La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

03/03/2009 | FRANCE | N°07-41904

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 03 mars 2009, 07-41904


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu l'article L. 122-6, devenu L.1234-1 du code du travail ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., salarié de la société Hervé, exerçant en dernier lieu les fonctions de directeur de travaux, a été licencié pour faute grave le 27 mai 2004 ; que le salarié a saisi la juridiction prud'homale aux fins d'obtenir la condamnation de son employeur au paiement de diverses sommes à titre d'indemnités de rupture, d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieus

e et de dommages-intérêts pour rupture abusive ;

Attendu que pour débouter le sa...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu l'article L. 122-6, devenu L.1234-1 du code du travail ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., salarié de la société Hervé, exerçant en dernier lieu les fonctions de directeur de travaux, a été licencié pour faute grave le 27 mai 2004 ; que le salarié a saisi la juridiction prud'homale aux fins d'obtenir la condamnation de son employeur au paiement de diverses sommes à titre d'indemnités de rupture, d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de dommages-intérêts pour rupture abusive ;

Attendu que pour débouter le salarié de ses demandes, la cour d'appel, qui a retenu que le salarié avait accepté de creuser une pente de 50 % correspondant au cahier des charges mais non conforme aux règles de l'art, en a déduit que celui-ci avait manqué aux règles de sécurité et que cette violation des obligations du contrat du travail rendait impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ;

Qu'en statuant ainsi, alors que si la réalisation de travaux en méconnaissance des règles de l'art pouvait caractériser, pour un directeur de travaux, un manquement à ses obligations professionnelles, ce manquement ne constituait pas en lui-même une faute grave, dès lors que l'intéressé s'était conformé aux prescriptions du cahier des charges, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a ce qu'il a débouté le salarié de ses demandes en paiement d'indemnités de préavis, de congés payés et de licenciement, l'arrêt rendu le 30 janvier 2007, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;

Condamne la société Hervé aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trois mars deux mille neuf.

MOYEN ANNEXE à l'arrêt n° 408 (SOC.) ;

Moyen produit par la SCP Masse-Dessen et Thouvenin, Avocat aux Conseils, pour M. X... ;

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Monsieur Gilbert X... de ses demandes en paiement d'une indemnité compensatrice de préavis, des congés payés y afférents, d'une indemnité de licenciement, d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de dommages-intérêts pour rupture abusive.

