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10/12/2008 | FRANCE | N°07-43371

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 10 décembre 2008, 07-43371


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 25 avril 2007), que la société Equity conseil - Gavin X... (ci-après la société), dont l'objet est le conseil en communication financière, a été créée en 1998 par M. Y... ; que le 28 décembre 2001, M. Y... ayant cédé la majorité de ses actions au groupe DDB, il a été décidé qu'il serait désigné président et bénéficierait d'un contrat de travail au titre des fonctions techniques de consultant ; que le contrat de travail établi le 15 janvier 2002 en qualité

de "directeur consultant" contenait une clause selon laquelle "l'intéressé s'obl...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 25 avril 2007), que la société Equity conseil - Gavin X... (ci-après la société), dont l'objet est le conseil en communication financière, a été créée en 1998 par M. Y... ; que le 28 décembre 2001, M. Y... ayant cédé la majorité de ses actions au groupe DDB, il a été décidé qu'il serait désigné président et bénéficierait d'un contrat de travail au titre des fonctions techniques de consultant ; que le contrat de travail établi le 15 janvier 2002 en qualité de "directeur consultant" contenait une clause selon laquelle "l'intéressé s'obligeait pendant la durée de ses fonctions et pendant une durée de deux ans à la fin de celles-ci à ne pas démarcher pour son compte ou pour celui des tiers et sous une forme quelconque la clientèle de la société et même des entreprises avec lesquelles une proposition de services aurait déjà été formulée dans les six mois précédant la cessation des fonctions et sachant que cette disposition vise exclusivement l'activité de communication financière, à ne pas démarcher, pour son compte ou celui de tiers, du personnel employé par la société ainsi que tous cadres ou personnel d'encadrement qui aurait quitté la société depuis moins d'un an" ; que le 29 janvier 2002, l'assemblée générale extraordinaire des actionnaires le nommait président ; que le 11 mars 2003, M. Y... a été convoqué à un entretien préalable fixé au 21 mars avec mise à pied à titre conservatoire mais a refusé de quitter les lieux ; qu'après avoir été révoqué de son mandat de président le 20 mars, il a été licencié pour faute grave le 25 mars 2003 ;

Sur le premier moyen :

Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir dit le licenciement de M. Y... dépourvu de cause réelle et sérieuse et d'avoir condamné l'employeur à lui payer diverses sommes à titre de mise à pied, outre les congés payés afférents, au titre de l'indemnité de préavis, outre les congés payés afférents, à titre d'indemnité de licenciement, à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, pour rupture dans des conditions abusives et pour procédure irrégulière, alors, selon le moyen :

1°/ que la cour d'appel a elle-même admis l'obligation de M. Y..., au titre de ses fonctions salariées, de procéder à un reporting financier chaque mois auprès des managers du groupe" (arrêt attaqué, p. 4 § 1) ; qu'il s'en induisait que M. Y... était tenu, dans le cadre de ses fonctions salariées, de procéder à un contrôle de la facturation et d'en rendre compte sincèrement ; qu' en écartant néanmoins les griefs tenant à l'établissement de la facturation au prétexte que l'administration de la société relevait de ses fonctions de mandataires sociaux, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles L. 122-1-1, L. 122-14-3 et L. 122-14-4 du code du travail ;

2°/ que les fautes commises dans le cadre de l'exercice d'un mandat social sont de nature à justifier la rupture du contrat de travail dont bénéficie l'auteur de ces fautes dès lors qu'elles sont de nature à faire obstacle à la poursuite de la relation de travail ; qu'en omettant d'examiner si les fautes commises par M. Y... "dans l'établissement de la facturation et l'utilisation des biens sociaux n'étaient pas de nature à interdire la poursuite de la relation salariée , la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 122-14-3 et L. 122-14-4 du code du travail ;

