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17/12/2008 | FRANCE | N°04-12315

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 17 décembre 2008, 04-12315


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 13 février 2002), que la société italienne Enel a passé un contrat avec la société Total international Ltd portant sur la livraison de fioul lourd n° 2 destiné à servir de combustible pour la production d'électricité ; que, pour l'exécution de ce contrat, la société Total raffinage distribution (devenue société Total France) a vendu à la société Total international Ltd 30 000 tonnes de fioul lourd n° 2, laquelle a affrété le navire Erika pour le t

ransporter du port de Dunkerque au port de Milazzo (Italie) ; que, le 12 décemb...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 13 février 2002), que la société italienne Enel a passé un contrat avec la société Total international Ltd portant sur la livraison de fioul lourd n° 2 destiné à servir de combustible pour la production d'électricité ; que, pour l'exécution de ce contrat, la société Total raffinage distribution (devenue société Total France) a vendu à la société Total international Ltd 30 000 tonnes de fioul lourd n° 2, laquelle a affrété le navire Erika pour le transporter du port de Dunkerque au port de Milazzo (Italie) ; que, le 12 décembre 1999, le navire pétrolier Erika a sombré déversant une partie de sa cargaison et de ses soutes en mer et entraînant une pollution du littoral atlantique français ; que la commune de Mesquer a assigné la société Total raffinage distribution et la société Total international Ltd en paiement des dépenses déjà engagées par la commune au titre des opérations de nettoyage et de dépollution de son territoire ; que par arrêt du 28 mars 2007, la Cour de cassation a sursis à statuer et saisi la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE) de questions préjudicielles ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la commune de Mesquer fait grief à l'arrêt de dire que le fioul lourd n° 2 n'est pas caractéristique d'un déchet et de la débouter de sa demande de condamnation in solidum des sociétés Total international Ltd et Total raffinage distribution à lui payer une somme, alors, selon le moyen :

1°/ qu'en estimant que l'arrêté du 18 septembre 1967 définissant les caractéristiques du fioul lourd n° 2 était inapplicable en l'espèce, au motif que l'Erika devait débarquer sa cargaison en Italie, la cour d'appel a violé l'article 3 du code civil ensemble l'arrêté susvisé ;

2°/ qu'en ne recherchant pas, ainsi qu'elle y avait été invitée par la commune de Mesquer, si la substance transportée par l'Erika avait une viscosité à 100° C inférieure à 40 centistokes, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'arrêté du 18 septembre 1967 ;

3°/ qu'en retenant que la substance transportée par l'Erika était du fioul lourd "au sens communautaire et selon la pratique admise en la matière", pour ensuite écarter la qualification de déchet de cette substance, sans préciser les caractéristiques du fioul lourd au sens de ce droit et de cette pratique, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 541-1 et suivants du code de l'environnement ;

4°/ qu'en retenant que la substance transportée par l'Erika était du fioul lourd "au sens communautaire et selon la pratique admise en la matière", pour ensuite écarter la qualification de déchet de cette substance, sans préciser ses caractéristiques, la cour d'appel a derechef privé sa décision de base légale au regard des articles L. 541-1 et suivants du code de l'environnement ;

5°/ subsidiairement, qu'est un déchet, au sens de l'article L. 541-1 du code de l'environnement, tout résidu d'un processus de production, de transformation ou d'utilisation ; qu'ayant constaté que le fioul lourd n° 2 était un résidu du processus de raffinage du pétrole, processus de transformation du pétrole brut en produits adaptés aux besoins des consommateurs, la cour d'appel n'a pas, en refusant de qualifier ce fioul de déchet, tiré les conséquences légales de ses propres constatations, violant ainsi par refus d'application le texte susvisé ;

6°/ plus subsidiairement, que le mode d'utilisation d'une substance n'est pas déterminant de la qualification ou non de déchet ; qu'en se déterminant néanmoins, pour refuser de qualifier de déchet le fioul lourd n° 2 transporté par l'Erika, au regard de considérations inopérantes liées à sa destination convenue par les sociétés pétrolières et son acquéreur, aux fins de production d'électricité par voie de combustion et à son utilisation, en général, aux fins de production de ladite énergie, la cour d'appel a violé l'article L. 541-1 du code de l'environnement, interprété à la lumière de l'article 1er de la directive CEE n° 75-442 du 15 juillet 1975 ;

7°/ que la combustion d'un bien est une opération d'élimination de ce dernier, quand bien même elle aurait pour finalité la production d'énergie ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article L. 541-2 du code de l'environnement (article 2 de la loi du 15 juillet 1975) ;

Mais attendu que la Cour de justice des communautés européennes a dit pour droit (CJCE 24 juin 2008, commune de Mesquer c/ société Total France SA et société Total international Ltd, C-188/07) qu'une substance telle que celle en cause au principal, à savoir du fioul lourd vendu en tant que combustible, ne constitue pas un déchet au sens de la directive 75/442/CEE du Conseil, du 15 juillet 1975, relative aux déchets, telle que modifiée par la décision 96/350/CE de la Commission, du 24 mai 1996, dès lors qu'elle est exploitée ou commercialisée dans des conditions économiquement avantageuses et qu'elle est susceptible d'être effectivement utilisée en tant que combustible sans nécessiter d'opération de transformation préalable ;

Et attendu qu'ayant relevé, en procédant à la recherche prétendument omise, que, selon l'expertise confiée à M. X... par la juridiction administrative, la cargaison de l'Erika était du fioul lourd n° 2 tel que défini par l'arrêté du 18 septembre 1967 et que ces conclusions étaient confirmées, après analyses, par la Direction régionale de l'industrie, de la recherche et de l'environnement de Haute-Normandie, l'Institut français du pétrole et le Centre de documentation de recherche et d'expérimentation sur les pollutions accidentelles des eaux (CEDRE) et constaté que le fioul lourd n° 2 était un produit issu du processus de raffinage, qui répondait aux spécifications de la société Enel et était destiné à une utilisation directe comme combustible pour les besoins de production électrique, la cour d'appel, qui a pu en déduire, abstraction faite de motifs erronés mais surabondants, que la cargaison de l'Erika ne pouvait être qualifiée de déchet, a légalement justifié sa décision de ce chef ;

Sur le troisième moyen, ci-après annexé :

