La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

27/01/2009 | FRANCE | N°07-44538

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 27 janvier 2009, 07-44538


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., qui avait été engagé en 1978 en qualité de surveillant d'internat par l'Institut Bouteilly, racheté par la SARL Institution Moreau, a été licencié pour faute lourde le 9 janvier 2003 pour avoir, malgré plusieurs observations de son employeur, eu un comportement déplacé envers des mineurs placés sous son autorité ;

Sur le moyen unique, pris en ses deux premières branches :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ces branches qui ne seraient

pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

Mais sur la troisième branche...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., qui avait été engagé en 1978 en qualité de surveillant d'internat par l'Institut Bouteilly, racheté par la SARL Institution Moreau, a été licencié pour faute lourde le 9 janvier 2003 pour avoir, malgré plusieurs observations de son employeur, eu un comportement déplacé envers des mineurs placés sous son autorité ;

Sur le moyen unique, pris en ses deux premières branches :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ces branches qui ne seraient pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

Mais sur la troisième branche du moyen :

Vu l'article 455 du code de procédure civile ;

Attendu que l'arrêt, après avoir écarté l'existence d'une faute lourde pour ne retenir qu'une faute grave, a débouté sans motifs le salarié de sa demande d'indemnité compensatrice de congés payés ;

Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande d'indemnité compensatrice de congés payés, l'arrêt rendu le 9 février 2007, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne le Collège privé Moreau aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande du Collège privé Moreau ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept janvier deux mille neuf.

MOYEN ANNEXE à l'arrêt n° 145 (SOC.) ;

Moyen produit par la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, Avocat aux Conseils, pour M. X... ;

Le moyen fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que le licenciement de Monsieur Michel X... était intervenu sur une cause réelle et sérieuse, et de l'avoir débouté de ses demandes de dommage-intérêts et des indemnités de rupture, ainsi que de sa demande de rappel de salaire pour la période de mise à pied outre les congés payés afférents ;

AUX MOTIFS QUE, la S.A.R.L. INSTITUTION MOREAU verse aux débats différentes notes ou lettres d'un autre surveillant général de l'établissement, d'élèves ou de parents d'élèves qui ont écrit courant 2002 pour relever des propos déplacés de Michel X... envers certains élèves; que Monsieur Michel X... aurait traité des élèves de «guenon», «taspe» (pétasse en verlan), «petite tapette»; qu'il aurait demandé à une élève «tu fais quoi pour 15 euros?» notamment; que les réponses écrites de Monsieur Michel X... aux demandes d'explications faites par le directeur de l'établissement sur ces diverses plaintes sont rédigées sur un mode véhément et excessif qui révèle une absence de maîtrise de soi, quelle que soit l'éventuelle émotion ressentie en cas d'accusations injustifiées; qu'il répond par exemple à son directeur «j'ajoute que le fait de savoir que des élèves sont fragilisés par des aveux obtenus de façon forcément déstabilisante et sont potentiellement capables d'une tentative de suicide ou d'une fugue et ne pas même avertir le (s) accompagnateurs (s) d'avoir à l'oeil ces enfants-Ià n'est pas qu'irresponsable, c'est criminel et aussi illégal que le harcèlement moral»; qu'il écrit directement à un parent qui se plaignait de ce que son fils lui avait rapporté des propos racistes de Monsieur Michel X... «je suis le fils d'un homme mort prématurément des suites de tortures infligées par la gestapo pour avoir caché des familles juives durant une période sombre de notre histoire, mort comme d'autres pour que vous puissiez aujourd'hui traiter, en toute impunité, son fils de raciste sans même l'avoir rencontré, parce que le vôtre aura interprété négativement un trait d'humour peut-être par trop second degré»; que vers la mi-décembre 2002 le jeune Vincent Y..., âgé de quinze ans et qui logeait dans le dortoir surveillé par Monsieur Michel X... a fait part à des camarades puis au Directeur de l'établissement Monsieur Z... et à ses parents de faits d'attouchements sexuels qu'il aurait subis pendant la nuit, à deux reprises, de la part de Michel X... qui lui aurait caressé le sexe et l'aurait masturbé pendant qu'il le croyait endormi; que lors de son interrogatoire par les services de police lors de l'enquête qui a suivi, Michel X... a nié ces faits mais a reconnu qu'il entretenait depuis plusieurs années une correspondance avec les élèves et notamment avec les élèves qu'il pensait en réelle difficulté; qu'il avait échangé des petits mots avec un groupe de jeunes filles, que son directeur, monsieur Z... lui avait bien demandé de cesser ces correspondances après avoir pris connaissance de deux affaires, l'une concernant Laura A... et l'autre une jeune fille prénommée STACY; que les parents de la première avaient en effet signalé à monsieur Z... en septembre 2002 que leur fille avait reçu de Michel X... un courrier qui l'avait beaucoup choquée, que ce courrier remis par la suite à la S.A.R.L. INSTITUTION MOREAU mentionnait «bonjour Laura, je suis intrigué par la signification de ton regard... A l'évidence tu n'es pas une gamine comme les autres ... si tu as, comme je le penses, l'envie d'exprimer quelque chose, dont tu ne veux pas que cela soit connu de tous, je te propose de me l'écrire. Je m'engage à garder le secret le plus absolu... la présente lettre, tu me la redonneras discrètement dès que tu auras répondu», et les parents désiraient qu'un avertissement soit donné au surveillant; que s'agissant de la seconde, celle-ci avait signalé à sa surveillante le fait que Monsieur Michel X... lui aurait «touché les fesses», lors d'une classe d'études, peut-être par inadvertance mais dans des circonstances qui l'avaient troublée, et cela alors qu'il lui avait précédemment offert diverses friandises, des échantillons de parfum, et s'était proposé d'être son protecteur; que, lors de l'entretien préalable au licenciement, selon le compte rendu signé des représentants du personnel présents, Michel X... s'est emporté violemment et a proféré des menaces à l'encontre de monsieur Z...; que, si tous les faits dont se sont plaints les élèves à l'encontre de Michel X..., et notamment les faits les plus graves d'attouchements sexuels ne sont pas prouvés, il est certain que Monsieur Michel X... avait poursuivi malgré l'interdiction de son supérieur une correspondance avec des élèves, que son attitude telle qu'elle est reflétée par cette correspondance demeurait à leur égard ambiguë, qu'il entretenait une confusion entre le rôle d'adulte éducateur dont il devait garantir l'image et celui d'ami et complice que ni son âge ni son statut ne l'autorisaient à envisager sans risque d'entraîner pour certains jeunes un sentiment équivoque susceptible de devenir malsain; que l'ensemble des faits de nature trouble portés à la connaissance de la S.A.R.L. INSTITUTION MOREAU, la réitération de ces faits en violation de l'interdiction de l'employeur et les réponses inadaptées, agressives de Michel X... aux demandes d'explications conduisaient à une inévitable perte de confiance de l'employeur en ses capacités à assumer ses tâches au sein d'un établissement d'éducation, que la rupture du contrat de travail se trouvait justifiée.

