LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le second moyen :
Attendu, selon l'arrêt déféré (Versailles, 11 octobre 2007), que le porte-conteneurs Sherbro, propriété de la société SCAC Delmas-Vieljeux, armé par ses soins et exploité par la société maritime Delmas-Vieljeux ayant perdu en mer, après avoir quitté le port du Havre, des conteneurs dont certains contenaient des produits toxiques ou dangereux, les autorités maritimes françaises ont, après avoir enjoint au navire de se dérouter sur le port de Brest, mis en demeure les sociétés maritimes Delmas-Vieljeux et SCAC Delmas-Vieljeux, au visa de l'article 16 de la loi du 7 juillet 1976, devenu l'article L. 218-72 du code de l'environnement, d'abord de prendre toutes les mesures nécessaires pour lutter contre la pollution représentée par les produits tombés en mer et puis, avec la société Ciba-Geigy, aux droits de laquelle se trouve la société Syngenta crop protection (société Syngenta), en qualité de chargeur, au visa de la loi du 24 novembre 1961, de faire procéder sans délai à la récupération des épaves maritimes provenant du navire, échouées sur le littoral français ; qu'ultérieurement, l'Etat et la société Syngenta ont assigné la société Bolloré, qui vient aux droits de la société SCAC Delmas-Vieljeux, en remboursement des frais engagés en vue de prévenir et de réparer les conséquences du sinistre ;
Attendu que la société Bolloré reproche à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer à l'Etat la somme de 475 595,90 euros à titre de dommages-intérêts avec intérêts au taux légal à compter du 8 décembre 1993, alors, selon le moyen :
1°/ qu'aux termes de l'article 1 de la loi n° 61-1262 du 24 novembre 1961 relative à la police des épaves maritimes, lorsque le propriétaire d'une épave est inconnu ou lorsque, dûment mis en demeure, directement ou en la personne de son représentant, il refuse ou néglige de procéder aux opérations de sauvetage, de récupération, d'enlèvement, de destruction ou à celles destinées à supprimer les dangers que présente cette épave, l'Etat peut intervenir d'office, aux frais et risques du propriétaire ; qu'aux termes de l'article 1-4 du décret n° 61-1547 du 26 décembre 1961 fixant le régime des épaves maritimes, constituent des épaves les marchandises jetées ou tombées à la mer ; qu'aux termes de l'article 5 du même décret lorsqu'une épave maritime présente, en totalité ou en partie, un caractère dangereux pour la navigation, la pêche ou l'environnement, l'accès à un port ou le séjour dans un port, le propriétaire de l'épave a l'obligation de procéder à la récupération, l'enlèvement, la destruction ou toute autre opération en vue de supprimer le caractère dangereux de cette épave ; qu'aux termes de l'article 9 du même décret, dans le cas où l'épave constitue un danger grave et imminent pour la navigation, la pêche, l'environnement, l'accès à un port ou le séjour dans un port, l'autorité compétente peut faire procéder immédiatement, aux frais et risques du propriétaire, à la récupération, l'enlèvement, la destruction ou à toutes opérations nécessaires en vue de supprimer le caractère dangereux de tout ou partie de l'épave ; qu'il résulte de ces dispositions combinées, exclusive du droit commun de la responsabilité civile, que seul le propriétaire des épaves est tenu à réparation envers l'Etat ou l'autorité compétente qui auraient procédé aux opérations destinées à en supprimer les dangers ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les dispositions susvisées ;
2°/ que, dans ses écritures d'appel, la société Bolloré, rappelant que, dans sa télécopie du 16 décembre 1993, elle s'était engagée seulement "à payer sur justificatif, les frais raisonnables qui auront pu être engagés pour notre compte par ces administrations", a soutenu que son engagement avait pour seul objet les dépenses engagées pour son compte, et non pas celles avancées pour le compte de tiers qui pourraient être également tenus envers les services de l'Etat, et notamment les propriétaires des marchandises récupérées à la mer et sur les rivages, lesquels étaient responsables de leur récupération, en application des dispositions