prend fin, au versement d'une indemnité de départ calculée conformément aux dispositions de l'article L. 423-1 du même code et exclusive de toute indemnité contractuelle de licenciement ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne MM. X... et Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix mars deux mille neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Masse-Dessen et Thouvenin, avocat aux Conseils pour MM. X... et Y....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR débouté les exposants de leurs demandes tendant à ce que la rupture de leur contrat de travail soit déclarée illicite en application de l'article L. 122-45 du Code du travail, et au versement de dommages et intérêts pour rupture illicite, et à défaut, à ce que la rupture s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et au versement de dommages et intérêts à ce titre ;
AUX MOTIFS QU'aucune disposition légale ou conventionnelle ne faisait obligation à la S.A. BRITAIR de préparer Jean-Claude X... et Nicolas Y... à occuper un emploi différent de celui de pilote, en leur assurant la formation professionnelle de base qui leur faisait défaut ; que lorsqu'un pilote a atteint la limite d'âge fixée par l'article L. 421-9 du code de l'aviation civile, les possibilités de reclassement doivent être recherchées à l'intérieur du groupe, c'est-àdire de l'ensemble formé par les entreprises dont les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation leur permettent la permutation de tout ou partie du personnel ; que contrairement à ce que soutiennent les salariés, le respect par la compagnie aérienne, qui se trouve empêchée par le législateur de poursuivre l'exécution du contrat de travail, ne saurait être apprécié plus strictement qu'en cas d'inaptitude du salarié ou de refus d'une proposition de modification du contrat de travail fondée sur un motif économique ; qu'en l'espèce, la S.A. BRITAIR a diffusé les curriculum vitae de Jean-Claude X... et Nicolas Y..., établis en fonction des données communiquées par ces derniers, d'une part à son directeur du personnel navigant, à son directeur de la maintenance et au chef d'escale BRITAIR à LYON, d'autre part aux sociétés ICARE, REGIONAL CAE, et AIR FRANCE, faisant partie du même groupe ; qu'il ressort des réponses reçues par l'employeur qu'il a été impossible de trouver un emploi au sol correspondant aux capacités de Jean-Claude X... et de Nicolas Y... ; que la S.A. BRITAIR a satisfait à son obligation de reclassement ainsi qu'en a jugé le Conseil de Prud'hommes dont la décision sera confirmée sur ce point ; que la rupture des contrats de travail est donc licite et causée ;
ALORS QUE les possibilités de reclassement doivent être recherchées dans le cadre du groupe auquel appartient l'entreprise, parmi les entreprises dont les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation leur permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel, même si certaines de ces entreprises sont situées à l'étranger, dès l'instant que la législation applicable localement n'empêche pas l'emploi de salariés étrangers ; que la Cour d'appel qui s'est bornée à constater que les recherches de reclassement avaient été effectuées au sein des sociétés BRIT AIR à Lyon, ICARE, REGIONALE CAE et AIR France, sans vérifier qu'elles avaient été étendues à l'ensemble des entreprises du groupe où la permutation était possible, notamment celles situées à l'étranger, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 421-9 du Code de l'aviation civile ;
ALORS encore QU'il résulte de ce texte que la compagnie aérienne est tenue, avant de mettre fin au contrat d'un pilote en raison de son âge, de rechercher toutes les possibilités de reclassement au sol ; que cette recherche implique que l'employeur diligente les mesures de formation et d'adaptation nécessaires afin qu'il puisse acquérir des compétences lui permettant d'occuper un emploi au sol différent de celui de pilote ; que la Cour d'appel a déclaré qu'en diffusant les curriculum vitae des pilotes auprès de quelques sociétés du groupe AIR FRANCE, l'employeur avait établi qu'il était impossible de trouver un emploi au sol correspondant à leurs capacités et rempli son obligation de reclassement ; qu'en se déterminant comme elle l'a fait, la Cour d'appel a violé l'article L 421-29 susvisé du Code de l'aviation civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté les exposants de leur demande tendant au versement d'un complément d'indemnité conventionnelle ou contractuelle de licenciement ;
AUX MOTIFS QUE lorsque l'impossibilité de reclasser le pilote ayant atteint l'âge de soixante ans est avérée, l'article L. 421-9 du code du travail a institué un mode autonome de résiliation unilatérale du contrat de travail à durée indéterminée ; que la rupture intervenue en application de ce texte légal n'est pas un licenciement et donne lieu au versement au personnel dont le contrat prend fin d'une indemnité exclusive de départ, calculée selon l'article L. 423-1 du même code et exclusive de toute indemnité conventionnelle ou contractuelle de licenciement ;
ALORS QUE la rupture qui n'intervient pas conformément aux prévisions l'article L. 421-9 du Code de l'aviation civile est requalifiée en licenciement nul ou, à tout le moins, sans cause réelle et sérieuse et soumise à ce régime au versement d'une indemnité de licenciement ; que dans ces conditions la cassation à intervenir sur le premier moyen s'étendra au chef du dispositif relatif aux dommages et intérêts pour discrimination et harcèlement moral, en application de l'article 624 du nouveau Code de procédure civile ;
ALORS encore QUE les pilotes faisaient valoir que l'article 7 de leurs contrats de travail prévoyait le versement aux salariés de l'indemnité de licenciement pour tous les cas de rupture du contrat de travail survenus à l'initiative de l'employeur, sauf faute lourde (v. ses conclusions, p. 11, alinéas 2 et s.) ; qu'en ne répondant pas à ce moyen des conclusions des exposants, la Cour d'appel a privé sa décision de motifs et violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 07-42851
Date de la décision : 10/03/2009
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Analyses

TRANSPORTS AERIENS - Personnel - Personnel navigant professionnel - Pilote atteint par la limite d'âge légal - Obligations de l'employeur - Reclassement au sol - Contenu de l'obligation - Détermination - Portée

Si l'article L. 421-9 du code de l'aviation civile implique que l'employeur soit tenu d'offrir aux pilotes la formation et l'adaptation nécessaires au reclassement d'un emploi au sol qu'il leur propose, il ne lui fait pas obligation de préparer les pilotes à une reconversion professionnelle nécessitant une formation de base qui leur fait défaut


Références :

articles L. 421-9 et L. 423-1 du code de l'aviation civile

Décision attaquée : Cour d'appel de Lyon, 18 avril 2007

Sur l'étendue du périmètre de l'obligation de reclassement, à rapprocher :Soc., 29 septembre 2004, pourvoi n° 02-40705, Bull. 2004, V, n° 238 (cassation partielle)


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 10 mar. 2009, pourvoi n°07-42851, Bull. civ. 2009, V, n° 69
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2009, V, n° 69

Composition du Tribunal
Président : Mme Collomp
Avocat général : M. Allix
Rapporteur ?: Mme Sommé
Avocat(s) : SCP Boutet, SCP Masse-Dessen et Thouvenin

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2009:07.42851
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