LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte à M. X... du désistement de son pourvoi à l'égard de M. Y... ;
Attendu que les époux Z... et les époux Y... se sont portés cautions solidaires, les premiers à concurrence de un million de francs et les seconds à concurrence de deux millions de francs, du prêt de trois millions de francs consenti par la Banque monétaire et financière (BMF) à la société Odyn ; que celle-ci ayant fait l'objet d'une procédure de redressement judiciaire, le tribunal de commerce a arrêté un plan de cession du fonds de commerce au profit de MM. A... et B..., comportant la reprise par ceux-ci des crédits en cours et leur cautionnement solidaire, chacun à hauteur de un million de francs, ainsi que le maintien de l'engagement de M. Y... pour ce même montant, au profit de la BMF qui avait donné son accord de principe à l'offre de rachat sous ces conditions ; que le plan de cession ayant été résolu et la société Odyn ayant été placée en liquidation judiciaire, la BMF a poursuivi les époux Y... et Z... sur le fondement de leurs cautionnements et a obtenu la saisie de leurs rémunérations ; que les époux Y... et les époux Z... ont alors assigné en paiement, respectivement de la somme de 304 898,03 euros et de la somme de 152 449,02 euros, outre les repreneurs et le commissaire à l'exécution du plan, M. X..., avocat, rédacteur de l'acte de cession, qui avait omis d'aviser le commissaire à l'exécution du plan de la signature de cet acte et d'y mentionner l'engagement de caution de MM. A... et B... ; que ces derniers ayant été condamnés in solidum à payer la somme de 152 449,02 euros aux époux Z... et la même somme aux époux Y..., l'arrêt attaqué a, dans les limites de l'appel interjeté par les demandeurs, notamment, condamné M. X... à payer aux époux Z... la somme de 152 449 euros et à Mme Y... la même somme, M. Y... étant débouté de sa demande ;
Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :
Attendu que ce moyen ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Mais, sur le second moyen :
Vu l'article 1147 du code civil ;
Attendu qu'en statuant comme elle l'a fait, après avoir retenu que la faute commise par M. X... avait fait perdre aux époux Z... et à Mme Y... la chance de ne pas être inquiétés en tant que cautions et évalué cette perte de chance à 50 % du montant de leurs obligations, la cour d'appel, qui n'en a pas mesuré la réparation à la chance perdue, a violé le texte susvisé ;
Et attendu qu'en vertu de l'article 627, alinéa 2, du code de procédure civile, la Cour de cassation est en mesure, en cassant sans renvoi, de mettre fin au litige par application de la règle de droit appropriée ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné M. X... à payer aux époux Z... la somme de 152 449 euros et à Mme Y... la même somme, l'arrêt rendu le 11 septembre 2007, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ;
Vu l'article 627, alinéa 2, du code de procédure civile ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Dit que M. X... sera, à l'égard des époux Z... et de Mme Y..., tenu in solidum avec MM. A... et B... à concurrence de 50 % des sommes mises à la charge de ces derniers ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit février deux mille neuf.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par Me Odent, avocat aux Conseils pour M. X....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué, infirmatif de ce chef, d'avoir condamné Me X... à payer, à titre de dommages et intérêts, la somme de 152.449 aux époux Z... et la même somme à Mme Y...
AUX MOTIFS QUE la décision déférée sera infirmée en ce qui concerne le rédacteur d'un acte de cession, qui réclamait la présence du surveillant désigné judiciairement des opérations de cession dont ledit acte était l'élément essentiel, mais qui ne l'a pas assurée en ne prévenant même pas Me D..., qui de surcroît réclamait un respect scrupuleux des obligations et conditions retenues par le tribunal de commerce pour arrêter le plan de cession mais qui s'est éloigné, dans sa rédaction, de ces contraintes pour ne se comporter que comme le conseil de l'une des parties au détriment de l'autre, et faire signer à cette dernière un acte la privant des aspects essentiels de la reprise arrêtée, qui enfin n'a assuré à l'acte rédigé aucune publicité légale ni aucune efficacité équitable en négligeant d'inclure dans l'acte des garanties aussi essentielles que le rapprochement avec la BMF sur son éventuel accord pour le changement de caution arrêté par le tribunal (hors M. Y... personnellement) mais non formalisé à l'acte, que le nantissement du fonds cédé, ou même que le paiement du prix de cession. Toutes ces fautes sont à l'origine directe du préjudice des appelants caractérisé par ce qui est apparu à leurs yeux comme la réactivation de leurs engagements de caution alors qu'à l'exception de M. Y... (qui ne démontre pas être illettré), ils pouvaient penser en être déchargés dans les conditions simplement énoncées par le tribunal de commerce, et qui a été en fait comme en droit la simple mise en oeuvre au profit de la BMF d'une garantie qui n'a jamais disparu, et qui trouve sa concrétisation dans le fait que le nantissement non prévu n'a donc pu permettre l'appréhension d'un fonds dévalorisé à partir du moment où le prix de cession a cessé d'être payé par la société PICCOLO ; il s'en déduit qu'il s'agit pour les cautions, dont doit être exclu M. Y... pour la raison susvisée, une perte de chance de ne pas être inquiétées, que la cour évalue à 50% du montant de leur obligation persistante ;
En conséquence, Me X... devra supporter sa part de responsabilité en payant aux époux Z... une somme de 152.449 et à Mme Y... une somme de 152.449 à titre de dommages et intérêts avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent arrêt, s'agissant d'une indemnité délictuelle
ALORS d'une part QU'est seul sujet à réparation le préjudice certain, né et actuel en lien de causalité avec la faute ; qu'en l'espèce, les sommes que les époux Z... et les époux Y... avaient été condamnés à payer, et dont ils demandaient le remboursement, résultaient de leurs cautionnements que ni le plan de cession arrêté, ni la cession elle-même n'avaient pu faire disparaître en l'absence d'un accord de la banque dont la cour d'appel a constaté qu'il était « éventuel » ; que dès lors et à supposer même que Me X... ait commis des négligences dans la rédaction de l'acte, la cour d'appel ne pouvait affirmer que le préjudice des cautions, « caractérisé par ce qui est apparu à leurs yeux comme la réactivation de leurs engagements de caution » dont « ils pouvaient penser être déchargés », et qui n'était que « la mise en oeuvre au profit de la BMF d'une garantie qui n'a jamais disparu », était imputable au rédacteur de l'acte qui ne pouvait en aucun cas faire disparaître cette garantie ; que dès lors, en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil ;
ALORS d'autre part QUE seul l'accord du prêteur à la substitution de MM. A... et B... dans l'engagement de caution consenti par les époux Z... et les époux Y... pouvait faire disparaître les obligations de ces derniers à l'égard de la BMF ; qu'au regard du préjudice allégué, qui consistait en la mise en oeuvre d'une garantie qui n'avait pas disparu, la cour d'appel était tenue de rechercher, comme elle y était invitée, si le créancier avait consenti à une substitution de cautions ; qu'en s'abstenant de procéder à cette recherche déterminante pour l'issue du litige, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué, infirmatif de ce chef, d'avoir condamné Me X... à payer, à titre de dommages et intérêts, la somme de 152.449 aux époux Z... et la même somme à Mme Y...