3°/ que les juges du fond sont tenus d'examiner l'ensemble des griefs de licenciement formulés dans la lettre de rupture ; que dans la lettre de licenciement l'employeur ne se prévalait pas seulement du fait que le salarié avait pris neuf semaines de vacances en huit mois, mais encore du nombre de ses absences, des week-ends prolongés fréquents, des absences réitérées durant des journées entières du bureau, des arrivées tardives et des départs en début d'après-midi ; qu'en omettant d'examiner la réalité de ces griefs pour se contenter d'affirmer que l'employeur ne pouvait pas se prévaloir du nombre trop élevé de congés pris par le salarié, la cour d'appel a violé l'article L. 122-14-3 du code du travail ;

4°/ que les juges du fond sont tenus d'examiner l'ensemble des griefs de licenciement formulés dans la lettre de rupture ; qu'en l'espèce, l'employeur ne reproche pas seulement au salarié un manque d'implication et des résultats insuffisants mais également le fait que la politique commerciale de l'agence s'avère inexistante et que les opérations commerciales de recherche de clients nouveaux, les opérations de relations publiques pourtant fondamentales à l'image de marque de notre société sont totalement arrêtées depuis plusieurs mois à votre initiative ; qu'en omettant d'examiner ce grief, la cour d'appel a violé l'article L. 122-14-3 du code du travail ;

5°/ que l'existence d' un contrat de travail suppose l'existence d'un pouvoir de direction ; aussi, lorsque le salarié est également mandataire social, plus particulièrement président du conseil d'administration, il doit être regardé , pour l'exercice de ses fonctions salariées, comme soumis au pouvoir de direction de l'associé majoritaire ; en l'espèce, la cour d'appel a admis que M. Y... avait pu conclure un contrat de travail avec la société bien qu'il en était déjà président du conseil d'administration ; qu'en niant cependant l'existence d'un lien de subordination auquel il devait se soumettre, et en retenant qu'il ne pouvait être mis à pied avant que son mandat de président ne soit révoqué et qu'un nouveau président soit nommé, la cour d'appel a violé les articles L. 122-1-1 et suivants du code du travail ;

Mais attendu, d'abord, que la cour d'appel, a relevé que M. Y... avait été recruté comme directeur consultant le 15 janvier 2002 avec pour fonction de mettre en place, d'animer et de superviser l'équipe commerciale de l'agence, de fidéliser et de développer la clientèle acquise, d'organiser et d'animer le travail de prospection , et qu'il avait été nommé le 29 janvier 2002 par l'assemblée générale extraordinaire des actionnaires président, chargé de représenter, de diriger et d'administrer la société et que les missions relatives à la direction générale de l'entreprise relevaient du mandat social et non du salariat ;

Attendu, ensuite, qu'analysant les éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, elle a constaté que les faits reprochés ne relevaient pas des fonctions salariales, qu'ils étaient par ailleurs prescrits ou n'étaient pas fautifs et que le dilettantisme de l'intéressé n'était nullement établi ;

Attendu, enfin, qu'elle a relevé que, selon l'article 17 des statuts, le comité de surveillance n'avait nullement le pouvoir de licencier le salarié et qu'il appartenait donc à la société d'attendre la nomination d'un nouveau président pour engager la procédure de licenciement, le refus du salarié d'être mis à pied à titre conservatoire ne pouvant constituer une faute ;

Attendu qu'en l'état de ces constatations et sans encourir les griefs du moyen, usant du pouvoir d'appréciation qu'elle tenait de l'article L. 122-14-3 du code du travail alors applicable, elle a décidé que le licenciement ne reposait sur aucune cause réelle et sérieuse ;

D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;

Sur le second moyen :

Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir condamné la société Equity conseil à payer à M. Y... une somme à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait du respect de la clause de "respect de la clientèle", nulle, alors, selon le moyen, que la clause selon laquelle le salarié est tenu de ne pas démarcher la clientèle de son ancien employeur n'est pas une clause de non-concurrence ; qu'en l'espèce, en jugeant que la clause qui laissait au salarié toute liberté de rentrer au service d'une entreprise concurrente ou de lui-même en créer une, selon laquelle M. Y... "s'engageait à ne pas démarcher pour son compte ou pour celui des tiers et sous une forme quelconque la clientèle de la société et même les entreprises avec lesquelles une proposition de services aurait été formulée dans les six mois qui auront précédé la cessation des fonctions et sachant que cette disposition vise exclusivement l'activité de communication financière" constituait une clause de non concurrence nulle en l'absence de contrepartie financière, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil, ensemble les articles L. 120-2 du code du travail et le principe de liberté du travail, par fausse application ;

Mais attendu que la cour d'appel a relevé que la "clause de respect de la clientèle" contenue au contrat de travail interdisait au salarié, pendant une période de deux années à compter de la cessation des fonctions, de démarcher pour son compte ou pour celui des tiers et sous une forme quelconque la clientèle de la société et même des entreprises avec lesquelles une proposition de service aurait été formulée dans les six mois précédant la cessation des fonctions, et lui interdisait de démarcher pour son compte ou celui de tiers du personnel employé par la société ainsi que tous cadres ou personnel d'encadrement qui aurait quitté la société depuis moins d'un an, qu'elle s'appliquait à tous les clients de la société et concernait des entreprises qui n'étaient pas encore clientes de celle-ci ; qu'en l'état de ces constatations, elle a pu décider que cette clause qui faisait interdiction au salarié durant une période déterminée d'entrer en relation directement ou indirectement, et selon quelque procédé que ce soit, avec la clientèle qu'il avait démarchée lorsqu'il était au service de son ancien employeur était une clause de non-concurrence laquelle, en l'absence de contrepartie financière, devait être déclarée nulle, et que le salarié, qui avait respecté cette clause, subissait un préjudice dont elle a souverainement apprécié le montant ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Equity conseil Gavin X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Equity conseil Gavin X... à payer à M. Y... la somme de 2 500 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix décembre deux mille huit.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils pour la société Equity conseil Gavin X....

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit le licenciement de Monsieur Y... dénué de cause réelle et sérieuse et d'AVOIR condamné la société EQUITY CONSEIL à lui payer 3.096,17 euros au titre de la mise à pied outre congés payés afférents, 18.294 euros au titre du préavis outre congés payés afférents et 36.588 euros d'indemnité de licenciement ; 70.000 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 20.000 euros pour rupture dans des conditions abusives, 6.098 euros pour procédure irrégulière, 3.000 euros par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

