LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche :
Vu l'article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble les articles R 516-3 devenu R 1452-8 du code du travail, 2, 10, 12 et 25 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X..., employée depuis le 12 juillet 1995 en qualité de comptable par la société Moteurs ventilateurs industrie, a attrait son employeur devant la juridiction prud'homale pour obtenir la réévaluation de son salaire et le paiement de diverses indemnités ; que, par décision du 27 janvier 2003, la cour d'appel a ordonné la radiation de l'affaire et a dit qu'elle ne pourra être rétablie qu'au vu d'un exposé écrit des demandes de la salariée et de ses moyens, ces diligences étant prescrites à peine de péremption de l'instance ; que la salariée a alors demandé le bénéfice de l'aide juridictionnelle qui a été rejetée par décision du bureau d'aide juridictionnelle du 11 février 2005 ; qu'elle a sollicité, le 17 juin 2005, la réinscription du dossier au rôle des affaires en cours ;
Attendu que pour décider que la péremption de l'instance était acquise, l'arrêt retient que Mme X... s'est bornée à faire une demande d'aide juridictionnelle qui ne constitue pas une diligence au sens de l'article 386 du code de procédure civile et que le délai de deux ans s'est écoulé, le 27 janvier 2005, sans observation des diligences mises expressément à sa charge par l'ordonnance du 27 janvier 2003 ;
Attendu cependant, que lorsque, dans une procédure prud'homale soumise à la règle de l'unicité de l'instance, une partie demande, dans le délai de deux ans prévu par l'article 386 du code de procédure civile, l'aide juridictionnelle pour accomplir la diligence mise à sa charge par la juridiction, le délai de péremption ne court plus tant qu'il n'a pas été définitivement statué sur cette demande ;
Qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre branche du moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 3 octobre 2006, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne la société Moteurs ventilateurs industrie aux dépens ;
Vu l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, condamne la société Moteurs ventilateurs industrie à payer à la SCP Laugier et Caston la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit janvier deux mille neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Laugier et Caston, avocat aux Conseils pour Mme X....
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit la péremption acquise depuis le 27 janvier 2005 et d'avoir constaté l'extinction de l'instance ;
AUX MOTIFS QUE la société MVI entend voir constater l'extinction de l'instance par l'effet de la péremption irrévocablement acquise selon elle depuis le 27 janvier 2005 ; qu'aux termes de l'article 386 du nouveau Code de procédure civile : « l'instance est périmée lorsque aucune des parties n'accomplit de diligences pendant deux ans » ; que l'article R. 516-3 du Code du travail dispose qu' « en matière pud'homale, l'instance n'est périmée que lorsque les parties s'abstiennent d'accomplir, pendant le délai de deux ans mentionné à l'article 386 du nouveau Code de procédure civile, les diligences qui ont été mises expressément à leur charge par la juridiction » ; que Madame X... s'est bornée à faire une demande d'aide juridictionnelle dans le délai de deux ans à compter de l'ordonnance du 27 janvier 2003 ; que, cependant, une demande d'aide juridictionnelle ne constitue pas une diligence au sens de l'article 386 du nouveau Code de procédure civile ; que, par l'écoulement d'un délai de deux ans, à la suite de l'ordonnance de radiation du 27 janvier 2003 par laquelle la juridiction avait mis expressément des diligences à la charge de l'appelant ou de la partie la plus diligente, lesquelles n'ont pas été observées, il convient de constater que la péremption est acquise et que l'instance se trouve éteinte depuis le 27 janvier 2005 ;
1°) ALORS QUE le fonctionnement des bureaux d'aide juridictionnelle n'est pas indépendant des règles de procédure et de celles qui gouvernent l'instance ; que, par suite, le dépôt d'une demande d'aide juridictionnelle a pour effet d'interrompre nécessairement le cours du délai de péremption de deux ans ; que, par suite, l'arrêt attaqué, en retenant qu'une demande d'aide juridictionnelle ne constitue pas une diligence au sens de l'article 386 du nouveau Code de procédure civile et en déclarant que l'instance était périmée, quand elle constatait qu'à la date d'expiration du délai de deux ans écoulé depuis l'ordonnance du 27 janvier 2003, qui avait ordonné la radiation du rôle de l'affaire, il n'avait pas encore été statué par le bureau d'aide juridictionnelle sur la demande de Madame X... tendant à bénéficier de l'aide juridictionnelle pendant l'instance d'appel, la Cour d'appel a violé l'article 386 du nouveau Code de procédure civile, ensemble les articles 2,10 et 12 de la loi du 10 juillet 1991 ;
2°) ALORS QUE la Cour d'appel ne pouvait faire droit au moyen de l'intimée tendant à voir consacrer l'absence de diligences pendant le délai de deux ans de la péremption de deux ans de l'instance d'appel, dès lors qu'un tel délai n'est pas opposable au demandeur à l'aide juridictionnelle, compte tenu de l'obligation faite aux juges, dans le cadre des procédures sans représentation obligatoire, de ne pas statuer quand ils constatent le dépôt d'une demande d'aide juridictionnelle ; que par suite, la Cour d'appel, qui a constaté que l'appelante avait effectivement saisi à nouveau le greffe social de la Cour d'appel par une lettre du 23 juin 2005, faisant suite à la décision de rejet du bureau d'aide juridictionnelle du 11 février 2005, n'a pas déduit de ses constatations les conséquences nécessaires qui en résultaient, en déclarant acquise la péremption au 27 janvier 2005 ; que, par suite, l'arrêt attaqué a violé les articles 2, 10, 12 de la loi du 10 juillet 1991, ensemble l'article 6-1 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales.