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05/03/2009 | FRANCE | N°08-11374

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 05 mars 2009, 08-11374


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique pris en sa deuxième branche :

Vu les articles 1147 et 1382 du code civil ;

Attendu que par acte établi par la société d'avocats Magellan, consultée sur les recommandations de la société d'experts-comptables CCECA-GECOVI, M. Pierre X... a cédé la majorité de ses actions dans le capital de la Société nouvelle BOF à la SARL Laurent X... Investissements ayant pour gérant le fils du cédant ; que cette opération a fait l'objet d'un redressement fiscal au titre des p

lus-values, au motif que l'exonération qui était prévue à l'époque à l'article 150-...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique pris en sa deuxième branche :

Vu les articles 1147 et 1382 du code civil ;

Attendu que par acte établi par la société d'avocats Magellan, consultée sur les recommandations de la société d'experts-comptables CCECA-GECOVI, M. Pierre X... a cédé la majorité de ses actions dans le capital de la Société nouvelle BOF à la SARL Laurent X... Investissements ayant pour gérant le fils du cédant ; que cette opération a fait l'objet d'un redressement fiscal au titre des plus-values, au motif que l'exonération qui était prévue à l'époque à l'article 150-0 A-I-3 du code général des impôts en cas de cession consentie à un membre de la famille du cédant avec engagement de ne pas revendre les parts avant l'expiration d'un délai de cinq ans n'était pas applicable aux cessions consenties à une société, même familiale ; que M Pierre X... a, dans ces conditions, engagé une action en responsabilité contre les sociétés Magellan et CCECA-GECOVI, leur réclamant réparation à hauteur du redressement ;

Attendu que pour accueillir cette demande l'arrêt attaqué retient, d'abord, que l'avocat, initialement chargé d'établir un acte de cession au profit du fils du cédant, ne démontrait pas s'être complètement acquitté de son devoir de conseil sur les incidences fiscales de l'opération finalement conclue, ensuite, que l'expert-comptable, s'il était demeuré étranger à la rédaction de l'acte litigieux, avait mis en relation M. Pierre X... et l'avocat et s'était immiscé dans la conduite de ce dossier sans appeler l'attention du premier sur les conséquences fiscales du montage finalement retenu, faute de nature à engager sa responsabilité délictuelle et, enfin, qu'en raison de l'existence de cette solution alternative permettant le jeu de l'exonération escomptée, le dommage ainsi occasionné ne se limitait pas à la perte de chance de pouvoir bénéficier de cet avantage fiscal, mais résidait dans le redressement pratiqué ;

Qu'en retenant ainsi que le préjudice à indemniser ne constituait pas une simple perte de chance, sans s'assurer, comme cela lui était demandé, que le montage initialement envisagé était effectivement réalisable et que dûment informé, M. Pierre X... aurait certainement opté pour cette solution alternative, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 3 décembre 2007, entre les parties, par la cour d'appel de Reims ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Reims, autrement composée ;

Condamne M. Pierre X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq mars deux mille neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils pour les sociétés Magellan et CCECA-GECOVI.

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR condamné la SARL CCECAGECOVI et la SELAFA MAGELLAN in solidum à payer à Monsieur Pierre X... la somme de 52.537 euros ;

AUX MOTIFS QUE, sur la demande dirigée contre la SELAFA MAGELLAN, le préjudice subi par Monsieur X... ne se limite pas à une perte de chance de pouvoir bénéficier d'une exonération fiscale ni au paiement de l'impôt, mais réside dans le redressement fiscal subi, conséquence directe de l'information insuffisante ; que Monsieur X... est donc fondé à obtenir la somme de 52.537 euros en réparation du dommage, avec intérêts au taux légal à compter du prononcé de l'arrêt ; que les demandes formées par Monsieur X... contre la SARL CCECA-GECOVI en vertu de l'article 1382 du Code civil peuvent prospérer contre cette société, ce qui implique également infirmation du jugement et condamnation in solidum de la SARL CCECA-GECOVI et de la SELAFA MAGELLAN à réparer le préjudice subi par l'appelant ;