Attendu qu'ayant relevé que le risque lié au naufrage était évidemment connu de l'armateur, qui n'avait pas à être spécialement averti, le connaissement, accompagné d'ailleurs de divers documents informatifs sur la nature et les particularités de la cargaison faisant état de fioul lourd, ce qui était conforme à la cargaison réelle, la cour d'appel, qui a pu en déduire que le transfert de garde s'était opéré lors du chargement du fioul à bord et que la responsabilité des sociétés Total ne pouvait être recherchée sur le fondement de l'article 1384, alinéa 1er, du code civil, a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision de ce chef ;

Sur le quatrième moyen, ci-après annexé :

Attendu qu'ayant relevé qu'il n'était pas établi que le fioul lourd n° 2 transporté par le navire Erika était atteint d'une défectuosité quelconque, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de répondre à de simples allégations non assorties d'une offre de preuve, a, abstraction faite d'un motif erroné mais surabondant, légalement justifié sa décision de ce chef ;

Mais sur le deuxième moyen :

Vu l'article L. 541-2 du code de l'environnement, interprété à la lumière des objectifs assignés aux Etats membres par la directive CEE 75-442 du 15 juillet 1975 ;

Attendu que toute personne qui produit ou détient des déchets dans des conditions de nature à produire des effets nocifs sur le sol, la flore et la faune, à dégrader les sites ou les paysages, à polluer l'air ou les eaux, à engendrer des bruits et des odeurs et, d'une façon générale, à porter atteinte à la santé de l'homme et à l'environnement, est tenue d'en assurer ou d'en faire assurer l'élimination conformément aux dispositions du présent chapitre, dans des conditions propres à éviter lesdits effets ; que l'élimination des déchets comporte les opérations de collecte, transport, stockage, tri et traitement nécessaires à la récupération des éléments et matériaux réutilisables ou de l'énergie, ainsi qu'au dépôt ou au rejet dans le milieu naturel de tous autres produits dans des conditions propres à éviter les nuisances ci-dessus mentionnées ;

Attendu que la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE 24 juin 2008, commune de Mesquer c/ société Total France SA et société Total international Ltd, C-188/07)2) a dit pour droit que des hydrocarbures accidentellement déversés en mer à la suite d'un naufrage, se retrouvant mélangés à l'eau ainsi qu'à des sédiments et dérivant le long des côtes d'un Etat membre jusqu'à s'échouer sur celles-ci, constituent des déchets au sens de l'article 1er, sous a), de la directive 75/442, telle que modifiée par la décision 96/350, dès lors que ceux-ci ne sont plus susceptibles d'être exploités ou commercialisés sans opération de transformation préalable et qu'aux fins de l'application de l'article 15 de la directive 75/442, telle que modifiée par la décision 96/350, au déversement accidentel d'hydrocarbures en mer à l'origine d'une pollution des côtes d'un Etat membre, le juge national peut considérer le vendeur de ces hydrocarbures et affréteur du navire les transportant comme producteur des dits déchets, au sens de l'article 1er, sous b), de la directive 75/442, telle que modifiée par la décision 96/350, et, ce faisant, comme "détenteur antérieur" aux fins de l'application de l'article 15, second tiret, première partie, de cette directive, si ce juge, au vu des éléments que lui seul est à même d'apprécier, aboutit à la conclusion que ce vendeur-affréteur a contribué au risque de survenance de la pollution occasionnée par ce naufrage, en particulier s'il s'est abstenu de prendre les mesures visant à prévenir un tel événement telles que celles concernant le choix du navire et que s'il s'avère que les coûts liés à l'élimination des déchets générés par un déversement accidentel d'hydrocarbures en mer ne sont pas pris en charge par le Fonds international d'indemnisation pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures ou ne peuvent l'être en raison de l'épuisement du plafond d'indemnisation prévu pour ce sinistre et que, en application des limitations et/ou des exonérations de responsabilité prévues, le droit national d'un Etat membre, y compris celui issu de conventions internationales, empêche que ces coûts soient supportés par le propriétaire du navire et/ou l'affréteur de ce dernier, alors même que ceux-ci sont à considérer comme des "détenteurs" au sens de l'article 1er, sous c), de la directive 75/442, telle que modifiée par la décision 96/350, un tel droit national devra alors permettre, pour assurer une transposition conforme à l'article 15 de cette directive, que lesdits coûts soient supportés par le producteur du produit générateur des déchets ainsi répandus. Cependant, conformément au principe du pollueur-payeur, un tel producteur ne peut être tenu de supporter ces coûts que si, par son activité, il a contribué au risque de survenance de la pollution occasionnée par le naufrage du navire ;

Attendu que pour dire que la commune de Mesquer n'était pas fondée à invoquer les dispositions de la loi du 15 juillet 1975 sur l'élimination des déchets et la débouter de sa demande de condamnation in solidum des sociétés Total international Ltd et Total raffinage distribution à lui payer une somme, l'arrêt retient que les sociétés Total ne peuvent être considérées, au sens de l'article L. 541-2 du code de l'environnement, comme productrices ou détentrices des déchets retrouvés sur les plages après le naufrage du navire Erika, alors qu'elles ont en réalité fabriqué un produit pétrolier devenu déchet uniquement par le fait du transport ;

Qu'en statuant ainsi, alors que le vendeur des hydrocarbures et affréteur du navire les transportant peut être considéré comme détenteur antérieur des déchets s'il est établi qu'il a contribué au risque de survenance de la pollution occasionnée par le naufrage et que le producteur du produit générateur des déchets peut être tenu de supporter les coûts liés à l'élimination des déchets si, par son activité, il a contribué au risque de survenance de la pollution occasionnée par le naufrage, la cour d'appel, qui a constaté que la société Total raffinage distribution avait produit le fioul lourd et que la société Total international Ltd l'avait acquis puis vendu à la société Enel et affrété le navire Erika pour le transporter, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a dit que la société Total n'était plus le détenteur du fioul lourd n° 2 et que la commune
de Mesquer n'était pas fondée à invoquer les dispositions de la loi de 1975 relative à l'élimination des déchets, l'arrêt rendu le 13 février 2002, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;

Condamne la société Total France et la société Total international Ltd aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Total France et la société Total international Ltd à payer à la commune de Mesquer la somme de 2 500 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé à l'audience publique du dix-sept décembre deux mille huit par M. Cachelot, conseiller le plus ancien faisant fonction de président, conformément à l'article 452 du code de procédure civile.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat aux Conseils pour la commune de Mesquer.

