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21/01/2009 | FRANCE | N°07-88330

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 21 janvier 2009, 07-88330


Statuant sur le pourvoi formé par :
- LA FÉDÉRATION INTERNATIONALE DES LIGUES DES DROITS DE L'HOMME,- LA LIGUE FRANÇAISE DES DROITS DE L'HOMME, parties civiles,

contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de PARIS, 5e section, en date du 24 octobre 2007, qui, dans l'information ouverte sur plainte de Billon X...des chefs de crimes contre l'humanité, assassinat, meurtre, séquestration suivie d'actes de torture, a confirmé l'ordonnance d'incompétence rendue par le juge d'instruction ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 10 déce

mbre 2008 où étaient présents : M. Pelletier président, Mme Chanet cons...

Statuant sur le pourvoi formé par :
- LA FÉDÉRATION INTERNATIONALE DES LIGUES DES DROITS DE L'HOMME,- LA LIGUE FRANÇAISE DES DROITS DE L'HOMME, parties civiles,

contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de PARIS, 5e section, en date du 24 octobre 2007, qui, dans l'information ouverte sur plainte de Billon X...des chefs de crimes contre l'humanité, assassinat, meurtre, séquestration suivie d'actes de torture, a confirmé l'ordonnance d'incompétence rendue par le juge d'instruction ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 10 décembre 2008 où étaient présents : M. Pelletier président, Mme Chanet conseiller rapporteur, Mme Ponroy, M. Arnould, Mme Koering-Joulin, MM. Corneloup, Pometan, Foulquié conseillers de la chambre, Mmes Leprieur, Lazerges conseillers référendaires ;
Avocat général : M. Fréchède ;
Greffier de chambre : Mme Krawiec ;
Sur le rapport de Mme le conseiller CHANET, les observations de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIÉ, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général FRÉCHÈDE ;
Vu l'article 575, alinéa 2, 4° et 7°, du code de procédure pénale ;
Vu le mémoire produit ;
Attendu que, le 3 novembre 1999, Billon X..., de nationalité française, a porté plainte et s'est constituée partie civile contre personne non dénommée pour crimes contre l'humanité, assassinat, meurtre et actes de torture et de barbarie auprès du doyen des juges d'instruction du tribunal de grande instance de Créteil, dénonçant les faits commis en avril 1975 sur la personne de son mari, à l'époque président de l'assemblée nationale du Cambodge et qui, réfugié dans les locaux de l'ambassade de France à Phnom Penh, avait été contraint de suivre les représentants des autorités du nouveau " Kampuchea démocratique ", avant de disparaître sans qu'aucune trace de lui n'ait pu être retrouvée ; qu'au visa de la plainte, le parquet a ouvert une information le 5 avril 2000 ; que la Ligue française des droits de l'homme et la Fédération internationale des ligues des droits de l'homme se sont constituées parties civiles le 24 mars 2003 ; qu'au cours de cette information Billon X... a remis au magistrat instructeur une liste des personnes en poste à l'ambassade de France au moment des faits et divers renseignements concernant les auteurs présumés de ceux-ci ; que le juge d'instruction, après avoir procédé à plusieurs auditions des personnes françaises désignées par la plaignante et délivré une commission rogatoire tendant à identifier et rechercher en France les ressortissants cambodgiens visés dans la plainte, a, le 6 mars 2006, communiqué la procédure au ministère public pour avis sur sa compétence ; que, le 2 janvier 2007, contrairement aux réquisitions du parquet, le juge d'instruction s'est déclaré incompétent ; que cette ordonnance frappée d'appel a, sur réquisitions conformes, été confirmée par l'arrêt attaqué ;
En cet état ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 3 et 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme, 24 de la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, 14 de la Convention de New-York contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants du 10 décembre 1984, 113-7 du code pénal, 689, 689-1, 689-2 et suivants, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré la juridiction d'instruction française incompétente pour instruire sur les faits dénoncés par la plainte avec constitution de partie civile de Billon X... et les réquisitoires des 5 avril 2000 et 26 octobre 2006 ;