ALORS, D'UNE PART, QUE la S.A.R.L. INSTITUTION MOREAU ne pouvait invoquer un motif autre que celui qu'il avait notifié au salarié dans la lettre de licenciement du 9 janvier 2003 qui fixait les termes du litige, et par laquelle il était reproché à Monsieur X... d'avoir commis une faute lourde en adoptant une attitude générale «déplacée» envers certains enfants et à l'égard de la direction et de ses collègues de travail; que la lettre de rupture visait la plainte déposée par Vincent Y... pour attouchements sexuels, ainsi que des courriers échangés avec certains élèves et «traduisant des préoccupations amoureuses ou érotiques»; qu'en retenant à l'appui du licenciement la perte de confiance de l'employeur dans les capacités du salarié à assumer les tâches qui lui étaient confiées au sein d'un établissement d'éducation, la cour d'appel a violé les articles L122-14-2 et L122-14-3 du code du travail;

ALORS, D'AUTRE PART, QUE la lettre de licenciement qui ne faisait nullement état de réponses inadaptées ou agressives de Michel X... aux demandes d'explications de l'employeur, mentionnait uniquement la réitération d'un ensemble de faits de nature trouble portés à la connaissance de la S.A.R.L. INSTITUTION MOREAU; qu'en retenant que la nature de ces faits en faisait une faute grave rendant impossible le maintien du salarié au sein de l'établissement pendant la période de préavis, la Cour d'appel n'a pas légalement justifié son arrêt au regard des articles L122-14-3, L122-6 et L122-9 du code du travail;

ALORS ENFIN ET, en tout état de cause, qu'en infirmant le jugement en ses dispositions allouant au salarié une indemnité compensatrice de congés payés au titre de la période antérieure au licenciement, et ce sans s'en expliquer, la Cour a privé sa décision de motif et a violé l'article 455 du nouveau code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 07-44538
Date de la décision : 27/01/2009
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 09 février 2007


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 27 jan. 2009, pourvoi n°07-44538


Composition du Tribunal
Président : M. Bailly (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Ricard, SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2009:07.44538
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award