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR débouté la commune de Mesquer de sa demande tendant à voir condamner in solidum les sociétés Total International Ltd et Total Raffinage Distribution à lui verser la somme de 69.232,42 euros;

AUX MOTIFS, PROPRES ET ADOPTES, QUE l'appelante soutenait, en substance, d'une part, que la cargaison de l'Erika devait être qualifiée de déchet au sens des droits communautaire et interne et que, dès lors, les sociétés Total, regardées comme productrices et détentrices, sont responsables de la pollution subie par la commune de Mesquer et, d'autre part, que répandue sur le littoral, cette cargaison constituait en toute hypothèse une déchet obligeant lesdites sociétés à supporter le coût du nettoyage; que les directives communautaires étaient des actes destinés aux Etats membres de l'Union et ne pouvaient, par elles-mêmes, créer d'obligations dans le chef d'un particulier et qu'une disposition de directive ne pouvait donc pas être invoquée en tant que telle à l'encontre d'une telle personne ; que pour se conformer à l'article 189, troisième alinéa du Traité CEE (devenu article 249, troisième alinéa, CEE), la juridiction nationale était tenue, lorsqu'elle appliquait des dispositions de droit national antérieures ou postérieures à ladite directive, de les interpréter dans toute la mesure du possible à la lumière du texte et de la finalité de celle-ci, en sorte qu'elles puissent recevoir une application conforme aux objectifs de cette directive ; que l'article 1er de la directive 75/442/CEE du Conseil du 15 juillet 1975, modifiée par la directive 91/156/CEE du Conseil du 18 mars 1991, qualifiait de déchet toute substance ou tout objet qui relève des catégories figurant à l'annexe 1, dont le détenteur se défait ou dont il a l'intention ou l'obligation de se défaire, de producteur, toute personne dont l'activité a produit des déchet (« producteur initial ») et/ou toute personne qui a effectué des opérations de pré-traitement, de mélange ou autres conduisant à un changement de nature ou de composition de ces déchets, et de détenteur le producteur des déchet sou la personne physique ou morale qui a les déchets en sa possession; que l'annexe 1 de la directive était intitulée « Catégories de déchets » et énumérait seize catégories déchets ; que la dernière Q16, énonçait « Toute matière, substance ou produit qui n'est pas couvert par les catégories ci-dessus» ; que par décision 94/3/CE du 20 décembre 1993, établissant une liste de déchets en application de l'article 1er point a) de la directive 75/442, la Commission avait établi une liste harmonisée et non exhaustive de déchets, communément désignée «catalogue européen des déchets» ; que les objectifs de cette réglementation étaient, selon l'article 3, paragraphe 1, de la directive, en premier lieu, la prévention ou la réduction de la production des déchets et de leur nocivité, en deuxième lieu, la valorisation des déchets par recyclage, réemploi, récupération ou toute autre action visant à obtenir des matières premières secondaire sou l'utilisation des déchets comme source d'énergie ; que l'article 4 de la directive prévoyait que les Etats membres prennent aussi les mesures nécessaires pour assurer que les déchets seront valorisés ou éliminés sans mettre en danger la santé de l'homme et sans que soient utilisés des procédés ou méthodes susceptibles de porter préjudice à l'environnement; que les annexes II A et II B de la directive précisaient ce qu'il convenait d'entendre par élimination ou valorisation des déchets, soit, pour l'annexe II A, le dépôt sur ou dans la sol, par exemple la mise en décharge , le traitement en milieu terrestre, par exemple la biodégradation de déchets liquides ou de boues dans les sols, le lagunage, par exemple le déversement de déchets liquides ou de boues dans des puits, des étangs ou des bassins, l'incinération à terre et, pour l'annexe II B, la récupération ou la régénération des solvants, le recyclage ou la récupération d'autres matières inorganiques, l'utilisation principale comme combustible ou autre source d'énergie; que cette réglementation communautaire trouvait son application dans la loi du 15 juillet 1975, relative à l'élimination des déchets et à la récupération des matériaux, dont l'essentiel était codifié dans le Code de l'environnement depuis 2000 (articles L 541-1 et suivants); que ce texte transposait, en fait, les principes édictés par la directive du même jour, qu'il avait été révisé notamment par la loi n°92-646 du 15 juillet 1992, relative à l'élimination des déchets ainsi qu'aux installations classées pour la protection de l'environnement, ce texte appliquant lui-même la directive modificative 91/156 CEE du 18 mars 1991; qu'en son article 1er, devenu article L.541-1 du Code de l'environnement, la loi de 1975 définissait comme déchet « tout résidu d'un processus de production, de transformation ou d'utilisation, toute substance, matériau, produit ou plus généralement tout bien meuble abandonné ou que son détenteur destine à l'abandon»; que cette réglementation communautaire trouvait en outre son application dans le décret n°97/517 du 15 mai 1997, relatif à la classification des déchets dangereux, reprenant la liste communautaire de tels déchets et définissant les catégories de déchets, qui, en application de l'article 2-1 de la loi de 1975, ne peuvent pas être déposés dans des installations de stockage recevant d'autres catégories de déchets; que cette réglementation communautaire trouvait enfin son application dans le décret n°77/974 du 15 août 1977, relatif aux informations à fournir au sujet des déchets générateurs de nuisances, dont il fixe la liste, en application de la loi de 1975 ; que le rapprochement des réglementations communautaire et française permet de constater que la seconde réalise l'application de la première quand elle n'en constitue pas la transposition pure et simple, qu'il en est ainsi de la définition des déchets, la directive évoquant un produit dont on doit se défaire, la loi française recourant à la notion d'abandon ; ET QUE sur le fond, il résultait de l'expertise confiée à Monsieur X... que la cargaison de l'Erika était du fioul lourd n°2 tel que défini par l'arrêté du 18 septembre 1967, cette conclusion étant confirmée, après analyses, par la DRIRE de Haute Normandie, l'Institut français du pétrole et le CEDRE; qu'au surplus, la définition de l'arrêté valait uniquement pour le fioul destiné à la consommation intérieure, alors que l'Erika devait débarquer sa cargaison en Italie ; que par ailleurs, les caractéristiques du produit transporté permettaient de l'assimiler à du fioul lourd au sens du droit communautaire et selon la pratique admise en la matière (teneur en soufre et viscosité); que ce fioul lourd n°2 était notamment destiné à la combustion industrielle (centrales thermiques, fours-cimenteries) et à l'alimentation des navires propulsés par des moteurs diesel lents de grosse puissance ; qu'il résultait des document produits que le pétrole brut, tel qu'il sort des puits d'extraction, pratiquement inutilisable en l'état doit faire l'objet d'opérations de raffinage; que le raffinage était constitué par l'ensemble des procédés industriels mis en oeuvre pour transformer le pétrole brut en produit adapté aux besoins des consommateurs et des marchés : carburants, combustibles, lubrifiant, bitumes ; que le fioul lourd était un produit issu du processus de raffinage par lequel sont extraites du pétrole brut l'ensemble des coupes pétrolières qui, selon les demandes du marché, serviront soit de carburant (essence gazole, fiouls lourds), ou fourniront les bases nécessaires aux opérations de pétrochimie ou à la fabrication des huiles et des bitumes ; que le fioul lourd n°2 était ainsi un résidu du processus de raffinage, c'est-à-dire la fraction la plus lourde obtenue à ce stade intermédiaire de la distillation du pétrole brut, qui comportait d'autres étapes, produisant des résidus successifs; que la cargaison de l'Erika, provenant des raffineries de Dunkerque, était un produit répondant aux spécifications (assorties de pénalités) de la société Enel, de droit italien, comme en témoignaient le contrat cadre du 21 mars 1999 passé entre ce donneur d'ordre et les sociétés Total, et la commande du 1er décembre 1999 concernant la cargaison déversée accidentellement en Bretagne ; que la destination recherchée dès l'origine était l'utilisation directe comme combustible pour des besoins de production électrique; qu'il s'agissait donc d'une matière combustible constituant un produit énergétique élaboré pour un usage déterminé, et non d'un déchet devant être éliminé, c'est-à-dire devant faire l'objet d'un abandon ou dont il y avait lieu de se défaire ; que la convention régulièrement passée entre l'acquéreur italien et les sociétés Total, s'appliquant à un produit dont la circulation était de principe libre et l'usage contractuellement prévu et normal, ne permettait pas de retenir que, sous couvert d'une telle cession, les venderesses, dans le cadre d'un processus d'élimination, avaient l'intention de se défaire de cette cargaison ou de l'abandonner au sens des textes susvisés; qu'il devait être observé que la loi n°92-1443 du 31 décembre 1992, qui transpose en droit interne la directive communautaire modifiée du 20 décembre 1968, relative aux stocks stratégiques, comprend le fioul lourd, en son article 2 ; que ceci n'avait rien d'étonnant, s'agissant principalement de production électrique dont dépendent toutes les économies développées; que cette circonstance était clairement incompatible avec toute idée d'abandon nécessaire à la qualification de déchet; qu'il en résulte que cette utilisation du fioul lourd dans les centrales électriques est, non seulement permise, mais encore garantie par les Etats; que la cargaison de l'Erika ne pouvait être qualifiée de déchet;