de la loi n° 61-1262 du 24 novembre 1961 et du décret n° 61-1547 du 26 décembre 1961 ; qu'en se fondant cependant sur les termes de cette télécopie, pour retenir que la société Bolloré ne contestait pas devoir financer les opérations de récupération et de nettoyage, sans rechercher, comme elle y était invitée, si l'engagement pris par la société Bolloré n'était pas limité aux dépenses engagées pour son compte, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu, d'une part, que la loi du 24 novembre 1961, qui rend le propriétaire d'une marchandise tombée d'un navire à la mer débiteur envers l'Etat des conséquences des opérations de sauvetage, de récupération, d'enlèvement, de destruction ou de celles destinées à supprimer les dangers que présente cette épave que l'Etat a mises en oeuvre, ne fait pas obstacle au droit que l'Etat, qui a procédé à de telles opérations, tient des articles 1382 et suivants du code civil, de rechercher la responsabilité de celui qui est à l'origine du sinistre ; qu'ayant relevé que la perte des conteneurs par le navire avait eu pour origine une faute imputable à l'armateur qui n'avait pas mis en oeuvre un arrimage et un saisissage permettant d'assurer la stabilité des conteneurs en pontée même par gros temps, la cour d'appel a, à bon droit, dit recevable la demande d'indemnisation de l'Etat à son encontre ;
Attendu, d'autre part, que le second grief critique un motif surabondant ;
D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;
Et attendu que le premier moyen ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Bolloré aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Bolloré et la condamne à payer à l'agent judiciaire du Trésor la somme de 2 500 euros et à la société Syngenta Crop protection la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du seize décembre deux mille huit.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par Me LE PRADO, avocat aux Conseils pour la société Bolloré
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
LE MOYEN reproche à l'arrêt attaqué :
D'AVOIR, en confirmant le jugement déféré, et pour condamner la société BOLLORE au paiement de diverses sommes, rejeté la demande d'annulation du rapport d'expertise judiciaire ;
AUX MOTIFS ADOPTES QUE, « sur le rôle du Bureau VERITAS, il n'est pas contesté que le Bureau VERITAS était la société de classification du navire SHERBRO et qu'elle est intervenue de façon régulière à la demande de la société Bolloré dans son intérêt ; que les liens entretenus par la société Bolloré et le bureau VERITAS ne permettent pas de considérer que ce dernier présenterait les conditions d'impartialité et d'objectivité que doit remplir tant l'expert que le sapiteur qu'il s'adjoint ; que, dans le cadre de l'expertise judiciaire, le Bureau VERITAS a établi en 1996 une première étude portant sur les calculs de saisissage du SHERBRO, à la demande de la société S.D.V. et selon des données définies par elle ; que les experts ont considéré que les bases retenues pour ces calculs étaient théoriques et ont demandé au bureau VERITAS de les reprendre en se fondant sur le saisissage tel qu'il apparaissait sur les photographies pour les conteneurs restés en place et sur les caractéristiques réelles du matériel ; que la demande présentée par les experts ne constitue pas une demande d'avis au sens de l'article 278 du nouveau Code de procédure civile puisque les experts loin de s'en remettre à la compétence particulière d'un autre technicien, ont seulement demandé la remise de nouvelles données chiffrées en définissant eux-mêmes les bases de ces calculs puis en procédant à leur analyse ; que, le 7 mai 1999, la société S.D.V. a fait parvenir aux experts un nouveau dire relatif aux calculs de saisissage, se fondant sur une nouvelle étude du Bureau VERITAS établie selon la méthode du "pas à pas" ; que les experts ont demandé à la société S.D.V. de recommencer ses calculs en tenant compte de la situation réelle du SHERBRO et de vérifier l'exactitude matérielle de certains d'entre eux ; qu'à la suite de cette demande, la société S.D.V. a adressé de nouveaux dires le 19 septembre 1999 puis le 29 octobre 1999 ; que cependant ces études intégrées aux dires sont réalisées non pas à la demande des experts mais à la demande de la société défenderesse et sont reprises et modifiées afin de tenir compte des critiques émises par les experts mais sans que la prise en considération de ces critiques ait pour effet d'en modifier la nature ; que par ailleurs les experts ont à plusieurs reprises entretenu des relations directes avec le Bureau VERITAS et en dehors de la présence des parties, cependant ces circonstances étaient rendues nécessaires par la complexité des discussions qui n'étaient pas accessibles à tous les intervenants et ont été expressément autorisées par le magistrat chargé du contrôle des expertises et les parties (ordonnance du 5 juin 1996 annexe 108 bis) ; qu'elles ne démontrent donc pas que le Bureau VERITAS a agi comme sapiteur ; qu'enfin, si dans un compte rendu de la réunion du 10 décembre 1996, les experts ont qualifié le Bureau VERITAS de sapiteur, ils ont, par la suite, pris soin de rectifier cette position en définissant le rôle de ce dernier comme celui d'un assistant technique de la société défenderesse (annexe 221), rappelant qu'ils ne lui ont adressé aucun ordre d'exécution et ne lui ont versé aucune rétribution financière ; que le rôle joué par le Bureau VERITAS dans le cadre de l'expertise judiciaire n'est donc pas susceptible d'affecter la validité de cette dernière ; que, sur le respect du contradictoire, par lettre du 5 août 1999, les experts ont fait savoir à la société S.D.V. qu'elle devait remettre son étude modifiée et complétée le 15 septembre, que les autres parties disposeraient d'un délai d'un mois pour y répondre et qu'une dernière réunion d'expertise serait fixée le 15 novembre ; que les experts ont précisé que la date initiale a été décalée à plusieurs reprises à la demande de la société S.D.V., que les dernières précisions sur son dire global du 7 mai 1999 ont été diffusées à l'ensemble des parties le 1er février 2000, que le délai pour y répondre expirait le 1er mars et qu'ils ont tenu une dernière réunion d'expertise le 24 mai 2000, la réunion fixée au 26 avril ayant été reportée ; que les experts se sont abstenus de répondre aux dires de la société S.D.V. du 18 mai 2000 ainsi qu' aux dires de deux autres parties du 31 mars et du 22 mai 2000, en indiquant que ces dires étaient parvenus après l'expiration des dates fixées par le calendrier des opérations d'expertise ; que l'expert doit clore ses opérations lorsqu'il a recueilli l'ensemble des éléments qui lui sont nécessaires pour répondre aux questions fixées dans sa mission et après avoir fait connaître aux parties les conditions dans lesquelles elles peuvent présenter leurs dernières observations ; qu'à la fin de l'expertise, il persistait des divergences importantes entre le bureau VERITAS et les experts, cependant ceux-ci ont clairement expliqué les motifs de ces positions différentes et l'existence de ce désaccord ne suffit pas à démontrer que les discussions devaient se poursuivre ; que la société S.D.V. n'apporte pas la preuve qu'un élément essentiel n'aurait pas été étudié dans le cadre de l'expertise, ainsi les experts étaient bien-fondés à décider de l'achèvement de leurs opérations et la défenderesse qui a été avisée du calendrier final ne peut prétendre que ses droits n'ont pas été respectés alors qu'il lui appartenait d'apporter ses derniers commentaires dans les délais impartis ; que les experts ont déposé leur rapport plus de six mois après la réception des dires qu'ils ont écartés, cependant ce délai n'était plus consacré à la recherche d'éléments nouveaux d'information mais à la synthèse des données recueillies et des discussions conduites » ;
