Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bourges, 20 décembre 2007) rendu sur renvoi après cassation (3° civ. 23 novembre 2005 pourvoi n° 04-70. 101) que la commune de Feytiat propriétaire de terrains loués par un bail de longue durée aux consorts X... ayant obtenu une déclaration d'utilité publique en vue de la création d'une ZAC incluant ces terrains a saisi le juge de l'expropriation du département de la Haute-Vienne en fixation de l'indemnité revenant aux consorts X... en raison de la résiliation anticipée du bail ;
Sur le premier moyen :
Vu l'article L. 13-15. 1 du code de l'expropriation ;
Attendu que l'arrêt fixe l'indemnité revenant aux consorts X... sans préciser la date à laquelle les biens donnés à bail ont été évalués ;
Qu'en statuant ainsi la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 20 décembre 2007, entre les parties, par la cour d'appel de Bourges (chambre des expropriations) ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Poitiers (chambre des expropriations) ;
Condamne les consorts X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne les consorts X... à payer à la commune de Feytiat la somme de 2 500 euros ; rejette la demande des consorts X... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé à l'audience publique du vingt-cinq février deux mille neuf par M. Cachelot conseiller le plus ancien faisant fonction de président, conformément à l'article 452 du code de procédure civile.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat aux Conseils pour la commune de Feytiat.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir fixé l'indemnité due par la Commune de FEYTIAT à Madame Brigitte Y... veuve X... et Madame Sandrine X... à la somme de 719. 109, 18 euros,
aux motifs 1°) sur la nature du contrat de bail, qu'il n'appartient pas à la juridiction de l'expropriation de statuer sur la nature du bail et la Commune de FEYTIAT sera renvoyée à mieux se pourvoir sur cette difficulté ; dans la présente procédure, le juge n'a pas à indemniser la perte d'une propriété, mais uniquement le préjudice résultant de la privation de jouissance d'un terrain, d'une maison et d'un bâtiment industriel pendant les 25 années et demi restant à courir sur le bail de 1978 ; cette appréciation doit conduire à écarter les termes de comparaison portant sur des expropriations de propriétaires ; de la même manière, la clause du bail prévoyant l'accession des biens construit au fonds du propriétaire en fin de bail sans indemnité n'interdit pas l'indemnisation de la perte de jouissance sur la maison et le bâtiment industriel,
et aux motifs 2°) sur la perte de jouissance du terrain, que pour fixer l'indemnisation revenant aux consorts X..., il convient d'analyser les termes de comparaison significatifs versés aux débats ; la cession de bail des CARRIERES DE CONDAT fait ressortir une estimation de 0, 40 euro le m2 par année restant à courir ; cet élément ne peut être retenu : en effet, ainsi que le soulignent les consorts X... sans être contredits, ils ont eux-mêmes cédé une partie de leur parcelle contiguë à la société BGC en 1982 au prix de 60, 10 francs le m2 ; or la transaction citée à titre de référence est intervenue en 2000 sur la base de 57 francs le m2 ; la valeur des terrains n'a pas pu diminuer en 18 ans ; ce terme de comparaison ne sera pas retenu en raison d'une certaine incohérence ; au cours de la procédure d'expropriation sur le même secteur, des accords amiables ont été conclus entre des expropriés et la Commune de FEYTIAT ; avec beaucoup de difficultés, les consorts X... ont pu obtenir les montants de ces transactions alors que la Commune se montrait extrêmement réticente pour communiquer ces pièces, communications essentielles pour établir un débat loyal et transparent ; le rapport Z..., établi en 2003, faisait état de ces transactions et les communications de pièces intervenues en début 2007 viennent accréditer les appréciations de cet expert ; dans le dossier A..., la Commune a accepté de transiger sur la base de 5, 84 francs, soit 0, 89 euro le m2, alors qu'il restait 19 ans à courir ; dans le dossier B..., le prix au mètre est de 7, 39 francs, soit 1, 13 euro, alors qu'il reste 43 ans à courir ; dans le dossier QUICK INVEST, le prix retenu, après une succession de ventes, s'élève à 6, 66 francs le m2, 1, 02 euro, alors qu'il restait 88 ans à courir ; on peut encore constater qu'au cours de ces différentes ventes QUICK INVEST, une transaction est intervenue sur la base de 2, 47 francs, 0, 38 euro, entre la SCI ALCHIE et la SARL LES PORTES DE FEYTIAT ; au total, et en éliminant d'une part le terme de comparaison des CARRIERES DE CONDAT et celui trop favorable du dossier B..., on parvient à une moyenne de 4, 99 le m2, 0, 76 euro, par année restant à courir ; la Cour retiendra cette valeur ; les superficies expropriées retenues par le Premier juge n'étant pas contestées, il y a donc lieu d'effectuer le calcul suivant : terrain non encombré : 24. 749 m2 X 0, 76 euro X 25, 5 ans = 479. 635, 62 euros ; terrain encombré : 6. 500 m2 X 0, 76 euro X 25, 5 X 0, 60 = 75. 582 euros ; total terrain : 555. 217, 62 euros,