1°)ALORS QUE le demandeur en réparation ne saurait être indemnisé d'un préjudice qui n'est que la conséquence d'un choix qu'il a délibérément effectué et que, même mieux informé, il aurait en toute hypothèse opéré ; qu'en condamnant in solidum la SARL CCECA GECOVI et la SELAFA MAGELLAN à indemniser Monsieur Pierre X... des conséquences du régime fiscal qui lui avait été appliqué au terme d'un redressement, parce que la cession de ses parts avait été conclue au profit d'une société, sans rechercher, comme elle y était invitée, si Monsieur X... et son fils n'avaient pas volontairement fait le choix de céder les actions à une société et non à Monsieur Laurent X... personnellement en raison des nombreux avantages attachés à une telle cession, qui permettait notamment à la société cessionnaire de déduire de ses résultats imposables les intérêts de l'emprunt contracté pour acquérir les actions, de sorte que, même mieux informés par l'avocat et l'expert comptable, les consorts X... auraient en tout état de cause opéré ce choix et le redressement fiscal serait en toute hypothèse survenu, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1147 et 1382 du Code civil ;

2°) ALORS en toute hypothèse QUE le demandeur en réparation ne peut être indemnisé que de la perte d'une chance, dès lors que l'obtention du gain espéré ou la faculté d'échapper à une perte dépendent d'évènements aléatoires et qu'il ne peut être établi avec certitude que, sans le manquement invoqué, le gain aurait été obtenu ou la perte évitée ; qu'en affirmant que le préjudice subi par Monsieur X... ne se limite pas à la perte d'une chance de pouvoir bénéficier d'une exonération fiscale, quand il n'était pas certain que, mieux informé, Monsieur Pierre X... aurait voulu et pu céder ses actions à son fils personnellement, le privant de ce fait des nombreux avantages, notamment fiscaux, qui étaient attachés à une cession au profit d'une société, de sorte que Monsieur Pierre X... ne pouvait éventuellement prétendre qu'à la réparation d'une simple perte de chance, la Cour d'appel a violé les articles 1147 et 1382 du Code civil ;

3°) ALORS en tout état de cause QUE le demandeur en réparation ne peut être indemnisé que de la perte d'une chance, dès lors que l'obtention du gain espéré ou la faculté d'échapper à une perte dépendent d'évènements aléatoires et qu'il ne peut être établi avec certitude que, sans le manquement invoqué, le gain aurait été obtenu ou la perte évitée ; qu'en affirmant que le préjudice subi par Monsieur X... ne se limite pas à la perte d'une chance de pouvoir bénéficier d'une exonération fiscale, quand il n'était pas certain que Monsieur Laurent X..., s'il avait acquis personnellement les actions, aurait conservé ces titres pendant au moins 5 ans, ce qui était une condition nécessaire pour que la plus-value réalisée soit exonérée d'impôt, de sorte que Monsieur Pierre X... ne pouvait éventuellement prétendre qu'à la réparation d'une simple perte de chance, la Cour d'appel a violé les articles 1147 et 1382 du Code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 08-11374
Date de la décision : 05/03/2009
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Analyses

AVOCAT - Responsabilité - Dommage - Réparation - Caractères du préjudice - Perte d'une chance - Caractérisation - Applications diverses

EXPERT-COMPTABLE ET COMPTABLE AGREE - Responsabilité - Dommage - Réparation - Caractères du préjudice - Perte d'une chance - Caractérisation - Applications diverses

Prive sa décision de base légale la cour d'appel qui, après avoir relevé que les parties avaient envisagé, dans un premier temps, une solution alternative qui aurait permis le jeu de l'exonération escomptée, retient qu'à défaut d'information sur les incidences fiscales de l'opération finalement conclue, laquelle ne donnait pas droit à cette exonération indûment pratiquée, l'avocat et l'expert-comptable ont occasionné un dommage correspondant, non à la perte de chance de pouvoir bénéficier de l'avantage fiscal, mais au redressement pratiqué, sans s'assurer que le montage initialement envisagé était effectivement réalisable et que les parties, dûment informées, auraient certainement opté pour cette solution alternative


Références :

articles 1147 et 1382 du code civil

Décision attaquée : Cour d'appel de Reims, 03 décembre 2007


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 05 mar. 2009, pourvoi n°08-11374, Bull. civ. 2009, I, n° 43
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2009, I, n° 43

Composition du Tribunal
Président : M. Bargue
Rapporteur ?: M. Jessel
Avocat(s) : SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Didier et Pinet

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2009:08.11374
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