ET AUX MOTIFS PROPRES QUE « sur la qualité du Bureau VERITAS, le Bureau VERITAS, société de classification du navire SHERBRO, a effectué en 1994 dans le cadre de l'enquête administrative puis, courant 1996, à la demande de la société DELMAS VIELJEUX et à partir des données fournies par cette dernière, deux études sur les calculs de saisissage ; que les experts, considérant que les bases de calcul étaient théoriques et non réalistes, ont demandé au Bureau VERITAS de reprendre son travail avec de nouvelles données fixées par eux prenant en compte le saisissage tel qu'il apparaissait sur les photographies des conteneurs lorsque le navire est arrivé au port de Brest et les caractéristiques réelles du matériel ; que cette troisième étude a été effectuée à partir des éléments déterminés par les experts mais fut commandée comme la précédente par la société DELMAS VIELJEUX qui en a supporté le coût ; qu'il ressort clairement du dire de la société DELMAS du 7 mai 1999 que la nouvelle étude confiée au Bureau VERITAS a été demandée par celle-ci "après discussion et accord des experts judiciaires sur le principe d'une étude confiée au Bureau VERITAS" ; que les experts judiciaires n'ont pas demandé au Bureau VERITAS de leur donner un avis de technicien dans une spécialité distincte de la leur mais ont accepté, à la demande de l'une des parties, dans la mesure où ils critiquaient les bases de calcul retenues, qu'il procède à de nouveaux calculs à partir des données qui leur paraissaient conformes pour qu'ils soient soumis utilement à discussion ; que le travail du Bureau VERITAS devait constituer un élément versé aux débats par l'une des parties soumis à l'appréciation des experts et ne pouvait conférer à ce technicien, non choisi par eux à l'origine, la qualité de sapiteur dans les conditions édictées par l'article 248 du Nouveau code procédure civile ; que si les experts ont entretenu à plusieurs reprises des relations directes avec le Bureau VERITAS en dehors de la présence des parties, il s'agissait de discussions sur des points techniques très spécifiques rendues nécessaires par la complexité de l'expertise mais non d'échanges avec un sapiteur, lesquels n'auraient nullement nécessité l'autorisation du juge chargé du contrôle des expertises, pourtant donnée par ordonnance du 5 juin 1996 ; que le terme de sapiteur a été utilisé par erreur par les experts dans un compte-rendu de réunion du 10 décembre 1996 ; que cette erreur a été rectifiée ; que dès lors que les experts judiciaires n'ont donné aucune instruction au Bureau VERITAS, n'ont conclu avec lui aucun contrat et ne lui ont versé aucune rémunération, qu'il est établi que le Bureau VERITAS est intervenu tout au long du déroulement de l'expertise judiciaire en qualité d'assistant technique de la société DELMAS VIELJEUX qui a commandé ses interventions, les premiers juges ont exactement et par des motifs pertinents que pour le surplus la cour adopte considéré que le Bureau VERITAS n'avait pas la qualité de sapiteur ; qu'après le dépôt du rapport d'expertise la société DELMAS VIELJEUX a d'ailleurs sollicité de celui-ci son avis sur ce rapport, qui a été donné sous forme d'une note technique du 7 octobre 2003, ce qui confirme son intervention comme technicien au service des intérêts d'une partie et non en qualité de sapiteur lequel doit présenter les garanties d'impartialité et d'objectivité requises par la loi ce qui faisait alors obstacle à toute intervention en faveur d'une partie ; que, sur le respect du principe du contradictoire, lors de la réunion d'expertise du 9 novembre 1998, les experts ont proposé un calendrier de fin d'expertise qui a été porté à la connaissance des parties ; qu'il prévoyait un délai d'un mois pour répondre aux derniers dires ; que plusieurs modifications y ont été apportées pour tenir compte de l'évolution des opérations et des demandes des parties ; que de nouvelles dates ont été communiquées le 5 août 1999 ; que la société DELMAS a adressé un complément à son dire le 21 octobre 1999 mais le Bureau VERITAS chargé de vérifier ses calculs n'a fait parvenir ses dernières observations que le 19 janvier 2000 lesquelles furent transmises aux parties le 1er février 2000 ; que le délai d'un mois donné aux parties pour répondre aux derniers dires étant expiré, les experts ont refusé de prendre en compte les dires parvenus postérieurement au 1er mars 2000 et se sont donc abstenus d'y répondre ; que contrairement à ses affirmations, la société DELMAS se devait, comme les autres parties, de respecter les délais fixés par les experts de sorte que les dires parvenus postérieurement