alors, d'une part, que les biens expropriés doivent être estimés à la date de la décision de première instance ; qu'il en va de même du préjudice résultant de la privation de jouissance desdits biens subi par le preneur à bail ; qu'en s'abstenant de toute précision à cet égard, cependant qu'elle infirmait le jugement entrepris en ce qui concerne l'indemnisation de la perte de jouissance du terrain, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L 13-15 I du code de l'expropriation,
alors, d'autre part, que la Commune de FEYTAT avait pris soin de souligner, afin de mettre en évidence que l'objection émise de ce chef manquait totalement de pertinence, que si les consorts X... faisaient valoir que « la cession intervenue le 5 janvier 1982 par les consorts X... à la société BETON GRANULATS DU CENTRE d'une parcelle de 4. 160 m2, qui leur avait été donnée à bail, l'aurait été moyennant le prix de 38. 112 francs, soit sur la base de 60, 10 francs le m2 », ils « omett (aient) d'indiquer qu'il restait à courir 46 années », cependant qu'il ne restait que 22 années à courir lors de la cession du bail des CARRIERES DE CONDAT ; qu'en relevant que l'élément de comparaison tiré de la cession de bail des CARRIERES DE CONDAT, qui faisait ressortir une estimation de 0, 40 euro le m2 par année restant à courir, ne pouvait pas être retenu, « en raison d'une certaine incohérence », dans la mesure où « ainsi que le soulignent les consorts X... sans être contredits, ils ont eux-mêmes cédé une partie de leur parcelle contiguë à la société BGC en 1982 au prix de 60, 10 francs le m2 ; or la transaction citée à titre de référence est intervenue en 2000 sur la base de 57 francs le m2 ; (et) la valeur des terrains n'a pas pu diminuer en 18 ans », sans répondre aux conclusions l'invitant à tenir compte de la durée, sensiblement différente-22 ans dans un cas, 46 ans dans l'autre-des baux restant à courir lors des cessions, la Cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du nouveau code de procédure civile,
et alors, enfin, qu'en déduisant des deux termes de comparaison finalement retenus, à savoir « le dossier A..., (dans lequel) la Commune a accepté de transiger sur la base de 5, 84 francs, soit 0, 89 euro le m2, alors qu'il restait 19 ans à courir » et « le dossier QUICK INVEST, (dans lequel) le prix retenu, après une succession de ventes, s'élève à 6, 66 francs le m2, 1, 02 euro, alors qu'il restait 88 ans à courir », une « moyenne de 4, 99 francs le m2, 0, 76 euro, par année restant à courir » la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L 13-13 et L 13-16 du code de l'expropriation.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir renvoyé la Commune de FEYTIAT à mieux se pourvoir quant à sa demande sur la nature du bail, mais, réformant partiellement le jugement entrepris, fixé l'indemnité due par la Commune de FEYTIAT à Madame Brigitte Y... veuve X... et Madame Sandrine X... à la somme de 719. 109, 18 euros,
aux motifs 1°) sur la nature du contrat de bail, qu'il n'appartient pas à la juridiction de l'expropriation de statuer sur la nature du bail et la Commune de FEYTIAT sera renvoyée à mieux se pourvoir sur cette difficulté ; dans la présente procédure, le juge n'a pas à indemniser la perte d'une propriété, mais uniquement le préjudice résultant de la privation de jouissance d'un terrain, d'une maison et d'un bâtiment industriel pendant les 25 années et demi restant à courir sur le bail de 1978 ; cette appréciation doit conduire à écarter les termes de comparaison portant sur des expropriations de propriétaires ; de la même manière, la clause du bail prévoyant l'accession des biens construit au fonds du propriétaire en fin de bail sans indemnité n'interdit pas l'indemnisation de la perte de jouissance sur la maison et le bâtiment industriel,
aux motifs 2°) sur la perte de jouissance de la maison d'habitation, que l'article 12 du bail stipule qu'en fin de bail les constructions élevées par le preneur deviendront la propriété de la bailleresse sans aucune indemnité ou compensation ; cependant, ainsi que le rappelle le Premier juge, il existe un préjudice distinct, correspondant, comme pour le terrain, à la perte de jouissance des constructions pour la durée du bail restant à courir ; le Premier juge, au vu des éléments de comparaison versés par le Commissaire du gouvernement et de l'expertise C..., a à juste titre fixé une valeur de 5. 000 francs le m2 ; cette estimation sera retenue ; c'est encore à juste titre qu'il a procédé à un abattement au vu de la situation défavorable de cet immeuble sur un terrain industriel ; les appréciations contenues dans la décision déférée sur la valeur de la maison, de la dépendance, de l'abattement et du terrain occupé par cette maison seront donc retenues, soit 31. 985, 94 euros,
