LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Vu leur connexité, joint les pourvois n° A 07-43.452 au n° P 07-43.464 ;
Sur le moyen unique, commun aux pourvois :
Attendu, selon les arrêts attaqués (Montpellier, 6 juin 2007), que Mme X... et douze salariés de l'établissement de Radio France Hérault, contestant l'application sur leurs salaires bruts d'un "abattement de zone" de 0,70 %, alors que les salariés d'autres établissements de Radio France ne subissaient aucun abattement, ont saisi la juridiction prud'homale de demandes de rappel de salaire ;
Attendu que la société fait grief aux arrêts d'avoir dit que porte atteinte au principe "à travail égal, salaire égal" l'abattement de zone de 70 % pratiqué sur les salaires bruts et de l'avoir condamnée à payer des sommes à titre de rappel de salaire, alors, selon le moyen ;
1°/ que l'égalité de traitement des salariés en matière de rémunérations s'apprécie entre des salariés qui relèvent du même établissement ; que le principe "à travail égal, salaire égal" ne peut être invoqué entre des salariés de différents établissements d'une même entreprise ; qu'en retenant que le principe "à travail égal, salaire égal" devait s'apprécier dans le cadre de l'entreprise, la cour d'appel a violé par fausse application la règle susvisée et les articles L. 140-1, L. 140-2, L. 133-5 et L. 136-2 du code du travail ;
2°/ que subsidiairement, le principe "à travail égal, salaire égal" suppose l'identité de la situation des salariés dont la rémunération est comparée ; que sont dans une situation identique des salariés qui, notamment, exécutent effectivement les mêmes tâches ; qu'en se bornant à retenir l'existence d'une inégalité de traitement entre les salariés de Radio France, "réputés" fournir un travail de valeur égale, sans s'expliquer ni sur leurs fonctions, si sur les éléments permettant de retenir une identité de situation entre eux, ni sur l'identité entre la situation desdits salariés et celle de Mme X..., la cour d'appel n'a caractérisé aucune méconnaissance du principe "à travail égal, salaire égal" et a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 140-1, L. 140-2, L. 133-5 et L. 136-2 du code du travail ;
Mais attendu qu'il ne peut y avoir de différences de traitement entre salariés d'établissements différents d'une même entreprise exerçant un travail égal ou de valeur égale, que si elles reposent sur des raisons objectives dont le juge doit contrôler concrètement la réalité et la pertinence ;
Et attendu que la cour d'appel a relevé qu'aucune explication objective n'était fournie par Radio France, propre à justifier les différences de traitement constatées entre les salariés de Radio France placés dans une situation professionnelle identique, liées à l'application d'abattements de zone ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois ;
Condamne la société nationale de radiodiffusion Radio France aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société nationale de radiodiffusion Radio France à payer aux salariés la somme globale de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un janvier deux mille neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen commun produit aux pourvois n° A 07-43.452 au n° P 07-43.464 par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils pour la société nationale de radiodiffusion Radio France.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que porte atteinte au principe « à travail égal, salaire égal », l'abattement dit « de zone » égal à 0,70% pratiqué sur les salaires bruts de Madame X... et d'avoir condamné la société Radio France à lui payer la somme de 689,46 euros à titre de rappel de salaires de juillet 2000 à décembre 2004 et d'avoir condamné la société employeur, à compter du 1er janvier 2005, à cesser de pratiquer l'abattement de zone sur le salaire brut de Madame X... et à lui verser les rappels de salaires correspondants ;
AUX MOTIFS QUE s'il appartient au salarié qui invoque une atteinte au principe « à travail égal, salaire égal » tel que découlant des articles L.133-5 et L.136-2, de soumettre au juge les éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération, il incombe à l'employeur de rapporter la preuve d'éléments objectifs justifiant cette différence ; qu'en l'occurrence, il n'est pas discuté que Radio France, exploitant en métropole 39 radios locales, opère, sur les salaires bruts versés à son personnel, un abattement dit « de zone » variable selon les établissements et dont le taux est de 0,40% ou 0,70%, les salariés de certains établissements ne se voyant au contraire appliquer aucun abattement particulier ; qu'ainsi, selon la table des abattements de zone, produite aux débats, un abattement de 0,70% est pratiqué sur les salaires versés au personnel de Radio France Hérault dont fait partie la salariée, tandis qu'un abattement de 0,40% est appliqué aux salariés d'autres stations (Drôme, Isère, pays de Savoie, Alsace, Nancy – Loraine, Champagne, Picardie, fréquence Nord, Puy-de-Dôme …) et que dans certaines radios locales, aucun abattement n'est pratiqué (Provence, Vaucluse, Normandie Caen, Normandie Rouen, Cherbourg, Melun, Orléans, Berry sud, Tours …) ; que ces abattements de zone le sont sur les salaires, tels qu'ils sont fixés au niveau de l'entreprise sous forme de barèmes tenant compte des classifications professionnelles ; qu'il résulte de leur application une différence de traitement entre les salariés de Radio France exerçant des fonctions identiques et classés au même niveau dans la classification des emplois de la convention collective, selon qu'ils sont rattachés à tel ou tel établissement ; que ces salariés sont cependant réputés fournir un travail de valeur égale ; qu'aucune explication objective n'est fournie par Radio France, propre à justifier cette différence de traitement liée à l'application d'abattement de zone, alors que la politique salariale se trouve définie au niveau, non de chaque établissement, mais de l'entreprise, laquelle doit donc, en l'espèce, servir de cadre à l'appréciation du respect de la règle « à travail égal, salaire égal » ; … ; que l'application unilatérale par l'employeur d'abattement de zone, en ce qu'il crée entre les salariés de Radio France placés dans une situation professionnelle identique, une différence de traitement sans raison objective, porte atteinte à la règle d'égalité de salaire ; qu'il importe peu dans ces conditions, que les salaires versés à la salariée soient supérieurs aux minima fixés par la convention collective applicable ou que la mention de l'abattement soit portée sur un avenant à son contrat de travail en date du 1er mars 1999 ; que le jugement entrepris doit en conséquence être confirmé sauf à dire que l'abattement de zone pratiqué par Radio France sur le salaire brut de l'intéressé porte atteinte au principe « à travail égal, salaire égal » ;
1/ ALORS QUE l'égalité de traitement des salariés en matière de rémunérations s'apprécie entre des salariés qui relèvent du même établissement ; que le principe « à travail égal, salaire égal » ne peut être invoqué entre des salariés de différents établissements d'une même entreprise ; qu'en retenant que le principe « à travail égal, salaire égal » devait s'apprécier dans le cadre de l'entreprise, la cour d'appel a violé par fausse application la règle susvisée et les articles L.140-1, L.140-2, L.133-5 et L.136-2 du code du travail ;
2/ ALORS QUE subsidiairement, le principe « à travail égal, salaire égal » suppose l'identité de la situation des salariés dont la rémunération est comparée ; que sont dans une situation identique des salariés qui, notamment, exécutent effectivement les mêmes tâches ; qu'en se bornant à retenir l'existence d'une inégalité de traitement entre les salariés de Radio France, « réputés » fournir un travail de valeur égale, sans s'expliquer ni sur leurs fonctions, ni sur les éléments permettant de retenir une identité de situation entre eux, ni sur l'identité entre la situation desdits salariés et celle de Madame X..., la cour d'appel n'a caractérisé aucune méconnaissance du principe « à travail égal, salaire égal » et a privé sa décision de base légale au regard des articles L.140-1, L.140-2, L.133-5 et L.136-2 du code du travail.