au 1er mars 2000 ont été à juste titre rejetés ; qu'en effet, comme l'ont justement relevé les premiers juges, il appartient aux experts de clore leurs opérations lorsqu'ils ont recueilli l'ensemble des éléments nécessaires à l'accomplissement de leur mission après avoir sollicité des parties leurs dernières observations, étant précisé que les opérations d'expertise se sont déroulées durant six années ce qui a permis à chacun de présenter l'ensemble des observations nécessaires à la défense de ses intérêts ; que la poursuite de l'expertise au delà de ce très long délai, pour partie dû à l'attitude de l'armateur qui a retenu pendant trois ans des informations essentielles et notamment des photographies du navire lors de son arrivée au port de Brest, n'était pas justifiée, malgré la persistance de divergences importantes entre les experts et le Bureau VERITAS, car toutes les études techniques avaient été effectuées et il appartenait aux seuls experts, à l'issue de leurs opérations, de se prononcer sur les différents points de leur mission ; que le délai consacré par les experts à l'étude du dossier au vu des éléments recueillis et à la rédaction du rapport n'apparaît pas excessif eu égard à la difficulté de leur mission ; que ce temps de réflexion et de synthèse nécessaire supposait qu'il ait été mis fin à la recherche d'éléments nouveaux et aux échanges avec les parties ; qu'au cours de l'expertise, l'ensemble des pièces et documents a été communiqué aux parties et la société DELMAS VIELJEUX a présenté de nombreux dires auxquels les experts ont répondu ; que dès lors que le Bureau VERITAS n'intervenait pas en qualité de sapiteur mais comme assistant technique de la société DELMAS VIELJEUX, les experts n'avaient pas à le convier à une ultime réunion d'expertise destinée à clore les opérations ; qu'il appartenait le cas échéant à cette dernière de solliciter son intervention si elle l'estimait indispensable ; que, quant à la note du 14 avril 2000 qui aurait été dissimulée par les experts aux parties, elle ne fait que reprendre la position du Bureau VERITAS et mettre en évidence une fois de plus les divergences d'appréciation entre les experts et lui ; que ne pouvant s'analyser que comme un dire d'une partie, elle a été rejetée comme les autres dires postérieurs au 1er mars 2000 puisque les opérations d'expertise étaient closes ce que la société DELMAS reconnaissait d'ailleurs dans son courrier du 5 juin 2000 au Président du tribunal de commerce de Brest, la réunion d'expertise du 24 mai 2000 étant une réunion de clôture ; que c'est à tort que la société Bolloré reproche aux experts de ne pas avoir recherché les éléments nécessaires à la fixation des préjudices et de ne pas avoir tenu de réunion d'expertise sur ce point ; que le tribunal a exactement relevé que les experts ont rempli leur mission en recueillant les éléments nécessaires et en les communiquant aux parties qui étaient en mesure de faire valoir leurs observations et que s'agissant de la vérification de factures produites au soutien de la demande en paiement, les observations et contestations pouvaient être présentées devant la juridiction de jugement ; que la cour observe que la société Bolloré n'a présenté ni réserve ni critique sur les demandes d'indemnisation des victimes au cours des opérations d'expertise ; que tout au long de leurs opérations, les experts ont informé les parties de leur désaccord sur les positions prises par le Bureau VERITAS et en ont expliqué les raisons ; qu'il ne peut leur être reproché d'avoir voulu prendre un temps de synthèse et de réflexion avant d'émettre leur avis définitif ; qu'ils n'ont pas violé le principe du contradictoire en refusant de révéler aux parties leurs conclusions lors de la dernière réunion d'expertise ; que le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de nullité du rapport d'expertise judiciaire » ;