AUX MOTIFS QUE la faute grave, dont la charge de la preuve incombe à l'employeur, résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits fautifs imputables au salarié ; qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis ; que le contrôle du licenciement pour faute grave de Monsieur Gilbert X... porte sur les énonciations de la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige ; que les motifs énoncés dans la lettre de licenciement sont les suivants : « Sur le chantier de l'école maternelle de CHAMBOURCY, nous relevons un risque majeur d'effondrement de talus, récemment terrassé, compte tenu de son inclinaison de 48 degrés et de la nature du sol contenant du sable de FONTAINEBLEAU pouvant ensevelir le personnel qui travaille au pied de ce talus sans aucune protection. Il s'agit d'une défaillance majeure dans la mesure où vous n'avez pas vous-même vérifié la dangerosité du talus avant ou après les mesures prises à la demande de vos collaborateurs et que vous n'avez transmis aucune directive, ni exercé aucun contrôle relatif aux mesures urgentes à prendre pour faire face à cette situation dangereuse. Après une visite des lieux et une analyse des risques, vous auriez dû ordonner l'arrêt partiel du chantier dans la zone concernée par ce danger, avec intervention immédiate auprès de l'architecte maître d'oeuvre et du coordonnateur, dans l'attente de la mise en oeuvre de mesures correctives. Vous avez reconnu n'avoir pas fait de visite de chantier depuis trois semaines alors que vous connaissiez par vos collaborateurs le danger occasionné par la pente excessive du talus le rendant instable. Nous avons également relevé au cours de notre entretien, deux manquements graves aux règles de sécurité : - sur le chantier de CHAMBOURCY, des fiches d'accueil non signées par des intérimaires, - sur le chantier de MAULE sur SCI COLAS, l'absence de protection collective, à la trémie de l'escalier alors que notre entreprise est sous le coût d'une injonction de la CRAM qui a relevé une absence similaire provoquant cette injonction. Vous n'assurez pas le contrôle indispensable inhérent à votre fonction et à votre responsabilité pour assurer le respect des règles de sécurité impérative des personnes. Nous considérons que ces faits constituent une faute grave rendant impossible votre maintien dans l'entreprise pendant l'exécution du préavis » ; que début 2004, Monsieur X... se voyait attribuer le suivi d'un chantier concernant la construction d'une école maternelle à CHAMBOURCY ; qu'en vertu du cahier des clauses techniques particulières (CCTP) relatif aux terrassements généraux de ce chantier, accepté par l'entreprise HERVE en janvier 2004, les faces des talus devaient être dressées avec des pentes latérales de 1/1 soit à 45° ; que dans un premier temps, la FRANCILIENNE DE TRAVAUX PUBLICS a effectué la taille du talus à 60° ; que l'inclinaison étant insatisfaisante et non conforme au CCTP, la FRANCILIENNE a dû retailler le talus à 45° dès le 28 avril 2004 ; que l'article 66 du décret du 8 janvier 1965 modifié par décret du 6 mai 1995 visant l'hygiène et la sécurité dans les travaux du bâtiment, Travaux Publics et autres Travaux concernant les immeubles, énonce que les parois des fouilles en butte doivent être aménagées, eu égard à la nature et à l'état des terres, de façon à prévenir les éboulements ; que le cabinet ROC SOL a été mandaté par la société employeur quelques jours avant le licenciement, suite à une visite du chantier dont la sécurité était critiquée par le maître d'ouvrage, un rapport du 13 juillet 2005 rédigé à l'initiative et pour le compte de la société HERVE concernant le terrain situé à CHAMBOURCY conclut à la nécessité d'une pente à 30% et non à 50° en raison de la nature des sols ; que Monsieur X... ne conteste pas sa responsabilité ni sa compétence en matière de reclassement ; que toutefois, il a accepté de creuser une pente correspondant au cahier des charges soit 50% mais non conforme aux règles de l'art, sans remettre en cause le fait de savoir s'il pouvait exécuter les travaux ; que Monsieur X... se contente de discuter la nature apparente des sols et l'absence d'effondrement durant sa mission mais il n'apporte pas d'éléments de nature à contredire les conclusions du rapport du cabinet ROC SOL qui sont sérieuses ; que l'obligation de sécurité qui incombe à Monsieur X... a pour objet de prévenir un effondrement et non d'en constater la réalisation pour y remédier ; qu'il lui appartenait en tant que directeur des travaux de faire exécuter ce terrassement conformément aux règles de sécurité et de faire exécuter un talus à 30° à tout le moins de rapporter à sa direction l'inadaptation des préconisations du cahier des charges quant au degré de pente des talus ; que ce manquement aux règles de sécurité justifie donc à lui seul son licenciement pour faute grave ; qu'il convient donc de le débouter de sa demande relative à l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; qu'il y a donc lieu de confirmer le jugement de ce chef ; que le licenciement de Monsieur Gilbert X... étant fondé sur une faute grave le salarié doit être débouté de ses demandes d'indemnité de préavis, et d'indemnité de licenciement ; que Monsieur Gilbert X... n'apporte aucun élément de nature à démontrer l'existence de circonstances vexatoires lors de la rupture de son contrat de travail, il convient donc de le débouter de ses demandes de ce chef.

ET AUX MOTIFS adoptés QUE Monsieur Gilbert X... a été embauché par la société HERVE en qualité de directeur de travaux adjoint le 1er mars 1999 ; que Monsieur Gilbert X... a été promu par la société HERVE directeur de travaux le 1er novembre 2002 ; que pour faciliter l'adaptation et l'intégration de Monsieur Gilbert X... à ses nouvelles fonctions, une période de coaching et de formation lui a été assurée dans les domaines concernés, avec toute l'aide apportée par le salarié remplacé à ce poste ; que Monsieur Gilbert X... a reçu le 1er novembre 2002 une délégation de pouvoir du chef d'entreprise en matière d'hygiène et de sécurité, en sa qualité de directeur de travaux ; que Monsieur Gilbert X... a été informé des risques provoqués par le talus sur le chantier de l'école maternelle de CHAMBOURCY ; que Monsieur Gilbert X... n'a pas ordonné l'arrêt partiel du chantier à titre préventif des risques pour la sécurité des personnes ; que Monsieur Gilbert X..., suite à l'injonction de la direction, s'est enfin déplacé sur les lieux du chantier le 12 mai 2004 et a écrit au cabinet d'architecte maître d'oeuvre ; que Monsieur Gilbert X... n'a pas assuré sa mission et sa délégation de pouvoir du chef d'entreprise ; que les manquements aux règles de sécurité de Monsieur Gilbert X..., sur ce seul chantier de CHAMBOURCY, justifient à eux seuls son licenciement pour faute grave par la SA HERVE ; qu'il convient par conséquence de débouter Monsieur Gilbert X... de l'intégralité de ses demandes.

ALORS QU'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que la société HERVE, employeur de Monsieur Gilbert X..., lui avait confié le suivi d'un chantier concernant la construction d'une école maternelle à CHAMBOURCY, dont elle avait elle-même accepté le cahier des clauses techniques particulières, lesquelles prévoyaient notamment que les faces des talus devaient être dressées avec des pentes latérales de 1/1 soit à 45° ; qu'en retenant comme constitutif d'une cause réelle et sérieuse de licenciement le simple fait pour Monsieur Gilbert X... de s'être plié aux directives de son employeur et d'avoir respecté le cahier des clauses techniques particulières signé par lui, la Cour d'appel a violé les articles 1134 du Code civil et L.122-14-3 et suivants du Code du travail.

ET ALORS QUE Monsieur Gilbert X... produisait aux débats des attestations de l'ensemble des intervenants sur le chantier litigieux ainsi que des photos démontrant que la taille du talus à 45° était parfaitement normale compte tenu du contexte géologique et ne présentait aucun danger ; qu'en retenant que Monsieur X... « n'apporte pas d'éléments de nature à contredire les conclusions du rapport du cabinet ROC SOL », et en se fondant en conséquence sur cet unique élément produit par l'employeur pour dire que la pente réalisée n'était pas conforme aux règles de l'art, la Cour d'appel a dénaturé les conclusions d'appel de Monsieur Gilbert X... et les pièces versées par lui aux débats en violation de l'article 1134 du Code civil.

ALORS à tout le moins QU'il appartient aux juges du fond d'examiner tous les éléments de preuve soumis à leur appréciation par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en fondant sa décision sur le seul rapport produit par l'employeur, établi un an après le licenciement de Monsieur Gilbert X..., sans examiner ni même viser les documents versés aux débats par ce dernier et qui établissaient que la pente réalisée était conforme aux règles de l'art, n'avait appelé aucune objection des intervenants la Cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile.

ALORS de surcroît QUE Monsieur Gilbert X... précisait avoir donné délégation en matière de santé et de sécurité à Monsieur Y..., conducteur de travaux expérimenté et compétent ; qu'en affirmant que Monsieur Gilbert X... ne contestait pas sa responsabilité, la Cour d'appel a dénaturé les écritures d'appel en violation de l'article 1134 du Code civil.

ALORS encore QU'il incombe au juge de rechercher, au-delà des énonciations de la lettre de licenciement, la véritable cause du licenciement ; qu'en s'abstenant de rechercher si, comme le soutenait Monsieur Gilbert X... (conclusions d'appel, p. 12), la véritable cause de son licenciement ne résidait pas dans la volonté de son employeur de supprimer son poste pour motif économique, la Cour d'appel a méconnu l'étendue de ses pouvoirs, en violation de l'article L.122-14-3 du Code du travail.

ALORS en toute hypothèse QUE la faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis ; qu'en se bornant à relever qu'il appartenait à Monsieur Gilbert X... « en tant que directeur des travaux de faire exécuter ce terrassement conformément aux règles de sécurité et de faire exécuter un talus à 30° à tout le moins de rapporter à sa direction l'inadaptation des préconisations du cahier des charges quant au degré de pente des talus », sans aucunement caractériser la gravité de la faute du salarié, la Cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L.122-6 et L.122-9 du Code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 07-41904
Date de la décision : 03/03/2009
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 30 janvier 2007


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 03 mar. 2009, pourvoi n°07-41904


Composition du Tribunal
Président : M. Bailly (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Defrenois et Levis, SCP Masse-Dessen et Thouvenin

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2009:07.41904
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award