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10/03/2009 | FRANCE | N°07-19447

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 10 mars 2009, 07-19447


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 14 février 2006), que la société Iris Catamaran a donné le navire Iris jet en affrètement coque nue à la société Montana Cruise et Ferries AS, qui l'a frété à la société Meltem Deniz Otobusleri AS (la société Meltem) pour effectuer un service de transport de passagers entre la Turquie et le nord de l'île de Chypre ; que la compagnie d'assurance Axa Oyak Sugorta AS (la société Axa Oyak) a émis une attestation d'assurance corps et machine désignant la soci

été Iris catamaran comme bénéficiaire de la police et la société Meltem comm...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 14 février 2006), que la société Iris Catamaran a donné le navire Iris jet en affrètement coque nue à la société Montana Cruise et Ferries AS, qui l'a frété à la société Meltem Deniz Otobusleri AS (la société Meltem) pour effectuer un service de transport de passagers entre la Turquie et le nord de l'île de Chypre ; que la compagnie d'assurance Axa Oyak Sugorta AS (la société Axa Oyak) a émis une attestation d'assurance corps et machine désignant la société Iris catamaran comme bénéficiaire de la police et la société Meltem comme souscripteur ; qu'au cours d'une manoeuvre de port, le navire a heurté un quai, sans que le dommage constaté par le capitaine soit regardé comme suffisant pour interrompre son exploitation ; que quelques jours plus tard, une voie d'eau s'étant déclarée, une société de classification a autorisé le navire à se rendre dans un port équipé pour réaliser les travaux qu'elle préconisait, auxquels il n'a pas été procédé ; que la société Axa Oyak refusant la prise en charge du sinistre, la société Iris catamaran a d'abord formé une action devant une juridiction britannique puis, après s'en être désistée, a assigné la société Axa Oyak en indemnisation devant le tribunal de commerce de La Rochelle ;

