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17/12/2008 | FRANCE | N°07-87611

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 17 décembre 2008, 07-87611


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Nicole,

contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, 9e chambre, en date du 17 octobre 2007, qui, dans la procédure suivie contre elle du chef de recel d'abus de confiance, a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 314-1 et 321-1 du code pénal, 2, 3 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"

en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a dit que Nicole X... a recelé le produit d'un ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Nicole,

contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, 9e chambre, en date du 17 octobre 2007, qui, dans la procédure suivie contre elle du chef de recel d'abus de confiance, a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 314-1 et 321-1 du code pénal, 2, 3 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a dit que Nicole X... a recelé le produit d'un abus de confiance commis par l'association L'Enfanfreluche et l'a condamnée à verser à la ville de Paris, partie civile, la somme de 44 176 euros à titre de dommages-intérêts ;
" aux motifs que les ressources de l'association L'Enfanfreluche provenaient, pour un tiers de subventions versées par la ville de Paris, en vertu d'une convention initiale du 10 février 1985, puis d'une convention du 26 janvier 1995 (1 018 435 francs en 2000, 1 185 829 francs en 2001) et de subventions versées par la caisse d'allocations familiales et des participations des familles ; qu'un prêt sans intérêt a été accordé par convention, en date du 13 juillet 2000 à Nicole X... d'un montant de 820 000 francs abondé de 200 000 francs l'année suivante sans faire l'objet de convention ; que Nicole X... avait effectué ce prêt pour pouvoir faire face à l'acquisition d'une maison alors qu'elle n'avait pas encore vendu son ancien bien immobilier ; que ce prêt a été intégralement remboursé par Nicole X... le 7 mars 2002 ; que le conseil d'administration lors de sa réunion du 26 janvier 2001 a arrêté la délibération suivante : « pour les 20 ans de l'association le bureau décide de l'attribution d'une indemnité à Nicole X... pour les services rendus dans les années 1981 à 1984, années durant lesquelles elle a oeuvré pour la création et la reconnaissance officielle de la crèche » ; que le montant de cette indemnité, non précisé dans la délibération, a été déterminé par Nicole X... elle-même sur la base, selon ses affirmations, de la convention collective de la profession ; que Nicole X... a fait virer sur son compte personnel la somme totale de 740 000 francs en 2001 et celle de 225 924 francs en 2002 ; qu'interrogée sur la cause de ces versements, Nicole X... a expliqué qu'il s'agissait d'arriérés de salaires afférents à la période où elle travaillait à la crèche (1980 à 1984 inclus) sans percevoir de salaire ; qu'elle ne produit aucun contrat de travail, ni justificatif de son travail à cette époque ; qu'en outre, la prescription en matière de salaire est de cinq ans ; qu'enfin, jusqu'en 1985, la crèche n'était pas gérée par l'association L'Enfanfreluche mais par l'association Theta Peda ; qu'en utilisant, sans motif légitime, la trésorerie à des fins étrangères à l'objet de l'association et dans l'intérêt exclusif de Nicole X..., l'association L'Enfanfreluche s'est rendue coupable du délit d'abus de confiance ; qu'en bénéficiant des indemnités qui lui étaient indûment versées par l'association, Nicole X... a commis le délit de recel visé à la prévention ; qu'il importe peu que le principe du versement d'une indemnité ait été accepté par le conseil d'administration dès lors que le montant n'en était pas précisé et qu'il a été fixé par Nicole X... seule, celle-ci ayant en outre procédé aux versements ; que, dès lors, la ville de Paris dont les subventions sont, aux termes des conventions conclues en 1985 et 1996, expressément affectées au fonctionnement de la crèche, est recevable en sa constitution de partie civile et bien fondée en sa demande tendant à voir juger qu'elle a subi un préjudice direct et personnel du fait du détournement frauduleux et du recel commis respectivement par l'association L'Enfanfreluche et Nicole X... ;
" alors que, d'une part, le délit d'abus de confiance ne peut résulter de l'usage de biens ayant fait l'objet d'une remise en pleine propriété, cette remise fût-elle accompagnée d'une obligation légale ou conventionnelle d'affecter ces biens à un usage déterminé ; qu'ayant constaté que les fonds prétendument détournés par l'association étaient ceux de sa propre trésorerie, ce dont il résulte que cette association en était la propriétaire, la cour d'appel a violé les textes précités ;
" alors que, en tout état de cause, une municipalité ne souffre d'aucun préjudice direct du fait de l'usage, même non conforme au contrat, de fonds effectués au sein d'une association dont elle finance les activités par voie de subventions ; qu'en déclarant la ville de Paris recevable pour obtenir la réparation du préjudice résultant de l'usage, par l'association, de sa trésorerie à des fins prétendument étrangères à l'objet de l'association et dans l'intérêt exclusif de Nicole X..., la cour d'appel a violé les textes précités ;