1°/ ALORS, d'une part, QUE, aux termes de l'article 276 du Code de procédure civile dans sa rédaction antérieure au décret n° 2005-1678 du 28 décembre 2005, l'expert doit prendre en considération les observations ou réclamations des parties, et, lorsqu'elles sont écrites, les joindre à son avis si les parties le demandent ; et que l'expert judiciaire doit respecter le principe de la contradiction ; qu'en retenant cependant, pour refuser d'annuler l'expertise, que le collège d'experts était en droit d'écarter le dire de la société DELMAS du 18 mai 2000, qui lui été avait soumis après le délai d'un mois imparti aux parties pour répondre à la note du 19 janvier 2000 du Bureau VERITAS, transmise aux parties le 1er février suivant, la Cour d'appel a violé la disposition susvisée, ensemble le principe de la contradiction ;
2°/ ALORS, de deuxième part, QUE (subsidiairement), dans ses écritures d'appel, la société DELMAS a soutenu que le délai d'un mois ne s'appliquait qu'aux intérêts cargaison (concl., p. 10 et p. 14) ; qu'il ressort formellement des courriers en date des 28 septembre et 29 décembre 1999 que le délai d'un mois fixé ne concernait que les intérêts cargaison, le premier courrier mentionnant : « nous accorderons aux intérêts cargaison un délai de 30 jours à compter de la réception de vos réponses pour établir leur dire », et le second : « Comme précisé auparavant, les intérêts cargaison disposeront de 30 jours à compter de la réception pour établir leur dire » ; qu'en retenant cependant que contrairement à ses affirmations, la société DELMAS se devait, comme les autres parties, de respecter les délais fixés par les experts de sorte que les dires parvenus postérieurement au 1er mars 2000 ont été à juste titre rejetés, sans se prononcer sur les courriers invoqués par la société DELMAS, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile.
3°/ ALORS, de troisième part, QUE (subsidiairement), aux termes de l'article 276 du Code de procédure civile dans sa rédaction antérieure au décret n° 2005-1678 du 28 décembre 2005, l'expert doit prendre en considération les observations ou réclamations des parties, et, lorsqu'elles sont écrites, les joindre à son avis si les parties le demandent ; que l'expert judiciaire doit respecter le principe de la contradiction ; et que, dans ses écritures d'appel, la société SDV a fait valoir que les experts avaient accompagné leur courrier du 29 mars 2000 portant convocation à la dernière réunion d'expertise d'une note critiquant la position du Bureau VERITAS ; qu'en refusant d'annuler l'expertise, sans rechercher si les experts, en écartant la note de la société DELMAS du 18 mai 2000, dans laquelle cette dernière leur écrivait que « Votre propre note, jointe à votre lettre du 29 mars, se démarquant de l'avis motivé donné à votre demande par BUREAU VERITAS sur les calculs de DELMAS et plus particulièrement sur l'effet « château de cartes », il paraît nécessaire que BUREAU VERITAS soit invité à donner son avis sur vos commentaires afin de mieux préparer le débat contradictoire de la prochaine réunion », ne l'avait pas privée de la possibilité de s'expliquer sur la dernière note des experts, accompagnant leur courrier du 29 mars 2000, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de la disposition susvisée, ensemble l'article 16 du Code de procédure civile ;
4°/ ALORS, de quatrième part, QUE (subsidiairement), l'expert judiciaire doit respecter le principe de la contradiction ; que, dans ses écritures d'appel, la société SDV avait rappelé que les experts après avoir convoqué le Bureau VERITAS à la dernière réunion d'expertise, en qualité de sapiteur, ont par la suite annulé cette convocation, par courrier du 5 mai 2000 ; qu'elle faisait valoir que, dès lors que « les experts judiciaires ont rencontré à deux reprises BUREAU VERITAS en dehors de la présence des parties pour se faire expliquer ses calculs et qu'ils ont demandé à plusieurs reprises au Bureau VERITAS de reprendre et de vérifier en leur demandant de prendre en compte d'autres paramètres, leurs compétences et leurs moyens techniques ne leur permettant pas de réaliser eux-mêmes de tels calculs », la présence du Bureau VERITAS à la dernière réunion d'expertise était indispensable ; qu'elle précisait encore que « les notes et calculs successifs de BUREAU VERITAS et les derniers dires des parties, tant de SDV que des défendeurs à l'expertise (les intéressés aux