LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur les deux moyens réunis :
Attendu, selon les arrêts attaqués (Paris, 7 décembre 2006 et 11 janvier 2007), que le groupement d'intérêt économique Paris mutuel urbain (le PMU) a assigné en référé la société Zeturf limited pour faire cesser un trouble manifestement illicite résultant de la violation par cette société du droit exclusif du PMU sur la prise de paris sur les courses hippiques ; que par ordonnance du 8 juillet 2005, le juge des référés a fait injonction sous astreinte à la société Zeturf limited de mettre fin à l'adresse de son site internet à l'activité de prise de paris en ligne sur les courses hippiques organisées en France et d'employer tous moyens à sa disposition pour faire cesser toute contribution de sa part à l'exploitation de cette activité ; que le PMU a demandé à un juge de l'exécution la liquidation de l'astreinte ;
Attendu que la société Zeturf limited fait grief aux arrêts d'accueillir cette demande, alors, selon les moyens :
1°/ que l'ordonnance de référé du 8 juillet 2005 a ordonné sous astreinte « à la société Zeturf limited de mettre fin à l'adresse (www.zeturf.com) à l'activité de prise de paris en ligne sur les courses hippiques organisés en France » ; qu'en affirmant, pour dire que le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Paris était compétent pour liquider ladite astreinte, que l'ordonnance ayant prononcé l'injonction assortie d'une astreinte avait interdit toute possibilité de prendre des paris sur le site de la société Zeturf depuis la France, de sorte qu'il incombait à cette société « de mettre fin à cette connexion depuis la France », quand l'ordonnance de référé n'avait pas interdit toute possibilité de connexion des internautes français sur ce site étranger, mais exclusivement enjoint à la société Zeturf de cesser la prise de paris en ligne sur les seules courses hippiques organisées en France, en raison du monopole du PMU, la cour d'appel, qui a dénaturé l'ordonnance fondant les poursuites, a violé l'article 4 du code de procédure civile ;
2°/ que l'astreinte est une mesure de contrainte à caractère personnel visant exclusivement à sanctionner le débiteur récalcitrant en cas d'inexécution par celui-ci d'une obligation à laquelle il a été personnellement condamné ; que le juge saisi de l'exécution d'une ordonnance de référé destinée à faire cesser sous astreinte un trouble manifestement illicite prétendument commis par une personne domiciliée à l'étranger, ne peut, en droit français comme en droit communautaire, se déclarer territorialement compétent que si le lieu d'exécution de la mesure assortie d'une astreinte, est situé dans son ressort territorial ; qu'il résulte des propres énonciations de l'arrêt rectifié attaqué que le juge des référés avait enjoint, sous astreinte, à la société, domiciliée à Malte, Zeturf de faire cesser certaines prises de paris en ligne que cette société réalisait à partir de son site internet ; qu'en décidant que la localisation à Malte du centre technique à partir duquel la mise en ligne de la prise de paris litigieuse avait été opérée ne constituait pas le lieu d'exécution de la mesure ordonnée visant précisément à faire cesser la situation ainsi créée, la cour d'appel a violé les articles 22 et 25 du règlement CE n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, ensemble l'article 9 du décret du 31 juillet 1992 ;
3°/ que le juge saisi de l'exécution d'une décision de justice ne peut se déclarer territorialement compétent qu'après avoir précisément établi le lieu d'exécution de la mesure ordonnée ; qu'en retenant, pour dire que le juge de l'exécution de Paris était territorialement compétent, qu'il n'était nullement établi qu'il ne pouvait pas être mis fin à la connexion « depuis la France ou ailleurs » quand il lui appartenait de déterminer avec précision le lieu d'exécution de l'injonction assortie d'une astreinte, la cour d'appel a violé les articles 22 et 25 du règlement CE n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, ensemble l'article 9 du décret du 31 juillet 1992 ;
4°/ que si le juge des référés du tribunal de grande instance dans le ressort duquel le dommage a été subi est territorialement compétent pour faire cesser un trouble manifestement illicite, le juge de l'exécution territorialement compétent est, en revanche, au choix du demandeur celui du lieu où demeure le débiteur ou celui du lieu d'exécution de la mesure ; qu'en déterminant la compétence du juge de l'exécution chargé de liquider une astreinte à partir de celle du juge des référés ayant ordonné, sous astreinte, une mesure d'exécution destinée à faire cesser un trouble manifestement illicite, la cour d'appel, qui a confondu la compétence de la juridiction dans le ressort duquel le dommage a été subi avec celle de la juridiction du lieu d'exécution de l'injonction ordonnée, a violé les articles 46 et 809 du code de procédure civile, ainsi que l'article 9 du décret du 31 juillet 1992 ;
5°/ que les décisions rendues en référé dans un Etat membre et qui y sont exécutoires ne sont mises à exécution dans un autre Etat membre qu'après y avoir été déclarées exécutoires par les autorités de celui-ci sur requête de toute partie intéressée ; qu'en affirmant, pour fixer le point de départ de l'astreinte 48 heures après la remise de l'acte de signification de ladite ordonnance au siège social de la société, que l'injonction faite à la société étrangère Zeturf était à accomplir en France, bien que le siège social et les installations techniques de cette société fussent situés à Malte, la cour d'appel a violé les articles 32 et 38 du règlement CE n° 44/2001 du conseil du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale ;
6°/ que toute décision rendue et exécutoire dans un Etat membre n'est mise à exécution dans un autre Etat membre qu'après y avoir été déclarée exécutoire par les autorités de ce pays, sur requête de toute partie intéressée ; qu'en considérant que la décision de liquidation d'astreinte prononcée à l'encontre de la société maltaise Zeturf était exécutoire de plein droit, bien que l'exécution à Malte de cette condamnation pécuniaire fût subordonnée à l'exequatur préalable des autorités de cet Etat membre, la cour d'appel a violé les articles 32 et 38 du règlement CE n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale ;
Mais attendu que le juge compétent pour liquider une astreinte lorsque le débiteur demeure à l'étranger étant celui du lieu d'exécution de l'injonction, c'est sans méconnaître les dispositions des articles 38 et 49 du règlement (CE) du 22 décembre 2000, inapplicables aux décisions rendues par une juridiction française devant produire leurs effets sur le territoire national, que la cour d'appel a retenu qu'en raison de l'accessibilité du site sur l'ensemble de ce territoire, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Paris était compétent pour se prononcer sur la demande ;
Et attendu que c'est par une interprétation nécessaire, exclusive de dénaturation, que la cour d'appel a retenu que l'obligation fixée par l'ordonnance du 8 juillet 2005 tendait à empêcher la prise de paris sur le site internet de la société Zeturf limited depuis la France et devait être exécutée dans cet Etat ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE la demande de sursis à statuer ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Zeturf limited aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes respectives des parties ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six novembre deux mille huit.