" alors que, enfin, le recel suppose la connaissance de l'origine frauduleuse de chose détenue ; qu'en s'abstenant de rechercher, ainsi que l'imposaient les constatations des premiers juges fondant la relaxe, si Nicole X..., dont il a été constaté qu'elle avait agi en toute transparence sans avoir eu la moindre volonté de dissimuler les versements litigieux, avait eu conscience que ces versements étaient constitutifs d'un abus de confiance, la cour d'appel a violé les textes précités " ;
Vu les articles 2 et 3 du code de procédure pénale, ensemble les articles 314-1 et 321-1 du code pénal, 1382 du code civil ;
Attendu que le délit d'abus de confiance ne cause un préjudice personnel et direct qu'aux propriétaires, détenteurs ou possesseurs des effets ou deniers détournés ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que l'association L'Enfanfreluche, dont Nicole X... était dirigeante de fait et qui avait pour objet la gestion d'une crèche, a bénéficié de subventions attribuées, notamment, par la ville de Paris ; qu'entre 2000 et 2002, autorisée par le conseil d'administration de l'association, Nicole X... a prélevé les sommes de 1 020 000 francs représentant un prêt sans intérêts, intégralement remboursé, de 740 000 et 225 924 francs au titre de gratifications pour plusieurs années d'activités bénévoles ; que, sur la plainte avec constitution de partie civile de la ville de Paris, l'association a été poursuivie pour abus de confiance et Nicole X... pour recel de ce délit ;
Attendu que, pour réformer, sur le seul appel de la partie civile, le jugement ayant relaxé les prévenues, condamner Nicole X... à payer des dommages-intérêts à la ville de Paris et fixer le montant de la créance de cette dernière dans la liquidation judiciaire de l'association L'Enfanfreluche, l'arrêt retient, notamment, que l'abus de confiance reproché à cette association résulte de l'utilisation par celle-ci, sans motif légitime, de sa trésorerie à des fins étrangères à son objet et qu'en bénéficiant des indemnités qui lui ont été indûment versées, Nicole X... a commis le délit de recel visé à la prévention ; que les juges ajoutent que la ville de Paris, dont les subventions sont expressément affectées au fonctionnement de la crèche, a subi un préjudice direct et personnel du fait de ces agissements ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors que la ville de Paris ne détenait plus aucun droit sur des fonds dont la propriété avait été transférée à l'association, bénéficiaire des subventions, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée des textes susvisés et du principe ci-dessus rappelé ;
D'où il suit que la cassation est encourue ; que, n'impliquant pas qu'il soit à nouveau statué sur le fond, elle aura lieu sans renvoi, ainsi que le permet l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire ;
Qu'en application de l'article 612-1 du code de procédure pénale, et dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, la cassation aura effet à l'égard de l'association L'Enfranfreluche, représentée par son mandataire liquidateur, Me Y..., qui ne s'est pas pourvue ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Paris, en date du 17 octobre 2007 ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Paris et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
DÉCLARE IRRECEVABLE la demande au titre de l'article 618-1 du code de procédure pénale, présentée par la ville de Paris ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Dulin conseiller le plus ancien faisant fonction de président en remplacement du président empêché, M. Rognon conseiller rapporteur, Mme Desgrange conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Randouin ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 07-87611
Date de la décision : 17/12/2008
Sens de l'arrêt : Cassation sans renvoi
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

ABUS DE CONFIANCE - Préjudice - Définition - Propriétaire, détenteur ou possesseur des fonds - Transfert de fonds - Délit constitué (non)

Le délit d'abus de confiance ne cause un préjudice personnel et direct qu'aux propriétaires, détenteurs ou possesseurs des effets ou deniers détournés. Encourt dès lors la censure l'arrêt qui, pour condamner la prévenue du chef de recel d'abus de confiance, retient que l'infraction principale, reprochée à une association, résulte de l'utilisation abusive de sa trésorerie bénéficiant, pour partie, d'une subvention municipale, alors que la propriété des fonds avait été transférée à ladite association


Références :

articles 2 et 3 du code de procédure pénale

articles 314-1 et 321-1 du code pénal

article 1382 du code civil

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 17 octobre 2007


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 17 déc. 2008, pourvoi n°07-87611, Bull. crim. criminel 2008, n° 257
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2008, n° 257

Composition du Tribunal
Président : M. Dulin (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat général : M. Lucazeau
Rapporteur ?: M. Rognon
Avocat(s) : Me Foussard, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2008:07.87611
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