marchandises perdues et les assureurs facultés), ont fait progresser et ont affiné la compréhension du phénomène sur lesquels les experts et les parties (celles du moins qui participaient à la discussion, ce qui exclut FETAT FRANÇAIS) ont travaillé pendant trois ans et demi, savoir celui de l'intensité des forces exercées sur le navire au moment de l'événement » et que « le désaccord persistant entre les experts judiciaires et leur sapiteur BUREAU VERITAS n'était, à cet égard, pas anodin » ; qu'elle rapportait encore que le Bureau VERITAS avait adressé aux experts une note technique le 14 avril 2000, laquelle n'avait pas été communiquée aux parties et critiquait la note annexée par les experts à leur courrier du 29 mars 2000 ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans rechercher si le comportement des experts qui ont convoqué le Bureau VERITAS, puis annulé la convocation, ne traduisait pas leur volonté d'éluder le débat contradictoire sur les derniers éléments rapportés par le Bureau VERITAS, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 16 et 160 du Code de procédure civile ;
5°/ ALORS, de cinquième part, QUE (subsidiairement), l'expert judiciaire doit respecter le principe de la contradiction ; que dans ses écritures d'appel, la société SDV a soutenu que le Bureau VERITAS avait transmis, le 14 avril 2000, une note technique critiquant la propre note annexée par les experts à leur courrier du 29 mars 2000, mais que cette note ne lui avait pas été communiquée, ce qui l'a privé de la possibilité de se prévaloir, pour sa défense, des arguments de cette note ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans se prononcer sur cette circonstance, de nature à établir la méconnaissance par les experts des droits de la défense, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 16 du Code de procédure civile ;
6°/ ALORS, de sixième part, QUE (subsidiairement), l'expert judiciaire doit respecter le principe de la contradiction ; que la Cour d'appel a constaté que le Bureau VERITAS revêtait la qualité d'expert privé de la société SDV ; que, dans ses écritures, la société SDV a fait valoir que si par courrier du 5 mai 2000, les experts ont annulé la précédente convocation du Bureau VERITAS à la dernière réunion d'expertise, les assistants techniques privés, des autres parties au litige, notamment Monsieur de X..., Monsieur Y..., Monsieur Z... ou encore le commandant A... ont cependant été convoqués à ladite réunion d'expertise ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans se prononcer sur cette circonstance de nature à établir une atteinte aux droits de la défense de la société SDV, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 16 du Code de procédure civile, ensemble l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
7°/ ALORS, enfin, QUE (subsidiairement), la Cour d'appel a énoncé que, quant à la note du 14 avril 2000 qui aurait été dissimulée par les experts aux parties, elle ne fait que reprendre la position du Bureau VERITAS et mettre en évidence une fois de plus les divergences d'appréciation entre les experts et lui et que, ne pouvant s'analyser que comme un dire d'une partie, elle a été rejetée comme les autres dires postérieurs au 1er mars 2000 puisque les opérations d'expertise étaient closes ; qu'en qualifiant ainsi de dire d'une partie, une note du Bureau VERITAS adressée aux experts et dont elle reconnaissait elle-même qu'elle avait été cachée aux parties par les experts, la Cour d'appel, qui s'est contredite, a violé l'article 455 du Code de procédure civile.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
LE MOYEN reproche à l'arrêt attaqué :
D'AVOIR condamné la société BOLLORE à payer à l'Etat français la somme de 475.595,90 à titre de dommages-intérêts avec intérêts au taux légal à compter du 8 décembre 1993 ;
