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22/01/2009 | FRANCE | N°07-16449

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 22 janvier 2009, 07-16449


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en ses deux branches :
Attendu que Mme X..., épouse Y..., qui avait reçu, les 6 septembre et 8 novembre 1996 et 23 mai 1997, trois injections successives du vaccin Engerix B, fabriqué et mis en circulation en 1989 par la société Laboratoire Glaxosmithkline, a ressenti, après la troisième injection, une perte de sensibilité des membres inférieurs qui a conduit au diagnostic de la polyradiculonévrite, dite maladie de Guillain-Barré ;
Attendu qu'elle fait grief à l'arrÃ

ªt (Versailles, 23 mars 2007) de l'avoir déboutée de ses demandes en répar...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en ses deux branches :
Attendu que Mme X..., épouse Y..., qui avait reçu, les 6 septembre et 8 novembre 1996 et 23 mai 1997, trois injections successives du vaccin Engerix B, fabriqué et mis en circulation en 1989 par la société Laboratoire Glaxosmithkline, a ressenti, après la troisième injection, une perte de sensibilité des membres inférieurs qui a conduit au diagnostic de la polyradiculonévrite, dite maladie de Guillain-Barré ;
Attendu qu'elle fait grief à l'arrêt (Versailles, 23 mars 2007) de l'avoir déboutée de ses demandes en réparation de son préjudice subi du fait de l'injection du vaccin formées à l'encontre de la société Glaxosmithkline, alors, selon le moyen :
1° / que la preuve du lien de causalité entre la vaccination et la maladie peut être apportée par tout moyen, y compris par présomptions ; qu'en se fondant sur les considérations générales que le lien de causalité ne peut se déduire d'une simple éventualité ni même de la constatation que la possibilité de l'existence de ce lien ne peut être exclue et que les deux expertises judiciaires diligentées ont conclu à l'absence de lien de causalité direct, certain et exclusif à ce jour entre la vaccination contre l'hépatite B et les symptômes allégués par Mme Y..., sans rechercher, comme elle y était invitée, si l'absence d'antécédent et de toute autre cause identifiée, ainsi que la concordance entre la vaccination et l'apparition de la maladie ne constituaient pas des présomptions graves précises et concordantes de nature à établir le lien de causalité, la cour d'appel aurait privé sa décision de base légale au regard des articles 1147 et 1382 du code civil interprétés à la lumière de la directive CEE 85 / 374 du 24 juillet 1985, ensemble l'article 1353 du code civil ;
2° / qu'en toute hypothèse, en application du principe de précaution, l'absence de certitude scientifique sur l'innocuité d'un vaccin établit une présomption de défaut ; qu'ayant constaté que des incertitudes scientifiques ressortaient des informations et avis recueillis, la cour d'appel, en considérant néanmoins que les présomptions examinées ne suffisaient pas à établir la causalité, n'aurait pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations en violation de l'article 1353 du code civil ;
Mais attendu que la cour d'appel, ayant souverainement apprécié la valeur et la portée des éléments de preuve qui lui étaient soumis, desquels elle a relevé qu'il ressortait que plusieurs facteurs pouvaient être à l'origine de la maladie, dont une cause infectieuse telle que celle ayant pu justifier la cholécystectomie pratiquée à la même époque, et que les deux rapports d'expertise judiciaire avaient conclu à l'absence de relation entre la vaccination et l'apparition de la maladie, a estimé, excluant ainsi l'existence de présomptions graves, précises et concordantes, que Mme Y... n'avait pas rapporté la preuve de l'imputabilité de la maladie à l'injection reçue ; que par ces motifs qui échappent aux griefs du moyen, l'arrêt est légalement justifié ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de Mme Y... ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux janvier deux mille neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

.
Moyen produit par la SCP Defrenois et Levis, avocat aux Conseils pour Mme Y....
Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR débouté Mme Y..., patiente souffrant de la maladie de Guillain-Barré, de ses demandes en réparation du préjudice subi du fait de l'injection du vaccin contre l'hépatite B à l'encontre de la société Glaxosmithkline, fabricant dudit vaccin ;
AUX MOTIFS QU'il ressort des conclusions du rapport d'expertise déposé le 8 juin 2000 par les professeurs B... et C..., experts commis par ordonnance de référé du 29 juin 1999, que Mme Y... a présenté au cours de la troisième injection d'une vaccination contre l'hépatite B une polyradiculonévrite dite de Guillain-Barre, que la relation de causalité de cette affection avec la vaccination contre l'hépatite B ne peut être affirmée de manière scientifique, qu'elle ne peut non plus être exclue de principe puisque les modalités d'analyse de causalité et les outils statistiques à disposition ne permettent pas cette évaluation, que la notice d'information, telle que modifiée en 1995, fait état du risque potentiel de polyradiculonévrite, tout en signalant le caractère parcellaire de cette information, qu'elle peut être considérée comme « précise, complète et circonstanciée » compte tenu des connaissances de l'époque ; que les experts relèvent que le mécanisme de déclenchement de la polyradiculonévrite est un phénomène très complexe sur le plan physiopathologique qui ne peut se réduire à un agent causal unique ; qu'en effet, il faut la concordance d'une stimulation immunologique et d'une réaction inflammatoire mal focalisée ; que sur le plan étiologique on retrouve une cause déclenchante dans 50 % des cas qui peut être une infection (fièvre éruptive), l'administration d'un sérum ou d'un vaccin et que dans ce cas, le délai habituel entre l'apparition des troubles et le fait causal est de l'ordre de huit jours ; que dans un cas sur deux, il n'existait aucune cause retrouvée ; qu'ils relèvent que dans l'analyse du cas particulier de Mme Y..., elle ne présentait aucune contre-indication à une vaccination contre l'hépatite B ; que les modalités d'administration du vaccin Engerix B (SKB) ne présentaient aucune particularité ; qu'au moment des injections (11 / 96 et 5 / 97), la survenance de polyradiculonévrites était décrite dans les effets indésirables du produit de la manière suivante, « de façon exceptionnelle, des cas de neuropathies périphériques (polyradiculonévrite, paralysie faciale …) ont été rapportés sans qu'aucun lien de causalité n'ait actuellement pu être établi » ; que MM. Z... et A..., experts désignés devant la cour d'appel, par ordonnance du conseiller de le mise en état du 7 octobre 2004, confirment dans leur rapport, déposé le 28 mars 2006, les conclusions des premiers experts désignés en ces termes : comme il a été expliqué dans le rapport précédent, il n'est pas établi de lien de causalité direct, certain et exclusif à ce jour entre la vaccination contre l'hépatite B et les symptômes allégués par Mme Y... ; qu'ils précisent qu'en l'état actuel de la science, il n'est pas possible de circonscrire la totalité des facteurs pouvant être à l'origine d'une polyradiculonévrite chronique et donc de la maladie dont est atteinte Mme Y... que celle-ci évolue par poussée ou non ; qu'ils listent les différents facteurs causals de polyradiculonévrite parmi lesquels figurent plusieurs causes infectieuses et différentes vaccinations sans que la question, en ce qui les concerne, d'un lien de causalité ne puisse être établi ; qu'ils relèvent que Mme Y... ne présentait avant la vaccination aucun état pathologique particulier, notamment aucun signe de la maladie qui s'est déclarée chez elle dans les semaines qui ont suivi la troisième vaccination contre l'hépatite B, mais également dans les semaines qui ont suivi l'intervention d'une cholécystectomie dont l'étiologie exacte n'a pas non plus été précisée et dont on peut soupçonner qu'il ait pu s'agir d'une cause infectieuse (absence de calcul vésical) ; que, au vu des dispositions des articles 1147 et 1382 du code civil interprétés selon la directive CEE n 85-374 du 25 juillet 1985, seules applicables en la cause, s'agissant d'un vaccin mis en circulation en 1989, il est nécessaire d'établir, pour démontrer la responsabilité de la société laboratoire Glaxosmithkline, outre le défaut de ce produit, le lien de causalité certain et direct entre la vaccination par ce produit et la pathologie ; que le lien de causalité ne peut se déduire d'une simple éventualité ni même de la constatation que la possibilité de l'existence de ce lien ne peut être exclue et que le concours dans la réalisation du dommage, de la vaccination contre l'hépatite B, doit être établi de façon claire et certaine ; que les deux expertises judiciaires diligentées ont conclu à l'absence de lien de causalité direct, certain et exclusif à ce jour entre la vaccination contre l'hépatite B et les symptômes allégués par Mme Y... ; qu'elles ne sont contredites par aucun autre élément probant ; qu'à défaut par Mme Y... de rapporter la preuve qui lui incombe, elle doit être déboutée de sa demande ;
1° ALORS QUE la preuve du lien de causalité entre la vaccination et la maladie peut être apportée par tout moyen, y compris par présomptions ; qu'en se fondant sur les considérations générales que le lien de causalité ne peut se déduire d'une simple éventualité ni même de la constatation que la possibilité de l'existence de ce lien ne peut être exclue et que les deux expertises judiciaires diligentées ont conclu à l'absence de lien de causalité direct, certain et exclusif à ce jour entre la vaccination contre l'hépatite B et les symptômes allégués par Mme Y..., sans rechercher, comme elle y était invitée, si l'absence d'antécédent et de toute autre cause identifiée, ainsi que la concordance entre la vaccination et l'apparition de la maladie ne constituaient pas des présomptions graves précises et concordantes de nature à établir le lien de causalité, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1147 et 1382 du code civil interprétés à la lumière de la directive CEE 85 / 374 du 24 juillet 1985, ensemble l'article 1353 du code civil ;
2° ALORS QU'en toute hypothèse, en application du principe de précaution, l'absence de certitude scientifique sur l'innocuité d'un vaccin établit une présomption de défaut ; qu'ayant constaté que des incertitudes scientifiques ressortaient des informations et avis recueillis, la cour d'appel, en considérant néanmoins que les présomptions examinées ne suffisaient pas à établir la causalité, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations en violation de l'article 1353 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 07-16449
Date de la décision : 22/01/2009
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