Sur le premier moyen :
Attendu que la société Axa Oyak fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté son exception d'incompétence tendant à voir juger que le tribunal de commerce de La Rochelle n'était pas compétent et inviter la société Iris catamaran à mieux se pourvoir devant les juridictions turques en application de la clause attributive de compétence figurant dans les conditions générales de la police d'assurance corps délivrée par la société Axa Oyak et d'avoir dit en conséquence que le tribunal de commerce de La Rochelle était compétent pour statuer sur les demandes de la société Iris Catamaran, alors, selon le moyen :
1°/ que lorsqu'un contrat est conclu par mandataire, c'est dans la personne de ce dernier que doit être appréciée l'acceptation de la clause attributive de juridiction qui est alors opposable au mandant ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt que le contrat d'assurance corps et machines couvrant le navire Iris jet avait été souscrit par la société de droit turc Meltem, exploitant le navire, tant pour son compte que pour celui de la société Iris Catamaran, propriétaire du navire et fréteur coque nue, conformément au contrat d'affrètement qui donnait mandat à cette fin à l'affréteur ; qu'en refusant de donner effet à la clause attributive de compétence aux juridictions turques contenue dans les conditions générales de la police par le motif qu'il n'était pas démontré qu'au moment de la formation du contrat, la société Iris catamaran ait eu connaissance de ces conditions et de la clause attributive qu'elles contenaient, ni qu'elle ait accepté cette clause, sans rechercher si la société Meltem n'avait pas donné son acceptation qui aurait alors été opposable à sa mandante, la société Iris catamaran, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1998, ensemble l'article 14 du code civil ;
2°/ que la renonciation au privilège de juridiction institué au profit du demandeur de nationalité française par l'article 14 du code civil n'est soumise à aucune forme et peut résulter notamment du renvoi fait par un document connu et accepté de la partie française à des conditions générales, même si celles-ci n'ont pas été jointes audit document et n'ont pas fait l'objet d'une acceptation spéciale, notamment lorsque la partie française a confié le soin de négocier le contrat soumis auxdites conditions générales à son affréteur turc ; que dès lors, en retenant la compétence des juridictions françaises en dépit de la clause de la police d'assurance attribuant compétence aux juridictions turques, par le motif que la police n'était pas jointe au certificat d'assurance et que la clause attributive aux juridictions turques n'avait pu faire l'objet d'une acceptation par la partie française, la cour d'appel a violé l'article 14 du code civil ;
3°/ que les certificats d'assurance ne peuvent prévaloir sur les conditions générales du contrat d'assurance auquel ils se réfèrent ; que dès lors, l'assuré qui entend mettre en oeuvre la garantie de l'assureur doit satisfaire aux conditions fixées par la police, sur lesquelles les insuffisances, voire les mentions contraires du certificat d'assurance, ne peuvent prévaloir ; qu' en refusant de faire application de la clause attributive de compétence aux juridictions turques figurant dans la police d'assurance négociée par la société Meltem, société de droit turc, pour son compte et pour celui de la société Iris Catamaran, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil ;
4°/ que la partie qui a saisi une juridiction étrangère est réputée avoir renoncé au privilège de l'article 14 du code civil, sans que puisse faire échec à cette renonciation un désistement d'instance ultérieur ; qu'en statuant comme elle a fait, sans rechercher, comme elle y était invitée par les conclusions de la société Axa Oyak, si la saisine initiale de la Haute Cour de Londres par la société Iris Catamaran ne valait pas renonciation au privilège de juridiction fondée sur la nationalité française, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 14 du code civil ;