" aux motifs que la compétence de la juridiction de Créteil doit être examinée au regard des faits dénoncés dans la plainte soit des faits de crimes contre l'humanité, séquestration, tortures, homicide commis au Cambodge entre 1975 et 1979 sur la personne de X... qui, selon la plaignante, a été enlevé le 19 avril 1975, à sa sortie de l'ambassade de France où il s'était réfugié, par des khmers rouges, puis séquestré, torturé et qui a disparu depuis, avec la possible complicité, évoquée en cours d'information par les parties civiles et dans les réquisitions supplétives, de ressortissants français, à savoir des agents du ministère des affaires étrangères, dont certains, qui se trouvaient en fonction à l'ambassade de France à Phnom Penh, auraient livré X... aux khmers rouges et d'autres seraient susceptibles d'avoir, depuis Paris, donné des instructions en ce sens aux agents du poste diplomatique ; qu'ainsi, il est dénoncé des faits principaux de nature criminelle commis à l'étranger par des étrangers ainsi que des actes de complicité commis par des ressortissants français à l'étranger et en France ; que l'article 689 du code de procédure pénale dispose que les auteurs ou complices d'infractions commises hors du territoire de la République peuvent être poursuivis ou jugés par les juridictions françaises soit lorsque, conformément aux dispositions du livre 1er du code pénal ou d'un autre texte législatif, la loi française est applicable, soit lorsqu'une convention internationale donne compétence aux juridictions françaises pour connaître de l'infraction ; qu'en application des articles 113-7 du code pénal et 689 du code de procédure pénale les juridictions françaises sont compétentes pour juger les crimes et délits commis à l'étranger au préjudice d'une victime de nationalité française ; qu'il est admis que la victime ainsi visée s'entend de la victime directe de l'infraction ; que la reconnaissance du préjudice des familles des victimes directes de disparitions résultant des divers instruments internationaux cités par les associations parties civiles, en particulier de la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, de l'article 7 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, de l'article 5 de la Convention interaméricaine des droits de l'homme pour la famille de la victime de la disparition et de l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme ne saurait être considérée comme de nature à remettre en cause les règles relatives à la compétence internationale des lois et juridictions pénales françaises ; que le préjudice des proches de la personne disparue ne fait pas de ceux-ci les victimes directes de l'infraction ; que X..., victime directe des faits dénoncés étant de nationalité cambodgienne, la compétence personnelle passive ne peut trouver application ;
" 1) alors que l'article 113-7 du code pénal ne définissant pas la notion de victime, ce terme général doit être interprété comme recouvrant aussi bien « la victime directe » que toute personne lésée par l'infraction susceptible de se constituer partie civile en application des dispositions du code de procédure pénale ;
" 2) alors qu'en matière de disparition forcée, l'article 113-7 du code pénal doit être interprété, par référence à l'article 24 de la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, adoptée par consensus le 20 décembre 2006 par l'assemblée générale des Nations unies, comme visant aussi bien la personne disparue que toute personne physique ayant subi un préjudice direct du fait d'une disparition forcée ;
" 3) alors qu'en matière de torture ou de traitement inhumain ou dégradant, les dispositions de l'article 14 de la Convention de New-York contre la torture ou autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants obligent les Etats ayant, comme c'est le cas de la France, ratifié ladite Convention, à considérer comme des victimes au sens de l'article 113-7 du code pénal les ayants cause des personnes disparues afin de leur permettre de bénéficier d'un droit effectif à réparation " ;
Sur le cinquième moyen de cassation, pris de la violation des articles 3 et 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme, 14 de la Convention de New-York contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants du 10 décembre 1984, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
" 1) alors que le droit pour les ayants cause de la victime décédée du fait d'actes de torture d'obtenir une indemnisation de tout Etat, partie à la Convention de New-York contre la torture, en vertu de l'article 14 de cette convention, implique que les juridictions françaises retiennent leur compétence dès lors qu'elles constatent que l'ayant cause qui a déposé plainte du chef d'actes de torture est de nationalité française ;