1°) ALORS QU'en estimant que l'arrêté du 18 septembre 1967 définissant les caractéristiques du fioul lourd n°2 était inapplicable en l'espèce, au motif que l'Erika devait débarquer sa cargaison en Italie, la cour a violé l'article 3 du code civil ensemble l'arrêté susvisé ;

2°) ALORS QU'en ne recherchant pas, ainsi qu'elle y avait été invitée par la commune de Mesquer, si la substance transportée par l'Erika avait une viscosité à 100°C inférieure à 40 centistokes, la cour a privé sa décision de base légale au regard de l'arrêté du 18 septembre 1967 ;

3°) ALORS QU'en retenant que la substance transportée par l'Erika était du fioul lourd «au sens du droit communautaire et selon la pratique admise en la matière», pour ensuite écarter la qualification de déchet de cette substance, sans préciser les caractéristiques du fioul lourd au sens de ce droit et de cette pratique, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L.541-1 et suivants du Code de l'environnement ;

4°) ALORS QU'en retenant que la substance transportée par l'Erika était du fioul lourd «au sens du droit communautaire et selon la pratique admise en la matière», pour ensuite écarter la qualification de déchet de cette substance, sans préciser ses caractéristiques, la cour d'appel a derechef privé sa décision de base légale au regard des articles L.541-1 et suivants du Code de l'environnement ;

5°) ALORS, subsidiairement, QU'est un déchet, au sens de l'article L.541-1 du Code de l'environnement, tout résidu d'un processus de production, de transformation ou d'utilisation; qu'ayant constaté que le fioul lourd n°2 était un résidu du processus de raffinage du pétrole, processus de transformation du pétrole brut en produits adaptés aux besoins des consommateurs, la cour n'a pas, en refusant de qualifier ce fioul de déchet, tiré les conséquences légales de ses propres constatations, violant ainsi par refus d'application le texte susvisé ;

6°) ALORS, plus subsidiairement, QUE le mode d'utilisation d'une substance n'est pas déterminant pour la qualification ou non de déchet; qu'en se déterminant néanmoins, pour refuser de qualifier de déchet le fioul lourd n°2 transporté par l'Erika, au regard de considérations inopérantes liées à sa destination convenue par les sociétés pétrolières et son acquéreur, aux fins de production d'électricité par voie de combustion et à son utilisation, en général, aux fins de production de ladite énergie, la cour a violé l'article L. 541-1 du Code de l'environnement, interprété à la lumière de l'article 1er de la directive CEE n°75-442 du 15 juillet 1975 ;

7°) ALORS, en tout état de cause, QUE la combustion d'un bien est une opération d'élimination de ce dernier, quand bien même elle aurait pour finalité la production d'énergie; qu'en décidant le contraire, la cour a violé l'article L.541-2 du Code de l'environnement (article 2 de la loi du 15 juillet 1975).