Mais attendu, en premier lieu, qu'il ne résulte ni des conclusions de la société Axa Oyak, ni de l'arrêt, que le moyen formulé par la première branche ait été soulevé devant les juges du fond ; qu'il est nouveau et mélangé de fait ;
Attendu, en deuxième lieu, qu'ayant relevé que l'attestation d'assurance versée aux débats ne faisait pas mention de la clause attributive de compétence, mais visait seulement les conditions générales turques et retenu qu'il n'était pas démontré qu'au moment de la formation du contrat, la société Iris catamaran ait eu connaissance de ces conditions et de la clause attributive de compétence qu'elles contenaient, ni qu'elle ait accepté cette clause, la cour d'appel a statué comme elle a fait sans encourir les reproches des deuxième et troisième branches ;
Attendu, en troisième lieu, que l'arrêt retient que le fait que la société Iris catamaran se soit désistée de son action devant la Haute Cour de justice de Londres pour saisir le tribunal de commerce de La Rochelle, qui peut s'expliquer par diverses considérations, comme celle de ne pas perdre de temps, la société Axa Oyak ayant soutenu à Londres que, s'agissant d'une police d'assurance turque, la clause attributive de compétence aux juridictions turques l'emportait sur les clauses attributives de compétence de droit anglais, est équivoque et ne caractérise aucune volonté certaine de sa part de renoncer au privilège de juridiction qu'elle tenait de l'article 14 du code civil ; qu'ainsi la cour d'appel a procédé à la recherche prétendument omise, visée à la quatrième branche ;
D'où il suit que le moyen, irrecevable en sa première branche, n'est pas fondé en ses autres branches ;
Et sur le second moyen :
Attendu que la société Axa Oyak fait encore grief à l'arrêt d'avoir dit que la date du sinistre devait être fixée au 5 novembre 2003 et que la société Axa Oyak en devait réparation à la société Iris Catamaran, alors, selon le moyen :
1°/ qu'il appartient à celui qui réclame le bénéfice de l'assurance d'établir que sont réunies les conditions requises par la police pour mettre en jeu cette garantie ; que dans l'hypothèse où le sinistre dont l'indemnisation est réclamée résulte de l'aggravation du dommage ayant certes eu pour fait générateur un sinistre garanti par la police d'assurance mais résultant elle-même du seul fait de l'assuré, il incombe à celui-ci de prouver que ce fait n'est pas lui-même fautif ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt que si la police d'assurance souscrite auprès de la société Axa Oyak couvrait le dommage causé avec un quai ou un équipement ou installation, il n'en allait pas de même de l'aggravation du dommage qui serait imputable à la négligence de l'assuré ; qu'il ressort des constatations de l'arrêt que les dommages dont était réclamée l'indemnisation avaient certes eu pour fait générateur la manoeuvre d'accostage effectuée le 26 octobre 2003 durant laquelle l'étrave bâbord du navire Iris jet avait heurté le quai du port de Tasuku ainsi qu'il résultait des mentions du journal de bord, mais que les dommages s'étaient ensuite considérablement aggravés en raison du fait que l'exploitation du navire Iris jet s'était poursuivie jusqu'au 5 novembre 2003 sans qu'il soit procédé à la moindre réparation ; qu'en énonçant qu'il incombait à l'assureur de prouver que l'assuré avait eu connaissance avant le 5 novembre 2003, date à laquelle étaient survenues les importantes voies d'eau ayant conduit à l'arrêt définitif de l'exploitation du navire, du sinistre survenu dès le 26 octobre 2003 alors même qu'il incombait à l'assuré de prouver qu'il n'avait pas eu connaissance avant le 5 novembre 2003 de ce sinistre pourtant mentionné sur le journal de bord du navire et qu'en conséquence la poursuite de l'exploitation du navire ayant conduit à l'aggravation des dommages ne résultait pas d'une négligence fautive, la cour d'appel a renversé la charge de la preuve et a violé l'article 1315 du code civil ;
