LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu les articles 377, 386 et 392, alinéa 2, du code de procédure civile ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que dans une instance introduite par les consorts X... contre le Fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme et autres infractions, un précédent arrêt a prononcé un sursis à statuer dans l'attente des résultats d'investigations pénales ; que sur demande des parties, un conseiller de la mise en état a, le 13 janvier 2005, ordonné le retrait du rôle ; que l'instance pénale ayant abouti à un non-lieu, le 28 avril 2006, les consorts X... ont sollicité le rétablissement de l'affaire le 24 janvier 2007 ;
Attendu que pour déclarer l'instance périmée, l'arrêt retient qu'à la suite de l'ordonnance du 13 janvier 2005 prononçant la mise hors du rôle, sans la moindre référence à la décision de sursis à statuer, l'instance n'était pas interrompue mais suspendue, ce qui obligeait à l'accomplissement d'actes nécessaires à l'interruption de la péremption d'instance et qu'en l'absence de diligences interruptives effectuées par les consorts X... à compter du 13 janvier 2005, la demande de rétablissement datant du 24 janvier 2007 et le dépôt des conclusions du 8 février 2007, alors que le délai de péremption expirait le 13 janvier 2007, la péremption était bien acquise ;
Qu'en statuant ainsi, alors que l'ordonnance de retrait du rôle était sans effet sur la suspension de l'instance résultant de la décision antérieure de sursis à statuer qui interrompait le délai de péremption jusqu'à l'ordonnance de non-lieu, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 12 septembre 2007, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;
Laisse les dépens à la charge du Trésor public ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne le Fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme et d'autres infractions à payer aux consorts X... la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit décembre deux mille huit.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me Foussard, avocat aux Conseils pour les consorts X....
L'arrêt attaqué encourt la censure ;
EN CE QUE, rejetant le déféré, il a constaté la péremption de l'instance ;
AUX MOTIFS QUE « dans le cadre d'un sursis à statuer le délai de péremption est interrompu pendant la suspension de l'instance « pour un temps ou jusqu'à la survenance d'un évènement déterminé » en application de l'article 392 alinéa 2 du nouveau Code de procédure civile ; que le conseiller de la mise en état a rendu ensuite – au vu de la décision, à la demande des avoués – une ordonnance de « radiation » le 13 janvier 2005 en prononçant la mise hors du rôle général au visa des articles 369 et 381 du nouveau Code de procédure civile, sans la moindre référence à la décision de sursis à statuer, de telle sorte que dans ce cadre qui n'était plus celui du sursis à statuer, l'instance pouvait être reprise à la demande des parties ; que dès lors l'instance n'était pas interrompue mais suspendue, ce qui obligeait à l'accomplissement d'actes nécessaires à l'interruption de la péremption d'instance ; qu'il est exact de soutenir avec le Fonds que sans l'initiative des appelants, c'est-à-dire sans demande de radiation, l'affaire aurait été évoquées aux conférences de mise en état jusqu'à ce qu'intervienne l'évènement attendu mettant fin au sursis ; qu'en tout état de cause, les consorts X... gardaient la possibilité d'interrompre le délai de péremption par des diligences procédurales, même si l'évènement ne s'était pas encore produit ; que les consorts X... ne peuvent donc soutenir que le délai de péremption aurait commencé à courir à compter de la date de l'ordonnance de non lieu du juge d'instruction mettant fin au sursis, soit du 28 avril 2006 ; que l'arrêt de la Cour de cassation du 6 avril 2006 ne saurait être utilement opposée par les consorts X... dans la mesure où il vise un cas particulier où le conseiller de la mise en état avait prononcé une « radiation dans l'attente d'une décision pénale », au lieu d'une ordonnance de sursis à statuer – ce qui n'est pas le cas en l'espèce ; que force est dès lors de constater l'absence de diligences interruptives effectuées par les consorts X... à compter du 13 janvier 2005, la demande de rétablissement datant du 24 janvier 2007 et le dépôt des conclusions du 8 février 2007 , alors que le délai de péremption expirait le 13 janvier 2007, de telle sorte que la péremption était bien acquise » ;
ALORS QUE, premièrement, en application de l'article 392, alinéa 2 du Code de procédure civile, la suspension de l'instance, découlant d'une décision de sursis à statuer, emporte interruption du délai de péremption ; que cette règle, énoncée en termes généraux, s'applique dans toutes les hypothèses de sursis, peu important qu'un sursis ayant été prononcé, le juge de la mise en état décide ultérieurement de procéder à une radiation de l'affaire ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé les articles 2, 3, 381 et 392 du Code de procédure civile, 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
ALORS QUE, deuxièmement, le délai de péremption étant suspendu, par un effet de la loi, à raison de la suspension de l'instance découlant de la décision de sursis, la suspension de l'instance dure jusqu'à l'évènement mettant fin au sursis, avec tous les effets qui lui sont légalement attachés, sans que, par hypothèse, la décision de radiation puisse affecter ses effets ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé les articles 2, 3, 381 et 392 du Code de procédure civile, 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
ALORS QUE, troisièmement, si une décision de radiation a en principe pour effet de suspendre l'instance, tout en laissant le délai de péremption courir, cette solution ne peut être retenue dans le cas où l'instance a été précédemment suspendue à raison d'un sursis à statuer antérieurement ordonné ; que dans ce cas de figure, seules les règles applicables à la suspension, découlant d'un sursis à statuer, et non les règles applicables à la suspension, découlant de la mesure de radiation, ont vocation à s'appliquer ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé les articles 2, 3, 381 et 392 du Code de procédure civile, 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.