" 2) alors que, par la décision d'incompétence attaquée, la chambre de l'instruction a privé Billon X... qui est de nationalité française du droit à réparation auquel elle pouvait prétendre en application de l'article 14 de la Convention contre la torture signée à New-York le 10 décembre 1984 et a, ce faisant, violé les dispositions des articles 3 et 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme " ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que, pour statuer sur la compétence personnelle passive de Billon X..., les juges prononcent par les motifs repris aux moyens ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, la chambre de l'instruction a fait l'exacte application de la loi dès lors que, d'une part, seule la qualité de français de la victime directe de l'infraction commise à l'étranger attribue compétence aux lois et juridictions françaises sur le fondement des articles 113-7 du code pénal et 689 du code de procédure pénale et que, d'autre part, les textes conventionnels visés aux moyens ne sauraient s'interpréter comme étant de nature à remettre en cause les règles relatives à la compétence internationale des lois et juridictions pénales françaises ;
D'où il suit que les moyens, inopérant pour le premier en sa seconde branche en ce qu'il se fonde sur un traité non encore entré en vigueur, doivent être écartés ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation et fausse application des articles 3 et 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme, 1er, 4, 5 et 14 de la Convention de New-York contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants du 10 décembre 1984, 85, 86, 689-1, 689-2, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré la juridiction française incompétente pour instruire sur les faits dénoncés par la plainte de Billon X... et les réquisitoires des 5 avril 2000 et 26 octobre 2006 ;
" aux motifs que la compétence de la juridiction de Créteil doit être examinée au regard des faits dénoncés dans la plainte, soit des faits de crimes contre l'humanité, séquestration, tortures, homicide commis au Cambodge entre 1975 et 1979 sur la personne de X... qui, selon la plaignante, a été enlevé le 19 avril 1975, à sa sortie de l'ambassade de France où il s'était réfugié, par des khmers rouges, puis séquestré, torturé et qui a disparu depuis, avec la possible complicité, évoquée en cours d'information par les parties civiles et dans les réquisitions supplétives, de ressortissants français, à savoir des agents du ministère des affaires étrangères, dont certains, qui se trouvaient en fonction à l'ambassade de France à Phnom Penh, auraient livré X... aux khmers rouges et d'autres seraient susceptibles d'avoir, depuis Paris, donné des instructions en ce sens aux agents du poste diplomatique ; qu'ainsi, il est dénoncé des faits principaux de nature criminelle commis à l'étranger par des étrangers ainsi que des actes de complicité commis par des ressortissants français à l'étranger et en France ; que l'article 689 du code de procédure pénale dispose que les auteurs ou complices d'infractions commises hors du territoire de la République peuvent être poursuivis ou jugés par les juridictions françaises soit lorsque, conformément aux dispositions du livre 1er du code pénal ou d'un autre texte législatif, la loi française est applicable, soit lorsqu'une convention internationale donne compétence aux juridictions françaises pour connaître de l'infraction ; qu'il résulte des articles 689-1 et 689-2 du code de procédure pénale que les juridictions françaises sont compétentes pour poursuivre et juger, si elle se trouve en France, toute personne qui se serait rendue coupable à l'étranger de tortures au sens de l'article 1er de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, adoptée à New-York le 10 décembre 1984, entrée en vigueur en juin 1987 et d'application immédiate, dès lors que les faits délictueux sont susceptibles de revêtir selon la loi française une qualification entrant dans les prévisions de cet article ; que les tortures ou actes de barbarie ont été érigés en crime autonome par le code pénal entré en vigueur le 1er mars 1994 ; que ces actes constituaient dans le droit antérieur une circonstance aggravante de certains crimes dont celui de séquestration en vertu des articles 341 et 344, 2° alinéa, du code pénal abrogés par la loi du 16 décembre 1992, mais en vigueur au moment des faits dénoncés ; qu'ainsi, les tortures ou actes de barbarie visés par la plainte étaient réprimés entre 1975 et 1979 ; que, sans déroger aux principes de légalité des délits et des peines et de non-rétroactivité de la loi pénale plus sévère, les articles 222-1 et suivants du code pénal incriminant les tortures et actes de barbarie s'appliquent à ces faits, même commis avant la date de leur entrée en vigueur, le 1er mars 1994 ; que, par suite, la compétence universelle reconnue aux juridictions françaises pour l'application de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants du 10 