AUX MOTIFS QUE, par jugement prononcé le 13 juillet 2004, le tribunal de grande instance de TARASCON a condamné in solidum MM. A... et B... à payer à chacun des couples demandeurs une somme de 152.449, 02 à titre de dommages et intérêts ;
QUE la décision déférée sera infirmée en ce qui concerne le rédacteur d'un acte de cession qui réclamait la présence du surveillant désigné judiciairement des opérations de cession dont ledit acte était l'élément essentiel, mais qui ne l'a pas assurée en ne prévenant même pas Me D..., qui de surcroît réclamait un respect scrupuleux des obligations et conditions retenues par le tribunal de commerce pour arrêter le plan de cession mais qui s'est éloigné, dans sa rédaction, de ces contraintes, pour ne se comporter que comme le conseil de l'une des parties au détriment de l'autre, et faire signer à cette dernière un acte la privant des aspects essentiels de la reprise arrêtée, qui enfin n'a assuré à l'acte rédigé aucune publicité légale ni aucune efficacité équitable en négligeant d'inclure dans l'acte des garanties aussi essentielles que le rapprochement avec la BMF sur son éventuel accord pour le changement de caution arrêté par le tribunal (hors M. Y... personnellement) mais non formalisé à l'acte, que le nantissement du fonds cédé, ou même que le paiement du prix de cession. Toutes ces fautes sont à l'origine directe du préjudice des appelants caractérisé par ce qui est apparu à leurs yeux comme la réactivation de leurs engagements de caution alors qu'à l'exception de M. Y... (qui ne démontre pas être illettré), ils pouvaient penser en être déchargés dans les conditions simplement énoncées par le tribunal de commerce, et qui a été, en fait comme en droit, la simple mise en ..uvre au profit de la BMF d'une garantie qui n'a jamais disparu et qui trouve sa concrétisation dans le fait que le nantissement non prévu n'a donc pu permettre l'appréhension d'un fonds dévalorisé à partir du moment où le prix de cession a cessé d'être payé par la société PICCOLO ; il s'en déduit qu'il s'agit pour les cautions, dont doit être exclu M. Y... pour la raison susvisée, une perte de chance de ne pas être inquiétées que la Cour évalue à 50 % du montant de leur obligation persistante ;
Qu'en conséquence, Maître X... devra supporter sa part de responsabilité en payant aux époux Z... une somme de 152.449 et à Mme Y... une somme de 152.449 à titre de dommages et intérêts avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent arrêt, s'agissant d'une indemnité délictuelle.
ALORS d'une part QUE le préjudice résultant d'un dommage doit être réparé dans son intégralité, sans perte ni profit pour aucune des parties ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que le préjudice subi par les époux Z... et dont ils demandaient réparation était de 152.449,02 , et de 304.898,02 pour les époux Y..., soit 152.449,02 pour chacun des époux et que la condamnation in solidum de MM. A... et B... à payer à chacun des époux la somme de 152.449,02 prononcée par le jugement du 13 juillet 2004 était devenue définitive ; qu'elle a néanmoins condamné l'exposant à «supporter sa part de responsabilité » en ordonnant le versement à ce titre de la somme intégrale de 152.449 aux époux Y... et le même montant à Mme Y... ; que dès lors la cour d'appel a violé le principe de la réparation intégrale du préjudice et violé l'article 1382 du code civil ;
ALORS d'autre part QUE. le préjudice résultant de la perte d'une chance doit être mesuré à la chance perdue et ne peut être égal à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que le préjudice subi par les époux Z... était de 152.449,02 , et de 304.898,02 pour les époux Y..., soit 152.449,02 pour chacun des époux ; que dès lors la cour d'appel, qui affirme que le préjudice subi par les époux Z... et par Madame Y... consistait en la perte de chance de ne pas être inquiétés qu'elle évalue à 50 %, et qui condamne néanmoins l'exposant à supporter la totalité du montant du préjudice subi, a violé le principe de la réparation intégrale du préjudice et l'article 1382 du code civil.