AUX MOTIFS QUE La lettre de licenciement est intégralement et exactement reproduite aux conclusions de l'intimé et la Cour y renvoie expressément. Elle comprend 4 ordres de motifs qu'il y a lieu de reprendre en examinant préalablement si les griefs relèvent des fonctions du salarié ou du mandataire. Comme le fait justement remarquer M. Y..., il est qualifié, à tort, dans la lettre de licenciement de « directeur général salarié » alors que l'article 1 du contrat de travail expose clairement : « que M. Y... sera désigné en qualité de Président (ou de directeur général),à charge, notamment d'assumer les fonctions de Direction Générale dans la limite des pouvoirs dévolus par les dispositions légales, les statuts de la Société et les décisions collectives des associés et pour lequel mandat il recevra une rémunération spécifique de 9 000 (fonctions auxquelles il a été nommé le 29 janvier 2002 par l'assemblée générale extraordinaire des actionnaires). Qu 'au titre du présent contrat, il assumera les fonctions techniques de « directeur consultant » et en rémunération de ses fonctions, M. Y... bénéficiera du présent contrat de travail dont les dispositions résulteront de l'application des présentes conventions qui seront réputées avoir pris effet à dater de ce jour et qui seront soumises à l'approbation de l'assemblée générale extraordinaire des actionnaires qui sera appelée à décider de la forme juridique de la Société et de sa nomination aux fonctions qui viennent d'être mentionnées ». Les missions relatives à la direction générale de l'entreprise relèvent donc du mandat social et non du salariat, d'autant que l'article 16 des statuts de la Société EQUITY CONSEIL, qui délimitent le mandat du président précisent, dans ses fonctions , « la représentation, la direction et l'administration de la Société » . Les fonctions salariées ne sont pas autrement définies dans le contrat de travail que par la mention de « fonctions techniques de directeur consultant ». La lettre de licenciement qui fixe les limites du litige, définit ainsi le champ d'intervention du salarié : «- la mise en place, l'animation et la supervision de l'équipe commerciale de l'agence, -la fidélisation et le développement de la clientèle acquise, - l'organisation et l'animation du travail de prospection de l'agence en direction de nouveaux clients ». Pour tenter de faire entrer les fonctions comptables et financières dans les fonctions salariées, la Société EQUITY CONSEIL produit la lettre qu'elle a envoyée le 19 juillet 2002 au GARP (pour compléter le dossier garantie de chômage de M. Y...) : comme l'ajustement relevé le Conseil de Prud'hommes, le suivi des clients, la facturation, les relations comptables avec le groupe DDB n'y sont pas mentionnés. Si cette lettre mentionne un « reporting financier » réalisé chaque mois auprès des managers du groupe, elle ne peut contrevenir aux dispositions déjà citées de l'article 16 des statuts sociaux qui attribuent aux fonctions mandataires (et non salariales) l'administration de la Société EQUITY CONSEIL. C'est donc par une exacte appréciation de ces éléments juridiques que les premiers juges ont retenu que certains reproches formulés étaient adressés au mandataire social qui démontre l'avoir régulièrement rendu compte aux salariés du groupe ( MM. Z... et A...) par ailleurs membres du conseil de surveillance de la Société, de l'ensemble démêlements comptables et financiers de celle-ci, notamment par les réunions régulières de "reportings financiers" (très nombreux courriels échangés, convocation aux réunions, absence de toute remarque). Relèvent ainsi des reproches adressés au mandataire social, les factures concernant Prologue, Point. Virgule et Imcom et l'utilisation prétendument abusive d'un téléphone portable par la mère de M. Y.... La facture "Prologue software", émise en décembre 2001, pour des prestations effectuées en juillet 2001 a été réglée par la débitrice en janvier 2007 : il ne peut donc s'agir d'une facture de « complaisance » comme semble le soutenir l'appelante et alors qu'il est au surplus démontré le contenu et l'efficience des prestations. L'échelonnement du paiement de cette facture (émise alors que M. Y... n'était pas encore salarié de la Société EQUITY CONSEIL) relevait des pouvoirs décisionnels du président Y... et peut doutant moins lui être reproché que la nouvelle direction a procédé de même façon le 9 décembre 2003 pour soutenir financièrement ce client. Il est dès lors inutile d'examiner les éléments de prescription ou de l'absence de prescription avancés par les parties. Le prêt qui a été octroyé par la Société EQUITY CONSEIL à l'entreprise «Point Virgule » l'a été avant la reprise de la Société EQUITY CONSEIL par le groupe DDB et a été remboursé avant l'acquisition par le groupe DDB qui avait d'ailleurs fait faire un audit de pré- acquisition et était informé de tous ces éléments. Le reproche fait au salarié est donc pour le moins singulier alors que les factures émises sur cette entreprise sont antérieures de neuf mois au licenciement, qu'elles étaient parfaitement connues des services comptables de la Société EQUITY CONSEIL en charge de toute la gestion administrative et financière ce qui implique que ce reproche est couvert par la prescription en cette matière, qu'elles n'ont donné lieu à aucune interrogation ou reproche de la part de l'entreprise débitrice et que les attestations produites sont parfaitement probantes des formations suivies par les deux salariés contrairement à ce que tente de démontrer l'appelante. C'est ajuste titre que les premiers juges ont relevé que la Société EQUITY CONSEIL ne procédait que par allégations sans apporter le moindre élément probant ; elle est tout aussi défaillante en appel. Trois factures ont été adressées, pour les trois premiers trimestres 2002, à IMCOM (8 février ; 2 avril ; 29 juillet). Selon « Eugénie » du service de facturation DDB, M. Y... admettait qu'elles faisaient doublon et en demandait l'annulation. Ces faits dont la Société EQUITY CONSEIL avait connaissance dès le 23 octobre 2002 sont au surplus prescrits. Le contrôle régulier des lignes téléphoniques par les services comptables de DDB (cf. Courriels) démontre la parfaite connaissance que ce groupe avait de la mise à disposition de Mme Y..., mère de l'intéressé, d'un téléphone portable. Cette décision était antérieure à l'acquisition des actions par le groupe. Son maintien jusqu'à fin mai 2002 pour permettre le transfert des connaissances comptables (effectué par Mme Y...) à l'expert-comptable qui en atteste, était justifié. M. Y... démontre, par les relevés téléphoniques de ce portable, les appels passés en direction de l'expert-comptable, de la Société EQUITY CONSEIL, de l'agence bancaire de celle-ci. Ce téléphone a été rendu à la Société EQUITY CONSEIL, en février 2003 et a été utilisé depuis lors par Madame B.... Ces données n'ont pas été contestées par l'appelante. Cette décision de poursuite de l'utilisation de ce téléphone, du 11 janvier 2003 à fin février 2003 (les faits antérieurs sont prescrits pour être connus des services de DDB) relevait des pouvoirs du président et non du salarié. « Concernent les fonctions salariales les reproches ci-dessous examinés : Concernant l'utilisation jugée abusive par M. Y... de son téléphone portable, la Cour ne peut que constater que la Société EQUITY CONSEIL .appelante, inverse la charge de la preuve en imputant au salarié celle de faire la démonstration d'une utilisation normale. II lui appartient pourtant de démontrer une utilisation abusive ce en quoi elle est totalement défaillante. Concernant les congés « abusifs », M. Y... soutient avoir pris 2 semaines en juillet 2002, 1 semaine en août 2002 et 3 semaines en décembre 2002, soit 6 semaines pour la totalité de l'année 2002, périodes pendant lesquelles il est resté joignable à tout moment comme en atteste une salariée et périodes pendant lesquelles il a consacré une partie de son temps au travail comme les communiqués de presse publiés les 5 juillet, 9 juillet, 25 juillet et 14 août 2002 en apportent la preuve. Si les bulletins de salaire qu'il produit ne mentionnent pas les congés payés pris, ce n'est pas l'attestation de Mme COSTES- C... qui ne peut apporter la preuve d'un caractère anormal et de la réalité de neuf semaines de congés payés alors que la Société EQUITY CONSEIL n'a jamais formulé un quelconque reproche, observation ou demande d'explications auprès de M. Y.... Compte tenu du nombre de courriels (très important et constant) échangés entre ce dernier et les différents services du groupe DDB, il apparaît non plausible que M. Y... ait pris tant de congés sans que personne au sein de ce groupe n'en ait été avisé ou ne s'en soit aperçu. Dès lors la remarque relative à l'absence de tout reproche prend ici tout son sens. Concernant le reproche de démotivation, il apparaît étonnant qu'alors que des réunions mensuelles de « reporting financier » avaient lieu au sein du service du groupe DDB avec une analyse précise et fine de la situation, il faille à la Société EQUITY CONSEIL une attestation de Mme D... pour décrire « le dilettantisme du président (sic)» dont l'appelante ne se serait pas aperçue par ailleurs et alors que les tableaux de suivi de la marge brute et des portefeuilles, établis les services de DDB démontrent