2°/ que l'assuré doit contribuer au sauvetage des objets assurés ; qu'il est responsable envers l'assureur du dommage causé par l'inexécution de cette obligation résultant de sa faute, ou de sa négligence ; qu'au regard des règles 8-1 et 10-1 du code international de gestion de la sécurité de l'exploitation des navires, dit code ISM, applicable aux navires à passagers, le propriétaire du navire ou tout autre organisme ou personne, telle que l'armateur gérant ou l'affréteur coque nue, doit établir les procédures pour identifier et décrire les situations d'urgence susceptibles de survenir à bord ainsi que les mesures à prendre pour y faire face, ainsi que celles permettant de vérifier que le navire est maintenu dans un état de navigabilité conforme aux prescriptions réglementaires ; qu'en s'abstenant de rechercher, bien qu'y ayant été expressément invitée, si la société Meltem n'était pas tenue en sa qualité d'opérateur du navire Iris jet affecté au transport de passagers, d'établir les procédures adéquates pour identifier et décrire les situations d'urgence susceptibles de survenir à bord ainsi que les mesures à prendre pour y faire face et maintenir le navire en bon état de navigabilité, d'où il résultait qu'à supposer même que la société Iris catamaran n'ait eu connaissance que le 5 novembre 2003 de l'avarie survenue le 26 octobre 2003, ce seul fait caractérisait déjà à lui seul une faute imputable à cette société Meltem, titulaire de la police d'assurance, dès lors qu'était ainsi révélée l'absence de toute procédure qui lui aurait permis d'être immédiatement informée du sinistre et de procéder en temps utile à toutes les mesures de contrôle et de réparation rendues nécessaires et non de poursuivre durant dix jours l'exploitation intensive du navire ayant conduit à l'aggravation des désordres affectant l'étrave bâbord du navire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des règles 8-1 et 10-1 du code international de gestion de la sécurité des navires, dit code ISM, tel que reproduit au chapitre IX de la Convention internationale sur la sauvegarde de la vie humaine en mer, dite Convention Solas, ensemble l'article L. 172-23 du code des assurances ;
3°/ que dans ses conclusions récapitulatives d'appel signifiées le 5 décembre 2005, la société Axa Oyak avait fait valoir que la faute de négligence imputable à l'armateur était d'autant plus établie qu'il était avéré que le dommage initial était survenu le 26 octobre 2003 au port d'attache du navire Iris jet, que l'opérateur, la société Meltem disposait dans ce port d'un agent qui avait été nécessairement informé immédiatement par le bord du sinistre survenu lors de l'accostage de ce navire et mentionné sur le journal de bord et qu'en prenant la décision de poursuivre de manière intensive l'exploitation de celui-ci sans procéder à aucune réparation, la société Meltem, en sa qualité de co-assurée, avait commis une faute de nature à supprimer tout aléa, la privant du droit d'obtenir l'indemnisation de l'aggravation du dommage à compter du 26 octobre 2003 ; qu'en ne répondant pas à ce moyen, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau code de procédure civile ;
Mais attendu, en premier lieu, qu'il appartient à l'assureur de prouver la faute qu'il impute à l'assuré qu'il estime responsable à son égard de ne pas avoir réduit comme il le pouvait le dommage causé par le sinistre ;que c'est sans inverser la charge de la preuve que l'arrêt retient que la société Axa Oyak ne prouve pas que la société Meltem ait été avisée du sinistre du 26 octobre 2003 avant le 5 novembre 2003 ;