décembre 1984 a vocation à s'appliquer dès lors que les auteurs présumés des actes dénoncés se trouveraient sur le territoire national ; qu'à cet égard, si, comme le relèvent les associations parties civiles, les renseignements recueillis notamment par la direction de la sécurité du territoire sur les personnes désignées par Billon X... font état de la présence en France d'anciens responsables khmers rouges, pour autant, il n'existe aucun indice de la présence en France des auteurs présumés d'actes de torture sur X... visés dans la plainte ; qu'il sera observé que les parties civiles se réfèrent dans leur mémoire à la responsabilité des supérieurs hiérarchiques, civils ou militaires qui auraient, par leurs instructions et la mise en oeuvre des programmes édictés par les khmers rouges, conduit, en connaissance de cause, à l'interpellation des dignitaires du régime précédent en vue vraisemblablement de leur exécution, ce qui évoque, en réalité, la commission par ces personnes de crimes contre l'humanité dont la juridiction saisie ne peut connaître s'agissant d'une incrimination issue du code pénal en vigueur depuis le 1er mars 1994 qui n'est pas applicable à des faits commis antérieurement, entre 1975 et 1979 ;
" 1) alors qu'il résulte sans ambiguïté des termes de la plainte de Billon X..., telle qu'analysée par le réquisitoire introductif, que les faits dénoncés par la partie civile à l'encontre des khmers rouges étaient susceptibles de revêtir la qualification d'actes de torture et non pas seulement celle de crimes contre l'humanité et que, dès lors, la chambre de l'instruction, qui constatait que, selon les renseignements recueillis par la direction de la sécurité du territoire, d'anciens Khmers rouges étaient présents en France, ne pouvait, sans contredire les pièces de la procédure et violer ce faisant les dispositions de l'article 689-2 du code de procédure pénale, récuser la compétence des juridictions françaises en faisant état, par un motif erroné, de ce que la responsabilité des chefs khmers rouges évoquait la commission par ces personnes de crimes contre l'humanité dont la juridiction saisie ne pouvait connaître, en raison de la date des faits, en vertu du principe de non-rétroactivité de la loi pénale ;
" 2) alors que les juridictions d'instruction, régulièrement saisies d'une plainte avec constitution de partie civile, ont le devoir d'instruire, quelles que soient les réquisitions du ministère public et qu'en rendant une décision d'incompétence fondée sur le seul examen abstrait de la plainte, sans rechercher, par une information préalable, si les anciens responsables khmers rouges présents en France avaient commis les actes de torture sur la personne de X... dénoncés dans la plainte, relevant de la compétence de la loi et des juridictions françaises en application des articles 689-1 et 689-2 du code de procédure pénale, la chambre de l'instruction n'a pas légalement justifié sa décision " ;
Attendu que, pour écarter la compétence de la juridiction française au regard des auteurs présumés d'actes de torture, l'arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;
Attendu qu'en statuant ainsi, la chambre de l'instruction, abstraction faite de motifs surabondants mais non déterminants relatifs à une éventuelle qualification de crime contre l'humanité, a justifié sa décision dès lors que, pour l'application de la compétence universelle en vertu des articles 689-1 et 689-2 du code de procédure pénale, l'appréciation des éléments de présence en France des auteurs présumés d'actes de torture au moment de l'ouverture de l'information relève du pouvoir souverain des juges du fond et, en conséquence, échappe au contrôle de la Cour de cassation ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être admis ;
Mais sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 3 et 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme, 55 de la Constitution du 4 octobre 1958, 1er, 4 et 5 de la Convention de New-York contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants du 10 décembre 1984, 85, 86, 689-1, 689-2, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré la juridiction française incompétente pour instruire sur les faits dénoncés par la plainte de Billon X... et les réquisitoires des 5 avril 2000 et 26 octobre 2006 ;