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR débouté la commune de Mesquer de sa demande tendant à voir condamner in solidum les sociétés Total International Ltd et Total Raffinage Distribution à lui verser la somme de 69.232,42 euros ;

AUX MOTIFS PROPRES, d'une part, QUE selon l'article 2 de la loi du 11 juillet 1975, devenu l'article L.541-2 du Code de l'environnement, « Toute personne qui produit ou détient des déchets dans des conditions de nature à produire des effets nocifs sur le sol, la flore et la faune, à dégrader les sites ou les paysages, à polluer l'air ou les eaux, à engendrer des bruits et des odeurs et, d'une façon générale, à porter atteinte à la santé de l'homme et à l'environnement, est tenue d'en assurer ou d'en faire assurer l'élimination conformément aux dispositions du présent chapitre, dans des conditions propres à éviter lesdits effets. L'élimination des déchets comporte les opérations de collecte, transport, stockage, tri et traitement nécessaires à la récupération des éléments et matériaux réutilisables ou de l'énergie, ainsi qu'au dépôt ou au rejet dans le milieu naturel de tous autres produits dans des conditions propres à éviter les nuisances mentionnées à l'alinéa précédent »; que les sociétés Total ne peuvent être considérées, au sens de ces dispositions, comme productrices ou détentrices des déchets retrouvés sur les plages après le naufrage de l'Erika, alors qu'elles ont en réalité fabriqué un produit pétrolier devenu déchet uniquement par le fait du transport et que les boulettes générées par le mélange eau/fioul/sable se sont répandues essentiellement sur le domaine maritime et, en tout état de cause, dans des lieux sur lesquels les sociétés intimées n'avaient pas de droit particuliers, qu'elles n'avaient donc pas à assumer l'élimination visée par ce texte ;

1°) ALORS QU'ayant constaté que les sociétés pétrolières avaient fabriqué le fioul lourd n°2, la cour n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations en décidant qu'elles ne pouvaient être qualifiées de producteur du déchet qui s'est déposé sur le territoire de l'exposante, violant ainsi l'article L.541-2 du Code de l'environnement (article 2 de la loi du 11 juillet 1975), interprété à la lumière des objectifs assignés aux Etats membres de l'Union par la directive CEE 75-442 du 15 juillet 1975 ;

2°) ALORS QU'en se fondant sur la circonstance, inopérante, que le déchet s'était répandu sur des lieux sur lesquels les sociétés pétrolières n'avaient pas de droit particuliers, pour décider qu'elles ne pouvaient être qualifiées de producteur dudit déchet, la cour a derechef violé l'article L.541-2 du Code de l'environnement ;

AUX MOTIFS PROPRES, d'autre part, QUE selon l'article 3 de la loi du 11 juillet 1975, devenu l'article L. 541-3 du Code de l'environnement, « au cas où des déchets sont abandonnés, déposés ou traités contrairement aux prescriptions du présent chapitre et des règlements pris pour leur application, l'autorité titulaire du pouvoir de police peut, après mise en demeure, assurer d'office l'exécution des travaux nécessaires aux frais du responsable. L'exécution des travaux ordonnés d'office peut être confiée par le ministre chargé de l'environnement à l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie. L'autorité titulaire du pouvoir de police peut également obliger le responsable à consigner entre les mains d'un comptable public une somme répondant du montant des travaux à réaliser»; que les sociétés Total ne peuvent être considérées comme ayant « abandonné, déposé ou traité » les déchets répandus le littoral à la suite du naufrage ; qu'en effet ces termes, qui visent en réalité les dépôts sauvages de déchets, impliquent des actes positifs qui ne peuvent être reprochés à ces sociétés, étant rappelé, en tant que de besoin, que la convention régulièrement passée entre l'acquéreur italien et les sociétés Total, s'appliquant à un produit dont la circulation est de principe libre et l'usage contractuellement prévu et normal, ne permettent pas de retenir que, sous couvert d'une telle cession, les venderesses, dans le cadre d'un processus d'élimination, avaient l'intention de se défaire de cette cargaison ou de l'abandonner au sens des textes susvisés ;

3°) ALORS QUE l'abandon d'un bien ne nécessite pas l'accomplissement d'un acte positif, tel qu‘un dépôt sauvage; qu'en considérant néanmoins que les sociétés pétrolières ne pouvaient être considérées comme ayant abandonné les déchets déposés sur le territoire de l'exposante qu'en présence d'un tel acte, la cour a violé l'article L.541-3 du Code de l'environnement (article 3 de la loi du 11 juillet 1975) ;

4°) ALORS QU'en écartant l'application de ce texte, s'agissant du déchet constitué par le mélange du fioul lourd n°2, du sable et de l'eau de mer, au motif inopérant que les sociétés pétrolières n'avaient pas l'intention de se défaire ou d'abandonner le fioul lourd n°2, la cour a derechef violé l'article L.541-3 du Code de l'environnement (article 3 de la loi du 11 juillet 1975) ;

AUX MOTIFS PROPRES, ensuite, QU'il n'était en revanche pas discuté, ni sérieusement discutable, que le fioul lourd transformé en boulettes avait généré des déchets au sens des textes ci-dessus rappelés; que selon l'article 4-2 de la loi du 15 juillet 1975, devenu l'article L.541-6 du Code de l'environnement, lorsque les personnes morales de droit public interviennent, matériellement ou financièrement, pour atténuer les dommages causés par un incident ou un accident lié à une opération d'élimination de déchets ou pour éviter l'aggravation de ces dommages, elles ont droit au remboursement par les personnes responsables de cet incident ou accident des frais qu'elles ont engagés, sans préjudice de l'indemnisation des autres dommages subis; qu'il avait toutefois été déjà précisé que le transport du fioul lourd en cause ne constituait pas une opération d'élimination de déchet; que les sociétés Total ne peuvent dès lors être actionnées sur le fondement de ce texte, qui vise exclusivement un accident ou un incident « lié à une opération d'élimination de déchet» ;

5°) ALORS QU'en écartant l'application de l'article L.541-6 du Code de l'environnement, s'agissant du déchet constitué par le mélange du fioul lourd n°2, du sable et de l'eau de mer, au motif inopérant que le transport du fioul lui-même ne s'inscrivait pas dans une opération d'élimination de ce fioul, la cour a violé ce texte ;