Attendu, en second lieu, que la cour d'appel qui n'était tenue ni d'effectuer la recherche mentionnée à la deuxième branche, qui ne lui était pas demandée, ni de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a pu statuer comme elle a fait sans encourir les griefs des deuxième et troisième branches ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Axa Oyak Sugorta AS aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix mars deux mille neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Delaporte, Briard et Trichet, avocat aux Conseils pour la société Axa Oyak Sugorta AS.

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté l'exception d'incompétence soulevée par la société AXA OYAK aux fins de voir dire et juger que le Tribunal de commerce de LA ROCHELLE n'était pas compétent et inviter la société IRIS CATAMARAN à mieux se pourvoir devant les juridictions turques en application des dispositions de la clause attributive de compétence figurant dans les conditions générales de la police d'assurance corps délivrée par la société AXA OYAK, et d'avoir dit en conséquence que le Tribunal de commerce de LA ROCHELLE était compétent pour statuer sur les demandes de la société IRIS CATAMARAN, AUX MOTIFS QUE "la société IRIS CATAMARAN, société de droit français ayant son siège social à LA ROCHELLE, est bénéficiaire d'un contrat d'assurance corps et machine n° 2042441 couvrant un navire dénommé "IRIS JET", contrat qui a été souscrit à effet du 3 octobre 2003 par la société de droit turc MELTEM DENIZ OTOBUSLERI (la société MELTEM), qui exploite le navire, auprès de la société d'assurance de droit turc AXA OYAK ; que des dommages étant survenus à l'"IRIS JET", la société IRIS CATAMARAN a fait assigner la société AYA OYAK devant le Tribunal de commerce de LA ROCHELLE pour la faire condamner à lui payer le coût de la remise en état ; que la société AXA OYAK ayant soulevé une exception d'incompétence au profit des juridictions turques, le Tribunal s'est déclaré compétent par application de l'article 14 du Code civil, aux termes duquel "l'étranger, même non résidant en FRANCE (…) pourra être traduit devant les tribunaux en FRANCE, pour les obligations par lui contractées en pays étranger envers de français" ; que, si l'insertion d'une clause attributive de compétence dans un contrat international fait partie de l'économie de la convention et emporte renonciation à tout privilège de juridiction, notamment à celui de l'article 14 du Code civil, encore faut-il que la partie à qui la clause est opposée en ait eu connaissance et l'ait acceptée ; qu'en l'espèce l'attestation d'assurance versées aux débats ne fait pas mention de la clause attributive de compétence, mais vise seulement les conditions générales turques ; que toutefois, il n'est pas démontré qu'au moment de la formation du contrat, la société IRIS CATAMARAN ait eu connaissance de ces conditions générales et de la clause attributive de compétence qu'elles contenaient, ni qu'elle ait accepté cette clause ; que cette preuve ne résulte pas d'une télécopie qui lui a été adressée le 3 octobre 2003 par ADOT (EMLTEM) avec le texte suivant : "Pls finde enclosed the copies of Pet I and HULL et MACHINERY", trop imprécis pour démontrer qu'étaient jointes les conditions générales turques ; que cette preuve ne résulte pas non plus d'une télécopie qu'elle a envoyée le 21 octobre 2003 à la SAS FILHET-ALLARD et dont la première page est ainsi rédigée : "Veuillez trouver ci-joint copie des documents reçus le 3 octobre 2003 de la part de MONTANA TURQUIE" (MELTEM), cette seule mention ne suffisant pas à établir que les documents en question, formant un ensemble de cinq pages, aient contenu les conditions générales turques et la clause litigieuse ; que le fait que la société AXA OYAK ait établi deux attestations d'assurance successives, la première en dollars des Etats-Unis d'Amérique avec comme assuré la société MELTEM, la seconde en euros avec comme assuré la société IRIS CATAMARAN, ne prouve pas que celle-ci ait eu connaissance de la clause attributive de compétence, ni qu'elle l'ait acceptée ; que de même le fait que dans un premier temps la société IRIS CATAMARAN ait choisi de soumettre sa réclamation à la Haute Cour de Justice de LONDRES en vertu des "Institute Time Clauses Hulls" visées dans l'attestation d'assurance, conditions de droit anglais standard et facilement accessibles, ne démontre pas qu'elle ait eu connaissance de la clause attributive de juridiction incluse dans les conditions générales turques ; qu'enfin, le fait qu'elle se soit désistée de son action devant la Haute Cour de Justice pour saisir le Tribunal de commerce de LA ROCHELLE, qui peut s'expliquer par diverses considérations, comme celle ne pas perdre de temps, la société AXA OYAK ayant soutenu à LONDRES que s'agissant d'une police d'assurance turque, la clause attributive de compétence aux juridictions turques l'emportaient sur les clauses attributives de compétence de droit anglais, est équivoque et ne caractérise aucune volonté certaine de sa part de renoncer au privilège de juridiction qu'elle tenait de l'article 14 du Code civil ; qu'il ne résulte pas de ce qui précède, ni que la société IRIS CATAMARAN ait accepté la clause attributive de juridictions figurant dans les conditions générales turques du contrat d'assurance, ni qu'elle ait renoncé au privilège de juridiction qu'elle tient du droit français ; que c'est donc à bon droit que le Tribunal de commerce de LA ROCHELLE s'est déclaré compétent pour connaître du litige,
Alors, d'une part, que la renonciation au privilège de juridiction institué au profit du demandeur de nationalité française par l'article 14 du Code civil n'est soumise à aucune forme et peut résulter notamment du renvoi fait par un document connu et accepté de la partie française à des conditions générales, même si celles-ci n'ont pas été jointes audit document et n'ont pas fait l'objet d'une acceptation spéciale ; que dès lors, en retenant la compétence des juridictions françaises en dépit de la clause de la police d'assurance attribuant compétence aux juridictions turques, par le motif inopérant que la police n'était pas jointe au certificat d'assurance et que la clause attributive aux juridictions turques n'avait pu faire l'objet d'une acceptation par la partie française, la Cour d'appel a violé l'article 14 du Code civil ;