" aux motifs que la compétence de la juridiction de Créteil doit être examinée au regard des faits dénoncés dans la plainte soit des faits de crimes contre l'humanité, séquestration, tortures, homicide commis au Cambodge entre 1975 et 1979 sur la personne de X... qui, selon la plaignante, a été enlevé le 19 avril 1975, à sa sortie de l'ambassade de France où il s'était réfugié, par des khmers rouges, puis séquestré, torturé et qui a disparu depuis, avec la possible complicité, évoquée en cours d'information par les parties civiles et dans les réquisitions supplétives, de ressortissants français, à savoir des agents du ministère des affaires étrangères, dont certains, qui se trouvaient en fonction à l'ambassade de France à Phnom Penh, auraient livré X... aux khmers rouges et d'autres seraient susceptibles d'avoir, depuis Paris, donné des instructions en ce sens aux agents du poste diplomatique ; qu'ainsi, il est dénoncé des faits principaux de nature criminelle commis à l'étranger par des étrangers ainsi que des actes de complicité commis par des ressortissants français à l'étranger et en France ; que l'article 689 du code de procédure pénale dispose que les auteurs ou complices d'infractions commises hors du territoire de la République peuvent être poursuivis ou jugés par les juridictions françaises soit lorsque, conformément aux dispositions du livre 1er du code pénal ou d'un autre texte législatif, la loi française est applicable, soit lorsqu'une convention internationale donne compétence aux juridictions françaises pour connaître de l'infraction ; que, s'agissant des faits de complicité, l'article 113-5 du code pénal rend la loi française applicable et la juridiction française compétente à l'égard de quiconque s'est rendu coupable sur le territoire de la République, comme complice d'un crime ou d'un délit commis à l'étranger si le crime ou le délit est puni à la fois par la loi française et la loi étrangère et s'il a été constaté par une décision définitive de la juridiction étrangère ; que, faute d'une telle décision concernant les faits liés à la disparition de X..., les actes de complicité imputés aux agents du ministère français des affaires étrangères, qui étaient depuis la France en liaison avec le poste diplomatique, ne relèvent pas de la compétence des juridictions françaises ; que les actes de complicité imputés aux gendarmes et au consul français ont été commis à l'étranger dès lors que, nonobstant le principe d'inviolabilité des locaux diplomatiques, le périmètre d'une ambassade fait partie du territoire de l'Etat ayant accrédité la représentation de l'Etat étranger ; que, si, en vertu de l'article 689 du code de procédure pénale, la compétence des tribunaux français pour juger le français qui a commis un crime à l'étranger s'étend à son complice, cette extension au complice suppose le rattachement à une compétence résultant soit des dispositions du livre 1er du code pénal ou d'un autre texte législatif rendant la loi française applicable, soit d'une convention internationale donnant compétence aux juridictions françaises pour connaître de l'infraction ; qu'en l'espèce, contrairement à ce qui est soutenu aux mémoires des parties civiles, la compétence personnelle active prévue par l'article 113-6 du code pénal, qui dispose que la loi pénale française est applicable à tout crime commis par un français hors du territoire de la République, ne peut trouver application en raison de l'extranéité de l'auteur ou des auteurs principaux ; que les actes de complicité en cause, commis à l'étranger accessoirement à une infraction principale commise à l'étranger par un étranger et ne relevant d'aucun des cas de compétence prévus par l'article 689 du code de procédure pénale, échappent à la compétence des juridictions françaises ;
" 1) alors qu'il résulte des dispositions combinées des articles 689-1 et 689-2 du code de procédure pénale et 1er, 4 et 5 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants adoptée à New-York le 10 décembre 1984, lesquelles forment un tout indivisible, que la compétence universelle reconnue aux juridictions françaises pour l'application de ladite Convention a vocation à s'appliquer non seulement aux auteurs présumés mais aux complices présumés de ces faits, qu'ils aient participé à ceux-ci sur le territoire de la République ou hors de ce territoire, dès lors qu'ils sont trouvés sur celui-ci sans que puissent être invoquées les conditions restrictives énoncées par les articles 113-5 et 113-6 du code pénal ;
" 2) alors qu'en ne recherchant pas si les deux catégories de complices présumés avoir pris part aux faits de torture dénoncés par la plainte, à savoir les agents du ministère français des affaires étrangères qui étaient depuis la France en liaison avec le poste diplomatique et les gendarmes ainsi que le consul français en poste au Cambodge au moment des faits, pouvaient être trouvés sur le territoire français et, par conséquent, pouvaient être jugés par les juridictions françaises, la chambre de l'instruction a privé sa décision de base légale et a rendu, ce faisant, une décision de refus d'informer en-dehors des cas limitativement prévus par la loi ;