6°) ALORS, subsidiairement, QU'est un déchet, au sens de l'article L.541-1 du Code de l'environnement, tout résidu d'un processus de production, de transformation ou d'utilisation; qu'ayant constaté que le fioul lourd n°2 était un résidu du processus de raffinage du pétrole, processus de transformation du pétrole brut en produits adaptés aux besoins des consommateurs, la cour n'a pas, en décidant que le transport du fioul lourd n°2 ne s'inscrivait pas dans une opération d'élimination de déchet, tiré les conséquences légales de ses propres constatations, violant ainsi par refus d'application le texte susvisé ;

7°) ALORS, subsidiairement, QUE la combustion d'un bien est une opération d'élimination de ce dernier, quand bien même elle aurait pour finalité la production d'énergie; qu'en décidant que le transport du fioul lourd n°2 ne s'inscrivait pas dans une opération d'élimination de ce fioul, la cour a violé l'article L.541-2 du Code de l'environnement (article 2 de la loi du 15 juillet 1975) ;

AUX MOTIFS PROPRES, enfin, QUE selon l'article 11 de la loi du 11 juillet 1975, devenu l'article L.541-23 du Code l'environnement, devenu l'article L.541-23 du code de l'environnement, toute personne qui remet ou fait remettre des déchets appartenant aux catégories visées à l'article 9 à tout autre que l'exploitant d'une installation d'élimination agréée est solidairement responsable avec lui des dommages causés par ces déchets; qu'en réalité, l'article 9 de la loi du 11 juillet 1975 renvoyait à certaines catégories de déchets précisées par décret dont, à l'évidence, ne faisait pas partie le fioul lourd (emballages, huiles usées, PCB et PCT); qu'alors que les catégories de déchets visés par l'article 9 doivent avoir fait l'objet d'un décret spécifique pris sur le fondement de cette disposition, aucun décret d'application concernant les déchets constitués principalement d'hydrocarbures et les déchets provenant du raffinage du pétrole et de ses dérivés n'a été pris dans un tel cadre; que la commune de Mesquer ne saurait donc se prévaloir des dispositions de l'article 11 précité pour mettre en cause la responsabilité des sociétés Total ;

8°) ALORS QUE le décret n°77-974 du 19 août 1977, pris pour l'application de l'article 8 de la loi du 15 juillet 1975, devenu l'article L.541-7 du Code l'environnement, auquel renvoient les articles L.541-22 et L.541-23 de ce même Code (articles 9 et 11 de la loi du 15 juillet 1975), pour la détermination des déchets auxquels ils s'appliquent, vise en son article 3 les déchets constitués principalement par les hydrocarbures ainsi que les déchets provenant du raffinage du pétrole et de ses dérivés; qu'en décidant néanmoins que ce texte n'était pas applicable à ces déchets et, par conséquent, à celui qui s'était déposé sur le territoire de la commune de Mesquer, la cour a violé l'article L.541-23 du code de l'environnement, ensemble les textes susvisés.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR débouté la commune de Mesquer de sa demande tendant à voir condamner in solidum les sociétés Total International Ltd et Total Raffinage Distribution à lui verser la somme de 69.232,42 euros ;

AUX MOTIFS PROPRES ET ADOPTES QUE par application des dispositions de l'article 1384 alinéa 1er du Code civil, la responsabilité du dommage causé par le fait d'une chose est liée à l'usage et aux pouvoirs de surveillance et de contrôle qui caractérisent la garde et que, sauf l'effet de stipulations contraires valables entre les parties, le propriétaire de la chose, bien que la confiant à un tiers, ne cesse d'en être responsable que s'il est établi que ce tiers a reçu corrélativement toute possibilité de prévenir lui-même le préjudice qu'elle peut causer; que pour autant, les sociétés Total ne sont pas transporteurs ; que le transfert de garde s'est opéré lors du chargement du fioul lourd à bord ; qu'ainsi le transporteur ne peut s'exonérer de la présomption de responsabilité mise légalement à sa charge que s'il prouve le lien entre le sinistre et le dynamise propre de la marchandise; qu'en l'espèce le fioul, dont il n‘est pas établi qu'il est en soi dangereux, n'a joué aucun rôle dans l'événement de mer; que le risque lié au naufrage était évidemment connu de l'armateur qui n'avait pas à être spécialement averti, le connaissement, accompagné d'ailleurs de divers documents informatifs sur la nature et les particularités de la cargaison faisant état de fioul lourd, mention conforme à la cargaison réelle; que, par suite, la responsabilité des intimées ne peut être recherchée sur le fondement de l'article 1384 alinéa 1er du Code civil; qu'il n'est pas contestable qu'en remettant à un transporteur le fioul-oil destiné à son client, la société Total en avait été dessaisie par le transporteur qui était seul à même d'organiser l'opération de transport dans des conditions de nature à assurer un acheminement sans risques du produit à son destinataire ; ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE la Convention de Bruxelles de 1924 amendée pose le principe que le transporteur sera tenu avant et au début du voyage d'exercer une diligence raisonnable pour mettre le navire en bon état de navigabilité, l'armer, l'équiper, et l'approvisionner et, pour mettre en état, convenable les lieux où la marchandise sera entreposée ; qu'il s'en suit que le transporteur est a priori responsable des dommages et pertes subies par la marchandise et qu'il ne peut s'exonérer qu'en établissant un cas d'exonération; que les déversements accidentels d'hydrocarbures en mer ont été traités par la Convention de Bruxelles du 29 novembre 1969 ; que cette convention couvre toute perte ou dommage extérieur au navire transportant des hydrocarbures, causé par une contamination résultant d'une fuite ou d'un rejet, et comprend le coûts des mesures de sauvegarde et toute perte ou tout dommage causé par lesdites mesures; que la loi du 25 mai 1977 prise sur la base de la convention rend responsable des dommages par pollution résultant d'une fuite ou d'un rejet d'hydrocarbures, dans les conditions et limites déterminées par la Convention de Bruxelles, tout propriétaire transportant une cargaison d'hydrocarbures en vrac; que l'expression hydrocarbures s'entend aux termes de l'article 2 de la Convention, du fioul-oil ; que de ce fait la société Total, tout en étant restée propriétaire de la cargaison, ne saurait s'en voir attribuer la garde et ne saurait répondre des dommages dont l'origine est due à des circonstances que seule la société de transport ou le propriétaire du navire avait éventuellement les moyens de prévenir ;

1°) ALORS QU'en statuant ainsi, par des motifs impropres à caractériser le fait que le transporteur avait reçu toute possibilité de prévenir lui-même le préjudice que pouvait causer le fioul lourd n°2, et, par conséquent, que la garde du fioul lourd n°2 lui avait été transférée, la cour a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1384 alinéa 1er du Code civil ;

2°) ALORS QUE si tout propriétaire d'un navire transportant une cargaison d'hydrocarbures est responsable des dommages par pollution résultant d'une fuite ou de rejets d'hydrocarbures de ce navire, il n'est pas, pour autant, de ce fait, nécessairement gardien de cette cargaison ; qu'en décidant le contraire, la cour a violé par fausse application l'article L.218-1 du Code de l'environnement, ensemble les articles 1 et 3 de la Convention internationale de 1969 sur la responsabilité civile pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures.