la parfaite connaissance, non seulement de l'état de la Société EQUITY CONSEIL mais aussi de l'activité de chacun des agents commerciaux . La dépendance salariale de l'attestante qui n'hésite pas à se qualifier de « supérieure hiérarchique » du président explique qu'elle se soit laissée aller, sous la pression peu subtile de son employeur, comme indiqué ci-dessus, à des appréciations manifestement dictées pour les besoins de la cause et parfaitement combattues par les trois attestations d'autres salariés versées aux débats par M. Y.... L'appelante s'arrête, curieusement, dans la citation des chiffres de ses tableaux à l'année 2003, omettant de citer le chiffre catastrophique de 2004 (730 de marge brute au lieu de 1273 en 2003) et d'expliquer les raisons de la progression générale suivante de la marge brute (en millions d'euro) : 2000 1554, 2001 2411, 2002 1754, 2003 1273, 2004 730. II ne fait pourtant pas de doute que le pic de 2001 a une explication, l'année 2002 étant meilleure que l'année 2000 même si elle est inférieure à 2001 ; il apparaît aussi intellectuellement malhonnête d'imputer le résultat 2003 au seul M. Y... alors que celui-ci a été licencié pour faute grave (donc avec départ immédiat) en mars 2003. Cette omission permet à l'appelante d'avancer la chute vertigineuse du pourcentage du portefeuille de M. Y... à 18 (pour un trimestre sur les quatre dans l'année !). Cependant l'explication de la chute de 2002 ./. à 2001 se trouve dans une note interne datée du 10 octobre 2002, émanant de M. E..., directeur financier de la Société DDB communication France ainsi rédigée : « 2002 a été une année difficile pour Equity, tant en termes de New business qu'en termes de stabilité du portefeuille de clients existants. L'objectif majeur pour 2003 est l'atteinte d'un taux de profit minimum de 20% malgré le contexte boursier dégradé et à périmètre constant». M. Z..., déjà cité, indiquait dans un courriel du 14 octobre 2002 le « contexte économique difficile pour l'Agence » et la démotivation de M. Y..., dans ses fonctions salariées de consultant, n'est donc pas établie. L'évocation par l'employeur de la création par M. Y... d'une entreprise «Vivre au Sud» pour renforcer sa démonstration et « expliquer » cette démotivation, implique pour l'appelante de faire la preuve de la distraction d'un temps de travail au détriment de l'entreprise et de l'interférence néfaste de cette activité pour le groupe : il convient de constater que l'appelante est défaillante dans toutes ses preuves puisqu'il ne s'agit que d'allégations destinées à renforcer sa démonstration. Le 11 mars 2003, M. Z..., au nom du comité de surveillance de la Société EQUITY CONSEIL notifiait à M. Y... une lettre de convocation à un entretien préalable, lettre assortie d'une mise à pied conservatoire. Devant le refus de M. Y... de quitter les lieux, M. Z... faisait alors appel à un huissier vers 18 heures et devant la confirmation du refus de quitter les lieux, faisait appel aux services de police qui ont dressé un procès-verbal de leur intervention de même que l'huissier a dressé un constat. M. Y... ne conteste pas ses refus de quitter les lieux, réitérés jusqu'au 20 mars 2003. Il les justifie par l'incompétence de l'organe chargé de lui notifier un ordre dès lors abusif. Ainsi que l'indique M. Y..., le comité de surveillance de la Société EQUITY CONSEIL n'est pas un conseil de surveillance légalement institué mais un comité conventionnel dont les pouvoirs sont définis par les statuts et non pas loi : il résulte en effet de l'article 17 des statuts qui définit les pouvoirs du comité de surveillance que cet organisme n'a nullement le pouvoir de licencier des salariés, ce pouvoir appartenant au président aux termes de l'article 16 des statuts qui précise : "la Société est représentée, dirigée et administrée par un Président ....qui dirige la Société et la représente à 1 ' égard des tiers". II appartenait donc à la Société EQUITY CONSEIL d'attendre la révocation de M. Y... en tant que président et de nommer un nouveau président pouvant ainsi engager la procédure de licenciement, ce qui a été fait lors de l'assemblée générale du 20 mars 2003, le nouveau président notifiant le licenciement à M. Y.... C'est donc à bon droit que M. Y... soutient que le refus de se soumettre à un ordre abusif émanant d'un organe incompétent ne peut être constitutif d'une quelconque faute. Il convient donc de réformer la décision en ce qu'elle a dit que le licenciement de M. Y... reposait sur une cause réelle et sérieuse, de débouter la Société EQUITY CONSEIL de son appel incident et de dire que M. Y... a été licencié sans cause réelle et sérieuse. »