Et sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des articles 3 et 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme, 1er, 4, 5 et 14 de la Convention de New-York contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants du 10 décembre 1984, 113-6 du code pénal, 85, 86, 689, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré la juridiction française incompétente pour instruire sur les faits dénoncés par la plainte de Billon X... et les réquisitoires des 5 avril 2000 et 26 octobre 2006 ;
" aux motifs que les actes de complicité imputés aux gendarmes et au consul français ont été commis à l'étranger dès lors que, nonobstant le principe d'inviolabilité des locaux diplomatiques, le périmètre d'une ambassade fait partie du territoire de l'Etat ayant accrédité la représentation de l'Etat étranger ; que, si, en vertu de l'article 689 du code de procédure pénale, la compétence des tribunaux français pour juger le français qui a commis un crime à l'étranger s'étend à son complice, cette extension au complice suppose le rattachement à une compétence résultant soit des dispositions du livre 1er du code pénal ou d'un autre texte législatif rendant la loi française applicable, soit d'une convention internationale donnant compétence aux juridictions françaises pour connaître de l'infraction ; qu'en l'espèce, contrairement à ce qui est soutenu aux mémoires des parties civiles, la compétence personnelle active prévue par l'article 113-6 du code pénal qui dispose que la loi pénale française est applicable à tout crime commis par un français hors du territoire de la République ne peut trouver application en raison de l'extranéité de l'auteur ou des auteurs principaux ;
" alors que, selon l'article 113-6 du code pénal, la loi pénale française est applicable à tout crime commis par un français hors du territoire de la République ; que ce texte, rédigé en termes généraux, vise aussi bien la commission par un français d'un crime constitutif d'un fait principal que d'un fait criminel de complicité et que, dès lors, la chambre de l'instruction, qui constatait que les faits incriminés susceptibles de recevoir une qualification criminelle concernaient des actes de complicité commis à l'étranger imputés aux gendarmes et au consul français, ne pouvait, sans méconnaître le sens et la portée de l'article 113-6 du code pénal, et rendre ce faisant une décision de refus d'informer en violation des articles 85 et 86 du code de procédure pénale, rendre une décision d'incompétence en affirmant que l'article 113-6 du code pénal ne pouvait trouver application en raison de l'extranéité de l'auteur ou des auteurs principaux " ;
Les moyens étant réunis ;
Vu l'article 689 du code de procédure pénale, ensemble les articles 689-1 et 689-2 du même code ;
Attendu que, selon le premier de ces textes, les auteurs ou complices d'infractions commises hors du territoire de la République peuvent être poursuivis et jugés par les juridictions françaises, soit lorsque, conformément aux dispositions du livre 1er du code pénal ou d'un autre texte législatif, la loi française est applicable, soit lorsqu'une convention internationale donne compétence aux juridictions françaises pour connaître de l'infraction ;
Attendu que, pour écarter la compétence de la juridiction française au regard des ressortissants français et étrangers présumés complices d'actes de torture, les juges prononcent par les motifs reproduits aux moyens ;
Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, en excluant la compétence de la juridiction française sur le fondement des règles fixées par le livre 1er du code pénal alors qu'ayant constaté que les faits étaient susceptibles de revêtir la qualification d'actes de torture au sens de l'article 1er de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants du 10 décembre 1984, seules les dispositions de l'article 689-2 du code de procédure pénale, qui donnent compétence aux juridictions françaises pour poursuivre et juger, si elle se trouve en France, toute personne, auteur ou complice, française ou étrangère, qui s'est rendue coupable, hors du territoire de la République, de faits entrant dans le champ d'application de ladite Convention, étaient applicables, la chambre de l'instruction a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus énoncé ;
D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, en date du 24 octobre 2007, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt et un janvier deux mille neuf ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 07-88330
Date de la décision : 21/01/2009
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