QUATRIEME MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR débouté la commune de Mesquer de sa demande tendant à voir condamner in solidum les sociétés Total International Ltd et Total Raffinage Distribution à lui verser la somme de 69.232,42 euros ;

AUX MOTIFS QU'il n'était pas établi que le fioul lourd n°2 transporté par l'Erika était atteint d'une défectuosité quelconque, puisqu'il résultait d'un processus normal de distillation et qu'il avait été produit conformément aux spécifications du destinataire italien, pour ses besoins de production électrique, mode habituel et direct de valorisation d'une telle matière dont le transport ne présentait aucun risque particulier, ni l'utilisation dans des conditions normales et prévisibles; que les sociétés Total n'avaient pas produit le déchet retrouvé à la suite du naufrage sur le domaine maritime dont la commune de Mesquer avait la charge; qu'elles n'en n'étaient pas davantage détentrices comme il a déjà été indiqué, que par suite la responsabilité de ces sociétés ne pouvait être recherchée sur le fondement des articles 1386-1 et suivants du Code civil ;

1°) ALORS QU'un produit est défectueux lorsqu'il n'offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre ; qu'il importe peu que le produit ait été fabriqué dans le respect des règles de l'art, de normes existantes, ou bien encore des spécifications de son acquéreur; qu'en décidant qu'il n'était pas établi que le fioul lourd n°2 transporté par l'Erika était atteint d'une défectuosité quelconque, aux motifs qu'il résultait d'un processus normal de distillation et qu'il avait été produit conformément aux spécifications du destinataire italien, pour ses besoins de production électrique, sans rechercher, ainsi qu'elle y avait été invitée (conclusions de la commune de Mesquer, p.62) si ce fioul offrait la sécurité à laquelle on pouvait légitimement s'attendre, la cour a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1386-1 du Code civil ;

2°) ALORS QUE le producteur est responsable du dommage causé par un défaut de son produit quand bien même il n'en est pas le détenteur au moment de la réalisation du dommage; qu'en décidant le contraire, la cour a violé l'article 1386-1 du Code civil.

CINQUIEME MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR refusé de surseoir à statuer ;

AUX MOTIFS PROPRES QU'il est affirmé qu'un juge d'instruction a mis en examen «la société Total», personne morale, pour avoir, d'une part, choisi un bateau dans un piètre état, et pour avoir, de l'autre, participé de manière très active à toutes les opérations qui ont conduit à l'échouage; qu'il est ajouté que «la société Total» a manifestement méconnu les dispositions de l'article 6 de la loi du 31 décembre 1992 portant réforme du régime pétrolier selon lequel «tout propriétaire d'une unité de distillation atmosphérique dans une usine exercée de raffinage de pétrole brut en France métropolitaine est tenu de disposer en propriété ou par affrètement à long terme d'une capacité de transport maritime sous pavillon français proportionnelle aux quantités de pétrole brut qui entre dans ladite usine» et qu'ainsi, en ne disposant pas en propriété ou par affrètement à long terme d'une capacité de transport maritime sous pavillon français, «la société Total» est en infraction avec cette loi et ne peut soutenir quelle a fait montre de prudence et de diligence, non seulement en violant la loi du 31 décembre 1992, mais, de surcroît, en recourant à un bateau portant pavillon de complaisance et dans un état de délabrement et de corrosion avancés; que, pour corroborer ces allégations, il n'est produit aucune pièce révélant, avec une précision suffisante, les faits, susceptibles d'une qualification pénale, sur lesquels il serait actuellement informé; que la commune de Mesquer ne rapporte pas davantage la preuve, qui lui incombe comme auteur de l'exception, de ce que l'une ou l'autre des intimées, savoir -précisément la SA Total Raffinage Distribution ou la société Total International Ltd, a fait l'objet d'une mise en examen en relation avec le naufrage de l'Erika et la pollution subséquente; que ces dernières n'ayant ni la qualité de transporteur, ni celles de commissionnaire de transport ou de propriétaire du navire Erika, et en l'absence de toute indication sur les qualifications effectivement retenues, n'est pas établie l'existence entre l'action pénale qui serait en cours et la présente instance civile, d'un lien tel que la décision rendue sur l'une puisse exercer sur l'autre l'influence nécessaire hors laquelle il n'y a pas lieu de surseoir à statuer; que l'appelante ne peut dès lors se prévaloir des dispositions de l'article 4 du Code de procédure pénale, à supposer qu'une telle exception puisse être reçue en raison du caractère récent de la saisine du magistrat instructeur ; que, pour les mêmes motifs, rien ne justifie que la Cour use de la simple faculté qui lui est donnée de surseoir a statuer dans l'attente de l'issue de la procédure « dans le souci d'une bonne administration de la justice» ;

1°) ALORS QUE le sursis à statuer prévu par l'article 4 du Code de procédure pénale est obligatoire dès lors que l'action publique a été mise en mouvement ; qu'en refusant de surseoir à statuer au motif que la saisine du juge d'instruction était « récente », la cour a violé ce texte ;

2°) ALORS QUE le sursis à statuer prévu par l'article 4 du Code de procédure pénale est obligatoire dès lors que l'action publique a été mise en mouvement ; qu'en considérant qu'il ne s'agissait que d'une simple faculté offerte au juge civil « dans le souci d'une bonne administration de la justice», la cour a derechef violé ce texte.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 04-12315
Date de la décision : 17/12/2008
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Analyses

