LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique pris en sa première branche :
Vu l'article 34 de la convention franco-gabonaise du 23 juillet 1963 ;
Attendu que la société Agrogabon a sollicité l'exequatur d'un jugement du tribunal de première instance de Libreville (Gabon) du 21 juin 1995 qui a condamné les époux X..., solidairement avec les sociétés Gabon marché et Le Foyer des marins au paiement de la somme de 98 844 840 francs CFA représentant le montant de marchandises impayées, a validé les saisies arrêt, saisies conservatoires et nantissement pratiqués et les a transformés en saisie exécution et en inscription définitive de nantissement ;
Attendu que pour refuser l'exequatur aux dispositions de ce jugement, l'ordonnance attaquée retient que cette décision se borne à affirmer que les voies d'exécution ont été entreprises sur le fondement d'une créance certaine, liquide et exigible, correspondant à des factures impayées, sans préciser les circonstances et justifications contractuelles de cette créance et que la société Agrogabon s'abstient de produire les justifications de la créance dont elle entend poursuivre l'exécution en France ;
Attendu qu'en procédant ainsi à la révision au fond de la décision étrangère, le président du tribunal a méconnu ses pouvoirs et violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue le 18 avril 2007, entre les parties, par le président du tribunal de grande instance de Meaux ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ladite ordonnance et, pour être fait droit, les renvoie devant le président du tribunal de grande instance de Melun ;
Condamne les époux X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'ordonnance cassée ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze janvier deux mille neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils pour la société Agrogabon.
Il est reproché à la décision attaquée d'avoir rejeté la demande d'exequatur du jugement du 21 juin 1995 du tribunal de première instance de Libreville,
AUX MOTIFS QUE aux termes de l'article 34 de la convention franco-gabonaise du 13 juillet 1963, l'exequatur du jugement gabonais en question suppose qu'il ne contienne rien de contraire à l'ordre public de l'Etat français où il doit faire l'objet d'une exécution forcée ; que pour valider des voies d'exécution à savoir une saisie arrêt, une saisie conservatoire et un nantissement provisoire pour les transformer en saisie exécution et en inscription définitive de nantissement, le jugement de question se borne à affirmer que ces voies d'exécution ont été entreprises sur le fondement d'une créance certaine, liquide et exigible correspondant à des factures impayées sans même préciser les circonstances et justifications contractuelles de cette créance ; que ce même jugement porte en outre condamnation solidaire de deux personnes physiques et de deux personnes morales sans nullement préciser le fondement d'une telle solidarité alors surtout que les rapports fondamentaux de factures impayées apparaissent lier des sociétés commerciales ; que la demanderesse ne supplée pas ces carences dans le cadre de la présente procédure en produisant les justifications de la créance dont elle entend poursuivre l'exécution en France ni même en produisant les justifications de la qualité de débiteurs personnels des époux X... ; qu'en cet état, ledit jugement n'apparaît pas pouvoir être mis à exécution en France,
1) ALORS QUE l'exigence de motivation des jugements en droit procédural français n'est pas d'ordre public international ; que le défaut de motivation constitue seulement un obstacle à l'efficacité en France d'une décision étrangère lorsque ne sont pas produits les documents de nature à servir d'équivalent à la motivation défaillante ; que pour retenir que le jugement gabonais du 21 juin 1995 était contraire à l'ordre public international français de sorte qu'il ne pouvait être reconnu en France, le juge de l'exequatur a énoncé qu'il n'était pas motivé ; que ce jugement, contradictoire, précisait que la créance était certaine, liquide et exigible, ce qui constitue au regard de l'ordre public international, qui est atténué, une motivation suffisante ; qu'en retenant le contraire, le juge de l'exequatur a violé l'article 34 de la convention franco-gabonaise du 23 juillet 1963 ;
2) ALORS QUE l'exigence de motivation des jugements en droit procédural français n'est pas d'ordre public international ; que le défaut de motivation constitue seulement un obstacle à l'efficacité en France d'une décision étrangère lorsque ne sont pas produits les documents de nature à servir d'équivalent à la motivation défaillante ; que pour retenir que le jugement gabonais du 21 juin 1995 était contraire à l'ordre public international français de sorte qu'il ne pouvait être reconnu en France, la cour d'appel a énoncé qu'il n'était pas motivé ; qu'en ne recherchant pas s'il ne résultait pas des éléments de la procédure un équivalent de la motivation défaillante, le juge de l'exequatur a privé sa décision de base légale au regard de l'article 34 de la convention franco-gabonaise du 23 juillet 1963 ;
3) ALORS QUE pour refuser l'exequatur du jugement gabonais, le juge a retenu qu'il portait condamnation solidaire de personnes physiques et morales sans préciser le fondement d'une telle solidarité ; qu'en retenant, pour refuser l'exequatur, que la solidarité retenue par le juge gabonais était contraire à l'ordre public international français, le juge de l'exequatur a violé l'article 34 de la convention franco-gabonaise du 23 juillet 1963.