CRIMES ET DELITS COMMIS A L'ETRANGER - Crime - Poursuite en France - Convention de New York du 10 décembre 1984 contre la torture et autres traitements cruels, inhumains ou dégradants - Compétence des juridictions françaises - Conditions

CONVENTIONS INTERNATIONALES - Convention de New York du 10 décembre 1984 contre la torture et autres traitements cruels, inhumains ou dégradants - Crimes ou délits commis à l'étranger - Crime - Poursuite en France - Compétence des juridictions françaises - Conditions

Pour l'application de la compétence de la juridiction française au titre de la compétence universelle, la juridiction d'instruction doit rechercher des éléments de présence en France, des auteurs des faits incriminés au moment de l'engagement des poursuites. Selon l'article 689 du code de procédure pénale, les auteurs ou complices d'infractions commises hors du territoire de la République peuvent être poursuivis et jugés par les juridictions françaises soit lorsque, conformément aux dispositions du livre 1er du code pénal ou d'un autre texte législatif, la loi française est applicable, soit lorsqu'une Convention internationale donne compétence aux juridictions françaises pour en connaître. En vertu des dispositions de l'acticle 689-2 du code de procédure pénale, peut être poursuivie ou jugée par les juridictions françaises toute personne, auteur ou complice, national ou étranger qui s'est rendue coupable hors du territoire de la République de faits entrant dans le champ d'application de la Convention de New York du 10 décembre 1984. Encourt la cassation l'arrêt de la chambre de l'instruction qui après avoir constaté que les faits incriminés étaient susceptibles de recevoir la qualification d'actes de torture au sens de ladite Convention exclut la compétence de la juridiction française sur le fondement des règles fixées par le livre 1er du code pénal


Références :

Sur le numéro 1 : article 113-7 du code pénal

article 689 du code de procédure pénale
Sur le numéro 2 : article 689, 689-1 et 689-2 du code de procédure pénale

article 1er de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants du 10 décembre 1984

Décision attaquée : Chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 24 octobre 2007

Sur le n° 1 : Sur la compétence des lois et juridictions françaises en cas de crime commis hors du territoire de la République, à rapprocher :Crim., 31 janvier 2001, pourvoi n° 00-82984, Bull. crim. 2001, n° 31 (rejet) Sur le n° 2 : Sur la compétence des juridictions françaises, au titre de la compétence universeille, à rapprocher :Crim., 10 janvier 2007, pourvoi n° 04-87245, Bull. crim. 2007, n° 7 (irrecevabilité)


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 21 jan. 2009, pourvoi n°07-88330, Bull. crim. criminel 2009, N° 22
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2009, N° 22

Composition du Tribunal
Président : M. Pelletier
Avocat général : M. Fréchède
Rapporteur ?: Mme Chanet
Avocat(s) : SCP Piwnica et Molinié

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2009:07.88330
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