1) ALORS QUE la Cour d'appel a elle-même admis l'obligation de Monsieur Y..., au titre de ses fonctions salariées, de procéder à un reporting financier chaque mois auprès des managers du groupe (arrêt attaqué page 4 §1); qu'il s'en induisait que Monsieur Y... était tenu, dans le cadre de ses fonctions salariées, de procéder à un contrôle de la facturation et d'en rendre compte sincèrement; qu'en écartant néanmoins les griefs tenant à l'établissement de la facturation au prétexte que l'administration de la société relevait de ses fonctions de mandataires sociaux, la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles L.122-1-1, L.122-14-3 et L.122-14-4 du Code du travail ;

2) ALORS en tout état de cause QUE les fautes commises dans le cadre de l'exercice d'un mandat social sont de nature à justifier la rupture du contrat de travail dont bénéficie l'auteur de ces fautes dès lors qu'elles sont de nature à faire obstacle à la poursuite de la relation de travail ; qu'en omettant en l'espèce d'examiner si les fautes commises par Monsieur Y... dans l'établissement de la facturation et l'utilisation des biens sociaux n'étaient pas de nature à interdire la poursuite de la relation salariée, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L.122-14-3 et L.122-14-4 du Code du travail ;

3) ALORS QUE les juges du fond sont tenus d'examiner l'ensemble des griefs de licenciement formulés dans la lettre de rupture ; que dans la lettre de licenciement, l'employeur ne se prévalait pas seulement du fait que le salarié avait pris neuf semaines de vacances en huit mois, mais encore du nombre de ses absences, des week-ends prolongés fréquents, des absences réitérées durant des journées entières du bureau, des arrivées tardives et des départs en début d'après-midi ; qu'en omettant d'examiner la réalité de ces griefs pour se contenter d'affirmer de l'employeur ne pouvait pas se prévaloir du nombre trop élevé de congés pris par le salarié, la Cour d'appel a violé l'article L.122-14-3 du Code du travail ;

4) ALORS QUE les juges du fond sont tenus d'examiner l'ensemble des griefs de licenciement formulés dans la lettre de rupture ; qu'en l'espèce, l'employeur ne reprochait pas seulement au salarié un manque d'implication et des résultats insuffisants, mais également le fait que « la politique commerciale de l'Agence s'avère inexistante » et que « les opérations commerciales de recherche de clients nouveaux, les opérations de relations publiques pourtant fondamentales à l'image de marque de notre société sont totalement arrêtées depuis plusieurs mois à votre initiative » ; qu'en omettant d'examiner ce grief, la Cour d'appel a violé l'article L.122-14-3 du Code du travail ;

5) ALORS QUE l'existence d'un contrat de travail suppose l'existence d'un pouvoir de direction ; qu'aussi, lorsque le salarié est également mandataire social, et plus particulièrement président du conseil d'administration, il doit être regardé, pour l'exercice de ses fonctions salariées, comme soumis au pouvoir de direction de l'associé majoritaire ; qu'en l'espèce la Cour d'appel a admis que Monsieur Y... avait pu conclure un contrat de travail avec la société bien qu'il en était déjà Président du Conseil d'administration ; qu'en niant cependant l'existence d'un lien de subordination auquel il devait se soumettre, et en retenant qu'il ne pouvait être mis à pied avant que son mandat de président ne soit révoqué et qu'un nouveau président soit nommé, la Cour d'appel a violé les articles L.122-1-1 et suivants du Code du travail ;