Alors, d'autre part, que la renonciation au privilège de juridiction institué au profit du demandeur de nationalité française par l'article 14 du Code civil n'est soumise à aucune forme et peut résulter notamment du renvoi fait par un document connu et accepté de la partie française à des conditions générales, même si celles-ci n'ont pas été jointes audit document et n'ont pas fait l'objet d'une acceptation spéciale, notamment lorsque la partie française a confié le soin de négocier le contrat soumis auxdites conditions générales à son affréteur turc ; que dès lors, en retenant la compétence des juridictions françaises en dépit de la clause de la police d'assurance attribuant compétence aux juridictions turques, par le motif inopérant que la police n'était pas jointe au certificat d'assurance et que la clause attributive aux juridictions turques n'avait pu faire l'objet d'une acceptation par la partie française, la Cour d'appel a violé l'article 14 du Code civil ;

Alors, en outre, que les certificats d'assurance ne peuvent prévaloir sur les conditions générales du contrat d'assurance auquel ils se réfèrent ; que dès lors, l'assuré qui entend mettre en oeuvre la garantie de l'assureur doit satisfaire aux conditions fixées par la police, sur lesquelles les insuffisances, voire les mentions contraires du certificat d'assurance, ne peuvent prévaloir ;qu' en refusant de faire application de la clause attributive de compétence aux juridictions turques figurant dans la police d'assurance, la Cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil ;
Alors enfin que la partie qui a saisi une juridiction étrangère est réputée avoir renoncé au privilège de l'article 14 du Code civil, sans que puisse faire échec à cette renonciation un désistement d'instance ultérieur ; qu' en statuant comme elle l'a fait, sans rechercher, comme elle y était invitée par les conclusions de la société AXA OYAK (déposées et signifiées le 3 novembre 2005, p. 7, al. 3 à 6) si la saisine initiale de la Haute Cour de LONDRES par la société IRIS CATAMARAN ne valait pas renonciation au privilège de juridiction fondée sur la nationalité française, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 14 du Code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que la date du sinistre devait être fixée au 5 novembre 2003 et que la société AXA OYAK en devait réparation à la société IRIS CATAMARAN,
AUX MOTIFS PROPRES QU'il n'est pas contesté que le paragraphe 6-2-2 des "Institute Times Clauses Hulls", visées dans l'attestation d'assurance, énonce que l'assurance couvre les dommages causés par la négligence du capitaine, des officiers, de l'équipage ou des pilotes ("négligence of Master Officiers Crew or Pilots") ; qu'en l'espèce, à supposer que le commandant de l'"IRIS JET" ait mal apprécié les conséquences possibles du choc initial et qu'il ait commis une faute de négligence en poursuivant les traversées jusqu'au 5 novembre 2003, le dommage résultant devrait être garanti par la société AXA OYAK ; que cette société n'invoque d'ailleurs pas la faute du capitaine ou de l'équipage pour dénier sa garantie, mais celle qu'aurait commise la société MELTEM, partie co-assurée, en décidant, en toute connaissance de cause, de poursuivre l'exploitation du navire par mauvais temps et alors que des voies d'eau pouvaient survenir, sans effectuer aucune réparation, ce qui aurait supprimé tout aléa, et par voie de conséquence, toute garantie d'assurance ; que toutefois, l'appelante ne prouve pas que la société MELTEM ait été avisée du sinistre du 26 octobre 2003 avant le 5 novembre 2003 ; que s'il est versé aux débats la copie d'un rapport d'incident non daté, établi par le "Chief Officer" de l'"IRIS JET", décrivant les circonstances de l'accident du 26 octobre 2003 et portant comme destinataire "Mr. Hasan X...", lequel, selon la société AXA OYAK, serait un préposé de la société MELTEM, ce que la société IRIS CATAMARAN conteste, la date à laquelle ce document a été envoyé à son destinataire n'est pas établie ; qu'il n'est donc pas démontré que la société MELTEM ait eu connaissance du sinistre avant le 5 novembre 2003, ni qu'elle ait commis la faute que la société AXA OYAK lui impute ; que par ailleurs, il n'est ni prétendu ni prouvé que la société IRIS CATAMARAN ait eu connaissance du sinistre avant le 5 novembre 2003 ; que dans ces conditions, l'ensemble des dégâts présentés par le navire à cette date doit être pris en charge au titre du contrat d'assurance litigieux ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE le navire était bien assuré par AXA OYAK, que le sinistre d'origine entre bien dans la catégorie des dommages assurés et que les circonstances dans lesquelles le sinistre est survenu ne met pas en jeu des exclusions prévues au contrats ; qu'in fine la discussion porte sur le point de savoir si le sinistre indemnisable est celui qui résulte de l'accident du 26 octobre ou bien de la découverte du 5 novembre ; que le sinistre du 26 octobre a donné lieu à la mention sur le livre de bord du navire d'accident mineur, que les témoignages recueillis ne mentionnent que des dommages superficiels à la coque ; qu'il est clair que les spécialistes à bord du navire n'ont eu aucune connaissance de fait permettant de penser qu'un délaminage sévère pouvait intervenir, alors que les recherches menées n'ont montré aucune fuite d'eau ni autre signe avant-coureur, d'autant que le navire a continué à naviguer comme d'habitude sans être inquiété par autre chose que des conditions météo difficiles ; que de ces seuls attendus, le Tribunal pourrait déjà conclure que la date du sinistre indemnisable est celle du 5 novembre 2003 ; que si néanmoins d'aucuns pourraient penser que le Capitaine d'une navire devrait être omniscient et qu'en conséquence, il aurait dû deviner les conséquences de ce heurt et qu'il aurait donc fait preuve de négligence, d'une part en ne prenant pas les mesures conservatoires nécessaires et d'autre part en n'avertissant ni l'exploitant à terre ni le propriétaire du navire ; que la police d'assurance en ce qu'elle se réfère au ITC assure la couverture de la négligence de l'équipage, ce qui n'est pas contesté par l'assureur celui-ci ne mettant en avant qu'une négligence de l'assuré ou de la compagnie exploitant le navire ; qu'il est établi que tant l'assuré (IRIS) que l'exploitant (MELTEM) n'ont eu connaissance de l'accident que le 6 novembre et qu'aussitôt l'exploitation du bateau a été suspendue et que les 10 et 11 novembre un représentant d'IRIS est sur les lieux ; qu'en conséquence aucune négligence ne peut être retenue à l'encontre de l'assuré dans la survenance du sinistre le 5 novembre ; que l'assureur doit couvrir les réparations du sinistre tel qu'il s'est manifesté le 5 novembre 2003,
Alors en premier lieu qu'il appartient à celui qui réclame le bénéfice de l'assurance d'établir que sont réunies les conditions requises par la police pour mettre en jeu cette garantie ; que dans l'hypothèse où le sinistre dont l'indemnisation est réclamée résulte de l'aggravation du dommage ayant certes eu pour fait générateur un sinistre garanti par la police d'assurance mais résultant elle-même du seul fait de l'assuré, il incombe à celui-ci de prouver que ce fait n'est pas lui-même fautif ; qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt que si la police d'assurance souscrite auprès de la société AXA OYAK couvrait le dommage causé avec un quai ou un équipement ou installation, il n'en allait pas de même de l'aggravation du dommage qui serait imputable à la négligence de l'assuré ; qu'il ressort des propres constatations que les dommages dont était réclamée l'indemnisation avaient certes eu pour fait générateur la manoeuvre d'accostage effectuée le 26 octobre 2003 durant laquelle l'étrave bâbord du navire "IRIS JET" avait heurté le quai du port de TASUKU ainsi qu'il résultait des mentions du journal de bord, mais que les dommages étaient ensuite considérablement aggravés en raison du fait que l'exploitation du navire "IRIS JET" s'était poursuivie jusqu'au 5 novembre 2003 sans qu'il soit procédé à la moindre réparation ; qu'en énonçant qu'il incombait à l'assureur de prouver que l'assuré avait eu connaissance avant le 5 novembre 2003, date à laquelle étaient survenues les importantes voies d'eau ayant conduit à l'arrêt définitif de l'exploitation du navire, du sinistre survenu dès le 26 octobre 2003 alors même qu'il incombait à l'assuré de prouver qu'il n'avait pas eu connaissance avant le 5 novembre 2003 de ce sinistre pourtant mentionné sur le journal de bord du navire et qu'en conséquence la poursuite de l'exploitation du navire ayant conduit à l'aggravation des dommages ne résultait pas d'une négligence fautive, la Cour d'appel a renversé la charge de la preuve et a violé l'article 1315 du Code civil ;
Alors en deuxième lieu que l'assuré doit contribuer au sauvetage des objets assurés ; qu'il est responsable envers l'assureur du dommage causé par l'inexécution de cette obligation résultant de sa faute, ou de la sa négligence ; qu'au regard des règles 8-1 et 10-1 du Code international de gestion de la sécurité de l'exploitation des navires (Code ISM) applicable aux navires à passagers, le propriétaire du navire ou tout autre organisme ou personne, telle que l'armateur gérant ou l'affréteur coque nue, doit établir les procédures pour identifier et décrire les situations d'urgence susceptibles de survenir à bord ainsi que les mesures à prendre pour y faire face, ainsi que celles permettant de vérifier que le navire est maintenu dans un état de navigabilité conforme aux prescriptions réglementaires ; qu'en s'abstenant de rechercher, bien qu'y ayant été expressément invitée, si la société IRIS CATAMARAN n'était pas tenue en sa qualité de propriétaire du navire "IRIS JET" affecté au transport de passagers, d'établir les procédures adéquates pour identifier et décrire les situations d'urgence susceptibles de survenir à bord ainsi que les mesures à prendre pour y faire face et maintenir le navire en bon état de navigabilité, d'où il résultait qu'à supposer même que la société IRIS CATAMARAN n'ait eu connaissance que le 5 novembre 2003 de l'avarie survenue le 26 octobre 2003, ce seul fait caractérisait déjà à lui seul une faute imputable à cette société dès lors qu'était ainsi révélée l'absence de toute procédure qui lui aurait permis d'être immédiatement informée du sinistre et de procéder en temps utile à toutes les mesures de contrôle et de réparation rendues nécessaires et non de laisser se poursuivre durant dix jours l'exploitation intensive du navire ayant conduit à l'aggravation inexorables des désordres affectant l'étrave bâbord du navire, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des règles 8-1 et 10-1 du Code international de gestion de la sécurité des navires (Code ISM) tel que reproduit au chapitre IX de la Convention internationale sur la sauvegarde de la vie humaine en mer (Convention SOLAS), ensemble l'article L.172-23 du Code des assurances,
Alors enfin que dans ses conclusions récapitulatives d'appel signifiées le 5 décembre 2005, la société AXA OYAK avait fait valoir que la faute de négligence imputable à l'armateur était d'autant plus établie qu'il était avéré que le dommage initial était survenu le 26 octobre 2003 au port d'attache du navire "IRIS JET", que l'opérateur, la société MELTEM disposait dans ce port d'un agent qui avait été nécessairement informé immédiatement par le bord du sinistre survenu lors de l'accostage de ce navire et mentionné sur le journal de bord et qu'en prenant la décision de poursuivre de manière intensive l'exploitation de celui-ci sans procéder à aucune réparation, la société MELTEM, en sa qualité de co-assurée, avait commis une faute de nature à supprimer tout aléa, la privant du droit d'obtenir l'indemnisation de l'aggravation du dommage à compter du 26 octobre 2003 ; qu'en ne répondant pas à ce moyen, la Cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 07-19447
Date de la décision : 10/03/2009
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

ASSURANCE MARITIME - Garantie - Exclusion - Cas - Défaut de minimisation des dommages - Preuve - Charge

Il appartient à l'assureur de prouver la faute qu'il impute à l'assuré qu'il estime responsable à son égard de ne pas avoir réduit comme il le pouvait le dommage causé par le sinistre


Références :

article L. 172-23 du code des assurances

article 1315 du code civil

Décision attaquée : Cour d'appel de Poitiers, 14 février 2006


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 10 mar. 2009, pourvoi n°07-19447, Bull. civ. 2009, IV, n° 33
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2009, IV, n° 33

Composition du Tribunal
Président : Mme Favre
Avocat général : M. Raysseguier (premier avocat général)
Rapporteur ?: M. Potocki
Avocat(s) : Me Le Prado, SCP Delaporte, Briard et Trichet

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2009:07.19447
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