RESPONSABILITE DU FAIT DES PRODUITS DEFECTUEUX - Produit - Défectuosité - Lien de causalité avec le dommage - Preuve par le demandeur - Caractérisation - Présomptions graves, précises et concordantes - Recherche nécessaire

RESPONSABILITE CONTRACTUELLE - Dommage - Réparation - Conditions - Lien de causalité avec le dommage - Présomptions graves, précises et concordantes - Nécessité SANTE PUBLIQUE - Produits pharmaceutiques - Médicaments à usage humain - Vaccin - Dommage - Applications diverses

Justifie légalement sa décision écartant la responsabilité du fabricant d'un vaccin la cour d'appel qui, ayant souverainement apprécié la valeur et la portée des éléments de preuve qui lui étaient soumis, a, sans exclure le recours à des présomptions graves, précises et concordantes, relevé que plusieurs facteurs pouvaient être à l'origine de la maladie et que les deux rapports d'expertise judiciaire avaient conclu à l'absence de relation entre la vaccination et l'apparition de la maladie, de sorte que la demanderesse n'avait pas rapporté la preuve de la corrélation entre l'injection qu'elle avait reçue et l'apparition de la sclérose en plaques, excluant ainsi l'imputabilité de la maladie à la vaccination


Références :

articles 1147, 1382 et 1353 du code civil interprété à la lumière de la Directive n° 85-374 du 25 juillet 1985

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 23 mars 2007

Sur la nécessité de rechercher la preuve d'un lien de causalité par le biais de présomptions dans le cadre de l'imputabilité d'une maladie à une vaccination, à rapprocher :1re Civ., 22 mai 2008, pourvoi n° 06-10967, Bull. 2008, I, n° 149 (cassation), et les arrêts cités


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 22 jan. 2009, pourvoi n°07-16449, Bull. civ. 2009, I, N° 11
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2009, I, N° 11

Composition du Tribunal
Président : M. Bargue
Avocat général : M. Pagès
Rapporteur ?: M. Gallet
Avocat(s) : SCP Defrenois et Levis, SCP Thomas-Raquin et Bénabent

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2009:07.16449
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