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société EQUITY CONSEIL à payer à Monsieur Y... 45.000 euros au titre du préjudice subi du fait du respect des obligations de la clause de « respect de la clientèle » nulle ;

AUX MOTIFS QUE « Le contrat de travail de M. Olivier Y... comporte la clause suivante : "Engagement de loyauté Monsieur Olivier Y... s'oblige de manière inconditionnelle, tant qu'il exercera ses fonctions dans la société et pour une durée de deux années à compter du jour où il cessera ses fonctions : 1. à ne pas démarcher pour son compte ou pour celui des tiers et sous une forme quelconque la clientèle de la société et même des entreprises avec lesquelles une proposition de service aurait été formulée dans les six mois qui auront précédé la cessation des fonctions et sachant que cette disposition vise exclusivement l'activité de communication financière, 2. également, à ne pas démarcher, pour son compte ou celui de tiers, du personnel employé par la société ainsi que tous cadres ou personnel d'encadrement qui aurait quitté la société depuis moins d'un an. " Cette clause s'applique à tous les clients de la société ; elle concerne des entreprises qui ne sont pas encore clientes de la société pour avoir été approchées" mais ne pas être encore déclarées comme telles ; elle n'a aucune limitation géographique ; elle n'est assortie d'aucune contrepartie financière : cette large définition démontre qu'une telle clause, dite de "respect de clientèle" et non de "non-concurrence", contrevient au principe fondamental du libre exercice d'une activité professionnelle. Elle doit par conséquent être déclarée nulle, aux termes d'une jurisprudence (C. Civ. 30/06/04) qui n'est nullement isolée (C. Civ. V07/11/06) et qui ne contrevient nullement à une jurisprudence (C. Commerciale 11/07/06) intransposable au cas présent. Contrairement à ce qu'elle soutient, la société ne démontre pas que M. Y... aurait violé cette clause : si elle argue, de ce qui est dans le domaine public à savoir que M. Y... est actionnaire minoritaire et administrateur de la Sté BELVEDERE, elle extrapole ce fait pour affirmer, sans preuve, que dès le mois d'août 2003 il assurait la communication financière de cette société, sa cliente, avec laquelle les relations ont été rompues en juin 2004. Au contraire M. Y... démontre, par l'attestation de M. F..., PDG de la Sté BELVEDERE, (factures à l'appui jusqu'en juin 2004) de l'existence de relations commerciales continues entre cette société et son ancien employeur. Compte tenu de la restriction du champ de liberté d'exercice d'une activité professionnelle dans un domaine étroit (communication financière de certaines entreprises), et de la durée de 21 mois de chômage de M. Y... qui ne peut être jugé sans aucun lien de causalité avec une telle clause, la Cour estime que le préjudice subi par le salarié doit être évalué à la somme de 45000 .»

ALORS QUE la clause selon laquelle le salarié est tenu de ne pas démarcher la clientèle de son ancien employeur n'est pas une clause de non-concurrence ; qu'en jugeant en l'espèce que la clause, qui laissait au salarié toute liberté de rentrer au service d'une entreprise concurrente ou de lui-même en créer une, selon laquelle Monsieur Y... « s'engageait à ne pas démarcher pour son compte ou pour celui des tiers et sous une forme quelconque la clientèle de la société et même les entreprises avec lesquelles une proposition de services aurait été formulée dans les six mois qui auront procédé la cessation des fonctions et sachant que cette disposition vise exclusivement l'activité de communication financière » constituait une clause de non-concurrence nulle en l'absence de contrepartie financière, la Cour d'appel a violé l'article a violé les articles 1134 du Code civil, L.120-2 du Code du travail et le principe de la liberté du travail par fausse application ;


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 07-43371
Date de la décision : 10/12/2008
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 25 avril 2007


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 10 déc. 2008, pourvoi n°07-43371


Composition du Tribunal
Président : Mme Quenson (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Delaporte, Briard et Trichet, SCP Gatineau et Fattaccini

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2008:07.43371
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