et aux motifs 3°) sur la perte de jouissance du bâtiment industriel, que la même réflexion s'impose sur l'application de l'article 12 du contrat ; par adoption des termes de comparaison cités par le Premier juge, la valeur de ce bâtiment sera fixée à 950 francs le m2 ; après déduction de la surface nécessaire à ce bâtiment, l'indemnité prorata temporis sera fixée à 414. 885 francs, soit 62. 248, 81 euros
alors d'une part, que lorsqu'il existe une contestation sérieuse sur le fond du droit ou sur la qualité des réclamants, et toutes les fois qu'il s'élève des difficultés étrangères à la fixation des indemnités, le juge doit régler l'indemnité indépendamment de ces contestations et difficultés sur lesquelles les parties sont renvoyées à se pourvoir devant qui de droit ; qu'en estimant que « la clause du bail prévoyant l'accession des biens construit au fonds du propriétaire en fin de bail sans indemnité n'interdit pas l'indemnisation de la perte de jouissance sur la maison et le bâtiment industriel », la Cour d'appel, qui a ainsi tranché une contestation sérieuse sur le fond du droit, a violé l'article L 13-8 du code de l'expropriation,
alors, d'autre part, que l'article 12 du contrat de bail est rédigé dans les termes suivants : « 12°) En fin de bail, même si celui-ci est résilié par anticipation et quelle que soit la cause de cette résiliation, toutes les constructions élevées par le preneur deviendront la propriété de la bailleresse, sans que celle-ci soit tenue de payer aucune espèce d'indemnité ni de compensation » ; qu'en relevant, à l'appui de sa décision, que « l'article 12 du bail stipule qu'en fin de bail les constructions élevées par le preneur deviendront la propriété de la bailleresse sans aucune indemnité ou compensation », faisant ainsi abstraction de la précision selon laquelle aucune indemnité ou compensation ne serait due en fin de bail « même si celui-ci est résilié par anticipation et quelle que soit la cause de cette résiliation », la Cour d'appel a dénaturé la clause précitée, violant ainsi l'article 1134 du code civil,
alors, encore, que le contrat de bail comporte la clause suivante : « 12°) En fin de bail, même si celui-ci est résilié par anticipation et quelle que soit la cause de cette résiliation, toutes les constructions élevées par le preneur deviendront la propriété de la bailleresse, sans que celle-ci soit tenue de payer aucune espèce d'indemnité ni de compensation » ; qu'il résulte de cette clause claire et précise qu'en cas de résiliation anticipée du bail, quelle qu'en soit la cause, le preneur ne peut prétendre à aucune indemnité ou compensation du chef des constructions qu'il a élevées ; qu'en allouant, cependant, aux locataires une indemnité compensant la perte de jouissance de ces constructions pour la durée du bail restant à courir, motifs pris de ce qu'« il existe un préjudice distinct, correspondant, comme pour le terrain, à la perte de jouissance des constructions pour la durée du bail restant à courir », la Cour d'appel l'a à nouveau dénaturée, violant ainsi derechef l'article 1134 du code civil,
et alors, enfin, que la juridiction fixe le montant des indemnités d'après la consistance des biens à la date de l'ordonnance portant transfert de propriété ; toutefois, les améliorations de toute nature, telles que constructions, plantations, installations diverses, acquisitions de marchandises, qui auraient été faites à l'immeuble, à l'industrie ou au fonds de commerce, même antérieurement à l'ordonnance d'expropriation, ne donnent lieu à aucune indemnité si, en raison de l'époque à laquelle ces améliorations ont eu lieu, ou de toutes autres circonstances, il apparaît qu'elles ont été faites dans le but d'obtenir une indemnité plus élevée ; sont présumées faites dans ce but, sauf preuve contraire, les améliorations postérieures à l'ouverture de l'enquête prévue à l'article L 11-1 ; qu'en ne recherchant pas, ainsi qu'elle y était invitée, si le bâtiment industriel, qui avait été édifié en 1999, ainsi que l'indiquaient eux-mêmes les consorts X..., n'avait pas été construit, postérieurement à la délibération du Conseil municipal en date du 29 mai 1999 ayant décidé l'ouverture d'une enquête préalable à la déclaration d'utilité publique, dans le but d'obtenir une indemnité plus élevée, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L 13-14 du code de l'expropriation.