COMMUNAUTE EUROPEENNE - Environnement - Déchets - Directive n° 75-442 - Notion de déchets - Hydrocarbures accidentellement déversés en mer - Conditions - Détermination - Portée

COMMUNAUTE EUROPEENNE - Environnement - Déchets - Directive n° 75-442 - Producteur au sens de l'article 1er, sous b), de la directive - Qualité - Vendeur des hydrocarbures et affréteur du navire les transportant - Hydrocarbures accidentellement déversés en mer - Détermination - Portée COMMUNAUTE EUROPEENNE - Environnement - Déchets - Directive n° 75-442 - Détenteur - Qualité - Vendeur des hydrocarbures et affréteur du navire les transportant - Conditions - Détermination - Portée COMMUNAUTE EUROPEENNE - Environnement - Déchets - Directive n° 75-442 - Détenteur - Qualité - Appréciation - Office du juge COMMUNAUTE EUROPEENNE - Environnement - Déchets - Directive n° 75-442 - Elimination des déchets - Coût - Charge - Détermination PROTECTION DE LA NATURE ET DE L'ENVIRONNEMENT - Déchets - Elimination des déchets et récupération des matériaux - Déchets - Détenteur - Qualité - Vendeur des hydrocarbures et affréteur du navire les transportant - Conditions - Détermination - Portée PROTECTION DE LA NATURE ET DE L'ENVIRONNEMENT - Déchets - Elimination des déchets et récupération des matériaux - Déchets - Elimination - Coût - Charge - Détermination - Portée

La Cour de justice des Communautés européennes a dit pour droit que des hydrocarbures accidentellement déversés en mer à la suite d'un naufrage, se retrouvant mélangés à l'eau ainsi qu'à des sédiments et dérivant le long des côtes d'un Etat membre jusqu'à s'échouer sur celles-ci, constituent des déchets au sens de l'article 1er, sous a), de la Directive n° 75/442/CEE, telle que modifiée par la décision 96/350/CE, dès lors que ceux-ci ne sont plus susceptibles d'être exploités ou commercialisés sans opération de transformation préalable et qu'aux fins de l'application de l'article 15 de la Directive n° 75/442/CEE, telle que modifiée par la décision 96/350/CE, au déversement accidentel d'hydrocarbures en mer à l'origine d'une pollution des côtes d'un Etat membre, le juge national peut considérer le vendeur de ces hydrocarbures et affréteur du navire les transportant comme producteur des dits déchets, au sens de l'article 1er, sous b), de la Directive n° 75/442/CEE, telle que modifiée par la décision 96/350/CE, et, ce faisant, comme "détenteur antérieur" aux fins de l'application de l'article 15, second tiret, première partie, de cette Directive, si ce juge, au vu des éléments que lui seul est à même d'apprécier, aboutit à la conclusion que ce vendeur-affréteur a contribué au risque de survenance de la pollution occasionnée par ce naufrage, en particulier s'il s'est abstenu de prendre les mesures visant à prévenir un tel événement telles que celles concernant le choix du navire et que s'il s'avère que les coûts liés à l'élimination des déchets générés par un déversement accidentel d'hydrocarbures en mer ne sont pas pris en charge par le Fonds international d'indemnisation pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures ou ne peuvent l'être en raison de l'épuisement du plafond d'indemnisation prévu pour ce sinistre et que, en application des limitations et/ou des exonérations de responsabilité prévues, le droit national d'un Etat membre, y compris celui issu de conventions internationales, empêche que ces coûts soient supportés par le propriétaire du navire et/ou l'affréteur de ce dernier, alors même que ceux-ci sont à considérer comme des "détenteurs" au sens de l'article 1er, sous c), de la Directive n° 75/442/CEE, telle que modifiée par la décision 96/350/CE, un tel droit national devra alors permettre, pour assurer une transposition conforme à l'article 15 de cette Directive, que lesdits coûts soient supportés par le producteur du produit générateur des déchets ainsi répandus ; cependant, conformément au principe du pollueur-payeur, un tel producteur ne peut être tenu de supporter ces coûts que si, par son activité, il a contribué au risque de survenance de la pollution occasionnée par le naufrage du navire. Dès lors, viole, l'article L. 541-2 du code de l'environnement, interprété à la lumière des objectifs assignés aux Etats membres par la Directive n° 75/442/CEE du 15 juillet 1975, la cour d'appel qui, pour débouter une commune victime d'une pollution à la suite du naufrage de l'Erika de sa demande en paiement des dépenses engagées au titre des opérations de nettoyage et de dépollution, retient que les sociétés qui ont fabriqué un produit pétrolier devenu déchet uniquement par le fait du transport ne peuvent être considérées, au sens de ce texte, comme producteur ou détenteur des déchets retrouvés sur les plages après le naufrage, alors que le vendeur des hydrocarbures et affréteur du navire les transportant peut être considéré comme détenteur antérieur des déchets s'il est établi qu'il a contribué au risque de survenance de la pollution occasionnée par le naufrage et que le producteur du produit générateur des déchets peut être tenu de supporter les coûts liés à l'élimination des déchets si, par son activité, il a contribué au risque de survenance de la pollution occasionnée par le naufrage


Références :

Sur le numéro 1 : Directive n° 75/442/CEE du 15 juillet 1975 relative aux déchets telle que modifiée par la décision 96/350/CE de la Commission du 24 mai 1996
Sur le numéro 1 : arrêté du 18 septembre 1967 relatif à la composition et caractéristiques de certains produits pétroliers
Sur le numéro 2 : article L. 541-2 du code de l'environnement
Sur le numéro 2 : articles 15, 1er, sous a), sous b) et sous c) de la Directive n° 75/442/CEE du 15 juillet 1975 relative aux déchets telle que modifiée par la décision 96/350/CE de la Commission, du 24 mai 1996

Décision attaquée : Cour d'appel de Rennes, 13 février 2002


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 17 déc. 2008, pourvoi n°04-12315, Bull. civ. 2008, III, n° 206
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2008, III, n° 206

Composition du Tribunal
Président : M. Cachelot (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat général : M. Cuinat
Rapporteur ?: M. Pronier
Avocat(s) : SCP Delaporte, Briard et Trichet, SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, Hannotin

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2008:04.12315
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