AUX MOTIFS QUE « dans la mesure où les conteneurs tombés en mer n'avaient pas perdu tout rapport avec le navire transporteur, qu'ils n'étaient devenus épaves que du fait de la faute imputable à l'armateur qui n'a pas mis en oeuvre un arrimage et un saisissage permettant d'assurer la stabilité des conteneurs pontés même par gros temps, la société Bolloré est mal fondée à invoquer les dispositions de la loi du 26 novembre 1961 sur les épaves maritimes, laquelle met à la charge du propriétaire des épaves l'obligation de les récupérer, enlever et détruire, pour tenter d'échapper à sa responsabilité délictuelle pour faute ; qu'il convient de noter que la direction juridique de la société DELMAS VIELJEUX, par télécopie du 16 décembre 1993, ne contestait pas à l'époque devoir financer les opérations de récupération et de nettoyage puisqu'elle répondait à la mise en demeure adressée par la préfecture maritime de Cherbourg en ces termes:" ...nous entendons prendre toutes mesures techniquement réalisables pour récupérer les conteneurs échoués ainsi que les marchandises qui s'y trouvent chargées ou les marchandises qui s'en sont échappées. Par ailleurs nous nous engageons à payer sur justificatifs les frais raisonnables qui auront pu être engagés pour notre compte par ces administrations" ; que la presse s'est d'ailleurs fait l'écho de l'engagement de l'armateur du SHERBRO à prendre en charge les frais générés par l'accident » ;
1°/ ALORS, d'une part, QUE, aux termes de l'article 1 de la loi n° 61-1262 du 24 novembre 1961 relative à la police des épaves maritimes, lorsque le propriétaire d'une épave est inconnu ou lorsque, dûment mis en demeure, directement ou en la personne de son représentant, il refuse ou néglige de procéder aux opérations de sauvetage, de récupération, d'enlèvement, de destruction ou à celles destinées à supprimer les dangers que présente cette épave, l'Etat peut intervenir d'office, aux frais et risques du propriétaire ; qu'aux termes de l'article 1-4 du Décret n° 61-1547 du 26 décembre 1961 fixant le régime des épaves maritimes, constituent des épaves les marchandises jetées ou tombées à la mer ; qu'aux termes de l'article 5 du même décret lorsqu'une épave maritime présente, en totalité ou en partie, un caractère dangereux pour la navigation, la pêche ou l'environnement, l'accès à un port ou le séjour dans un port, le propriétaire de l'épave a l'obligation de procéder à la récupération, l'enlèvement, la destruction ou toute autre opération en vue de supprimer le caractère dangereux de cette épave ; qu'aux termes de l'article 9 du même décret, dans le cas où l'épave constitue un danger grave et imminent pour la navigation, la pêche, l'environnement, l'accès à un port ou le séjour dans un port, l'autorité compétente peut faire procéder immédiatement, aux frais et risques du propriétaire, à la récupération, l'enlèvement, la destruction ou à toutes opérations nécessaires en vue de supprimer le caractère dangereux de tout ou partie de l'épave ; qu'il résulte de ces dispositions combinées, exclusive du droit commun de la responsabilité civile, que seul le propriétaire des épaves est tenu à réparation envers l'Etat ou l'autorité compétence qui auraient procédé aux opérations destinées à en supprimer les dangers ; qu'en décidant le contraire, la Cour d'appel a violé les dispositions susvisées ;
2°/ ALORS, d'autre part, QUE, dans ses écritures d'appel, la société BOLLORE, rappelant que, dans sa télécopie du 16 décembre 1993, elle s'était engagée seulement « à payer sur justificatif, les frais raisonnables qui auront pu être engagés pour notre compte par ces administrations », a soutenu que son engagement avait pour seul objet les dépenses engagées pour son compte, et non pas celles avancées pour le compte de tiers qui pourraient être également tenus envers les services de l'Etat, et notamment les propriétaires des marchandises récupérées à la mer et sur les rivages, lesquels étaient responsables de leur récupération, en application des dispositions de la loi n° 61-1262 du 24 novembre 1961 et du décret n° 61-1547 du 26 décembre 1961 ; qu'en se fondant cependant sur les termes de cette télécopie, pour retenir que la société BOLOORE ne contestait pas devoir financer les opérations de récupération et de nettoyage, sans rechercher, comme elle y était invitée, si l'engagement pris par la société BOLLORE n'était pas limité aux dépenses engagées pour son compte, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile.